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Histoire de la Russie

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sagaidatch

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Russie, lettre 18 : le règne de Pierre 1er le Grand 1694-1725


17 mars 2020,


Samuel,

 
3) Les Réformes

g) La culture

Dans ce domaine l’action de Pierre fut révolutionnaire et toujours inspirée par l’exemple occidental.

Dès 1700 il organisa l’impression de livres en Russie. Il en fit imprimer près de six cents. En 1703 un premier périodique fut imprimé, Védomosti (les Nouvelles), Pierre en fut le rédacteur en chef pour le premier numéro.

En 1701 il créa à Moscou une École de mathématiques puis une École des sciences de la navigation réunies dans un même établissement. En 1715 on y dénombrait cinq cents élèves, deux écoles élémentaires furent créées pour préparer les jeunes garçons à y entrer. La même année une Académie navale de trois cents élèves fut créée à Saint-Pétersbourg. En 1716 douze écoles élémentaires furent ouvertes en province, nombre porté à quarante-deux en 1723. En 1706 une École de médecine fut ouverte à Moscou puis en 1709 une autre le fut à Saint-Pétersbourg. Parallèlement à ces initiatives de l’État Pierre améliora l’enseignement dispensé par l’Église et il favorisa l’ouverture d’écoles privées.

Il fonda à Saint-Pétersbourg un musée des sciences naturelles et une grande bibliothèque tous deux ouverts gratuitement au public. Il créa l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg par décret du 8 février 1724. Cette Académie s’appelle aujourd’hui Académie des sciences de Russie, établissement prestigieux qui regroupe des instituts scientifiques situés dans toute la Fédération de Russie et qui fournit un nombre important de prix Nobel, surtout en physique.

Sous son règne les enseignants furent essentiellement d’origine occidentale mais progressivement les Russes se libérèrent de cette tutelle et fondèrent leur propre enseignement.

La langue russe, en 1700, était en pleine transition. Le russe parlé commençait à s’affirmer en littérature aux dépens des formes archaïques slavonnes. Pour faciliter cette évolution Pierre élabora un nouvel alphabet, plus simple que le précédent, et il introduisit les chiffres arabes. Cette transformation se compliqua par l’introduction massive d’expressions et de mots qui enrichirent néanmoins sensiblement la langue.

Progressivement, après la mort de Pierre, la langue parlée s’équilibra et s’imposa comme langue écrite. Alexandre Pouchkine (1799-1837), notamment, couronna un siècle plus tard cette évolution grâce à l’écriture d’une œuvre littéraire remarquable.

Notons que Pouchkine descendait d’une famille de la noblesse de service créée par Pierre quand il ouvrit la noblesse traditionnelle aux roturiers. Son ascendant, Abraham Hannibal, (son arrière grand-père) était un Africain capturé en 1703 par des esclavagistes arabes qui le vendirent pour le compte de Pierre. Ce dernier le remarqua pour ses aptitudes intellectuelles et morales. C’est ainsi qu’il le nomma général en chef de son armée après l’avoir affranchi et anobli. Nous voyons là l’expression de l’esprit révolutionnaire et anticonformiste de Pierre plus attentif aux capacités des individus qu’à leur héritage ou à leur origine.

La littérature russe moderne date des réformes de Pierre. Il existait une tradition littéraire traditionnelle d’origine kiévienne mais avec lui la littérature s’ouvrit aux formes occidentales : poésie, théâtre, roman.

Pierre importa aussi de l’Occident l’habillement, les manières et les usages. Ainsi il imposa le rasage des barbes aux nobles « pour la gloire et la bienséance de l’État et de la profession des armes ».

Jusqu’en 1700 la Russie vivait selon l’ancien calendrier hébraïque qui était arrivé à Moscou via Byzance et qui commençait à la création du monde (estimée, en 1700, à 5508 ans). Après son retour d’Europe, Pierre décida que le 19 décembre 7208 serait le 1er janvier 1700 s’alignant ainsi sur le calendrier occidental. Il fit en outre passer le début de l’année au 1 janvier contre le 1er septembre auparavant.

