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"Gil au temps de la révolution Française"


Gil.S

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Gil.S Membre 9 messages
Forumeur balbutiant‚ 50ans‚
Posté(e)
"Gil au temps de la révolution française" De : Gil.SawaS 
 
C’est vrai que j’ai eu une drôle d’idée d’écrire un truc si long, mais c’est trop court
pour être publié ailleurs, en même temps…
 
C’est une petite nouvelle dont le héros s’appelle Gil…C’est un prénom que je retiens
facilement...
Il y a un anachronisme historique, mais ça m’arrangeait pour la narration. Si
quelqu’un le trouve, j’offre un porte-clefs (en plastique).
 
Alors, c’est un truc qui m’est arrivé la semaine dernière, et qui est quand même assez
étrange, je ne sais pas ce que vous en penserez.
 
Je roulais sur le plateau du Larzac dans une automobile confortable. La
direction était assistée, il faisait un peu chaud dehors, mais c’était pas grave, car
j’avais la clim’…Je me permis d’adopter une position qui me semblait être l’attitude
virile de l’homme sans soucis, et bien nourri.
Je roulais sur le plateau du Larzac, sur une route qui n’en finissait pas, à la recherche
d’un raccourci que jamais je ne trouva.
Soudain, et pour moi, c’est surtout à partir de maintenant que ça devient bizarre, je me
sentis ébloui par une aveuglante lumière blanche. Je fermai les yeux, et commençai à
m’endormir, et dans mon cerveau délirant, des nains portaient des cierges en hurlant.
Mais même les meilleures choses ont une fin, et au matin, je me réveillai, pour le
moins étonné. Au début, je n’en crus pas mes yeux. Puis, je finis par les croire : J’étais
en forêt de Rambouillet…
Et ce qui me semblait le plus ahurissant, c’est que ce n’était pas exactement la forêt de
Rambouillet telle que nous la connaissons tous. Non…Quelques légères différences.
Les arbres pas vraiment au bon endroit. Vous voyez, quoi ? La forêt de Rambouillet
telle qu’elle pouvait l’être il y a deux cents ans…
Après un bref instant de stupeur assez compréhensible, je m’aperçus que ma super
voiture ne m’avait pas suivi. Je n’avais même pas fini de la payer…
Mais en même temps, si j’avais rétrogradé de deux cents années, elle n’était pas prête
d’être fabriquée, alors qu’on ne me demande pas d’argent maintenant…
Deuxième constatation, je ne pouvais pas boire mon café du matin, pas le moindre
bistrot alentour, et ça me rend toujours un peu bougon. D’autant que personne contre
qui bougonner, non plus…
Ah, si, un homme s’avançait sur le chemin, proche de moi. Il portait un bonnet
phrygien, ce qui me fit penser que nous devions être au moins en 1791, et sans doute
guère plus, il n’a pas été à la mode si longtemps…
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« Bonjour citoyen, bougonnai-je.
- Salut à toué… »
Répondit-il en Canadien. J’étais peut-être au Canada ? Mais ça voudrait dire que dans
la même nuit j’aurais été conduit pendant mon sommeil depuis le plateau du Larzac,
jusqu’à la forêt de Rambouillet, elle-même transportée au Canada, et le tout deux
cents ans plus tôt. Et ça, mon esprit cartésien se refusait à l’admettre. Après réflexion,
c’était plutôt le langage canadien qui devait être plus proche de l’ancien français que
le français actuel. Il ne faut pas toujours chercher midi à quatorze heures.
« Va bien le Roué ? La forme ? Me renseignai-je discrètement..
- Dame ! on dit qu’il a eu la grippe ct’ hiver, j’croué…
En tout cas, le roi était vivant. C’était une bonne chose pour moi, car il est d’usage
pour les voyageurs dans le temps, de rencontrer le souverain du lieu, parce que nous
sommes détenteurs de secrets technologiques, de visions d’avenir, et autres, qui ne
sont pas à confier à n’importe quel manant. D’autant qu’avec mes vêtements
modernes, les manants auraient peut-être tendance à me prendre pour un voleur de
poules.
Par chance, le manant se rendait justement à Paris. Il avait un petit chariot prêt à
partir. Il me déposerait juste devant Les Tuileries. ( C’est ça, ou alors, j’écris une page
de tribulations…)
Pendant le voyage, il partagea son pain et une tranche de lard, puis je demandai :
« Mon cadran solaire retarde ou avance, en quelle année sommes-nous ?
- Crénom, tu s’rais pas un voleur de poules, toué ?
- Mais non, je viens de loin, c’est tout.
Il fut rassuré. En le quittant, je cherchai quoi lui offrir pour le remercier, mes €uros
n’avaient sans doute pas cours, je trouvai au fond de ma poche un porte-clef en
plastique, sans grande valeur, mais qui lui fit très plaisir.
Nous nous quittâmes en très bons termes.
Pour accéder jusqu’au roi, je dus malgré tout escalader différents obstacles, dont une
petite soubrette.
Je fus enfin devant le monarque, Louis XVI, à qui il avait été dit qu’un Etranger venu
de très loin était Faiseur de Grande Magie et Détenteur de Grands Savoirs.
« Sois le bienvenu, Ô noble étranger aux yeux couleur de jais noir.
- Merci, ô le plus grand d’entre les rois.
- On me dit que tu es habile dans l’art de faire des tours.
- Vous n’en croirez pas vos augustes yeux, Sire. Je viens de très loin par delà les mers,
d’un pays où on connaît beaucoup de secrets, vous allez voir, nous allons faire de
grandes choses ensembles, je vais vous tailler un Empire à faire pâlir Napoléon, on va
révolutionner l’histoire, et vous me nommerez Duc et me donnerez des terres ! La
bombe atomique ! Majesté, on va faire tout péter à la bombe atomique !!
- Ah ?
- Oui, Monseigneur. E = mc2, c’est pas fabuleux, ça ?
- Sans doute…Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Et bien, ce sont des questions d’énergie, de masse peut-être, euh, je ne me souviens
2
pas bien. En tout cas, si vous allez un jour sur la lune, ce sera grâce à ça…
- Mais que veux-tu que j’aille faire sur la lune ? Je suis si bien dans mon palais, mon
bon Gil. ?
- Qu’importe, on va rester simple, la bonne vieille lampe à incandescence. Je vais
damer le pion à Edison, c’est déjà pas si mal. Pour l’électricité, on fera pédaler un
homme avec une dynamo. Vous avez un pédaleur ?
- Nous avons de tout ici. Répondit le roi, prudent.
- Je vous propose alors d’enfermer dans une ampoule de verre, la lumière de mille
bougies.
- Mille bougies ? Dit-il, ébloui. Tu serais un bien grand mage.
- Mille bougies. Il nous faut un filament en tungstène…
- Tinkstenn ?? Entendis-je en Autrichien. Marie-Antoinette, la femme de Louis,
s’avançait, avenante, et l’œil égrillard.
- tungstène, tout juste. Ensuite, il n’y a plus qu’à faire le vide dans l’ampoule,
et…et…Comment je fais le vide ? Pas en aspirant l’air de l’ampoule, en tout cas…Je
n’avais pas pensé à ça…Je ne sais pas comment on fait le vide. C’est si simple à faire
dans ma tête, pourtant.
« Pas tinkstenn ?? » Dit Marie-Antoinette, déçue.
- C’est pas grave, Ma Reine. »
Je disais ça, mais je commençais à me demander ce que je pouvais leur apporter de
ma civilisation.
" Allons aux cuisines, vos majestés, on réfléchira mieux devant un bon cassoulet.
- Cassoulet ?? Qu’est-ce que c’est ?? S’écrièrent-ils comme un seul homme.
- Vous verrez, je vous donnerai la recette. C’est de mon pays. Venez, Majesté, vous
aussi, Majestère, dis-je en offrant mon bras à une Marie-Antoinette rosissante….
Une demie-heure plus tard, nous faisions joyeusement ripaille, buvant du vin de
fronton, écoutant les blagues salaces de Louis, qui est champion, pour ça. J’avais
convié quelques laquais et domestiques pour mettre un peu d’ambiance, et la Reine
dansait sur les tables, complètement bourrée.
A la fin du repas, le Roi se leva, très ému, et me tint à peu près ce langage :
« Noble étranger, en vérité, tu n’avais pas menti, et j’ai pu constater à quel point
grands sont tes pouvoirs, et infinie ta science. Je ne me suis jamais autant régalé
qu’avec ton cassoulet, et demain, j’établirai par décret qu’il sera plat national. Je suis
d’ailleurs rassuré, car, je peux te le dire maintenant, avec ton accoutrement et tes
paroles, je t’ai d’abord pris pour un voleur de poules.
- ??? Mais c’est une manie. Je suis d'une honnêteté sans pareille.
- En attendant, reprit-il, tu peux choisir le cadeau que tu désires à la hauteur de ton
grand mérite.
- Votre Majesté, est trop bonne, Sire. A la vérité, j’aimerais assez que vous me fissiez
cadeau de la moitié de votre royaume.
- HoHoHo !!! Tressauta son ventre. Tu sais que tu remplacerais avantageusement mon
bouffon, Gil. Mais je vais t’offrir un porte-clefs, tu le mérites bien. »
Ton bouffon. Radin, va. Tu vas voir, la prochaine fois que tu me demanderas de te
cuisiner un cassoulet.
Il se fit apporter un petit coffre duquel il sortit un porte-clefs, en métal celui-là.
Comme il était féru de ferronnerie, il me donna également une clef assortie. J’enfouis
le tout dans ma poche en marmonnant un vague merci. Ca peut toujours se revendre,
et demain, si je lui apprends comment on cuisine la choucroute, il m’en offrira peut-
être un autre.
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Le Roi voulait me présenter son fils, ça lui faisait plaisir. Dans une pièce voisine, il y
avait là un gosse, qui faisait à dada sur un cheval de bois.
- Mon fils Louis, annonça-t-il avec emphase, héritier de la couronne de France.
- Non ? …Vous voulez dire que…
- C’est lui qui me succèdera.
Louis XVII…Le Dauphin, le fameux petit mitron, Louis XVII…Pas près de succéder
à son papa. Je connaissais un peu son histoire, dans les grandes lignes. Pas grand
chose à se souvenir, il n’a pas fait vraiment long feu dans la vie. Emprisonné très
jeune à la Tour du Temple, il fut confié à la garde et éducation du cordonnier Simon et
de sa femme. Certainement maltraité, sans jamais sortir, il y mourut vers l’âge de 10
ans…Vie sacrifiée à la raison d’Etat…
Evidemment, je n’allais pas révéler son avenir au petit Louis, si frêle, tout fier sur son
petit cheval. Je lui tapotai gentiment la joue :
« Oh ! Mais c’est un grand garçon. C’est de la graine de grand Roi, ça ! Et ça va
gouverner tout seul la France, hein ?».
Le gamin avait une jolie frimousse, et me fit un beau sourire. Papa Louis souriait
aussi. Par empathie, je finis par sourire aussi. On souriait tous, on était content.
Le Roi me raccompagna jusqu’à mes appartements, me souhaita une bonne nuit,
tourna les talons, puis, se ravisant, revint jusqu’à moi et m’empoignant les mains avec
effusion :
« Gil, …Je voulais te dire…
- Oui, Majesté ?
- Merci…Pour le cassoulet.
Et il s’enfuit en pétaradant.
 
