J'ai rêvé
J'ai rêvé d'une histoire. J'ai rêvé d'un foutoir. J'ai rêvé de n'importe quoi qui pourrait, rien qu'un instant, me tirer du terrifiant désespoir. Mais l'espoir est tel un bolide sur l'autoroute : un véritable danger à qui ose le toucher, et une occupation à qui sait l'observer, et l'apprécier bêtement en le regardant passer au loin. Cela sonne faux. Cela ne satisfait pas comme il faut. Normal. Nous aimons tant croire en une solution, en une sorte de miracle pouvant nous extirper de notre situation misérable. Certains y parviennent, d'ailleurs, ou, dû moins, en sont convaincus. Les autre se tapissent plus ou moins facilement dans une sédentarité des mœurs avec l'idée toujours sous-jacente de n'être rien. Pas un rien relatif, partiel, acceptable, mais absolu et insupportable. En fait, ma vision du monde est tellement martyrisée par ma déception que je n'accorde pas la moindre chance à l'apparente intelligence humaine. Nous possédons de nombreuses terres, et de plus nombreux savoirs encore, et nous ne nous en servons pas, si ce n'est pour nous détruire et nous concurrencer quotidiennement dans je ne sais quel but illusoire et inutile. Nous avons coutumes de penser que les maux terrestres découlent de notre mauvaise organisation et gestion de notre capital immense, de notre folie pure et dure face à l'incapacité de nous maîtriser dans la frustration, et de notre égoïsme universellement connu pour faire des philanthropes des voleurs pervers. Je ne souhaiterais pas remettre en cause cela, d'autant plus que je ne trouve cela que peu exagéré par rapport à la réalité. Mais, il m'arrive souvent de préférer situer le problème à un tout autre niveau : plutôt que de le placer en nous, ou tout comme nous, je le range volontiers du côté de notre profonde velléité. Certes, vous me direz qu'en soi, elle est aussi en nous. Ce qui est vrai. Néanmoins, l'importance réside dans le fait lui-même, et non vraiment dans sa résidence éventuelle : les maux de notre pauvre mère à tous ne découlent pas de notre connerie, mais de notre volonté à ne pas la changer. Bien sûr, la volonté ne fait pas tout, si ce n'est élire des hommes à la tête de millions d'autres, si ce n'est mener des soldats aux fronts pour combattre une volonté venant de l'autre côté, celui des "méchants". Comprenez-vous de quoi je veux parler? Je ne parle pas de vous comme individu unique, différent, et tout ce qui peut exister d'autre pour vous aider à supporter malgré vous votre existence. Loin de là. Je parle simplement, naïvement, bien évidemment, de la volonté générale qui habite non pas l'action d'un homme, mais la réaction d'un groupe. Comment imaginez-vous sauver notre peau autrement qu'en baissant le froc et de voir la réalité en face? La pudeur est à ce titre aussi humaine que ce besoin de se sentir au-dessus, au-delà des lois. Les maladies, la pollution, les abus, les blessures profondes en la chaire de notre terre. Tout cela mènera à notre perte. Au fond, nous qui ne comprenons pas vraiment les actes des suicidaires, nous le sommes tous sans exception, et en puissance.
Remarquez ma tendance à dénoncer et juger sans agir de mon côté. N'est-ce pas lâche de ma part? Je raconte ce qui se dit déjà partout, ce qui s'entend trop souvent, trop de fois, rendant cela aussi anodin que les élections passionnantes dont nous avons le spectacle, ou les massacres journaliers dans un pays X ou Y. Si ce texte, aussi maladroit, aussi dénué de sens et d'arguments, bref, parfaitement incapable de convaincre quoi que ce soi de changer le temps d'une seconde ses habitudes, vous laisse tout à fait indifférent, je tiens à vous dire, honnêtement, et cela m'arrive rarement, que votre cas est désespéré et désespérant, au moins autant que celui de vos frères et soeurs, proches et éloignés, qui refusent d'évoluer. Je trouve malheureux d'oublier que l'homme, bien que le plus beau, le plus fort, le plus intelligent, le plus méchant, le plus tout, n'est que l'égal de ses cousins, invisibles du haut de nos immeubles monstrueux perdus dans la jungle urbaine.
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