Mais il adopta le calendrier julien qui est un peu différent du calendrier grégorien adopté en Europe en 1582 par le Pape Grégoire XIII. La différence majeure réside dans la détermination des années bissextiles. L’Église orthodoxe a gardé ce calendrier julien (par opposition au Pape, catholique) si bien qu’il y a aujourd’hui un décalage de près de deux semaines entre le calendrier religieux orthodoxe russe et le calendrier civil russe, qui, lui, suit le calendrier grégorien occidental. Ainsi le 25 décembre, anniversaire de la naissance de Jésus chez les chrétiens, est fixé au 7 janvier chez les orthodoxes. (En février 1918 les bolchéviks alignèrent le calendrier civil russe sur le calendrier grégorien).

 

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Russie, lettre 18 : le règne de Pierre 1er le Grand 1694-1725


20 mars 2020,

 

Samuel,


4) Épilogue

Les réformes de Pierre eurent un impact fort sur la population. Certains firent de lui un héros mais d’autres au contraire virent en lui l’Antéchrist [ Antéchrist : ennemi de Jésus qui doit venir prêcher contre le christianisme avant la fin du monde ].

Les Vieux Croyants notamment (voir annexe 1) comme tous ceux qui considéraient l’Occident comme un ennemi, voyaient dans les réformes une atteinte à l’identité russe médiévale. Des légendes affirmèrent que Pierre n’était pas le fils du Tsar Alexis mais un imposteur venu pour détruire la Russie.

Pierre, lui-même exaspéré par la mentalité des moscovites, repliés sur un passé mythique, contribua à entretenir la légende en quittant Moscou pour installer la capitale de l’Empire à Saint-Pétersbourg, symbole de l’ouverture sur l’Occident (voir annexe 2).

Ce conflit entre l’ancienne Moscovie et la nouvelle Russie impériale divisa la famille même de Pierre. Alexis, le fils qu’il eut en 1690 de sa première femme Eudoxie, s’opposa à lui et devint le point de ralliement de l’opposition. Pierre finit par intenter un procès à son fils qui fut condamné à mort en 1718. Alexis mourut avant même l’exécution, dans la forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg, probablement des suites de torture. Il laissait une fille, Nathalie, née en 1714, et un fils, Pierre, né en 1715, qu’il eut d’une princesse allemande, Charlotte, elle-même décédée en 1715.

Pierre se remaria en 1712 avec une femme d’origine populaire, Catherine, qui le seconda avec énergie, pendant tout son règne et dont il eut plusieurs enfants. Mais tous moururent en bas-âge. Le 8 février 1725 Pierre décéda sans avoir désigné de successeur.

Annexe 1

Les Vieux-Croyants (voir lettre 16-4, le schisme) voyaient dans le rasage une atteinte à l’image de Dieu (représenté avec une barbe). La réforme du calendrier volait du temps à Dieu (on passait de l’an 7208 à l’an 1700). La réforme de l’alphabet était une insulte faite aux anciens écrits religieux rédigés dans l’ancien alphabet slavon. Enfin l’abolition du patriarcat était une attaque directe contre l’orthodoxie. Pierre n’apprécia pas leur insoumission. Il leur interdit d’entrer dans les villes, les contraignit à payer double impôt et à porter des vêtements distinctifs. Nombre de Vieux Croyants, refusant les oukases de l’Antéchrist, allèrent vivre dans des toundras inhospitalières ou choisirent encore la « mort rouge » c’est-à-dire l’immolation par le feu où ils entraînèrent la population de villages entiers. Au début du règne de Pierre ils étaient quatorze millions, ils n’étaient plus qu’un million à la fin de son règne.

