Histoire naturelle
Elle fait sortir ces vers de terre. Elle aime tresser les mots par leur racine, exploiter leur ramification, apprivoiser la nature de la phrase. Son savoir-faire, s'exprimant sur cette feuille, transpire de tout son hêtre, elle est bien armée. Les pensées, lierre enroulé jusqu'à la cime de son ennui ne résistent pas au cisaillement d'une plume bien aiguisée. Les lignes s'accumulant, de plus en plus serrées, témoignent du temps qu'elle passe, penchée sur elle même, recroquevillement intellectuel. Seule, elle peut enfin écorcher son écorce. Elle lie ces maux par des chaines centenaires, par une vieille formule de druide ou bien de sorcière, maitrisant l'art de la catharsis. La sève bleue s'écoule lentement de sa mine, l'écriture est fluide. Les points ne se suspendent plus. Les lettres virevoltent, emportant avec elles leur signification. Elles ne s'engluent pas dans cette résine faite d'hésitation, préambule du chant du cygne. Les mots tombent en tous sens, c'est la saison, et comme pour le feuillage ils ne renaitront qu'à la prochaine page.
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