Le peuple croassant ou coassant ?
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Jean de La Fontaine, un fabuliste du XVIIème siècle coucha par écrit de nombreux contes dont les protagonistes sont des animaux. Malgré tout le temps écoulé, la célébrité ne lui fait toujours pas défaut. Il a même été récemment incarné à l'écran par Lorànt Deutsch dans le film culte Jean de La Fontaine, le défi.
La grenouille revient dans plusieurs fables de cet illustre personnage. Tantôt sage (dans Le Soleil et les Grenouilles), tantôt mal avisées (dans Les Grenouilles qui demandent un Roi, les grenouilles qui vivaient en démocratie font l'erreur de demander un Sarkozy un homme de poigne à la tête d'un Etat fort).
Les grenouilles symbolisent le peuple, les petites gens, ceux qui vivent dans l'ombre des puissants.
La Fable Les deux Taureaux et une Grenouille a engendré une polémique qui dure jusqu'à nos jours. Mais commençons par lire l'objet du délit :
Deux taureaux combattaient à qui posséderait
Une génisse avec l'empire.
Une grenouille en soupirait.
« Qu'avez-vous?' »se mit à lui dire
Quelqu'un du peuple croassant.
« - Eh ! ne voyez-vous pas, dit-elle,
Que la fin de cette querelle
Sera l'exil de l'un ; que l'autre, le chassant,
Le fera renoncer aux campagnes fleuries ?
Il ne régnera plus sur l'herbe des prairies,
Viendra dans nos marais régner sur les roseaux ;
Et nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux,
Tantôt l'une, et puis l'autre, il faudra qu'on pâtisse
Du combat qu'a causé Madame la Génisse. »
Cette crainte était de bon sens.
L'un des taureaux en leur demeure
S'alla cacher, à leurs dépens :
Il en écrasait vingt par heure.
Hélas, on voit que de tout temps
Les petits ont pâti des sottises de grands.
Les grenouilles sont appelé le "peuple croassant". Mais quel est le cri de la grenouille ? "Coa" ou "Croa" ?
Consultons les illustres membres de l'Académie française, qui, très modestement, s'appellent eux-mêmes les "immortels" (ils seraient tellement géniaux que leur oeuvre les rendraient innoubliables par la postérité). Dans leur dictionnaire, on peut lire :
CROASSER v. intr. XVe siècle, d'abord croescer. Dérivé de l'onomatopée kro- exprimant le cri du corbeau.
Pousser son cri, en parlant du corbeau et, par ext., de la corneille. Les corbeaux s'abattaient en croassant.
COASSER v. intr. XVIe siècle. Emprunté du latin coaxare, du grec koax, onomatopée imitant le cri des grenouilles chez Aristophane.
Le "peuple croassant", ce serait donc eux :

Est-ce là une simple erreur de La Fontaine (la confusion est fréquente) ? Ou une évolution du terme "coasser" en "croasser" ? Car les mots évoluent, et demain, qui sait, peut-être que "coasser" sera retiré des dictionnaires.
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