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Il y a 80 ans... le drame de mai 1940 (4)


Gouderien

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Membre, Obsédé textuel, 73ans Posté(e)
Gouderien Membre 38 422 messages
73ans‚ Obsédé textuel,
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Le 18 mai, Guderian s'empare de Saint-Quentin et de Péronne. Churchill, quant à lui, commence à envisager que la Grande-Bretagne puisse être amenée à continuer la guerre seule, si la France signait une paix séparée avec l'Allemagne. Enfin un nouveau péril menace les Alliés : le dictateur italien Benito Mussolini, qui jusque-là s’était tenu bien tranquille (il avait même signé un accord économique avec la France durant l’hiver), envisage à présent d’entrer en guerre aux côtés de l’Allemagne.

Le lendemain 19 mai, et tandis que le général Giraud est fait prisonnier, les chefs du gouvernement français se rendent à la cathédrale Notre-Dame de Paris, pour y prier pour le salut de la France. Si l’heure n’était pas si grave, on pourrait s’amuser en voyant ainsi cette belle collection de laïcards, d’athées, de francs-maçons et de libres-penseurs plier le genou devant les symboles du catholicisme!

Le général Gamelin, quant à lui, a fini par comprendre que la stratégie allemande ne visait pas la capitale, mais la Manche, pour couper en deux les armées alliées. Et il voit enfin - mais bien tard - l'occasion qu'offre la vulnérabilité des forces allemandes, étirées dans un étroit corridor où l'infanterie ne suit les blindés qu'avec deux ou trois jours de retard. Une puissante contre-attaque, partant à la fois du nord et du sud, pourrait peut-être encore juguler le péril. Pour cela, l’ineffable Gamelin rédige sa "Directive personnelle et secrète n°12", qui commence par une formule digne de figurer dans une anthologie des écrits militaires : "Sans vouloir intervenir dans la bataille en cours..." Cette formulation étrange se justifie, dans l'esprit du généralissime, par le fait que ce n'est pas "sa" bataille, mais celle du général Georges, commandant du front du Nord-Est. Gamelin termine cependant en insistant sur l'urgence de la manœuvre.

Or, cette contre-offensive de la dernière chance va encore être retardée, car, le soir-même, Gamelin est remplacé par Weygand, qui vient d'arriver de Beyrouth. Et le premier acte du nouveau généralissime sera d'annuler la Directive n°12...

            Weygand a dit, en sortant de l'Elysée où il venait de rencontrer le président Lebrun : "Je ferai ce que je pourrai, mais je ne peux promettre le succès".

            Âgé de 79 ans, mais jeune de corps et d’esprit, le général Maxime Weygand est incomparablement plus compétent que Gamelin. Le général Weygand a des origines mystérieuses : on sait que ses parents appartenaient à la haute aristocratie européenne – on murmure que son père était un prince – mais on n’en sait pas beaucoup plus. En 1885, il est entré à St-Cyr à titre étranger, sous le nom de Maxime de Nimal. Trois ans plus tard, un comptable d’Arras, Joseph Weygand, l’a adopté, lui donnant ainsi son nom et sa nationalité. Il a été chef d’état-major de Foch pendant la Grande Guerre ; c’est la raison pour laquelle Pétain et lui ne s’entendent guère. A-t-il vraiment dit, le jour de décembre 1918 où Pétain recevait son bâton de maréchal : « Et dire qu’on l’a mené là à coups de pied au c… » ? S’il ne l’a pas dit, il l’a sans doute pensé.

            En effet, Philippe Pétain, dont la prudence, le peu de goût pour les effusions de sang et la modération – qui lui ont permis de régler sans trop de casse la crise du moral de l’armée française et les mutineries de 1917- sont célèbres, a un gros défaut, connu dès cette époque : il est pessimiste. C’est la raison pour laquelle on lui a préféré Ferdinand Foch au poste de généralissime des armées alliées. Commandant en chef des armées françaises et maréchal de France, ce sont des lots de consolation dont d’autres se seraient contentés. Mais pas Pétain, à qui l’ambition est venue sur le tard – au début de 1914, âgé de 58 ans, il s’apprêtait à prendre sa retraite en tant que colonel, quand la guerre a éclaté. Il a éprouvé une certaine amertume, quand on lui a préféré Foch pour commander l'ensembles des armées alliées et les mener vers la victoire.

            Les deux hommes ne s’apprécient donc pas. Ils vont pourtant assez bien s’entendre – sur le dos de la IIIe République à l’agonie.