Je plongeai avec délices dans les profondeurs du matelas, me disant qu’un Roi, c’est
une bonne relation dans la vie, puis m’endormis. Pas longtemps. Une main me
secouait, cherchant frénétiquement à me réveiller. La voix du Roi :
« Gil !!!
- Fais chier, Louis, dors !
- Allez, réveille-toi, il faut qu’on s’enfuie.
- Pourquoi ?
- Mes conseillers m’ont dit de le faire.
- On le fera demain, alors !
- Allez viens, quoi, sois pas le mauvais bougre.
- Et où tu veux fuir ?
- J’ai des potes à Varennes.
- Tu sais que tu fais chier, Louis, hein ? Je viens, mais c’est la dernière fois. Mon café
est prêt ? »
Il n’avait même pas mis sa perruque. Quel scandale ! Je ne fis pas de commentaires, je
ne suis jamais très coiffé au réveil non plus.
Une berline était apprêtée. La boulangère était de la partie, et le petit mitron itou.
Également la sœur du roi, et Axel de Fersen à la conduite.
Ca se mit en route, en cahotant.
Je replongeai aussitôt dans les bras de Morphée, Marie-Antoinette sur les genoux. Je
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n’avais pas fini ma nuit.
Je dormais d’un doux sommeil calme, où je rêvais de poissons multicolores. J’étais
dans un immense aquarium. C’était très joli. Je commençais à entendre des bruits. Des
bruits de cuisine, je crois.
- Louis, mon café est prêt ??!!! Criai-je avant d’ouvrir les yeux.
Je déteste ouvrir les yeux avant que le café ne soit prêt. On a tous nos petites manies,
n’est-ce pas ?
Pas de réponse du Roi. Bon. Je veux bien ouvrir les yeux.
Ce n’était pas des bruits de cuisine. C’était des gens qui frappaient avec des gamelles
sur des sortes de grilles. Je les entendais, et je voyais celui qui me faisait face, à
travers des barreaux qui gênaient mon champ de vision. Voyons. Derrière, c’était un
mur. Sur les côtés, des murs. Sur le sol, de la paille. Pas de fenêtres. Des graffiti sur
les murs…On dirait…Bon sang, mais c’est bien sûr :
- J’ai l’impression de me trouver à la prison du couvent des Carmes, me dis-je, pas
faraud.
J’étais effectivement à la prison du couvent des Carmes. Moi, un futur ami du Roi.
C’est gonflé, quand même. On me signifia d’ailleurs assez rapidement que j’étais
condamné par la Convention pour intelligence avec l’ennemi, à avoir la tête tranchée
en place de Grève, au moment où il plairait à mes juges de le faire. (J’allais écrire : à
mes juges de s’exécuter, mais s’exécuter à m’exécuter, c’est pas facile à comprendre,
et c’est un ouvrage de vulgarisation).
Ils ne semblaient pas trop pressés, puisque les mois s’égrainaient, dans une
indifférence générale. J’aime bien les égrainer aussi, ces mois du calendrier
républicain. Chacun d’eux est comme un bon vin : germinal, floréal, prairial,
messidor, thermidor, fructidor, vendémiaire, brumaire, frimaire, nivôse, pluviôse,
ventôse.
Nous les devons à Fabre d’Eglantine, à qui nous devons aussi :
« Il pleut, il pleut bergèèère, rentre tes blancs moutoons,
allons sous la chaumière, bergère vite allons.
Allons, viens donc vouère par-là, sous la chaumière, viiiiite, la bergèèère…
Mais quand même.
Condamné à avoir la tête tranchée en place de Grève. Quel triste destin. Je n’aimais
pas trop cette idée. Je préférais qu’un miracle survienne au dernier moment, voire
avant. Le Roi n’avait même pas eu le temps de nationaliser mon cassoulet…
Je reçus cependant une bonne nouvelle.
Un matin, je vis le gardien Storff se pointer dans ma cellule, sur sa jambe de bois :
« Allez Gil, vieille crapule, réveille-toi !!! » C’est incroyable, cette manie qu’ont les
gens de toujours vouloir me déranger pendant la sieste.
« Tu es transféré !
- Où ?
- Conciergerie…
- Oh ?
- Oui.
- …
- Mon café est prêt ?! »
Je captai tout de suite ce que cette nouvelle situation allait changer pour moi. En étant
incarcéré à La Conciergerie, je ne dépendais plus de la place de Grève pour mon
guillotinage, mais de la place de la Révolution. Et place de la Révolution, c’est là où
officiait Sanson. La Star des bourreaux. Sanson le formidable. Un homme qui avait
même du sang Royal. Et plein… Sur les mains… Sinistre réputation... C’est le genre
de truc que je pourrais raconter à mes petits enfants, quand je serai vieux et ratatiné,
les soirs d’hiver au coin du feu. Ce n’était plus une question de simple intelligence
avec l’ennemi…Et perdre la tête pour raison de grande intelligence me paraissait
finalement assez honorable.
La Conciergerie avait également l’avantage qu’on n’y moisissait pas longtemps.
Ce n’était pas que je fusse particulièrement pressé, mais je déteste ces gens qui
prennent des décisions, et après, tu vois rien venir pendant des mois. Des promesses,
toujours des promesses.
Je tentai de réunir mes connaissances sur la guillotine. Un engin résolument moderne,
en ce temps là. Un peu comme une Ferrari chromée maintenant…Chromée ou
nickelée, du reste, je ne m’y connais pas trop en voitures.
Ce n’est pas vraiment le bon docteur Guillotin qui l’a inventée, il l’a surtout présentée
à la Convention. Pour la logistique de cette opération, il a chargé un cabinet
d’ingénieur de l’époque de s’en occuper, dont le docteur Louis. Au début, la machine
s’appelait la Louison, ou Louisette, et ça avait un couperet courbe, qui écrasait un peu
les têtes, et qu’on a biseauté par la suite, pour des performances optimales…
Le poids de ce couperet est pour moi un perpétuel sujet d’étonnement…40 kilos.
Ca me semble exagérément exorbitant. Tu vas pas me dire qu’avec 20 kilos, ça
marche pas… 20 kilos qui tombent de quatre mètres de haut, avec une lame de rasoir
au bout ? Allez. J’y crois pas… C‘est suffisant, 20 kilos. Je suis un peu du bâtiment,
je sais de quoi je parle.
Ils ont peut-être fait des essais, remarque. J’espère, d’ailleurs. Quitte à y passer, autant
souhaiter que la machine fonctionne correctement.
La qualité de la coupe était sans doute primordiale, chez ses concepteurs :
« Chef ! On a essayé avec 20 kilos, ça coupe pas bien.
- Ah ? Bon. Mettez 30, alors…
- Avec un autre prisonnier, ou on termine de couper çui-ci ?
Je commençais à comprendre que les bourreaux avaient un métier bien ingrat,
difficile. Remonter, hisser, 40 kilos, jusqu’à 50 fois par jour, ce devait vraiment être
très physique, harassant. Ils me semblaient plus sympathiques, du coup. C’est surtout
un travail manuel, en fait.
Ils ont sans doute fait des essais. Je ne connaissais qu’un type de mécanisme, avec un
crochet qui libère un anneau fixé sur le montant de la lame, et hop, ça tombe. Enfin, si
on peut dire hop.
Il y eu dans l’histoire certainement d’autres types de mécanismes, mais je ne
connaissais que celui-là, et il n’y avait pas Internet, pour faire des recherches, dans
cette immense salle commune de la Conciergerie où nous étions bien deux cents à
attendre un peu bêtement qu’on nous appelle.
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Du reste, on ne faisait pas qu’attendre… Excités par la mort proche, et bien décidés à
profiter de leurs derniers jours, les condamnés se mélangeaient assez facilement les
uns dans les autres, et dès les bougies éteintes, les murs de la Salle de Garde
résonnaient du râle de nos deux cents jouissances entremêlées.
Je participais à l’effort collectif, en particulier avec une certaine Lisa, au corps
juvénile, élastique et chaud, pour laquelle je commençais même à éprouver quelque
amour…Seule parmi nous à avoir une chance de s’en sortir, puisque connaissant le
jeune Saint-Just, qui faisait la pluie et le beau temps à la Convention. On craignait
qu’elle ne fût noble, ce qu’elle n’était pas, bien que s’appelant : de la Marantine. Le
temps que Fouquier-Tinville vérifie, il la libérerait certainement.
Nous passions nos journées en discussions passionnées, et nos regards se disaient leur
impatience de la tombée de la nuit où nos corps se retrouveraient…
Je commençais à l’aimer, au point qu’un matin, je décidai de lui faire en cadeau le
porte-clefs que m’avait remis le Roi :
- Tiens, Lisa, je te le donne en gage de mon amour éternel. »
En fait, je lui donnais aussi parce que je trouvais que cet objet me portait la poisse.
Depuis que le Roi me l’avait offert, j’avais passé chacun de mes jours en prison.
Les tendres yeux de Lisa s’embuèrent de larmes :
- Oh, Gil !… Oh, tu es si … »
Je ne sus jamais ce que j’étais tant, car la grande porte venait de s’ouvrir sur les deux
gardes et le greffier, venus remplir la charrette du jour. Ils virent l’objet dans les mains
de Lisa :
- C’est quoi, ça ?
- Un chouette porte-clefs, répondit-elle.
- Montre, fit-il. Mais c’est le blason du Roi de France, dessus. Tu connais donc le
Roi ?!
- Non, c’est mon ami qui m’a fait ce présent.
- C’est vrai ?
- Mais pas du tout, et je ne connais pas cette jeune fille. » Répondis-je, un peu pour
rire.
Ils tinrent conciliabule :
- L’homme dit qu’il ne la connaît pas. Il a l’air sincère…
- La femme prétend ne pas connaître le Roi. Elle ment certainement…
- A la guillotine, la citoyenne ?
- A la guillotine. »
Ils empoignèrent Lisa qui se tourna vers moi, ses yeux tendres embués de larmes :
« Oh, Gil !… Oh, tu es si … »
Mais je ne sus jamais ce que j’étais tant, car ils l’emmenèrent, et je ne la revis plus…
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Elle me manqua beaucoup, surtout les soirs, après l’extinction des bougies…
Je me disais bien que ce porte-clefs portait la poisse…
Ainsi, les jours passaient. Mornes. J’appris que mon vieux copain Louis avait perdu la
tête le 21 pluviôse. Brave Louis, il aurait sans doute fait un excellent quincaillier. Une
erreur de parcours, mauvaise orientation, ça.
Un beau matin, (je m’en souviens bien, c’était le 20 thermidor, au plus fort de l’été,
bonne date, pour mourir. Le chiffre 20 me semblait de bon augure, rond, et facile à
énoncer, aurait dit un pote). Un beau matin, pardon, on vint me chercher :
« Gil !!! Réveille-toi, vieux serpent !
- Grompf…
- Allez !
- Mon café est prêt ?!
En plein milieu d’un rêve érotique, pensez si c’est agréable. On m’appela avec
d’autres gens. C’était notre tour…
Passage obligé chez le coiffeur, pour ne pas avoir de cheveux qui gêneraient la bonne
marche de la machine. Ce n’est pas un coiffeur qui a l’amour du travail bien fait. Une
bonne giclée d’eau sur la nuque, trois gestes de son coupe-chou, et tu es apte au
service, avec la douleur cuisante du feu du rasoir.
On commence à voir du sang qui gicle ici et là, avant-goût des réjouissances.
Après, ça se bousculait pas vraiment pour monter dans la charrette. J’y montai en
premier, sinon, on est encore là demain.
Sur la route, de nombreux badauds, massés pour la plupart, de part et d’autre du Pont-
Neuf. Ca crie, ça gesticule, ça vocifère, sacré spectacle, très vivant. Ce sont les
« lécheuses de guillotine », citoyens payés par la commune de Paris et par le Comité
de Salut Public pour nous railler. Certains sont là par désœuvrement, et nous lancent
quelques fruits pourris avec un manque de conviction désespérant.
D’autres au contraire, plus nombreux, sont des passionnés : « A mort ! », « A mort ! »
Crient-ils. Et la joie illumine leurs yeux. Ah, les braves gens. Ils réclament ma tête
avec tant de plaisir que je regrette sincèrement n’en avoir qu’une à leur offrir…
Passés la rive, beaucoup moins de monde. Il y a deux heures à rouler au pas de lourds
chevaux de labours, pour atteindre la place où l’échafaud est dressé. Les rues sont
baignées de soleil. Ca chauffe sur la nuque… De plus en plus…C’est bien
l’administration française ça. Ca invente une machine censée te découper sans
souffrances, l’effet de la caresse d’une fraîche brise dans le cou, disent-ils, mais avant,
on te confie à un coiffeur qui te charcute, même pas de mousse à raser…Et pourquoi
la place de la Révolution, quand la place de Grève est à deux pas de la Conciergerie ?
Je suis vaguement mécontent. J’aurais préféré qu’on fasse ça au début du printemps…
Mes compagnons d’infortune ne semblent pas très réjouis non plus, à croire que nous
n’avons pas le cœur à la rigolade…
Pour me motiver, je m’amuse à regarder les pigeons, longtemps que j’en n’avais pas
vu, mais quand même, je trouve ça assez bête, un pigeon…
Heureusement, on arrive, il y a foule à nouveau. Beaucoup de couleurs, beaucoup de
chevaux aussi. Chacun de nous bombe un peu du torse, se redresse. C’est là que je
m’aperçois que monté premier, je serai le dernier à passer. C’est pas très malin…Mon
impatience me fait toujours perdre du temps.
8
Je vois enfin le terrible Charles Sanson, 5ème du nom. Son ancêtre, un brave homme,
a commencé par amour pour la fille du bourreau Jouënne. Pour se marier avec, il
fallait épouser aussi le métier. Le pauvre n’était pas vraiment fait pour, et tomba dans
les pommes, la première fois qu’il dût assister son beau-père. Le Sanson actuel est un
digne successeur : 3000 têtes. Il accomplit son travail avec la régularité d’un
métronome, et semble-t-il, un brin de lassitude. En ces mois d’été, la guillotine
fonctionne sans discontinuer six heures par jour. Il faut le comprendre…
Chacun descend de la charrette, et monte directement à l’échelle, dans une grande
dignité. C’est l’usage.
Parmi nous les condamnés, je revois avec stupeur l’homme que j’avais croisé en forêt
de Rambouillet, qui m’avait mené à Paris. Je veux lui faire un geste de salut, mais mes
mains sont attachées. Alors, je sautille sur place en lui faisant un large sourire. Bon,
j’ai bien conscience d’être un peu ridicule, mais comment faire? Il me dévisage d’un
œil transparent et maussade. Je ne comprends pas trop. On s’était quitté en bon terme,
je lui avais offert un beau porte-clefs en plastique, Total, « vous ne viendrez plus chez
nous par hasard » , pas une grande valeur en soi, mais pour trouver du plastique sous
la Terreur…Les gens sont d’un matérialisme aussi, quel besoin a-t-il de se préoccuper
d’une vulgaire babiole un jour comme aujourd’hui ? Il pourrait se concentrer sur ce
qui se passe, on ne meurt quand même pas tous les jours…
 
