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Douze ans


querida13

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Je remonte la pente et surmonte le traumatisme du déménagement.Ma vie est faite de rencontres très nombreuses, rapides, peu approfondies,les gens y défilent,n' y stationnent guère.Seule la famille -et elle est nombreuse-est le pôle de fixité de mon existence, du moins pendant la première quinzaine d'années.

Je changerai,l'an prochain, de classe pour aller vers une section plus avancée en attendant je rattrape mes retards en comblant mes lacunes en travaillant pendant les vacances.Pour mes parents ce furent des vacances sans engagement en colo,et surtout un été mouvementé à décorer la maison.

Pour moi ,ce fut un morne et chaud été,ennuyeux à périr.Je révisais mes gammes,lançais des balles au chien,prenais mon vélo pour faire le tour du quartier désert,j'étais en début de crise d'adolescence ,vaguement boutonneuse,rondelette,échevelée par mes courses,un peu sauvageonne au milieu de mes collines,les jambes griffées par les chênes kermès,je m'ennuyais comme un rat mort.De temps en temps je piquais une tête dans le petit bassin de rétention d'eau pour me rafraîchir.

Je comprenais que mon corps ne grandirait plus guère.Cela ne me convenait pas!Je voulais être grande :je ne le serai jamais.Je n'aimais pas mon physique,je ne ressemblais pas absolument pas aux brunettes efflanquées du coin.

Les deux premières années au collège furent agréables,j'aimais bien mes petits camarades.

Mon prof de piano était arménien.Il était plutôt exigeant,parfois mal embouché.Je continuais à apprendre les classiques favoris,il me fit faire d'affreux exercices techniques dissonants:une torture pour les doigts,une torture pour l'appareil auditif.Mon père qui regardait son journal télévisé,me chassait du salon en me disant que je lui cassais les oreilles et que je ne progressais plus!

On me donna du Bach à jouer,je n'aimais pas,du Beethoven,ô délice,du Schumann...

A chaque fois que j'avais une bonne note on m'offrait un disque et j'eus bientôt une énorme discothèque classique.Au lycée, j'avais un bon prof qui m'enseigna honnêtement l'histoire de la musique,ô bonheur ,je l'eus quatre ans .

Après tout passé quatre cents ans ,il ne nous reste pas grands vestiges des compositions du passé et je pensais que connaître les éléments de notre culture européenne n'était pas au dessus de mes forces.Je fis des recherches,en questionnant les amateurs de musique autour de moi et mon prof continua à faire son honnête travail en nous faisant auditionner des morceaux choisis de sa discothèque, car ô miracle, la salle de cours était équipée d'un électrophone décent assorti d'une sono stéréo sur lequel il nous faisait passer des merveilles:Gluck,Carpentier,Albinoni,Mozart,Tchaikowsky,Brahm,Liszt

,Ravel,Debussy,Wagner...mais un peu trop chichement à mon goût tandis que les béotiens branchouilles du quartier râlaient qu'on leur fasse entendre de telles vieilleries!

J'achetais ce qui me plaisait ,ce qu'on me conseillait,ce que je parvenais à écouter quand les disquaires faisaient démonstration dans les magasins de disques,ce qui accrochait mon attention sur France Musique.

Tandis qu'en classe,Nous apprîmes quelques chants médiévaux.

Le prof tenta de nous apprendre quelques morceaux de flûte ,nous étions trente en classe mais le pauvre résolut de nous apprendre la note LA et nous la fit jouer il jugea que cela sonnait comme la sonnerie du métro marseillais;il sua sang et eau pour nous apprendre les cinq notes de la main gauche et nous réussîmes à interpréter en un unisson variable, un petit morceau qui répétait le plus souvent possible, trois notes: un exploit.

C'était louable:c'est peut être la seule situation d'apprentissage d'un instrument que certains ont expérimentée.J'appris à jouer de la flûte à bec pratiquement seule.J'ai toujours dans un coin de la tête le vieux morceau d'autrefois.Je le sais toujours.Mais désormais,je soufflote une vingtaine d'air,en l' honneur de mon vieux mentor!

Au centre artistique ,il y a de l'orage dans l'air ,le prof a décidé de nous faire passer une audition ,sur la plus jolie avenue de Marseille :le Prado,dans l'église arménienne!Stressé par l'échéance de l'épreuve de la scène,Il est d'une humeur massacrante,il houspille les gamins,entre dans des colères noires,il est déshonoré,nous ne serons jamais prêts pour le spectacle,nous serons la risée du quartier.Pour complaire à ce fou furieux nous mettons les bouchées doubles;nous nous battons ardemment contre les doubles croches,les passages du pouce,nous plaçons les nuances,et nous jouons en mesure,oui en mesure,sous les martèlement hystériques du gnome gesticulant.Enfin le grand jour arrive,ma mère m'a fait une jupe de satin bleu je suis jolie comme un coeur.

Décidément Kulhau me réussit,je joue avec plaisir ,sans me tromper,au terme d'une soirée laborieuse dans une salle impersonnelle,un brillant rondo vivace.Les parents demandent au prof de clore la soirée.Las,le malheureux prof épuisé par ses répétitions forcenées et intensives n'a pas prévu le coup!il dit qu'il n'a pas beaucoup travaillé lui- même alors qu'il a consacré tant d'énergie à ses élèves et massacre la danse du feu d'Aram Katchkaturian.Mais tout le monde est content.A la fin de l'année, Je finis par obtenir un autre concours et je passe en moyen I.

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