Le réveil sonne. L'homme se jette hors de son lit, happé par l'alarme: l'habitude d'une discipline de fer. Cette chambre ressemble plutôt à une cellule; dans la station, toutes ne possèdent qu'un petit lit - un banc avec couvertures serait plus juste - et un bureau rudimentaire. Les murs sont en acier, et les rivets sont apparents. Il sort.
Le long des corridors, la tuyauterie suit le plan de la base. À intervalles réguliers des régulateurs électriques marmonnent, formant un bruit de fond monotone; sans cela, le silence serait profond, total. L'homme s'est déjà habitué à entendre distinctement les battements de son cœur et le flux de son sang dans les vaisseaux derrière ses oreilles; régulièrement il se parle à lui-même, s'encourageant quant aux actions à mener. — L'hiver est long! En tant que seul personnel de garde, chaque jour il doit vérifier le bon fonctionnement des systèmes de la station. Cela permet d'éviter le moindre problème, les conditions climatiques menaçant constamment de geler et d'endommager irréversiblement plomberie et électronique. Ainsi, une routine diligente et une quantité de check-list structurent le quotidien.
Chaque jour il faut également faire le tour de la base; pour cela, plus d'une demi-heure est requise pour enfiler combinaison, mitaines, lunettes de protection... dans le sas, la température chute et fait déjà frissonner — dès le premier pas dehors, le froid brûle et semble pénétrer par tous les minuscules interstices des vêtements; chaque expir forme un épais petit nuage, une fumée tangible. C'est comme un second réveil d'abord, puis, dès la moitié du chemin, déjà un étourdissement dangereux. Alors il presse le pas et espère que les structures extérieures sont R.A.S. — Une demi-heure plus tard, il sera à nouveau à l'intérieur, les mains violettes, les sourcils dégivrant lentement, devant une immense coupe de café très chaud.
Malgré cela - l'hiver est long, et il reste de longues heures à occuper; l'homme alors reste penché sur d'épais livres d'échecs, analysant des positions complexes et étudiant les jeux de grand-maîtres sur un bel échiquier en bois. Ou alors, il se parle à lui-même, et imagine comme un acteur de fortune exprimer ainsi telle ou telle partie de sa personnalité dans des scénarios imaginaires. De temps en temps, il lui semble presque que l'un de ces personnages prenne corps, et se trouve bien en face de lui lorsqu'il lui donne la réplique.
Récemment quelque chose d'autre est venu; est-ce l'une de ces illusions qui a germé, ou est-ce une Présence ayant voyagé jusqu'ici par-delà les plaines glacées? — C'est souvent tard le soir — la Nuit est déjà tombée depuis des mois — comme une forme sombre, une fumée noire entre-aperçue du coin de l'œil, là où aucune image ne se fixe. Sans doute n'est-ce que l'effet du gel sur son cerveau provoquant quelques hallucinations, mais il s'est habitué à cette étrange invitée, cette Entité noire l'observant dans le silence le plus total lorsqu'il s'endort...
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