Note de l’auteur : Ici, je reprends la plume, car Gil a encore écrit 4 pages, trop
longues, et sans doute trop sordides pour un forum public…
Je vais résumer pour lui. Il se fit donc exécuter ce 20 thermidor de l’an III, en 1793
donc, soit presque 200 années avant sa naissance, ce qui lui occasionna pendant
longtemps de profonds problèmes existentiels et d’identité. Ses biographes eux-
mêmes, ne s’accordent pas pour trancher si Gil a eu une mort prénatale ou une
naissance post mortem. To be, or not to be, Gil en vint même parfois à douter de la
réalité de son existence…
Il ne retrouva jamais sa voiture, et ne la paya jamais…
 
3 ème volet des aventures de Gil au XVIII ème siècle...
(J'ai perdu la deuxième partie, mais c'est pas très grave, on comprend quand même)
 
Ca, c’est le troisième volet du petit conte que j’avais commencé il y a déjà longtemps,
j’espère que quelques uns s’en souviennent. Comme je l’ai commencé, faut bien que
je le finisse. Résumé des épisodes précédents, guillotiné, Gil se retrouve dans l’au-
delà où l’accueille un personnage nommé Harold.
Harold souriait toujours, ses yeux d’un bleu métallique semblait tournés vers un rêve
intérieur et lointain.
« Une partie de Chaturanga, Gil ?
9
- Mais volontiers, Harold, c’est toujours un plaisir. »
Mes idées devenaient plus claires, je me souvenais parfaitement de ce jeu, l’ancêtre
des échecs. Nous y jouions tous les deux, il y a si longtemps, en Inde, dans le
Rajhastan, à une époque où j’étais brahmane hindouiste, et lui un père blanc,
catholique, venu de Hollande évangéliser nos contrées de sauvages à une période où
une famine incroyable s’était abattue sur mon peuple.
Il était venu, Jaisalmer où j’habitais était une simple étape sur sa route, mais notre
amitié fut si profonde et immédiate qu’il n’en est jamais reparti. Sa fin fut tragique,
lapidé par les habitants du village, sous mes yeux, par des gens qui ne le comprenaient
pas. Il n’y avait que les oiseaux et les enfants pour l’écouter…
« Nous y jouerons plus tard. Reprit-il. Va d’abord droit devant toi, vers cette forêt, et
prend le chemin. Tu ne peux pas te tromper, j’ai disposé des flèches, tu n’as qu’à les
suivre. »
Je fis comme il avait dit, marchai longtemps, puis pénétrai dans la forêt, et empruntai
un long chemin.
Je débouchai soudain dans une clairière, un petit vallon, où entre de grosses pierres,
coulait une source d’eau claire.
Elle était là, assise sur l’une d’elles, nue et pensive, sa longue chevelure ondulant
jusqu’aux reins, elle caressait la coquille d’un escargot attendri….Elle ne me voyait
pas encore, et je la regardais en silence. Mon cœur avait cessé de battre, mais quand
on est mort, ça n’a pas grave conséquence…
« Lisa… murmurai-je dans un dernier souffle
- Toi ! …
Elle leva vers moi un visage soudainement illuminé, se jetait dans mes bras :
- Enfin Toi !
L’un contre l’autre, serrés fort, s’abandonnant, livrés nus à la force des émotions qui
nous submergeaient, nous restâmes ainsi, longtemps, très longtemps, le temps d’une
éternité, d’une vie, le temps d’un battement d’aile de papillon….
Mais le bruit que fit l’escargot en s’éloignant discrètement nous ramena en douceur à
une réalité plus au-delà-à-au-delà…(On ne dit pas terre-à-terre dans l’au-delà).
- Ainsi, ça a marché, dis-je, bouleversé.
- Comme sur des roulettes ! Répondit-elle, déjà rieuse.
- J’en aurais pas mis ma tête à couper. J’étais mort d’inquiétude, tu m’as beaucoup
manqué. Surtout les soirs, après l’extinction des bougies.
- J’ai bien cru mourir d’ennui, moi, fit-elle boudeuse. Tu as été si long !!
- Mes juges ont été longs à s’exécuter. Mais c’était gonflé, notre pari. Supputer ainsi
d’une vie après la mort pour réussir à nous réunir. On a eu du bol, imagine qu’il n’y
ait rien eu ? Le néant ?
- Gil ! On en a déjà assez parlé. S’agaçait-elle. Je ne voulais pas d’une vie sans toi.
- Oui, mais quand même. Tu m’aurais bien oublié un jour, le temps fait toujours son
œuvre. Tu aurais bien fini par trouver quelque forgeron, lequel à force de forger,
aurait bien fini par…
- Bon, si je comprends bien, tu n’es pas content de me retrouver ?
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- Comment peux-tu croire ça, mon amour ? Dis-je, déconcerté, éperdu.
- Alors profitons de la vie ! Ce que tu peux être ronchon, parfois !
- Je ne suis pas ronchon. Bougonnai-je. Et en plus, c’est quand même moi qui ai eu
l’idée du porte-clefs.
- Géniale, cette idée, quel sens de l’improvisation ! Mais quelle douleur de te quitter !
D’ailleurs à ce moment là, j’avais voulu te dire que…
- Oui ?
- On verra plus tard... Viens, rentrons vite chez nous.
- Chez nous ?
- Oui, je nous ai construit une chouette maison, toute belle, et on sera très heureux. En
fait, elle a un peu la forme d’une soupière.
- Une soupière ? Tiens ? Quelle idée… »
Elle rougit :
« Euh, si tu veux, je voulais te faire plaisir en lui donnant la forme d’une cafetière,
mais tu comprends, moi, des cafetières, je n’en ai jamais vu.
- Oh! Mais c’est une idée sublime, ça, une soupière. J’en ai toujours rêvé. T’ai-je déjà
dit, au fait, que j’adorais la soupe ? C’est vrai, quand je n’ai pas de café, chaque fois,
je me dis, ben tiens, je me ferais bien une petite soupe ».
Devisant ainsi, tout à la joie de nos retrouvailles, nous marchions vers l’orée de la
forêt, qu’éclairait une étrange brume dorée. Puis, comme la route était encore longue,
nous la continuâmes en volant, ce qui n’est pas si facile qu’on pourrait croire, mais
très agréable, une fois qu’on a pris le coup. On peut même aller très vite. Les cheveux
de Lisa s’envolaient dans le vent, elle était radieuse, elle était belle, et en moi-même,
je me disais que j’avais bien de la chance, et que c’était encore mieux que de courir
sur une plage avec n’importe quelle autre fille sur fond de wabada bada…
Nous arrivâmes enfin devant ce qu’il serait convenu d’appeler une grosse marmite,
avec trois pieds d’où partaient des escaliers. Il y avait également une anse, et un
couvercle dont j’appris par la suite qu’il était rabattable, un peu comme une voiture
décapotable, si vous voulez…
- Qu’en penses-tu ? Me demanda-t-elle, une pointe d’anxiété dans la voix.
- C’est, heu…C’est charmant. Inattendu, mais…mais c’est charmant.
- Tu sais, si elle ne te plaît pas, on peut la transformer comme on veut, où même s’en
construire une dizaine d’autres, et même en forme de cafetière, si tu en as envie.
- Mais elle est parfaite, nous y serons très bien, et bien orientée, en plus.
- Oui, ça, ça dépend où je mets le soleil. Tu veux qu’on mette la nuit ?
- Oui, ce serait super. Avec juste quelques étoiles, s’il te plaît. Je te laisse faire, je ne
suis pas encore habitué. »
Du geste auguste de la semeuse, elle qui n’avait pourtant jamais considéré une pièce
d’un franc, elle fit naître un crépuscule, transformant en un clin d’œil le vaste paysage
de plaine, en une atmosphère d’intime chaleur. Elle disposa ensuite quelques
réverbères tout autour de la marmite, qui l’éclairaient d’une lumière falote laissant à
penser qu’une étrange cérémonie antique allait s’y dérouler. Et c’était bien le cas…
Une cérémonie toute simple, celle de notre amour. Mais de notre amour enfin libre,
sans contraintes, sans entraves. Libres de le laisser éclater enfin, pour la première
fois…
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Note de l’auteur : Ici, je reprends la plume, parce que je trouve qu’ils ont bien le droit
de faire l'amour tranquilles. Pour l’instant, ils n’ont connus que la grande salle de garde de la
Conciergerie, et il y a mieux comme ambiance, au milieu de partouzes générales, en
plus.
Là, ça va être puissant, mais à la limite, ça ne nous regarde pas, on va pas regarder.
Pour ceux qui ne sont jamais morts, sachez simplement que techniquement, ça se
passe comme sur Terre, mais qu’au niveau des sensations, c’est plus, euh, Waouwh !!!
On va les cueillir tous les deux au réveil…
« Lisa !!! Mon café est prêt ??!!… Bon, comme je le disais, on a tous nos petites
manies, et avant d’ouvrir les yeux, je préfère que…enfin, bref,
- C’est prêt mon amour. »
Humm, que certains réveils sont agréables… Il y a quand même la petite corvée
d’enlever la nuit, et de la remplacer par un petit matin propre avec quelques gouttes de
rosée…C’est vraiment pas grand chose…
Rien à voir avec descendre les poubelles, par exemple.
« Qui t’as appris à faire le café ? Il est délicieux. Aussi bon que celui d’Harold.
- Justement, c’est lui.
- Tiens ? Tu connais donc Harold ? » Avec une nuance de jalousie dans le ton, parce
que quand même, mon pote Harold, c’est un sacré mec qui en a charmé plus d’une,
avec son regard intense, dans les villages du Rajhastan. Mais il ne consommait pas, à
cause de sa religion, et de son Christ qui le voulait pour lui tout seul.
- Bien sûr, que je le connais. On a organisé un minimum ton arrivée, figure-toi. C’est
quelqu’un de passionnant. Il ne m’attire pas du tout, mais c’est un génie, dans son
genre.
- C’est mon meilleur ami, tu sais, des siècles qu’on bourlingue ensemble.
- Nous avons énormément parlé de toi. Ronronna-t-elle, câline, en se nichant contre
moi. C’est quoi ce tube entre tes doigts ?
- Oh, ça…Quelque chose qui m’a beaucoup manqué à la Conciergerie. Ca sert à faire
sortir de la fumée par les trous de nez.
- Pour quoi faire ?
- Personne ne le sait vraiment… »
A ce moment, nous entendîmes frapper trois coups à la porte, et Louis XVI fit son
apparition, un sachet de croissants à la main. Ce furent entre nous des effusions à n’en
plus finir, pendant que Lisa, intimidée, tentait une gracieuse révérence. Son mec Gil
tutoyait le Roi de France, quel mec, quand même, et elle devait se dire qu’elle était
pas prête de le lâcher celui-là. Enfin, je pense que c’est ce qu’elle devait se dire.
Comme nous étions encore nus à son arrivée, Louis ouvrait des yeux ronds et
incrédules…Lisa, c’est pas vraiment le gabarit de sa Marie-Antoinette…
« Sacré Louis, ça fait plaisir de te revoir. Dis-je…Tu n’as pas changé. Un peu forci,
peut-être. Tu vas rire, mais je m’attendais à te voir débarquer avec ta tête sous le bras,
je sais, c’est idiot, mais là d’où je viens, j’avais vu une caricature de toi qui te
représentait comme ça.