Pour les Allemands, cette journée est essentiellement consacrée au regroupement et à la réorganisation. Les Panzers se concentrent dans la Somme, au cours de ce qu'on appellera plus tard "le rendez-vous du 19 mai". La masse, déjà écrasante, des blindés de von Kleist, est renforcée des deux Panzerdivisionen de Hoepner, rappelées de Belgique. Ainsi, un fer de lance de neuf divisions blindées (plus de 2.000 chars) est forgé à l'extrémité du "corridor des Panzers". Les Allemands sont prêts pour la ruée finale vers la mer.

Au matin du 20 mai, le généralissime Weygand rend visite à son prédécesseur, Gamelin ; l'ancien commandant en chef ne lui dit pas un mot sur les dernières instructions qu'il a remises au général Georges. C'est de la bouche du major-général Doumenc que Weygand apprendra l'incroyable vérité : les lacunes inimaginables dans les transmissions, des chefs souvent dans l'incapacité de localiser leurs unités, trente-sept divisions qui tiennent un front de 300 kilomètres, là où il en aurait fallu cinquante-cinq, et le fait le plus incroyable : il n'y a pas de réserves stratégiques !

Tandis que la 7e Panzerdivision de Rommel dépasse Cambrai, traverse le canal du Nord et aborde Arras, à 10 h 30, les chars des 1re et 2e Panzerdivisionen de Guderian franchissent la Somme à Amiens. A 14 heures, ils atteignent Abbeville. Quand il apprend la nouvelle de la prise de cette ville, Hitler est "hors de lui de joie". Vers 20 heures, un bataillon de pointe de la 2e Panzerdivision atteint la Manche à Noyelles. La "Course à la mer" est terminée ! En dix jours insensés, les blindés allemands ont parcouru 330 kilomètres.

Si la France n'est pas encore vaincue, il n'en demeure pas moins que, grâce au plan magistral de von Manstein, Hitler a remporté une victoire décisive : trente des meilleures divisions françaises, le CEB et l'armée belge sont à présent isolés du territoire français et du gros des forces alliées. Le Führer ne s'y trompe pas, qui décide que les futures négociations d'armistice se dérouleront dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne, là-même où fut signé l'armistice de 1918. La France, déclare Hitler, devra rendre à l'Allemagne "tous les territoires qu'elle lui a larronnés depuis quatre cents ans".

Cependant, à Douvres, le vice-amiral Ramsay commence à étudier un plan d'"évacuation d'urgence, par la Manche, de forces très importantes". C'est la genèse de l'opération "Dynamo" : le rembarquement du corps expéditionnaire britannique. Déjà on commence à rassembler des petites embarcations à Dunkerque.

 

Dans la matinée du 21 mai, Weygand se rend en avion sur le front, en Belgique. Il manque d'ailleurs de peu d'être fait prisonnier. Il donne l'ordre au Ier groupe d'armées d'attaquer en direction du sud, tandis que le IIIe groupe d'armées, constitué au sud de la Somme, attaquera vers le nord, pour lui tendre la main. Les Allemands vont-ils être pris entre deux feux ?

En fait, l'offensive, qui débute vers 14 heures, ne va être menée qu'avec des moyens modestes. Deux divisions de la Ire armée française tentent de percer en direction de Cambrai, mais leur action se solde par un échec. Seuls les Anglais obtiennent quelques résultats. Avec 74 chars (dont, il est vrai, des "Matilda II", que leur épais blindage rend invulnérables à la plupart des canons allemands), le général Martel arrête Rommel et les SS de la division "Totenkopf" au sud d'Arras, parvient même à repousser l'ennemi de 16 kilomètres, et à lui infliger de lourdes pertes.

Très impressionné, le haut commandement allemand s'imagine avoir en face de lui des centaines de chars, et au moins 5 divisions. Pas de doute, pensent les cerveaux de l'état-major allemand, c'est là la grande contre-offensive que l'on redoutait depuis le début. Certes, assommée par les coups des "Stuka", la percée du général Martel fait long feu. Il n'empêche qu'à partir de ce moment, les Allemands vont être enclins à plus de prudence. Et cela va se révéler très important dans peu de temps...

Dans l'après-midi, à Ypres, se tient l'unique conférence des commandants en chef belge, français et anglais. Y assistent : le roi Léopold III de Belgique et son conseiller militaire, le général Van Overstraeten ; les généraux Weygand et Billotte. Lord Gort arrivera plus tard, après le départ de Weygand (qui avait promis à Paul Reynaud d'être rentré à Paris dans la soirée. Durant cette conférence, il est décidé de replier les forces alliées sur une nouvelle ligne de front, plus courte ; Weygand tente de convaincre Léopold III de poursuivre la guerre hors du territoire belge. D'autre part, une nouvelle offensive vers le sud est prévue pour le 23.

