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Marioons blog

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Rejoignons l'océan


Marioons

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Lorsque l’on s’interroge sur le rapport de l’homme à lui-même et à l’autre, il semble ressortir plusieurs choses essentielles et intimement liées :

1) On ne peut savoir ce qu’est la bientraitance et l’appliquer véritablement, à soi et aux autres, si l’on n’a pas conscience de ce qu’est la maltraitance, et où elle commence véritablement. On ne peut être véritablement, sincèrement et durablement doux avec les autres si on ne sait l’être avec soi-même. La maltraitance commence de façon subtile : l’indifférence, la culpabilisation, le chantage affectif, la non écoute et/ou non considération respectueuse des émotions et besoins, de soi et de l’autre, tout cela est dejà maltraitance. Les coups physiques n’en sont que l’expression extrême et visible.

Nous attendons souvent d’être physiquement et gravement malades avant de réagir (et commencer, dans le meilleur des cas, à ralentir et s’écouter, dans le pire à courir partout à la recherche d’un traitement radical quitte à ce qu’il soit violent. Une maltraitance de plus). De la même manière, nous attendons que la violence mondiale soit palpable et meurtrière avant de commencer à nous interroger sur ses origines subtiles.

2) Sur le mode victime, passif, on a tendance à revivre les traumatismes refoulés de notre enfance tout au long de notre vie, dans des situations plus ou moins similaires ou déguisées, mais où la dynamique est la même (ex : patron abusif mais en apparence mielleux et honnête qui renvoie à un père abusif mais qui se faisait passer pour juste et que l’on a cru / Mari indifférent ou toujours occupé qui renvoie à un père ressenti comme absent ou dont on pensait ne pas mériter l’attention ou l’amour… Exemples déclinables à l’infini selon la perception subjective de chacun, le degré de conscience et la nature des maltraitances subies.)

3) Sur le mode bourreau, actif ou passif-agressif, on a tendance à reproduire consciemment ou non sur les autres les maltraitances subies non conscientisées. Cela décharge momentanément le mal-être et évite de s’exposer au danger apparent et à l’effort d’un élargissement de conscience, mais entretient le cercle vicieux.

4) Sur le mode sauveur, "suractif", fuite en avant, on va porter le poids du monde sur nos épaules quitte à s'oublier soi et à blesser notre entourage proche, trop occupés que l'on est à s'investir dans une "mission divine". Trop insécures pour faire confiance à qui que ce soit d'autres qu'à nous-mêmes et à quoi que ce soit d'autre qu'à l'action, et pour oser prendre le risque de lâcher-prise et ainsi constater que l'on peut être aimé pour ce que l'on est et non pour ce que l'on fait.

Et on tourne, on tourne, dans cette ronde infernale, d'un rôle à l'autre, sans jamais avoir la sensation de pouvoir se reposer vraiment. Se re-poser. Se poser à nouveau sur des fondations stables et bienveillantes. Pouvoir, enfin, se laisser aller et faire confiance à la vie.

Quel est le sens de tout cela ?

Pourquoi en sommes-nous venus à croire que la douceur, l’amour, le droit de vivre en paix, ça doit se « mériter » ? Nous sommes-nous vraiment interrogés sur le sens, la légitimité et les conséquences en nous et dans le monde de ce concept de « mérite » ?

Pourquoi en sommes-nous venus à nous jeter dans la gueule de loups, déguisés en agneaux voire pas déguisés du tout ? Pourquoi en venons-nous parfois presque malgré nous à devenir le loup des autres ?

Pourquoi les relations humaines sont elles plus empruntes de manipulation, de peur et de contrôle que de sincérité, de confiance et de lâcher prise ?

Est-ce une fatalité ? Peut-on se résigner à dire « la vie est ainsi ! », « la vie est dure ! », « l’homme est fondamentalement mauvais ! », et retourner se coucher sans avoir au fond de soi le profond sentiment de se trahir soi-même ?

N’a-t-on réellement « pas le choix » ?

