Tic-toc

     Qui eut la brillante idée de m’aliéner en marquant ma seconde nature d’un tic-toc incessant ? Que celui-là se dénonce, car il fut bien idiot, ou tout du moins inconscient. C’est que j’ai bien sûr développé le sens du temps qui passe, au détriment de la saveur du présent. On m’aura bien pris des choses précieuses dans cette vie. Il aurait été fort sympathique de ne pas me faire subir une présence que je n’ai pas espéré, là-bas, dans mon vide absolu.

     C’est que j’aime la vie, tout comme un couple amoureux qui ne se supporterait plus, je ne suis plus sûre que je veuille toujours me battre avec elle, seulement pour ses beaux yeux. Peut-être, dans un monde où l’Argent n’a pas de règne, j’aurais pu aimer la vie comme j’ai toujours voulu l’aimer. A chaque fois que j’ai couru pour l’enlacer de plein fouet, le capitalisme m’a fusillé lâchement, entachant mon dos, me rappelant qu’il y a de ces hommes qui ont des privilèges à maintenir, et qu’il n’est pas productif que je sois heureuse. Toc-tic.

     Le tic-toc est un virus profond, qui se donnera le rôle indiscutable de troubler chaque moment présent. Si je prenais un bon bain, dont l’eau chaude ramollirait mes muscles et endormirait mes poumons ; je pourrais fermer les yeux, jouer à celle qui profite, mais ce serait aussi superficiel que le rouge à lèvre que je n’ai jamais mis. Comme des lunettes de soleil pour cacher des yeux endormis ; cacher l’absence d’un esprit trop occupé à ne pas pouvoir être là. Prétendre être-là, mais nous sommes tous ailleurs.

     Où sommes-nous. Nous sommes dans les préoccupations futiles et les souvenirs morts. Mais la vie ne devrait pas être ce qu’elle est, je serai toujours une utopique, certes, mais je préfère être une utopique révoltée qu’une idiote asservie. Que le divertissement nous achève et que nous pleurions à jamais, bercés de mensonges, parce qu’il y a des jeux où perdre ce n’est que mourir.

Oui-da.