Cependant, le destin est décidément contre les Alliés : en regagnant son PC, le général Billotte est gravement blessé dans un accident de voiture ; il mourra deux jours plus tard à l'hôpital d'Ypres. Cette disparition va créer une nouvelle source de confusion dans les rangs alliés, et vouer à l'échec le plan de percée imaginé par Weygand.

A Paris, devant le Sénat, Paul Reynaud déclare :

"Pour moi, si l'on venait me dire un jour que seul un miracle peut sauver la France, ce jour-là je dirais : je crois au miracle, parce que je crois en la France."

Le général Maxime Weygand.

weygand.jpg

           Le roi Léopold III de Belgique.

Léopold.png

           Char britannique Matilda II.

Matilda.jpg

         La progression allemande en mai 1940.

campagne-de-france-1940.jpg

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Membre, Obsédé textuel, 73ans Posté(e)
Gouderien Membre 38 422 messages
73ans‚ Obsédé textuel,
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Petite erreur dans le texte ci-dessus : le général Weygand, né en 1867, n'avait donc pas 79 ans en 1940, mais 73 - ce qui est déjà pas mal, même si, de l'avis de tous les observateurs, le général est dans une forme physique et intellectuelle remarquable.

A propos des origines de Weygand, voici ce que dit la Wikipédia :

Weygand est né le 21 janvier 1867 à Bruxelles, de parents inconnus (c'est l'accoucheur qui, deux jours plus tard, déclara à l'état civil la naissance de l'enfant, répondant au prénom de Maxime).
Selon certaines sources, il serait le fils illégitime de l'impératrice Charlotte du Mexique, fille du roi des Belges Léopold Ier, et du colonel (et futur général) Alfred van der Smissen (1823-1895), commandant du corps d'armée belge qui avait accompagné les troupes françaises du maréchal Bazaine lors de l'expédition au Mexique sous le Second Empire. Cette thèse est présentée par Dominique Paoli1. Pour conforter cette filiation, d'aucuns font remarquer la ressemblance frappante entre van der Smissen et Weygand adulte, comme cela apparaît lorsque l'on confronte leurs deux photographies, ainsi qu'elles furent présentées dans une émission de télévision d'Alain Decaux. C'est aussi l'opinion du journaliste spécialisé en histoire André Castelot à qui le roi des Belges Léopold III a déclaré « Weygand est le fils de Van der Smissen »2.

Le général de Gaulle, quant à lui, ne se privait pas de relier la naissance de Weygand à l'expédition du Mexique. Ainsi, lors d'un conseil des ministres où était préparée la visite officielle au Mexique du général de Gaulle, le ministre des Armées Pierre Messmer, annonça que la France allait restituer à ce pays les fanions de l'armée mexicaine pris au moment de l'expédition du Mexique sous Napoléon III, en déclarant à ce sujet que cette guerre n'avait rien rapporté à la France. Le général l'interrompit et lui dit : « Si, cette guerre nous a rapporté Weygand ! »3.

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Membre, Obsédé textuel, 73ans Posté(e)
Gouderien Membre 38 422 messages
73ans‚ Obsédé textuel,
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A signaler que le numéro du remarquable magazine "Guerre & Histoire" qui vient de sortir est justement consacré à la tragédie de 1940, sous ce titre : "Défaite de 1940 : la France a-t-elle été trahie?"

Je ne sais plus qui a dit qu'il était bien souvent vain de chercher la trahison ou un complot, là où on n'a souvent affaire qu'à de la bêtise. C'est juste. Mais reconnaissons quand même qu'à un certain niveau de responsabilités, la bêtise à haute dose devient bien difficile à distinguer de la haute trahison...

Puisque nous parlons de bêtise, notons que le procès du général Gamelin n'a jamais vraiment été fait - ou plutôt il a été fait par Vichy, ce qui, finalement, lui a plutôt rendu service. En effet, Hitler exigea du gouvernement de Vichy qu'il juge les anciens dirigeants de la IIIe République. Ce fut le procès de Riom, qui se tint au début de 1942. Dans l'esprit de Hitler, il s'agissait de condamner les hommes qui avaient déclaré la guerre à l'Allemagne le 3 septembre 1939. Mais rapidement le procès dévia de son cours, et se porta sur la question de savoir pourquoi l'armée française avait été battue en 1940. Gamelin se mura dans un silence hautain, laissant ses co-inculpés, notamment Léon Blum et Édouard Daladier, défendre leur bilan, ce qu'ils firent avec beaucoup d'habileté. Il faut dire qu'ils avaient la tâche facile, car il était impossible de mettre en cause l'état de l'armée française de 1940 sans impliquer l'action du maréchal Pétain, longtemps ministre de la Défense et président de la commission de la Défense nationale.