Annexe 2

Saint-Pétersbourg fut fondée en 1703. La première construction fut la forteresse Pierre-et-Paul destinée à protéger les chantiers navals. La ville doit son nom à l’apôtre Pierre (qui fonda l’Église chrétienne selon les Évangiles) dont l’Empereur portait le nom. En 1706 ce dernier décida d’en faire la capitale. Des dizaines de milliers de serfs et d’ouvriers en assurèrent la construction au prix d’innombrables morts provoquées par la fièvre des marais, le scorbut, la dysenterie, la faim voire l’épuisement.

C’est en 1712 que la ville devint de fait la capitale de l’Empire quand Pierre y transféra la Cour, les ambassades et le Sénat. Elle resta la capitale de la Russie jusqu’en 1918. En 1714 les trois cent cinquante plus grands propriétaires nobles et les trois cents plus riches marchands de Russie durent y construire leur maison.

A l’origine la ville, construite notamment par de nombreux architectes français, fut centrée sur le palais de l’Amirauté qui était en fait un centre de construction navale (aujourd’hui il ne reste rien de ce bâtiment qui fut reconstruit en authentique palais au début du dix-neuvième siècle). Des canaux concentriques entouraient ce bâtiment et trois grandes artères, trois perspectives, dont la perspective Nevski, convergeaient sur lui. Le premier navire de fort tonnage y fut construit en 1712 et fut appelé : le Poltava.

Pierre installa sa résidence à Peterhof, ville située à 25 kilomètres au sud du centre de la capitale sur la rive sud du golfe de Finlande, appelée le plus souvent aujourd’hui par les Russes : Petrodvorets (son ancien nom). Cette ville somptueuse est encore appelée le Versailles russe, parce que conçue par des architectes, pour la plupart français, sur le modèle de la ville royale.

 

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Russie, lettre 18 : le règne de Pierre 1er le Grand 1694-1725


21 mars 2020,

 

Samuel,


5) Ivan Mazepa

L’hetman Ivan Mazepa est un héros populaire de l’histoire slave. Il inspira quantité d’écrivains, Voltaire, Byron, Pouchkine, Defoe, Schiller, Victor Hugo, des musiciens, Tchaïkovski, Franz Liszt, des peintres Géricault, Delacroix, Horace Vernet, Louis Boulanger. Souvent ces artistes en firent une figure éminemment romantique, parfois au contraire ils donnèrent de lui une image négative, nous verrons pourquoi ci-après.

Mazepa naquit en 1639, en Podolie, dans une famille noble mais pauvre. Il étudia d’abord au collège de Kiev, puis chez les Jésuites de Varsovie. Il voyagea beaucoup en France, en Italie et en Hollande avant de rentrer au service du roi de Pologne-Lituanie, Jean II Casimir Vasa qui régna de 1648 à 1668 (mentionné dans la lettre 60-13 de l’histoire des Hébreux). Son instruction, ses capacités militaires, son art de plaire aux hommes aussi bien qu’aux femmes lui permirent de faire carrière.

La légende raconte qu’il noua, à la Cour, une liaison avec l’épouse d’un noble polonais. Surpris en flagrant délit d’adultère il fut attaché, nu, sur le dos d’un cheval sauvage qui l’emporta au fond des steppes de la Petite-Russie (l’Ukraine). Là il fut recueilli par des paysans dont il partagea l’existence rude. Il acquit ainsi l’identité cosaque, un cosaque de Dniepr.

. Mazepa se mit alors au service de Petro Dorochenko dont nous avons vu l’action dans la lettre 16 sur la Russie, chapitre 5 : les guerres. Pour compléter cette lettre notons que Dorochenko malgré la nomination d’un hetman en Petite-Russie sous domination russe, en 1667, parvint en 1668 à se faire nommer hetman des deux rives du Dniepr. En 1672 Dorochenko fut remplacé par l’hetman Ivan Samoïlovitch. Mazepa se mit à son service.

En 1686 (voir lettre 17 sur la Russie) Golitsyne, sous la régence de Sophie, attaqua la Crimée. Ce fut une déroute. Samoilovitch qui épaulait les troupes russes fut aussi défait. Du coup il fut évincé en 1687 et remplacé par Mazepa qui devint ainsi l’hetman de toute la Petite-Russie.

