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Le village. (8)


Criterium

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Partie 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7

Le chasseur de papillons nous serra la main — je remarque que de même que sa voix de basse m'avait surpris, sa poigne particulièrement ferme, presque brutale, m'avait étonné, car elle ne me semblait pas correspondre à celle d'un homme ayant passé sa vie dans un laboratoire. C'était aussi le contraste entre l'énergie rugueuse qu'il dégageait, et l'aspect fatigué de sa femme, qui me parut étrange. Nous redescendions ensemble le flanc de la montagne, en direction du lac; l'homme continuait à jeter de vifs coups d'œil dans une direction ou une autre, à l'affût de nouveaux insectes virevoltants.

Notre discussion fut assez brève - il ne semblait qu'à moitié disponible, sans doute n'était-ce pas le meilleur moment pour lui poser des questions ouvertes. Peut-être à cause du fait que ce moment fût inopportun, je ressentis quelque chose d'un peu étrange avec cet homme; comme s'il voulait nous éviter. Dans mon métier, l'on ne fonctionne en principe qu'avec des preuves et des faits tangibles; il serait cependant faux de prétendre que l'intuition n'avait pas joué un rôle-clé lors de précédentes aventures. Et là, cette intuition me le disait clairement: le vieux chercheur cachait quelque chose.

Nous nous éloignions en silence, revenant en direction du village. Finalement arrivés aux premières maisons, je ne pus m'empêcher de confier mes doutes à Jean; — "J'ai eu la même impression", me répondit celui-ci. Ainsi, à défaut de pouvoir discuter directement avec l'homme, je demandai à mon compagnon s'il pouvait me donner quelques autres informations sur lui. Par exemple, quand avait-il pris sa retraite? Jean n'était pas complètement sûr, mais calcula que cela devait remonter à à peu près 5 ans. Son poste avait été dans une grande ville, au-delà de N**, d'où le fait qu'il ne faisait à l'époque pas le voyage tous les jours, mais seulement en fin de semaine. Je lui demandai s'il savait où s'était trouvé — où se trouvait peut-être encore? — son appartement pendant la semaine: cependant, Jean ne le savait pas. Ces temps-ci, le chercheur s'absentait de temps en temps pour se rendre à des réunions de passionnés d'entomologie, certes; mais pour autant nous ne savions pas s'il avait conservé son ancien appartement ou prenait une chambre d'hôtel. Nous nous assîmes un instant sur un banc faisant face au lac.

Je sortis un petit carnet de note, afin de remettre mes idées au clair:

— On avait retrouvé des autels en forêt, contenant une photo de la maîtresse du maire, M. Griboux, et un gilet ayant appartenu à sa fille, Églantine, tuée par un psychopathe enfermé à N** - il y a quinze ans.

— Une pâte végétale pouvait correspondre à ce que la "Marie", l'herbaliste, avait décrit comme une substance chamanique.

— Églantine avait appris de vieux remèdes de la vieille femme, et les autres personnes du village ne voyaient pas d'un bon œil cette proximité qu'elles avaient.

— Huit hommes et quatre femmes étaient entrés en contact avec les divers objets de l'autel. Ce soir nous pourrions tester et éliminer tous ceux qui avaient participé aux recherches. Comme nous étions tous des hommes, l'identité de ces femmes me paraissait d'autant plus mystérieuse et importante à déterminer.

Comment faire sens de tout cela?

À première vue, ça m'avait de plus en plus l'air d'une affaire de chantage. Clairement, quelqu'un voulait faire pression sur M. Griboux afin d'obtenir quelque chose — quoi? — et cette personne pourrait bien être un drogué. Il faudrait que je demande s'il y eut des affaires de stupéfiants par le passé. En même temps, je commençais à soupçonner que certaines choses n'étaient pas ce qu'elles devaient paraître; je voulais de plus en plus rencontrer cette fameuse maîtresse, qui était clairement l'autre point focal de l'affaire. Elle vivait en dehors du village, dans la ville de N**, où le maire était souvent amené à rencontrer ses homologues. Par ailleurs, les soupçons que François, le chercheur et entomologiste, m'avait évoqués me faisaient me demander s'il ne fallait pas trouver un moyen de tester les traces ADN de lui et de sa femme. Et il y avait la possibilité que celui-ci ait eu, ou ait encore, un deuxième logement en ville. Je commençais à me demander si ces deux-là se connaissaient...

Je pense que je vais aller faire un tour à N** demain.

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