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Un mur implacable

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de ghoul

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Membre, Posté(e)
de ghoul Membre 882 messages
Forumeur expérimenté‚
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 L’agent, battu, humilié presque, par la simple puissance de la sémantique, n’avait plus qu’un seul recours : la force brute. C’était la fin de la partition, le dernier acte où les mots ne servaient plus à rien. Son visage crispé trahissait l’échec d’un duel qu’il n’avait jamais voulu livrer sur ce terrain. Alors, comme un joueur acculé sortant sa dernière carte, il extirpa de derrière son dos une paire de menottes froides et ternes. Dans un geste sec, rageur, il saisit le bras droit de Mourad, le tordit sans ménagement, comme pour briser en lui le dernier souffle de résistance. Le cliquetis métallique des menottes, refermées brutalement, résonna comme une sentence.

Il le poussa vers la cour et vira brutalement à sa gauche. Un silence de plomb, d’abord, pesa sur la salle, comme si chacun retenait son souffle. Mais ce vide sonore, insoutenable, se fissura bientôt : un chuchotement, puis un autre, un froissement de voix mêlées de honte et de remords. Ce n’était plus seulement du bruit, c’était le brouhaha d’un devoir réveillé, celui qu’on doit à un compagnon livré à l’humiliation tandis que nous restions figés dans notre mutisme. Alors, comme une braise qui devient flamme, des voix se firent plus claires, plus fermes, suggérant d’abord une action, appelant à rompre la passivité. Et soudain, la colère nous souleva, nous unit, nous poussa dehors. D’un même élan, nous franchîmes le seuil, prêts à arracher Mourad à son sort.

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  • 2 semaines après...
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Membre, Posté(e)
de ghoul Membre 882 messages
Forumeur expérimenté‚
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Il était là, assis sur une chaise en face d’un policier qui portait fièrement trois étoiles sur ses épaulettes. Ils discutaient le plus normalement du monde, comme deux amis de longue date qui évoquent des souvenirs communs. La scène nous cloua sur place. Aucun son ne franchit nos poitrines, aucun cri ne vint : seulement ce vertige, cette incompréhension totale. L’accusé et l’accusateur semblaient échanger comme de vieux copains, tandis que l’agent qui avait emmené Mourad, lui, paraissait défait, les joues flasques comme celles d’un bouledogue triste.

Et puis, dans un geste qui nous laissa interdits, le chef se leva. Il ôta lui-même les menottes des poignets de Mourad. Sans emphase, sans un mot de trop, il posa sa main sur son épaule et déclara simplement :
— Reprenez-le. Il est des vôtres.

Alors, dans ce silence lourd, nous comprîmes : l’humiliation avait changé de camp. Mourad nous revenait, marqué par la morsure du métal, mais plus libre et plus grand que jamais.

Nous n’osâmes pas crier, ni applaudir, ni même sourire. La joie se coinça dans nos gorges, trop mince, trop précaire pour éclater. Chacun sentait que ce retour n’était pas un triomphe, mais une permission fragile, accordée par un pouvoir qui pouvait, à tout moment, reprendre ce qu’il venait de concéder.

Mourad se leva lentement, son regard balayait nos visages comme pour vérifier qu’il était vraiment des nôtres, qu’il ne rêvait pas. Nous nous écartâmes pour lui laisser le passage, le cœur gonflé mais les poings toujours serrés. L’air vibrait d’une colère contenue, d’une ferveur que nul n’osait exprimer pleinement.

En quittant la cour, nous avancions groupés, serrés autour de lui comme pour protéger sa liberté encore vacillante. Et dans nos silences lourds, il y avait cette promesse muette : la prochaine fois, ce ne serait pas une main généreuse qui nous rendrait l’un des nôtres. Ce serait nous, ensemble, qui arracherions notre victoire.

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