- Là d’où tu viens ? Le futur, n’est-ce pas ?
- Mais comment diantre…Mais qui a pu te dire ? Seule Lisa savait que…
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- Tout le monde, est au courant. On ne peut rien cacher de soi, ici. Et, si tu veux,
quelqu’un qui vient du futur, ça a beaucoup impressionné les esprits. D’autant que
personne ne sait la façon dont un tel phénomène à pu se produire. En principe, c’est
impossible. Ca risque d’ailleurs de t’attirer quelques ennuis, tu verras…
- Je me disais bien, c’était trop beau, on peut vraiment pas être peinard cinq minutes,
dans la vie.
- Harold t’en parlera. Il est plus au courant que nous de ces sortes de choses.
- Ok, mangeons tes croissants, tu veux un café, ou une soupe, peut-être ?
- Merci, juste un cassoulet… »
- Hum, un cassoulet, bien sur…Dès le matin, comme ça ? Après tout si tu en as envie.
Pas de problèmes, je vais te cuisiner tout ça. Où est disposée la cuisine, Lisa ?
- Dans la cuisine, là où tu trouveras la cuisinière.
- Bon, je vais te l’améliorer un peu, attention, ça va être impressionnant. Je t’offre une
cuisine intégrée avec hotte aspirante de mille cinq cents watts ultra silencieuse, four à
induction, et réfrigérateur américain. J’aime pas les américains, mais question frigo,
ils sont très forts. Tu vas en faire des jalouses. Toutes tes copines voudront la même.
- C’est quoi un frigo ?
- C’est là où on met du froid, ça vient direct du futur… »
Effectivement, le résultat était impressionnant. C’était pas tout à fait assorti à notre
mobilier style Louis XVI, mais ça en jetait un max…Lisa, ébahie, tapait dans ses
mains. Son visage sans cesse émerveillé m’émerveillait sans cesse…
L’intérêt de tout ça était purement décoratif, puisqu’il me suffit d’imaginer le plat fini
pour qu’apparaisse instantanément le cassoulet que Louis affectionnait tant, et dont je
me demandais s’il n’en abusait pas un peu…
« Hum, Lisa, ma chérie, j’aimerais que tu t’habilles un peu, tu comprends, mon pote
Louis est quand même un grand monarque, et il serait plus décent, enfin, plus
convenable, que tu…
- Oh, mais bien sûr, dit-elle, tournant sur elle-même, se retrouvant vêtue d’une robe
verte, diaphane et évanescente, pendant que je me fabriquais une version moderne de
ma coutumière robe de brahmane.
« Mais tu sais Gil, ici, tu trouveras beaucoup de gens nus, puisqu’il n’y fait jamais
froid.
- Jamais froid ?
- Jamais, sauf si on le désire, bien sûr, et il y a toujours quelques fous pour le vouloir.
- De plus, reprit Louis, pour moi, ce n’est pas le matin, la dernière nuit que je me suis
confectionnée date d’un bon mois, je peux donc manger du cassoulet tranquille,
d’autant qu’il n’y a pas d’heure…Mais je vous souhaite un bon petit déjeuner. »
Je commençais à me rendre compte qu’il me faudrait encore un certain temps pour
assimiler toutes les bizarreries de ce nouveau monde, mais rien ne semblait très
compliqué, ni très grave.
- Harold désire nous voir, Gil, me dit Lisa, ne le faisons pas trop attendre.
- Comment le sais-tu ?
- Télépathie. Tu apprendras vite aussi ».
Ce qui était un peu énervant, c’est que Lisa savait tout mieux que moi, je me sentais
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un peu pataud, maladroit, dévalué, pour tout dire, quand je pensais aux heures passées
à la Conciergerie où je lui parlais de l’an 2000. Faudra quand même que je lui montre
qui c’est l’homme, à celle-là.
- Tu viens avec nous, Louis ? Demandai-je. Harold serait ravi de te connaître.
- Euh, je viens, mais je le connais déjà, Gil, il avait suivi nos péripéties d’ici et m’a
contacté à mon arrivée.
- Bon, ok. Tout le monde connaît mon pote, quoi. Y a que moi qui ne sait rien, alors…
- Mais c’est normal, tu viens d’arriver.
- Grompf… Tu es prête Lisa ?
- Une minute, je prends mon sac…
- Ok, j’ai le temps de reprendre un café, alors »
Quelques minutes plus tard, nous prenions notre envol, dans ces paysages
merveilleux, et Louis ne semblait pas du tout handicapé par son gros ventre. La
sensation était de plus en plus agréable…
Note de l’auteur : Je veux pas en mettre trop à chaque fois, il y aura sans doute encore
deux tomes. Excusez-moi pour les croissants, je sais bien que ça n’existait pas au
XVIIIème siècle, mais Louis pouvait pas arriver les mains vides, n’est-ce-pas ?
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- Jamais, sauf si on le désire, bien sûr, et il y a toujours quelques fous pour le vouloir.
- De plus, reprit Louis, pour moi, ce n’est pas le matin, la dernière nuit que je me suis
confectionnée date d’un bon mois, je peux donc manger du cassoulet tranquille,
d’autant qu’il n’y a pas d’heure…Mais je vous souhaite un bon petit déjeuner. »
Je commençais à me rendre compte qu’il me faudrait encore un certain temps pour
assimiler toutes les bizarreries de ce nouveau monde, mais rien ne semblait très
compliqué, ni très grave.
- Harold désire nous voir, Gil, me dit Lisa, ne le faisons pas trop attendre.
- Comment le sais-tu ?
- Télépathie. Tu apprendras vite aussi ».
Ce qui était un peu énervant, c’est que Lisa savait tout mieux que moi, je me sentais
  • sur wanadoo/femmes/séduire/café des amis
    Posté le 17/11/2005 03:00:16
    "Gil au temps de la révolution française" De : Gil.SawaS Posté le 02/04/2005 à
    16:30:58
    Je vais essayer le copier-coller, c’est pas évident pour moi, c’est la première fois que
    je me lance dans une telle entreprise…
    C’est vrai que j’ai eu une drôle d’idée d’écrire un truc si long, mais c’est trop court
    pour être publié ailleurs, en même temps…C’est pas grave si personne ne va jusqu’au
    bout.
    C’est une petite nouvelle dont le héros s’appelle Gil…C’est un prénom que je retiens
    facilement...
    Il y a un anachronisme historique, mais ça m’arrangeait pour la narration. Si
    quelqu’un le trouve, j’offre un porte-clefs (en plastique).
    Alors, c’est un truc qui m’est arrivé la semaine dernière, et qui est quand même assez
    étrange, je ne sais pas ce que vous en penserez.
    Je roulais sur le plateau du Larzac dans une automobile confortable. La
    direction était assistée, il faisait un peu chaud dehors, mais c’était pas grave, car
    j’avais la clim’…Je me permis d’adopter une position qui me semblait être l’attitude
    virile de l’homme sans soucis, et bien nourri.
    Je roulais sur le plateau du Larzac, sur une route qui n’en finissait pas, à la recherche
    d’un raccourci que jamais je ne trouva.
    Soudain, et pour moi, c’est surtout à partir de maintenant que ça devient bizarre, je me
    sentis ébloui par une aveuglante lumière blanche. Je fermai les yeux, et commençai à
    m’endormir, et dans mon cerveau délirant, des nains portaient des cierges en hurlant.
    Mais même les meilleures choses ont une fin, et au matin, je me réveillai, pour le
    moins étonné. Au début, je n’en crus pas mes yeux. Puis, je finis par les croire : J’étais
    en forêt de Rambouillet…
    Et ce qui me semblait le plus ahurissant, c’est que ce n’était pas exactement la forêt de
    Rambouillet telle que nous la connaissons tous. Non…Quelques légères différences.
    Les arbres pas vraiment au bon endroit. Vous voyez, quoi ? La forêt de Rambouillet
    telle qu’elle pouvait l’être il y a deux cents ans…
    Après un bref instant de stupeur assez compréhensible, je m’aperçus que ma super
    voiture ne m’avait pas suivi. Je n’avais même pas fini de la payer…
    Mais en même temps, si j’avais rétrogradé de deux cents années, elle n’était pas prête
    d’être fabriquée, alors qu’on ne me demande pas d’argent maintenant…
    Deuxième constatation, je ne pouvais pas boire mon café du matin, pas le moindre
    bistrot alentour, et ça me rend toujours un peu bougon. D’autant que personne contre
    qui bougonner, non plus…
    Ah, si, un homme s’avançait sur le chemin, proche de moi. Il portait un bonnet
    phrygien, ce qui me fit penser que nous devions être au moins en 1791, et sans doute
    guère plus, il n’a pas été à la mode si longtemps…
    1
  • « Bonjour citoyen, bougonnai-je.
    - Salut à toué… »
    Répondit-il en Canadien. J’étais peut-être au Canada ? Mais ça voudrait dire que dans
    la même nuit j’aurais été conduit pendant mon sommeil depuis le plateau du Larzac,
    jusqu’à la forêt de Rambouillet, elle-même transportée au Canada, et le tout deux
    cents ans plus tôt. Et ça, mon esprit cartésien se refusait à l’admettre. Après réflexion,
    c’était plutôt le langage canadien qui devait être plus proche de l’ancien français que
    le français actuel. Il ne faut pas toujours chercher midi à quatorze heures.
    « Va bien le Roué ? La forme ? Me renseignai-je discrètement..
    - Dame ! on dit qu’il a eu la grippe ct’ hiver, j’croué…
    En tout cas, le roi était vivant. C’était une bonne chose pour moi, car il est d’usage
    pour les voyageurs dans le temps, de rencontrer le souverain du lieu, parce que nous
    sommes détenteurs de secrets technologiques, de visions d’avenir, et autres, qui ne
    sont pas à confier à n’importe quel manant. D’autant qu’avec mes vêtements
    modernes, les manants auraient peut-être tendance à me prendre pour un voleur de
    poules.
    Par chance, le manant se rendait justement à Paris. Il avait un petit chariot prêt à
    partir. Il me déposerait juste devant Les Tuileries. ( C’est ça, ou alors, j’écris une page
    de tribulations…)
    Pendant le voyage, il partagea son pain et une tranche de lard, puis je demandai :
    « Mon cadran solaire retarde ou avance, en quelle année sommes-nous ?
    - Crénom, tu s’rais pas un voleur de poules, toué ?
    - Mais non, je viens de loin, c’est tout.
    Il fut rassuré. En le quittant, je cherchai quoi lui offrir pour le remercier, mes €uros
    n’avaient sans doute pas cours, je trouvai au fond de ma poche un porte-clef en
    plastique, sans grande valeur, mais qui lui fit très plaisir.
    Nous nous quittâmes en très bons termes.
    Pour accéder jusqu’au roi, je dus malgré tout escalader différents obstacles, dont une
    petite soubrette.
    Je fus enfin devant le monarque, Louis XVI, à qui il avait été dit qu’un Etranger venu
    de très loin était Faiseur de Grande Magie et Détenteur de Grands Savoirs.
