Un peu de musique, dîtes-vous?
"Ce monde n'est pas pour moi, ce monde n'est pas le mien."
Ces paroles saeziennes résonnent en moi. Je crois que je n'y ai jamais autant cru qu'aujourd'hui. J'y ai pourtant cru durant longtemps, espérant ceci ou cela qui ferait que j'irais mieux maintenant. Mais j'ai dû perdre espoir, depuis. Oui, il a dû s'en aller lâchement, me laissant là, seul et idiot, à ne savoir que faire, à ne savoir que rêver.
Pourtant tout semblait avoir bien commencé. J'étais né dans un univers amoureux, dans un univers où l'on chérissait les bambins avec technique et assiduité. On recevait des cadeaux à Pâques et à Noël, et même entre les deux si on en manifestait le désir. On pouvait aller qui l'on souhaitait pour s'amuser, profiter, rendre magnifique ce qui était déjà beau. Les jeux, les sorties, les amis : rien ne manquait dans l'équation. Tout se trouvait là, face à moi, posé sur une table, à m'attendre. Tout était prêt, il ne me restait qu'à le saisir, le délecter, pour pouvoir en jouir jusqu'à la fin de ma courte éternité.
Seulement, je n'ai pas su l'attraper. non, je n'ai pas pu. Quelque chose m'en empêchait. Je n'arriverais pas à l'expliquer si l'on venait à me questionner. Je sais simplement que je ne le devais pas. Est-ce là le destin? Je l'ignore. Je crois que j'ai, pendant un temps, eu confiance en mon dit destin, en mon avenir très incertain, toujours fébrile. C'est comme si j'appréciais avancer sur une corde mince et fragile, suspendu au-dessus du néant, sans savoir tenir en équilibre.
Un risque inutile, une stupidité évitable, dites-vous? Je le sais fort bien. Mais je suis sourd. Je veux l'être. Pourquoi? Car je ne supporte plus l'écoute des larmes, des plaintes incessantes et si vaines. Le monde est si beau! Et tout le monde y souffre. A un point où il est presque possible de se demander si le but n'est pas là de réussir à hurler plus fort que son voisin. Ou peut-être plus que l'inconnu qu'on croisera dans la rue? Sommes-nous vraiment jaloux du bonheur des autres? J'en doute. Nous ne jalousons jamais plus que leur mal-être. Et tout ceci, par avidité. Tout ceci parce qu'on est enclin à penser que la souffrance forme le caractère, la personne, le point de vue, le corps, le tout qu'est un individu.
Vous trouvez cela triste? Sérieusement? Et dire que vous n'avez rien vu. Non, vous ne savez rien. Ni ce qu'est le monde. Ni ce qu'il fait là. Rien. Rien, mis à part que vous avez mal, que vous aurez mal, et que vous êtes peut-être, espérons-le, plus mal que quelqu'un d'autre. Car cette idée, il faut se l'avouer, fait du bien. Beaucoup de bien. Et ne me croyez pas assez prétentieux pour me dire différent. S'il ne tenait qu'à moi, je volerais toutes les douleurs du monde, pour en goûter doucement chacun des traits, lentement, jusqu'à la note finale, le summum de toute une musique, la victoire d'une attente insupportable.
4 Commentaires
Commentaires recommandés