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L'enduction d'une toile de lin


Oncle_Julien

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Oncle_Julien Membre 322 messages
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L'art de préparer une toile à peindre

Depuis quelques années, il faut noter une certaine propension des fournisseurs à proposer des toiles de coton. Tendues sur un châssis tout comme le sont les toiles de lin. C'est forcément moins cher. Surtout pour le fabricant qui peut ainsi augmenter considérablement ses marges. Jusqu'à il y a environ vingt ans, il ne serait venu à l'esprit de personne de peindre sur de la toile de coton. Il y a plusieurs raisons à cela. La première étant évidemment la pérennité de l'œuvre réalisée. Pour différents facteurs naturels. Le coton vieillit très mal accroché à un mur, une cloison, une paroi. 

Ensuite le coton est une des nourritures préférées des mites. Pour ne citer que les insectes les plus gourmands. Les mites adorent également faire un nid douillet dans le coton. Leurs progénitures y trouvent nourriture en abondance. Le coton à la particularité d'absorber l'humidité de son environnement. Cette humidité participe à sa destruction lente mais certaine. Par moisissures. Par pourrissements. Par putridité. On imagine sans peine la lente décomposition dans son épaisseur même. C'est un phénomène que n'endiguent pas les produits synthétiques d'appoints. Les gessos. 

Aucun gesso, aucune colle acrylique ne pourront jamais protéger le coton de son lent délitement. Chacun comprendra que peindre sur un tel support reste une hérésie. Surtout si l'artiste désire inscrire sa réalisation dans la durée. Une peinture sur coton, (la formule même prête à sourire), sera condamnée à courte échéance. Ce qui se passe dans sa matière même affectera tôt ou tard la surface peinte. Ce qui n'est pas le cas de la toile de lin. Il n'y a qu'à visiter n'importe quel Musée pour y admirer des toiles de lin qui, pour certaines, sont âgées de plus de 400 ans. Ayant défiées les siècles. 

On peut trouver d'excellentes toiles de lin dans les armoires de nos arrières grand-mères. Ces draps ont été lavés des centaines de fois. Ils n'ont rien perdu de leur consistance et présentent une trame régulière, serrée et dans un excellent état. Cela devrait apporter une certitude supplémentaire. J'adore préparer mes toiles à partir de ces vieux draps. Ils vont défier les siècles et trouveront dans ce recyclage, une seconde vie. Dans un drap de 2,50 m sur 3 m, je découpe les rectangles nécessaires aux formats que j'affectionne. Clémentine adore m'aider dans cette activité ludique. 

Je travaille principalement sur des formats F6, (41 x 33 cm). Je me fais livrer les châssis déjà assemblés par la maison Talens. Toujours en bois de hêtre, sans aucun nœud et aux fibres droits. Il me suffit de couper mes pièces de tissu aux formats 45 x 38 cm. Je dispose ainsi d'un espace suffisant pour fixer mes toiles sur leurs châssis. De petits clous de tapissier permettent une tension parfaite sur les côtés après pliage. Dans un bocal à confiture, (Bonne maman par exemple), je laisse tremper la colle de peau durant 12 heures. 10 gr pour 100 ml d'eau claire et pure. L'eau de source est parfaite.

Je fais chauffer ce mélange dans une casserole. Au bain-marie. Il faut mettre le couvercle du pot de confiture entre le fond du bocal et le fond du bocal. Pour éviter que le verre du bocal ne se fende. Une vingtaine de minutes à faible ébullition. La colle de peau est prête à l'usage. Avec un pinceau large, de type spalter, j'applique cette colle de peau bouillante sur la toile de lin. Sur toutes les parties et même sur les côtés cloués sur les tranches du châssis. J'en prépare à chaque fois une bonne dizaine. Je laisse sécher une journée. La toile est tendue comme la peau d'un tambour. 

J'applique une seconde couche d'encollage. La colle de peau fait corps avec la matière. Dans sa fibre la plus profonde. Mais j'applique cette seconde couche au "sabre". Cet outil qui n'est qu'une sorte de longue spatule de métal plus ou moins souple. C'est le principe de la "tartine". Tout comme je le ferais avec du beurre, je bouche les trous de ma tranche de pain. Je laisse sécher jusqu'au lendemain. J'ai préparé un nouveau bocal de colle de peau. Mais cette fois, lorsque la colle est à cuire dans son bocal entouré d'eau bouillante, je rajoute du blanc de Meudon. (De la craie). 

Cette seconde préparation diffère de la première par les quantités et les ajouts. Cette fois, il n'y a que 8 gr de peau de lapin en grains pour 100 ml d'eau. Une fois la colle chaude, j'y rajoute 7 gr de craie. Je touille pour rendre ce mélange parfaitement homogène. Clémentine adore faire toutes ces préparations avec moi. Cette "cuisine" la passionne. Avec le spalter, j'applique cette troisième couche. Après les deux couches d'encollage, il faut procéder aux couches d'enduction. Personnellement, j'en applique toujours quatre. La suivante sur la précédente déjà bien sèche. 

J'aime voir Clémentine passer le sèche-cheveux sur les surfaces fraîchement enduites de ce gesso naturel. Infiniment préférable aux Gessos synthétiques proposés par les grandes marques. Quand les surfaces sont parfaitement sèches, je les ponce. Au papier de verre de plus en plus fin. J'arrive à ce magnifique poli ivoirin qui est aussi lisse que le marbre. Il n'y a plus aucune aspérité. Aucune trace des mailles du tissu. C'est ainsi que les anciens Maîtres préparaient leurs supports. L'école Italienne utilisait le blanc de plomb. Cette céruse responsable de bien des ennuis de santé que je déconseille absolument. 

Je préfère les méthodes "douces" des Maitres Flamands et Hollandais du siècle d'Or, (XVIIème). Leurs contemporains anglo-saxons et français ont rapidement adopté ce principe sans danger. Sur une telle surface, le dessin préparatoire est aussi agréable que sur une feuille de papier Canson. On peut gommer ou poncer l'erreur. Sur cette surface l'application des couches d'impression est un vrai plaisir. Même à la peinture acrylique. L'application des couches supérieures à l'huile assure une adhérence, une accroche en profondeur totale et définitive. Le tableau franchira les siècles...

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