    « Sois le bienvenu, Ô noble étranger aux yeux couleur de jais noir.
    - Merci, ô le plus grand d’entre les rois.
    - On me dit que tu es habile dans l’art de faire des tours.
    - Vous n’en croirez pas vos augustes yeux, Sire. Je viens de très loin par delà les mers,
    d’un pays où on connaît beaucoup de secrets, vous allez voir, nous allons faire de
    grandes choses ensembles, je vais vous tailler un Empire à faire pâlir Napoléon, on va
    révolutionner l’histoire, et vous me nommerez Duc et me donnerez des terres ! La
    bombe atomique ! Majesté, on va faire tout péter à la bombe atomique !!
    - Ah ?
    - Oui, Monseigneur. E = mc2, c’est pas fabuleux, ça ?
    - Sans doute…Qu’est-ce que ça veut dire ?
    - Et bien, ce sont des questions d’énergie, de masse peut-être, euh, je ne me souviens
    2
  • pas bien. En tout cas, si vous allez un jour sur la lune, ce sera grâce à ça…
    - Mais que veux-tu que j’aille faire sur la lune ? Je suis si bien dans mon palais, mon
    bon Gil. ?
    - Qu’importe, on va rester simple, la bonne vieille lampe à incandescence. Je vais
    damer le pion à Edison, c’est déjà pas si mal. Pour l’électricité, on fera pédaler un
    homme avec une dynamo. Vous avez un pédaleur ?
    - Nous avons de tout ici. Répondit le roi, prudent.
    - Je vous propose alors d’enfermer dans une ampoule de verre, la lumière de mille
    bougies.
    - Mille bougies ? Dit-il, ébloui. Tu serais un bien grand mage.
    - Mille bougies. Il nous faut un filament en tungstène…
    - Tinkstenn ?? Entendis-je en Autrichien. Marie-Antoinette, la femme de Louis,
    s’avançait, avenante, et l’œil égrillard.
    - tungstène, tout juste. Ensuite, il n’y a plus qu’à faire le vide dans l’ampoule,
    et…et…Comment je fais le vide ? Pas en aspirant l’air de l’ampoule, en tout cas…Je
    n’avais pas pensé à ça…Je ne sais pas comment on fait le vide. C’est si simple à faire
    dans ma tête, pourtant.
    « Pas tinkstenn ?? » Dit Marie-Antoinette, déçue.
    - C’est pas grave, Ma Reine. »
    Je disais ça, mais je commençais à me demander ce que je pouvais leur apporter de
    ma civilisation.
    " Allons aux cuisines, vos majestés, on réfléchira mieux devant un bon cassoulet.
    - Cassoulet ?? Qu’est-ce que c’est ?? S’écrièrent-ils comme un seul homme.
    - Vous verrez, je vous donnerai la recette. C’est de mon pays. Venez, Majesté, vous
    aussi, Majestère, dis-je en offrant mon bras à une Marie-Antoinette rosissante….
    Une demie-heure plus tard, nous faisions joyeusement ripaille, buvant du vin de
    fronton, écoutant les blagues salaces de Louis, qui est champion, pour ça. J’avais
    convié quelques laquais et domestiques pour mettre un peu d’ambiance, et la Reine
    dansait sur les tables, complètement bourrée.
    A la fin du repas, le Roi se leva, très ému, et me tint à peu près ce langage :
    « Noble étranger, en vérité, tu n’avais pas menti, et j’ai pu constater à quel point
    grands sont tes pouvoirs, et infinie ta science. Je ne me suis jamais autant régalé
    qu’avec ton cassoulet, et demain, j’établirai par décret qu’il sera plat national. Je suis
    d’ailleurs rassuré, car, je peux te le dire maintenant, avec ton accoutrement et tes
    paroles, je t’ai d’abord pris pour un voleur de poules.
    - ??? Mais c’est une manie. Je suis d'une honnêteté sans pareille.
    - En attendant, reprit-il, tu peux choisir le cadeau que tu désires à la hauteur de ton
    grand mérite.
    - Votre Majesté, est trop bonne, Sire. A la vérité, j’aimerais assez que vous me fissiez
    cadeau de la moitié de votre royaume.
    - HoHoHo !!! Tressauta son ventre. Tu sais que tu remplacerais avantageusement mon
    bouffon, Gil. Mais je vais t’offrir un porte-clefs, tu le mérites bien. »
    Ton bouffon. Radin, va. Tu vas voir, la prochaine fois que tu me demanderas de te
    cuisiner un cassoulet.
    Il se fit apporter un petit coffre duquel il sortit un porte-clefs, en métal celui-là.
    Comme il était féru de ferronnerie, il me donna également une clef assortie. J’enfouis
    le tout dans ma poche en marmonnant un vague merci. Ca peut toujours se revendre,
    et demain, si je lui apprends comment on cuisine la choucroute, il m’en offrira peut-
    être un autre.
    3
  • Le Roi voulait me présenter son fils, ça lui faisait plaisir. Dans une pièce voisine, il y
    avait là un gosse, qui faisait à dada sur un cheval de bois.
    - Mon fils Louis, annonça-t-il avec emphase, héritier de la couronne de France.
    - Non ? …Vous voulez dire que…
    - C’est lui qui me succèdera.
    Louis XVII…Le Dauphin, le fameux petit mitron, Louis XVII…Pas près de succéder
    à son papa. Je connaissais un peu son histoire, dans les grandes lignes. Pas grand
    chose à se souvenir, il n’a pas fait vraiment long feu dans la vie. Emprisonné très
    jeune à la Tour du Temple, il fut confié à la garde et éducation du cordonnier Simon et
    de sa femme. Certainement maltraité, sans jamais sortir, il y mourut vers l’âge de 10
    ans…Vie sacrifiée à la raison d’Etat…
    Evidemment, je n’allais pas révéler son avenir au petit Louis, si frêle, tout fier sur son
    petit cheval. Je lui tapotai gentiment la joue :
    « Oh ! Mais c’est un grand garçon. C’est de la graine de grand Roi, ça ! Et ça va
    gouverner tout seul la France, hein ?».
    Le gamin avait une jolie frimousse, et me fit un beau sourire. Papa Louis souriait
    aussi. Par empathie, je finis par sourire aussi. On souriait tous, on était content.
    Le Roi me raccompagna jusqu’à mes appartements, me souhaita une bonne nuit,
    tourna les talons, puis, se ravisant, revint jusqu’à moi et m’empoignant les mains avec
    effusion :
    « Gil, …Je voulais te dire…
    - Oui, Majesté ?
    - Merci…Pour le cassoulet.
    Et il s’enfuit en pétaradant.
    Je plongeai avec délices dans les profondeurs du matelas, me disant qu’un Roi, c’est
    une bonne relation dans la vie, puis m’endormis. Pas longtemps. Une main me
    secouait, cherchant frénétiquement à me réveiller. La voix du Roi :
    « Gil !!!
    - Fais chier, Louis, dors !
    - Allez, réveille-toi, il faut qu’on s’enfuie.
    - Pourquoi ?
    - Mes conseillers m’ont dit de le faire.
    - On le fera demain, alors !
    - Allez viens, quoi, sois pas le mauvais bougre.
    - Et où tu veux fuir ?
    - J’ai des potes à Varennes.
    - Tu sais que tu fais chier, Louis, hein ? Je viens, mais c’est la dernière fois. Mon café
    est prêt ? »
    Il n’avait même pas mis sa perruque. Quel scandale ! Je ne fis pas de commentaires, je
    ne suis jamais très coiffé au réveil non plus.
    Une berline était apprêtée. La boulangère était de la partie, et le petit mitron itou.
    Également la sœur du roi, et Axel de Fersen à la conduite.
    Ca se mit en route, en cahotant.
    Je replongeai aussitôt dans les bras de Morphée, Marie-Antoinette sur les genoux. Je
    4
  • n’avais pas fini ma nuit.
    Je dormais d’un doux sommeil calme, où je rêvais de poissons multicolores. J’étais
    dans un immense aquarium. C’était très joli. Je commençais à entendre des bruits. Des
    bruits de cuisine, je crois.
    - Louis, mon café est prêt ??!!! Criai-je avant d’ouvrir les yeux.
    Je déteste ouvrir les yeux avant que le café ne soit prêt. On a tous nos petites manies,
    n’est-ce pas ?
    Pas de réponse du Roi. Bon. Je veux bien ouvrir les yeux.
    Ce n’était pas des bruits de cuisine. C’était des gens qui frappaient avec des gamelles
    sur des sortes de grilles. Je les entendais, et je voyais celui qui me faisait face, à
    travers des barreaux qui gênaient mon champ de vision. Voyons. Derrière, c’était un
    mur. Sur les côtés, des murs. Sur le sol, de la paille. Pas de fenêtres. Des graffiti sur
    les murs…On dirait…Bon sang, mais c’est bien sûr :
    - J’ai l’impression de me trouver à la prison du couvent des Carmes, me dis-je, pas
    faraud.
    J’étais effectivement à la prison du couvent des Carmes. Moi, un futur ami du Roi.
    C’est gonflé, quand même. On me signifia d’ailleurs assez rapidement que j’étais
    condamné par la Convention pour intelligence avec l’ennemi, à avoir la tête tranchée
    en place de Grève, au moment où il plairait à mes juges de le faire. (J’allais écrire : à
    mes juges de s’exécuter, mais s’exécuter à m’exécuter, c’est pas facile à comprendre,
    et c’est un ouvrage de vulgarisation).
    Ils ne semblaient pas trop pressés, puisque les mois s’égrainaient, dans une
    indifférence générale. J’aime bien les égrainer aussi, ces mois du calendrier
    républicain. Chacun d’eux est comme un bon vin : germinal, floréal, prairial,
    messidor, thermidor, fructidor, vendémiaire, brumaire, frimaire, nivôse, pluviôse,
    ventôse.
    Nous les devons à Fabre d’Eglantine, à qui nous devons aussi :
    « Il pleut, il pleut bergèèère, rentre tes blancs moutoons,
    allons sous la chaumière, bergère vite allons.
    Allons, viens donc vouère par-là, sous la chaumière, viiiiite, la bergèèère…
    Mais quand même.
    Condamné à avoir la tête tranchée en place de Grève. Quel triste destin. Je n’aimais
    pas trop cette idée. Je préférais qu’un miracle survienne au dernier moment, voire
    avant. Le Roi n’avait même pas eu le temps de nationaliser mon cassoulet…
    Je reçus cependant une bonne nouvelle.
    Un matin, je vis le gardien Storff se pointer dans ma cellule, sur sa jambe de bois :
    « Allez Gil, vieille crapule, réveille-toi !!! » C’est incroyable, cette manie qu’ont les
    gens de toujours vouloir me déranger pendant la sieste.
    « Tu es transféré !
    - Où ?
    - Conciergerie…
    - Oh ?
    - Oui.
    - …
    5
  • - …
    - Mon café est prêt ?! »
    Je captai tout de suite ce que cette nouvelle situation allait changer pour moi. En étant
    incarcéré à La Conciergerie, je ne dépendais plus de la place de Grève pour mon
    guillotinage, mais de la place de la Révolution. Et place de la Révolution, c’est là où
    officiait Sanson. La Star des bourreaux. Sanson le formidable. Un homme qui avait
    même du sang Royal. Et plein… Sur les mains… Sinistre réputation... C’est le genre
    de truc que je pourrais raconter à mes petits enfants, quand je serai vieux et ratatiné,