Il participa à la guerre d’Azov avec Pierre où il s’illustra. Pierre lui décerna le cordon de Saint-André, ordre impérial de premier rang (confer la table des quatorze rangs mentionnée dans la lettre 18 sur la Russie, chapitre 3) réservé aux plus importants personnages de l’État. Il fut fait également Prince. Après cette victoire l’empire ottoman accepta que la Russie étende son influence sur la partie occidentale de la Petite-Russie (la rive droite) ce qui facilita le règne de Mazepa.

L’action de Mazepa fut significative. Il développa surtout l’instruction. Ce fut sous son gouvernement que le Collège de Kiev fut transformé en Académie (avec l’aval de Pierre). Il encouragea non seulement la construction d’écoles mais aussi celle de lieux de culte de rite orthodoxe. Il voulait recréer une nouvelle élite en Petite-Russie issue de la starchina cosaque ( l’ancienne élite ayant été polonisée ). La starchina était le conseil des anciens de la Sietch (voir lettre 16 sur la Russie, chapitre 5).

En vérité ce que visait Mazepa c’était l’indépendance de son pays. C’est pourquoi il engagea des pourparlers secrets avec Charles XII dans l’espoir que la victoire de ce dernier sur Pierre puisse lui ouvrir la voie de cette indépendance. Mais aussi la Petite Russie ne se sentait pas solidaire des guerres de Pierre : trop d’impôts, trop de jeunes gens enrôlés de force dans l’armée. Même les Cosaques du Don, en Russie, se soulevèrent contre Pierre, sous l’impulsion de leur ataman Boulavine. Pierre écrasa cette révolte dans le sang.

Pierre eut connaissance du désir de sécession de Mazepa mais il n’intervint pas, pensant que Mazepa ne le trahirait pas. Les évènements se compliquèrent pour ce dernier. Une partie de la population ne le suivait pas car s’allier à la Suède ne l’ inspirait pas. De plus Pierre enrôla d’autorité les cosaques zaporogues en 1707 dans son armée sous le commandement de l’un de ses généraux, Menchikov. Mazepa y vit une volonté de détruire son autorité et même la relative autonomie de la Petite-Russie.

Enfin Mazepa fut pris de court par Charles XII. Le jeune homme impétueux ne doutait pas que l’hetman le rejoindrait avec toute la Petite-Russie derrière lui. Au lieu d’attaquer l’armée de Pierre il s’enfonça en Ukraine pour joindre ses troupes à celle de Mazepa. Ce dernier n’était pas prêt.

Quand Pierre se rendit compte que le roi de Suède et Mazepa étaient réellement alliés, il réagit aussitôt. Son général Menchikov investit la capitale de la Petite-Russie, Batouryn (au nord de l’Ukraine). Six mille cosaques et leurs familles furent massacrés et la ville fut rasée. Puis Menchikov marcha sur la Sietch. Il détruisit la forteresse et en massacra tous les défenseurs. Puis il extermina tous les cosaques zaporogues de tous les villages environnants. Pierre fit nommer un autre hetman, soumis à ses ordres, Ivan Skoropadski et lança contre Mazepa un anathème qui fut prononcé jusqu’en 1917.

Mazepa pourchassé par les armées de Menchikov dut rejoindre Charles XII mais avec une armée réduite à 1500 hommes. Nous connaissons la suite, la victoire de Poltava, la déroute de Charles XII et de Mazepa, et l’exil en Moldavie. C’est là que Mazepa mourut, en 1709.