En lisant des ouvrages de psychologie, de psychanalyse, ou simplement en discutant avec les gens, on s’aperçoit qu’étrangement, quasi tout le monde a conscience d’avoir eu des soucis relationnels avec ses parents dans l’enfance et plus fréquemment avec le père. Et que quasi tout le monde considère ça comme normal, parce que c’est la "norme", et donc ne s’interroge pas plus en profondeur à ce sujet. Même si toute leur vie porte l’empreinte de ce traumatisme invisible. Certains ne se rendent même pas compte de la maltraitance subie, car elle peut-être extrêmement subtile, premier barrage à sa conscientisation, et en plus nous baignons dedans depuis toujours et au quotidien, deuxième barrage qui contribue à l’aveuglement et à l’anesthésie. Et il existe un tas d’autres barrages…

Certains courants psychologiques actuels ne nous incitent pas trop à regarder derrière le bout de notre nez et nous encouragent à focaliser sur le présent et l’avenir immédiat, le comment et non le pourquoi. « Le passé c’est du passé après tout, s’y vautrer est de la complaisance ». Très efficaces pour résoudre des problèmes superficiels, ou pour refouler en profondeur les problèmes de fond et redevenir le petit citoyen lisse apte à s’intégrer à la société sans faire de vagues. Efficacité, court terme, superficialité, manipulation. Ce n’est pas sans rappeler le fonctionnement global de notre société de consommation capitaliste.

La psychanalyse elle, a le mérite de ne pas renier le passé, et notamment l’influence de l’enfance, mais a tendance à y faire un arrêt sur image obsessionnel et névrotique. « Tout commence et tout s’arrête à l’enfance ». Elle en oublie parfois l’influence globale et l’histoire de la société, et le « pourquoi du pourquoi ». Elle va regarder derrière le bout de son nez, mais s’arrête tout net au bout de trois pas. Ce père était donc maltraitant. C’est assimilé, c’est reconnu, c’est (dans le meilleur des cas), revécu au niveau émotionnel et non uniquement mental. Très bien. Mais ce père, comment en est-il arrivé là ? On creuse un peu… "Enfance difficile". On remonte, encore et encore, dans le passé. Horreurs de plus en plus flagrantes. Guerres, viols, etc.

==> Et si la maltraitance « originelle », la maltraitance « première », si l’on choisi d’expliquer les choses de façon historique, avec un temps linéaire, provenait du « Père » ? De ce qui se fait passer jusqu' aux tréfonds de notre subconscient et de l’histoire humaine, pour « Dieu », sous forme d’une autorité masculine tyrannique soi-disant juste ?

Pourquoi sur Terre, n’est-on pas capable de regarder le Soleil en face, notre dieu symbolique masculin par excellence ? Pourquoi toute notre vie est-elle dépendante de lui ? Pourquoi faut-il qu’il nous brûle les yeux avant que l’on puisse y voir clair ? Ridicule de comparer un phénomène naturel à un phénomène psychologique me direz-vous… Peut-être. Mais tout n’est peut-être pas si morcelé et incohérent que l’on croit, et les symboles sont peut-être beaucoup plus riches et porteurs de sens que ce que l’on a tendance à penser en les assimilant à du « folklore ».

Que l’on croit au non aux théories du complot, qu’on y plonge tête baissée ou qu’on les rejette d’une pichenette méprisante, il est évident que, prémédité ou non, consciemment ou non, le résultat flagrant est que le système mondial actuel et depuis aussi loin que nous puissions voir, fonde ses bases sur la soumission et la maltraitance du plus grand nombre au profit d’une élite. Et que ces bases sont relayées et renforcées par l’anesthésie de conscience et la résignation du plus grand nombre. Et que les croyances du type « l’homme est ainsi fait » n’aident pas à envisager qu’il puisse en être autrement et qu’il n’y a en fait rien de naturel dans tout cela.

Tel un poisson volant enfermé dans son bocal, qui a oublié jusqu’à l’existence de l’océan et de ses ailes. A force de se cogner aux parois, il s’est convaincu que le monde n’était de toute façon qu’une sphère de verre de vingt centimètres de diamètre, et qu’il ne servait à rien d’aller chercher plus loin. Le plus absurde et le plus triste dans l’histoire, c’est que le petit poisson volant qui vient de naître ici, encore tout frais et plein de vie, a fini par y croire, lui aussi, à cette histoire.

Il est évident que si nous ne prenons pas conscience de l’absurdité de notre soumission, qu’elle soit globale (au système politique, économique, religieux) ou locale (à ceux qui se servent de nous comme paillasson émotionnel), nous resterons esclaves ou tyrans de nous-mêmes et des autres, et nous ne pourrons espérer sortir de cette pièce de théâtre sado-masochiste et vicieuse dans laquelle on ne sait se positionner autrement qu’en victime, bourreau ou sauveur. Pire, on s'identifie à ces rôles.

La vie ne se résume pourtant pas à cela. Elle n’est pas qu’un triangle de Karpman, étriqué, violent et destructeur. Elle est bien plus grande, belle et complexe.

Choisissons d’ouvrir les yeux. Choisissons de regagner l’océan.

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