    les soirs d’hiver au coin du feu. Ce n’était plus une question de simple intelligence
    avec l’ennemi…Et perdre la tête pour raison de grande intelligence me paraissait
    finalement assez honorable.
    La Conciergerie avait également l’avantage qu’on n’y moisissait pas longtemps.
    Ce n’était pas que je fusse particulièrement pressé, mais je déteste ces gens qui
    prennent des décisions, et après, tu vois rien venir pendant des mois. Des promesses,
    toujours des promesses.
    Je tentai de réunir mes connaissances sur la guillotine. Un engin résolument moderne,
    en ce temps là. Un peu comme une Ferrari chromée maintenant…Chromée ou
    nickelée, du reste, je ne m’y connais pas trop en voitures.
    Ce n’est pas vraiment le bon docteur Guillotin qui l’a inventée, il l’a surtout présentée
    à la Convention. Pour la logistique de cette opération, il a chargé un cabinet
    d’ingénieur de l’époque de s’en occuper, dont le docteur Louis. Au début, la machine
    s’appelait la Louison, ou Louisette, et ça avait un couperet courbe, qui écrasait un peu
    les têtes, et qu’on a biseauté par la suite, pour des performances optimales…
    Le poids de ce couperet est pour moi un perpétuel sujet d’étonnement…40 kilos.
    Ca me semble exagérément exorbitant. Tu vas pas me dire qu’avec 20 kilos, ça
    marche pas… 20 kilos qui tombent de quatre mètres de haut, avec une lame de rasoir
    au bout ? Allez. J’y crois pas… C‘est suffisant, 20 kilos. Je suis un peu du bâtiment,
    je sais de quoi je parle.
    Ils ont peut-être fait des essais, remarque. J’espère, d’ailleurs. Quitte à y passer, autant
    souhaiter que la machine fonctionne correctement.
    La qualité de la coupe était sans doute primordiale, chez ses concepteurs :
    « Chef ! On a essayé avec 20 kilos, ça coupe pas bien.
    - Ah ? Bon. Mettez 30, alors…
    - Avec un autre prisonnier, ou on termine de couper çui-ci ?
    Je commençais à comprendre que les bourreaux avaient un métier bien ingrat,
    difficile. Remonter, hisser, 40 kilos, jusqu’à 50 fois par jour, ce devait vraiment être
    très physique, harassant. Ils me semblaient plus sympathiques, du coup. C’est surtout
    un travail manuel, en fait.
    Ils ont sans doute fait des essais. Je ne connaissais qu’un type de mécanisme, avec un
    crochet qui libère un anneau fixé sur le montant de la lame, et hop, ça tombe. Enfin, si
    on peut dire hop.
    Il y eu dans l’histoire certainement d’autres types de mécanismes, mais je ne
    connaissais que celui-là, et il n’y avait pas Internet, pour faire des recherches, dans
    cette immense salle commune de la Conciergerie où nous étions bien deux cents à
    attendre un peu bêtement qu’on nous appelle.
    6
  • Du reste, on ne faisait pas qu’attendre… Excités par la mort proche, et bien décidés à
    profiter de leurs derniers jours, les condamnés se mélangeaient assez facilement les
    uns dans les autres, et dès les bougies éteintes, les murs de la Salle de Garde
    résonnaient du râle de nos deux cents jouissances entremêlées.
    Je participais à l’effort collectif, en particulier avec une certaine Lisa, au corps
    juvénile, élastique et chaud, pour laquelle je commençais même à éprouver quelque
    amour…Seule parmi nous à avoir une chance de s’en sortir, puisque connaissant le
    jeune Saint-Just, qui faisait la pluie et le beau temps à la Convention. On craignait
    qu’elle ne fût noble, ce qu’elle n’était pas, bien que s’appelant : de la Marantine. Le
    temps que Fouquier-Tinville vérifie, il la libérerait certainement.
    Nous passions nos journées en discussions passionnées, et nos regards se disaient leur
    impatience de la tombée de la nuit où nos corps se retrouveraient…
    Je commençais à l’aimer, au point qu’un matin, je décidai de lui faire en cadeau le
    porte-clefs que m’avait remis le Roi :
    - Tiens, Lisa, je te le donne en gage de mon amour éternel. »
    En fait, je lui donnais aussi parce que je trouvais que cet objet me portait la poisse.
    Depuis que le Roi me l’avait offert, j’avais passé chacun de mes jours en prison.
    Les tendres yeux de Lisa s’embuèrent de larmes :
    - Oh, Gil !… Oh, tu es si … »
    Je ne sus jamais ce que j’étais tant, car la grande porte venait de s’ouvrir sur les deux
    gardes et le greffier, venus remplir la charrette du jour. Ils virent l’objet dans les mains
    de Lisa :
    - C’est quoi, ça ?
    - Un chouette porte-clefs, répondit-elle.
    - Montre, fit-il. Mais c’est le blason du Roi de France, dessus. Tu connais donc le
    Roi ?!
    - Non, c’est mon ami qui m’a fait ce présent.
    - C’est vrai ?
    - Mais pas du tout, et je ne connais pas cette jeune fille. » Répondis-je, un peu pour
    rire.
    Ils tinrent conciliabule :
    - L’homme dit qu’il ne la connaît pas. Il a l’air sincère…
    - La femme prétend ne pas connaître le Roi. Elle ment certainement…
    - A la guillotine, la citoyenne ?
    - A la guillotine. »
    Ils empoignèrent Lisa qui se tourna vers moi, ses yeux tendres embués de larmes :
    « Oh, Gil !… Oh, tu es si … »
    Mais je ne sus jamais ce que j’étais tant, car ils l’emmenèrent, et je ne la revis plus…
    7
  • Elle me manqua beaucoup, surtout les soirs, après l’extinction des bougies…
    Je me disais bien que ce porte-clefs portait la poisse…
    Ainsi, les jours passaient. Mornes. J’appris que mon vieux copain Louis avait perdu la
    tête le 21 pluviôse. Brave Louis, il aurait sans doute fait un excellent quincaillier. Une
    erreur de parcours, mauvaise orientation, ça.
    Un beau matin, (je m’en souviens bien, c’était le 20 thermidor, au plus fort de l’été,
    bonne date, pour mourir. Le chiffre 20 me semblait de bon augure, rond, et facile à
    énoncer, aurait dit un pote). Un beau matin, pardon, on vint me chercher :
    « Gil !!! Réveille-toi, vieux serpent !
    - Grompf…
    - Allez !
    - Mon café est prêt ?!
    En plein milieu d’un rêve érotique, pensez si c’est agréable. On m’appela avec
    d’autres gens. C’était notre tour…
    Passage obligé chez le coiffeur, pour ne pas avoir de cheveux qui gêneraient la bonne
    marche de la machine. Ce n’est pas un coiffeur qui a l’amour du travail bien fait. Une
    bonne giclée d’eau sur la nuque, trois gestes de son coupe-chou, et tu es apte au
    service, avec la douleur cuisante du feu du rasoir.
    On commence à voir du sang qui gicle ici et là, avant-goût des réjouissances.
    Après, ça se bousculait pas vraiment pour monter dans la charrette. J’y montai en
    premier, sinon, on est encore là demain.
    Sur la route, de nombreux badauds, massés pour la plupart, de part et d’autre du Pont-
    Neuf. Ca crie, ça gesticule, ça vocifère, sacré spectacle, très vivant. Ce sont les
    « lécheuses de guillotine », citoyens payés par la commune de Paris et par le Comité
    de Salut Public pour nous railler. Certains sont là par désœuvrement, et nous lancent
    quelques fruits pourris avec un manque de conviction désespérant.
    D’autres au contraire, plus nombreux, sont des passionnés : « A mort ! », « A mort ! »
    Crient-ils. Et la joie illumine leurs yeux. Ah, les braves gens. Ils réclament ma tête
    avec tant de plaisir que je regrette sincèrement n’en avoir qu’une à leur offrir…
    Passés la rive, beaucoup moins de monde. Il y a deux heures à rouler au pas de lourds
    chevaux de labours, pour atteindre la place où l’échafaud est dressé. Les rues sont
    baignées de soleil. Ca chauffe sur la nuque… De plus en plus…C’est bien
    l’administration française ça. Ca invente une machine censée te découper sans
    souffrances, l’effet de la caresse d’une fraîche brise dans le cou, disent-ils, mais avant,
    on te confie à un coiffeur qui te charcute, même pas de mousse à raser…Et pourquoi
    la place de la Révolution, quand la place de Grève est à deux pas de la Conciergerie ?
    Je suis vaguement mécontent. J’aurais préféré qu’on fasse ça au début du printemps…
    Mes compagnons d’infortune ne semblent pas très réjouis non plus, à croire que nous
    n’avons pas le cœur à la rigolade…
    Pour me motiver, je m’amuse à regarder les pigeons, longtemps que j’en n’avais pas
    vu, mais quand même, je trouve ça assez bête, un pigeon…
    Heureusement, on arrive, il y a foule à nouveau. Beaucoup de couleurs, beaucoup de
    chevaux aussi. Chacun de nous bombe un peu du torse, se redresse. C’est là que je
    m’aperçois que monté premier, je serai le dernier à passer. C’est pas très malin…Mon
    impatience me fait toujours perdre du temps.
    8
  • Je vois enfin le terrible Charles Sanson, 5ème du nom. Son ancêtre, un brave homme,
    a commencé par amour pour la fille du bourreau Jouënne. Pour se marier avec, il
    fallait épouser aussi le métier. Le pauvre n’était pas vraiment fait pour, et tomba dans
    les pommes, la première fois qu’il dût assister son beau-père. Le Sanson actuel est un
    digne successeur : 3000 têtes. Il accomplit son travail avec la régularité d’un
    métronome, et semble-t-il, un brin de lassitude. En ces mois d’été, la guillotine
    fonctionne sans discontinuer six heures par jour. Il faut le comprendre…
    Chacun descend de la charrette, et monte directement à l’échelle, dans une grande
    dignité. C’est l’usage.
    Parmi nous les condamnés, je revois avec stupeur l’homme que j’avais croisé en forêt
    de Rambouillet, qui m’avait mené à Paris. Je veux lui faire un geste de salut, mais mes
    mains sont attachées. Alors, je sautille sur place en lui faisant un large sourire. Bon,
    j’ai bien conscience d’être un peu ridicule, mais comment faire? Il me dévisage d’un
    œil transparent et maussade. Je ne comprends pas trop. On s’était quitté en bon terme,
    je lui avais offert un beau porte-clefs en plastique, Total, « vous ne viendrez plus chez
    nous par hasard » , pas une grande valeur en soi, mais pour trouver du plastique sous
    la Terreur…Les gens sont d’un matérialisme aussi, quel besoin a-t-il de se préoccuper
    d’une vulgaire babiole un jour comme aujourd’hui ? Il pourrait se concentrer sur ce
    qui se passe, on ne meurt quand même pas tous les jours…
     