Finalement, le procès fut ajourné. Les anciens dirigeants français - dont Gamelin - furent déportés en Allemagne, dans des conditions relativement confortables, et passèrent le reste de la guerre à se chamailler à propos des responsabilités des uns et des autres. Libérés par les Américains en 1945, ils revinrent en France auréolés du statut de martyrs. Dès lors, il était difficile de leur chercher des poux dans la tête. Gamelin publia des Mémoires ("Servir"), dans lesquelles il ne reconnaissait ni ses torts ni ses erreurs, ce qui était à la "hauteur" du personnage.

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Membre, 67ans Posté(e)
Condorcet Membre 10 257 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
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Un événement rare : Après la chute de Lille dont la résistance héroïque à contribué au rembarquement de Dunkerque, l'armée allemande rend les honneurs aux troupes françaises en route vers la captivité.

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Cependant il ne faudrait pas en tirer prétexte pour colporter l'idée fausse selon laquelle il restait au début de la guerre de nobles gestes chevaleresques, attendant plus tard pour dégénérer dans l'horreur. Non, dès ces événements les allemands ont commencé à massacrer les prisonniers nord-africains et les troupes de couleur...

A noter que l'histoire de cette cérémonie a déplut à un certain Adolphe et ce fut la fin de la carrière du général Waeger.

 

 

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Membre, Obsédé textuel, 73ans Posté(e)
Gouderien Membre 38 422 messages
73ans‚ Obsédé textuel,
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il y a une heure, Condorcet a dit :

Un événement rare : Après la chute de Lille dont la résistance héroïque à contribué au rembarquement de Dunkerque, l'armée allemande rend les honneurs aux troupes françaises en route vers la captivité.

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Cependant il ne faudrait pas en tirer prétexte pour colporter l'idée fausse selon laquelle il restait au début de la guerre de nobles gestes chevaleresques, attendant plus tard pour dégénérer dans l'horreur. Non, dès ces événements les allemands ont commencé à massacrer les prisonniers nord-africains et les troupes de couleur...

A noter que l'histoire de cette cérémonie a déplut à un certain Adolphe et ce fut la fin de la carrière du général Waeger.

 

 

C'est toujours pareil, les nazis traitaient les gens suivant la place qu'ils occupaient dans leur hiérarchie des races :

- Tout en haut : les populations germaniques et scandinaves;

- Après, les Anglo-Saxons;

- Les Latins : Français, Italiens, Espagnols etc.

- Les Slaves : Russes, Polonais, Tchèques etc.

- Les Arabes;

- Les Chinois, Japonais etc.

- Les Noirs;

- Et tout en bas de l'échelle : les Juifs.

Ce qui fait qu'un nazi pouvait traiter tout à fait honorablement un Anglais ou un Américain, voire un Français, mais laisser mourir de faim sans remord des Russes, et exterminer des Juifs.

A l'intérieur de chaque sous-catégorie il y avait une classification très précise. Ainsi, parmi les Slaves, les Tchèques, les Ukrainiens les Baltes et même les Polonais étaient mieux vus que les Russes, qui étaient vraiment méprisés. Le tout se voulant "scientifique" (!)

La différence entre les Juifs et les autres races dites "inférieures" (pour les nazis), c'est que les Allemands étaient prêts à embaucher à peu près n'importe qui dans leur armée si cela pouvait leur être utile (on a vu par exemple des Waffen-SS musulmans), sauf les Juifs.

Des raisons politiques pouvaient aussi expliquer qu'un peuple soit (un peu) mieux traité qu'un autre : ainsi, les nazis se sont appuyés sur les Ukrainiens, au détriment des Russes. Les Allemands ont toutefois négligé l'occasion de se faire de l'Ukraine un allié à part entière.

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Membre, 67ans Posté(e)
Condorcet Membre 10 257 messages
Baby Forumeur‚ 67ans‚
Posté(e)

Sauf de rarissimes exceptions. ;)

Erhard Milch

Erhard Milch.

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Membre, Obsédé textuel, 73ans Posté(e)
Gouderien Membre 38 422 messages
73ans‚ Obsédé textuel,
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il y a 2 minutes, Condorcet a dit :

Sauf de rarissimes exceptions. ;)

Erhard Milch

Erhard Milch.

C'est vrai.

Comme le déclara un jour Goebbels au cinéaste Fritz Lang : "C'est nous qui décidons qui est juif ou pas."

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