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Incipit #3


latin-boy30

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Vers quatorze heures, Hans Sorensen décida de saisir le balai dans le placard situé derrière lui pour faire un peu de ménage. Les androïdes étaient trop occupés à nettoyer le rez-de-chaussée. Les danois appréciaient que leur environnement soit bien rangé et propre. Depuis la révolution, la saleté de rue s'était rapidement propagée à travers le monde, l'entretien public n'étant plus jugé comme important, sinon comme un "luxe bourgeois". Mais même les danois les plus humbles ne voulaient l'entendre de cette oreille. Quand les androïdes ne le faisaient point, les riverains descendaient dans la rue nettoyer d'eux-mêmes. Hans Sorensen déblaya la poussière et les cochonneries qui s'étaient accumulées dans son bureau depuis trois jours.

Puis, Sorensen sortit sa platine de télécommunication de sa poche. Le petit objet, apparu dans les années 2040, servait à communiquer en voyant le visage de son interlocuteur. Il était pourvu d'un bon écran de quatre centimètres sur sept avec une bonne résolution et d'une petite caméra au-dessus pour filmer le visage de son utilisateur.

Sorensen trouva rapidement le numéro de son plus proche ami et "capitaliste" de surcroît. Lars Rasmussen qui vivait dans le Jutland.

-Salut, Lars.

-Salut, Hans, qu'est-ce que tu me racontes de beau aujourd'hui ?

Le visage assez joufflu de Lars tranchait avec le visage plus fin et austère de Hans.

-Lars, mon contact m'a enfin filé la carte pour la Toison d'Or !

-Sérieusement ? Bon, je vais venir te voir à Copenhague dès ce soir pour qu'on en parle alors...

-C'est exactement ce que je me suis dit, Lars. Tu as de quoi venir depuis Aalborg ?

-Ma petite Honda électrique mettrait trop de temps, je peux emprunter un avion solaire à un vieux pote. Je verrai si je peux choper un taxi à l'aéroport...

-On se voit au Irish Corner vers dix-neuf heures, proposa Sorensen.

-Bien, j'y serai.

Vers seize heures, Hans Sorensen monta sur le toit pour griller une cigarette. Il s'était juré d'arrêter de fumer mais ça ne tenait jamais. Au cours de la Grande Révolution, le tabac était devenu encore plus accessible qu'avant. On pouvait échanger un paquet de clopes contre un ou deux articles de cuisine.

La Déclaration de la Grande Révolution avait décrété l'interdiction de l'argent et son remplacement par le troc et les allocations dont Sorensen passait ses journées à gérer correctement. On lui avait attribué ce job en 2054. Jusqu'en 2050, Sorensen avait été employé de la Banque Royale du Danemark. La banque avait été réquisitionnée par des insurgés allemands et russes, ses directeurs avaient été pendus pour certains par une sorte de tribunal sommaire, Sorensen s'était déclaré -mensonge !- favorable à la Grande Révolution et on l'avait assigné à la nouvelle autorité égalitaire, la CHR.

Il repensa au document que lui avait envoyé Sainte-Myrtille sur une adresse e mail cryptée. Il ne fallait surtout pas que d'autres autorités tombent dessus, et surtout pas le Général Nicholson, dictateur des Etats-Unis d'Amérique depuis 2053. Pire dirigeant révolutionnaire de la planète.

Ce document valait de l'or, au sens figuré car ce n'était plus vraiment possible au sens propre depuis le début de la révolution.

A dix-neuf heures, Hans et Lars étaient attablés au Irish Corner de Christianshavn. L'établissement était tenu par des androïdes qui recevaient la bière et autres collations des différentes usines de fabrication à travers l'Europe. Pour consommer, les citoyens devaient donner aux androïdes des tickets qui leur étaient donnés en échange de divers biens ou services. Les travailleurs des usines à boissons étaient "rémunérés" avec des biens provenant des citoyens dans leur ensemble... la Fédération de Répartition Humaniste, FRH, coordonnait la répartition des richesses en permanence, elle avait un rôle encore plus important que la CRH. Les permanents de la CRH, comme Sorensen, pouvaient se permettre de s'absenter parfois, mais pas ceux de la FRH à moins qu'ils puissent être remplacés par des androïdes.

De manière générale, on prélevait en permanence un "impôt matériel" sur tous les citoyens. Tous ceux que l'on estimait trop choyés se voyaient retirés leurs biens considérés comme superflus par des officiers d'humanité qui redistribuaient tout cela aux travailleurs.

-Voici les faits, présenta Hans à Lars. Sainte-Myrtille, je suppose de son vrai nom Céline Dumont, m'a confié -il sorti de sa poche la carte qu'il avait put imprimer au dos d'une vieille facture d'électricité datant de l'Ancien Système- la carte.

Il la déplia et parla à voix basse :

-Mon cher Lars, cette carte indique la présence de Concordia Island. Une île de trente kilomètres au large de l'Australie, dans le Pacifique Sud.

Lars buvait ses paroles avec une meilleure avidité que sa Guinness irlandaise.

-Ça devient excitant, avoua un Lars à la fois tendu et jubilant.

-Lars, Concordia Island est une île qui pour l'instant n'est peuplée que de mille habitants, mais ça risque de grossir sévère à l'avenir. C'est ni plus ni moins qu'une expérience "capitaliste" à l'écart de la révolution, refusant la révolution. Une démocratie pluraliste et politiquement libérale, avec une économie de marché mon pote, qui vient d'être créée il y a huit mois. Ils ont élu leur premier président il y a un mois, un brésilien, Joao Soares, qui se présente comme social-libéral. Les autorités de Concordia annoncent que tout le monde ne sera pas accepté sur l'île. Ils comptent limiter son nombre d'habitants à trente mille. Il faut qu'on tente notre chance. Il faut qu'on y aille, Lars. Plus rien ne nous retient au Danemark, ni même en Europe.

A suivre...

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