    Note de l’auteur : Ici, je reprends la plume, car Gil a encore écrit 4 pages, trop
    longues, et sans doute trop sordides pour un forum public…
    Je vais résumer pour lui. Il se fit donc exécuter ce 20 thermidor de l’an III, en 1793
    donc, soit presque 200 années avant sa naissance, ce qui lui occasionna pendant
    longtemps de profonds problèmes existentiels et d’identité. Ses biographes eux-
    mêmes, ne s’accordent pas pour trancher si Gil a eu une mort prénatale ou une
    naissance post mortem. To be, or not to be, Gil en vint même parfois à douter de la
    réalité de son existence…
    Il ne retrouva jamais sa voiture, et ne la paya jamais…
     
    3 ème volet des aventures de Gil au XVIII ème siècle... De : Gil.SawaS Posté le
    28/08/2005 à 15:25:15
     
    Ca, c’est le troisième volet du petit conte que j’avais commencé il y a déjà longtemps,
    j’espère que quelques uns s’en souviennent. Comme je l’ai commencé, faut bien que
    je le finisse. Résumé des épisodes précédents, guillotiné, Gil se retrouve dans l’au-
    delà où l’accueille un personnage nommé Harold.
     
    Harold souriait toujours, ses yeux d’un bleu métallique semblait tournés vers un rêve
    intérieur et lointain.
    « Une partie de Chaturanga, Gil ?
     
  • - Mais volontiers, Harold, c’est toujours un plaisir. »
    Mes idées devenaient plus claires, je me souvenais parfaitement de ce jeu, l’ancêtre
    des échecs. Nous y jouions tous les deux, il y a si longtemps, en Inde, dans le
    Rajhastan, à une époque où j’étais brahmane hindouiste, et lui un père blanc,
    catholique, venu de Hollande évangéliser nos contrées de sauvages à une période où
    une famine incroyable s’était abattue sur mon peuple. Et la faim était comme un clou
    qui pénétrait dans l’estomac, et qui creusait, qui creusait.
    Il était venu, Jaisalmer où j’habitais était une simple étape sur sa route, mais notre
    amitié fut si profonde et immédiate qu’il n’en est jamais reparti. Sa fin fut tragique,
    lapidé par les habitants du village, sous mes yeux, par des gens qui ne le comprenaient
    pas. Il n’y avait que les oiseaux et les enfants pour l’écouter…
    « Nous y jouerons plus tard. Reprit-il. Va d’abord droit devant toi, vers cette forêt, et
    prend le chemin. Tu ne peux pas te tromper, j’ai disposé des flèches, tu n’as qu’à les
    suivre. »
     
    Je fis comme il avait dit, marchai longtemps, puis pénétrai dans la forêt, et empruntai
    un long chemin.
    Je débouchai soudain dans une clairière, un petit vallon, où entre de grosses pierres,
    coulait une source d’eau claire.
    Elle était là, assise sur l’une d’elles, nue et pensive, sa longue chevelure ondulant
    jusqu’aux reins, elle caressait la coquille d’un escargot attendri….Elle ne me voyait
    pas encore, et je la regardais en silence. Mon cœur avait cessé de battre, mais quand
    on est mort, ça n’a pas grave conséquence…
    « Lisa… murmurai-je dans un dernier souffle
    - Toi ! …
    Elle leva vers moi un visage soudainement illuminé, se jetait dans mes bras :
    - Enfin Toi !
    L’un contre l’autre, serrés fort, s’abandonnant, livrés nus à la force des émotions qui
    nous submergeaient, nous restâmes ainsi, longtemps, très longtemps, le temps d’une
    éternité, d’une vie, le temps d’un battement d’aile de papillon….
    Mais le bruit que fit l’escargot en s’éloignant discrètement nous ramena en douceur à
    une réalité plus au-delà-à-au-delà…(On ne dit pas terre-à-terre dans l’au-delà).
    - Ainsi, ça a marché, dis-je, bouleversé.
    - Comme sur des roulettes ! Répondit-elle, déjà rieuse.
    - J’en aurais pas mis ma tête à couper. J’étais mort d’inquiétude, tu m’as beaucoup
    manqué. Surtout les soirs, après l’extinction des bougies.
    - J’ai bien cru mourir d’ennui, moi, fit-elle boudeuse. Tu as été si long !!
    - Mes juges ont été longs à s’exécuter. Mais c’était gonflé, notre pari. Supputer ainsi
    d’une vie après la mort pour réussir à nous réunir. On a eu du bol, imagine qu’il n’y
    ait rien eu ? Le néant ?
    - Gil ! On en a déjà assez parlé. S’agaçait-elle. Je ne voulais pas d’une vie sans toi.
    - Oui, mais quand même. Tu m’aurais bien oublié un jour, le temps fait toujours son
    œuvre. Tu aurais bien fini par trouver quelque forgeron, lequel à force de forger,
    aurait bien fini par…
    - Bon, si je comprends bien, tu n’es pas content de me retrouver ?
    10
  • - Comment peux-tu croire ça, mon amour ? Dis-je, déconcerté, éperdu.
    - Alors profitons de la vie ! Ce que tu peux être ronchon, parfois !
    - Je ne suis pas ronchon. Bougonnai-je. Et en plus, c’est quand même moi qui ai eu
    l’idée du porte-clefs.
    - Géniale, cette idée, quel sens de l’improvisation ! Mais quelle douleur de te quitter !
    D’ailleurs à ce moment là, j’avais voulu te dire que…
    - Oui ?
    - On verra plus tard... Viens, rentrons vite chez nous.
    - Chez nous ?
    - Oui, je nous ai construit une chouette maison, toute belle, et on sera très heureux. En
    fait, elle a un peu la forme d’une soupière.
    - Une soupière ? Tiens ? Quelle idée… »
    Elle rougit :
    « Euh, si tu veux, je voulais te faire plaisir en lui donnant la forme d’une cafetière,
    mais tu comprends, moi, des cafetières, je n’en ai jamais vu.
    - Oh! Mais c’est une idée sublime, ça, une soupière. J’en ai toujours rêvé. T’ai-je déjà
    dit, au fait, que j’adorais la soupe ? C’est vrai, quand je n’ai pas de café, chaque fois,
    je me dis, ben tiens, je me ferais bien une petite soupe ».
    Devisant ainsi, tout à la joie de nos retrouvailles, nous marchions vers l’orée de la
    forêt, qu’éclairait une étrange brume dorée. Puis, comme la route était encore longue,
    nous la continuâmes en volant, ce qui n’est pas si facile qu’on pourrait croire, mais
    très agréable, une fois qu’on a pris le coup. On peut même aller très vite. Les cheveux
    de Lisa s’envolaient dans le vent, elle était radieuse, elle était belle, et en moi-même,
    je me disais que j’avais bien de la chance, et que c’était encore mieux que de courir
    sur une plage avec n’importe quelle autre fille sur fond de wabada bada…
    Nous arrivâmes enfin devant ce qu’il serait convenu d’appeler une grosse marmite,
    avec trois pieds d’où partaient des escaliers. Il y avait également une anse, et un
    couvercle dont j’appris par la suite qu’il était rabattable, un peu comme une voiture
    décapotable, si vous voulez…
    - Qu’en penses-tu ? Me demanda-t-elle, une pointe d’anxiété dans la voix.
    - C’est, heu…C’est charmant. Inattendu, mais…mais c’est charmant.
    - Tu sais, si elle ne te plaît pas, on peut la transformer comme on veut, où même s’en
    construire une dizaine d’autres, et même en forme de cafetière, si tu en as envie.
    - Mais elle est parfaite, nous y serons très bien, et bien orientée, en plus.
    - Oui, ça, ça dépend où je mets le soleil. Tu veux qu’on mette la nuit ?
    - Oui, ce serait super. Avec juste quelques étoiles, s’il te plaît. Je te laisse faire, je ne
    suis pas encore habitué. »
    Du geste auguste de la semeuse, elle qui n’avait pourtant jamais considéré une pièce
    d’un franc, elle fit naître un crépuscule, transformant en un clin d’œil le vaste paysage
    de plaine, en une atmosphère d’intime chaleur. Elle disposa ensuite quelques
    réverbères tout autour de la marmite, qui l’éclairaient d’une lumière falote laissant à
    penser qu’une étrange cérémonie antique allait s’y dérouler. Et c’était bien le cas…
    Une cérémonie toute simple, celle de notre amour. Mais de notre amour enfin libre,
    sans contraintes, sans entraves. Libres de le laisser éclater enfin, pour la première
    fois…
    11
  • Note de l’auteur : Ici, je reprends la plume, parce que je trouve qu’ils ont bien le droit
    de faire l'amour tranquilles. Pour l’instant, ils n’ont connus que la grande salle de garde de la
    Conciergerie, et il y a mieux comme ambiance, au milieu de partouzes générales, en
    plus.
    Là, ça va être puissant, mais à la limite, ça ne nous regarde pas, on va pas regarder.
    Pour ceux qui ne sont jamais morts, sachez simplement que techniquement, ça se
    passe comme sur Terre, mais qu’au niveau des sensations, c’est plus, euh, Waouwh !!!
    On va les cueillir tous les deux au réveil…
     
    « Lisa !!! Mon café est prêt ??!!… Bon, comme je le disais, on a tous nos petites
    manies, et avant d’ouvrir les yeux, je préfère que…enfin, bref,
    - C’est prêt mon amour. »
    Humm, que certains réveils sont agréables… Il y a quand même la petite corvée
    d’enlever la nuit, et de la remplacer par un petit matin propre avec quelques gouttes de
    rosée…C’est vraiment pas grand chose…
    Rien à voir avec descendre les poubelles, par exemple.
    « Qui t’as appris à faire le café ? Il est délicieux. Aussi bon que celui d’Harold.
    - Justement, c’est lui.
    - Tiens ? Tu connais donc Harold ? » Avec une nuance de jalousie dans le ton, parce
    que quand même, mon pote Harold, c’est un sacré mec qui en a charmé plus d’une,
    avec son regard intense, dans les villages du Rajhastan. Mais il ne consommait pas, à
    cause de sa religion, et de son Christ qui le voulait pour lui tout seul.
    - Bien sûr, que je le connais. On a organisé un minimum ton arrivée, figure-toi. C’est
    quelqu’un de passionnant. Il ne m’attire pas du tout, mais c’est un génie, dans son
    genre.
    - C’est mon meilleur ami, tu sais, des siècles qu’on bourlingue ensemble.
    - Nous avons énormément parlé de toi. Ronronna-t-elle, câline, en se nichant contre
    moi. C’est quoi ce tube entre tes doigts ?
    - Oh, ça…Quelque chose qui m’a beaucoup manqué à la Conciergerie. Ca sert à faire
    sortir de la fumée par les trous de nez.
    - Pour quoi faire ?
    - Personne ne le sait vraiment… »
    A ce moment, nous entendîmes frapper trois coups à la porte, et Louis XVI fit son
    apparition, un sachet de croissants à la main. Ce furent entre nous des effusions à n’en
    plus finir, pendant que Lisa, intimidée, tentait une gracieuse révérence. Son mec Gil
    tutoyait le Roi de France, quel mec, quand même, et elle devait se dire qu’elle était
    pas prête de le lâcher celui-là. Enfin, je pense que c’est ce qu’elle devait se dire.
    Comme nous étions encore nus à son arrivée, Louis ouvrait des yeux ronds et
    incrédules…Lisa, c’est pas vraiment le gabarit de sa Marie-Antoinette…
    « Sacré Louis, ça fait plaisir de te revoir. Dis-je…Tu n’as pas changé. Un peu forci,
    peut-être. Tu vas rire, mais je m’attendais à te voir débarquer avec ta tête sous le bras,
    je sais, c’est idiot, mais là d’où je viens, j’avais vu une caricature de toi qui te
    représentait comme ça.
    - Là d’où tu viens ? Le futur, n’est-ce pas ?
    - Mais comment diantre…Mais qui a pu te dire ? Seule Lisa savait que…
    12
  • - Tout le monde, est au courant. On ne peut rien cacher de soi, ici. Et, si tu veux,
    quelqu’un qui vient du futur, ça a beaucoup impressionné les esprits. D’autant que
    personne ne sait la façon dont un tel phénomène à pu se produire. En principe, c’est
    impossible. Ca risque d’ailleurs de t’attirer quelques ennuis, tu verras…
    - Je me disais bien, c’était trop beau, on peut vraiment pas être peinard cinq minutes,
    dans la vie.
    - Harold t’en parlera. Il est plus au courant que nous de ces sortes de choses.
    - Ok, mangeons tes croissants, tu veux un café, ou une soupe, peut-être ?
    - Merci, juste un cassoulet… »
    - Hum, un cassoulet, bien sur…Dès le matin, comme ça ? Après tout si tu en as envie.
    Pas de problèmes, je vais te cuisiner tout ça. Où est disposée la cuisine, Lisa ?
    - Dans la cuisine, là où tu trouveras la cuisinière.
    - Bon, je vais te l’améliorer un peu, attention, ça va être impressionnant. Je t’offre une
    cuisine intégrée avec hotte aspirante de mille cinq cents watts ultra silencieuse, four à
    induction, et réfrigérateur américain. J’aime pas les américains, mais question frigo,
    ils sont très forts. Tu vas en faire des jalouses. Toutes tes copines voudront la même.
    - C’est quoi un frigo ?
    - C’est là où on met du froid, ça vient direct du futur… »
    Effectivement, le résultat était impressionnant. C’était pas tout à fait assorti à notre
    mobilier style Louis XVI, mais ça en jetait un max…Lisa, ébahie, tapait dans ses
    mains. Son visage sans cesse émerveillé m’émerveillait sans cesse…
    L’intérêt de tout ça était purement décoratif, puisqu’il me suffit d’imaginer le plat fini
    pour qu’apparaisse instantanément le cassoulet que Louis affectionnait tant, et dont je
    me demandais s’il n’en abusait pas un peu…
    « Hum, Lisa, ma chérie, j’aimerais que tu t’habilles un peu, tu comprends, mon pote
    Louis est quand même un grand monarque, et il serait plus décent, enfin, plus
    convenable, que tu…
    - Oh, mais bien sûr, dit-elle, tournant sur elle-même, se retrouvant vêtue d’une robe
    verte, diaphane et évanescente, pendant que je me fabriquais une version moderne de
    ma coutumière robe de brahmane.
    « Mais tu sais Gil, ici, tu trouveras beaucoup de gens nus, puisqu’il n’y fait jamais
    froid.
    - Jamais froid ?
    - Jamais, sauf si on le désire, bien sûr, et il y a toujours quelques fous pour le vouloir.
    - De plus, reprit Louis, pour moi, ce n’est pas le matin, la dernière nuit que je me suis
    confectionnée date d’un bon mois, je peux donc manger du cassoulet tranquille,
    d’autant qu’il n’y a pas d’heure…Mais je vous souhaite un bon petit déjeuner. »
    Je commençais à me rendre compte qu’il me faudrait encore un certain temps pour
    assimiler toutes les bizarreries de ce nouveau monde, mais rien ne semblait très
    compliqué, ni très grave.
    - Harold désire nous voir, Gil, me dit Lisa, ne le faisons pas trop attendre.
    - Comment le sais-tu ?
    - Télépathie. Tu apprendras vite aussi ».
    Ce qui était un peu énervant, c’est que Lisa savait tout mieux que moi, je me sentais
    13
  • un peu pataud, maladroit, dévalué, pour tout dire, quand je pensais aux heures passées
    à la Conciergerie où je lui parlais de l’an 2000. Faudra quand même que je lui montre
    qui c’est l’homme, à celle-là.
    - Tu viens avec nous, Louis ? Demandai-je. Harold serait ravi de te connaître.
    - Euh, je viens, mais je le connais déjà, Gil, il avait suivi nos péripéties d’ici et m’a
    contacté à mon arrivée.
    - Bon, ok. Tout le monde connaît mon pote, quoi. Y a que moi qui ne sait rien, alors…
    - Mais c’est normal, tu viens d’arriver.
    - Grompf… Tu es prête Lisa ?
    - Une minute, je prends mon sac…
    - Ok, j’ai le temps de reprendre un café, alors »
    Quelques minutes plus tard, nous prenions notre envol, dans ces paysages
    merveilleux, et Louis ne semblait pas du tout handicapé par son gros ventre. La
    sensation était de plus en plus agréable…
     
    Note de l’auteur : Je veux pas en mettre trop à chaque fois, il y aura sans doute encore
    deux tomes. Excusez-moi pour les croissants, je sais bien que ça n’existait pas au
    XVIIIème siècle, mais Louis pouvait pas arriver les mains vides, n’est-ce-pas ?
    14
13
 
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Membre, 55ans Posté(e)
vampy2023 Membre 600 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
Posté(e)

c'est trop long pour un forum ...

il existe des forums littéraires qui te donnerons un avis mais pas sur une telle longueur

 

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Membre, Posté(e)
Demsky Membre 11 425 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)

« Ils n'ont pas de ......... ? Qu'ils mangent de la brioche ! »

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Membre, Créateur de la marionnette, 80ans Posté(e)
Gepetto Membre 11 242 messages
Maitre des forums‚ 80ans‚ Créateur de la marionnette,
Posté(e)

Bonne nuit :dort:

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Membre, 77ans Posté(e)
G2LLOQ Membre 26 485 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

Ca me fait penser aux discours inter-minables   de Fidel Castro   ..........      

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Membre, 64ans Posté(e)
K-sos Membre 4 058 messages
Maitre des forums‚ 64ans‚
Posté(e)

"...Excusez-moi pour les croissants, je sais bien que ça n’existait pas au
XVIIIème siècle".

Sauf erreur, les croissants existent depuis la fin du XVIIème siècle. C'est à la libération autrichienne du siège de Vienne par les ottomans que le croissant fut confectionné.

 

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Membre, 50ans Posté(e)
Gil.S Membre 9 messages
Forumeur balbutiant‚ 50ans‚
Posté(e)

Oui, c'est un peu long pour un forum, d'autant qu'il s'est dupliqué deux fois, sans doute à cause d'une fausse manip de ma part.

En vérité, il faudrait en supprimer la moitié, mais je ne sais pas comment on fait.

C'est une petite nouvelle que j'avais déjà publié sur un autre forum, il y a déjà pas mal de temps. C'était un forum où j'étais déjà connu pour mes petits textes, si bien que tout le monde l'avait lue.

C'est pas grave si personne ne le lit ici.

Au moins, ça m'évitera de le perdre.

Je t'adresse très prochainement un mp.

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Membre, 50ans Posté(e)
Gil.S Membre 9 messages
Forumeur balbutiant‚ 50ans‚
Posté(e)
Le 08/02/2023 à 09:54, G2LLOQ a dit :

Ca me fait penser aux discours inter-minables   de Fidel Castro   ..........      

Allons bon. Ce n'est pas un discours, mais une petite nouvelle. Ca se lit en 10 minutes, c'est bien moins long qu'un livre...

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Membre, 55ans Posté(e)
vampy2023 Membre 600 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
Posté(e)
il y a 12 minutes, Gil.S a dit :

Oui, c'est un peu long pour un forum, d'autant qu'il s'est dupliqué deux fois, sans doute à cause d'une fausse manip de ma part.

En vérité, il faudrait en supprimer la moitié, mais je ne sais pas comment on fait.

C'est une petite nouvelle que j'avais déjà publié sur un autre forum, il y a déjà pas mal de temps. C'était un forum où j'étais déjà connu pour mes petits textes, si bien que tout le monde l'avait lue.

C'est pas grave si personne ne le lit ici.

Au moins, ça m'évitera de le perdre.

Je t'adresse très prochainement un mp.

juste petit tip ...cite les personnes quand tu t'adresse a quelqu'un ... ça aide a réagir car on as une notification supplementaire

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Membre, 50ans Posté(e)
Gil.S Membre 9 messages
Forumeur balbutiant‚ 50ans‚
Posté(e)
il y a 1 minute, vampy2023 a dit :

juste petit tip ...cite les personnes quand tu t'adresse a quelqu'un ... ça aide a réagir car on as une notification supplementaire

Est ce que tu sais comment on s'y prend pour corriger un message ? Il faudrait que je supprime une bonne partie de mon texte...

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Membre, 55ans Posté(e)
vampy2023 Membre 600 messages
Forumeur alchimiste ‚ 55ans‚
Posté(e)
il y a 33 minutes, Gil.S a dit :

Est ce que tu sais comment on s'y prend pour corriger un message ? Il faudrait que je supprime une bonne partie de mon texte...

tu as un edit

tu as un edit mais pas quand tu es nouveau

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