L’histoire de Mazepa frappa l’imagination des Européens. Byron le montra en vieux général vaincu essayant de distraire le roi Charles XII épuisé en lui racontant l’histoire de sa jeunesse. Le roi s’endort, et Byron de conclure: «What mortal his own doom may guess ? » (« Quel mortel peut deviner son destin? »)

À la lecture du texte de Byron,en 1821, Hugo s’empara du thème et composa un poème divisé en deux parties pour ses Orientales : la première décrivant la course à cheval dans la steppe avec sa férocité fantasmatique, la deuxième dans laquelle il compare Mazepa au poète banni du commun des mortels pour ses excentricités, attaché sur le cheval fou de son inspiration. Et pour finir, c’est ce voyage à travers les délires et souffrances du génie qui lui apporte la gloire: « Sa sauvage grandeur naîtra de son supplice. »

Tout au contraire pour certains Russes Mazepa est un traître. Pouchkine dit de lui, dans son poème Poltava, qu’il était un homme « ambitieux, ayant la perfidie et le crime chevillés au corps », le pire des Judas. Mais un autre poète russe Ryleïev écrivit au contraire dans son poème Voïnarovski que Mazepa n’était pas un traître mais un révolutionnaire qui se battit contre Pierre pour la liberté nationale.

Enfin un historien polonais, Pawel Jasienica écrivit : « Les vingt années de gouvernement de Mazepa lui eussent valu le renom d’un éminent homme d’État, s’il eût appartenu à un peuple moins infortuné. »

J’espère que tu vas bien et que tu fais front aux désagréments provoqués par l’épidémie actuelle.

Je pense à toi, prends bien soin de toi

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  • 4 mois après...
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satinvelours Membre 3 006 messages
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Russie lettre 19 : l’inter-règne Pierre 1er– Catherine 2 (1725-1762)


6 août 2020,

 

Samuel,



1) Catherine 1 ère (1725-1727)

Nous avons vu dans la lettre 18 du 20 mars 2020 que Pierre mourut le 8 février 1725 à Saint-Pétersbourg, sans désigner de successeur.

L’héritier naturel était son seul descendant direct de lignée masculine, Pierre, son petit-fils, le fils d’Alexis (voir lettre précitée). Mais Alexis s’était opposé aux réformes de Pierre le Grand et les proches du pouvoir craignaient que le fils d’Alexis suive le même chemin, ce qui aurait nui à leurs intérêts. De plus Catherine avait été couronnée Impératrice le 7 mai 1724 ce qui semblait indiquer que Pierre souhaitait qu’elle lui succédât.

Les princes de la cour de Pierre menés par l’influent Menchikov, soutenus en outre par la garde impériale, portèrent Catherine au pouvoir. (Menchikov servit avec une fidélité à toute épreuve Pierre le Grand. Nous avons mentionné son nom et son action dans la lettre 18 du 21 mars 2020).

Catherine étant déjà impératrice elle devint naturellement souveraine de toutes les Russies à la mort de son époux le 8 février 1725 sous le nom de Catherine 1 ère. Elle nomma Menchikov chef de son gouvernement. En février 1726 Menchikov, avec l’aval de la souveraine, créa un Conseil suprême de huit membres, chargé de traiter les affaires importantes de l’Empire. Ce Conseil, dominé par Menchikov, prit une seule décision marquante, pendant le règne de Catherine : la restauration de la dignité d’hetman en Petite Russie (l’Ukraine) en permettant que l’hetman soit à nouveau élu par le peuple et non plus nommé par l’Empereur (voir lettre 18 du 21 mars 2020).

Catherine mourut le 17 mai 1727 après avoir désigné le jeune Pierre (le fils d’Alexis, voir supra) comme son successeur.

2) Pierre II (1727-1730)

Pierre, le fis d’Alexis devint donc Empereur le 17 mai 1727 sous le nom de Pierre II. Il fut officiellement couronné le 25 février 1728. Comme il était trop jeune pour régner (il n’avait alors que 12 ans) ce fut le Conseil suprême qui exerça le pouvoir. Menchikov que Pierre n’aimait pas (Menchikov avait contribué à l’éviction d’Alexis du pouvoir) tomba en disgrâce et fut exilé en Sibérie. Il fut remplacé par un boïar : Ivan Dolgorouki. Ainsi l’ancienne noblesse, celle qui s’était opposée à Pierre le Grand, revenait au pouvoir. Dolgorouki adopta une politique contraire à celle qu’avait suivie Pierre le Grand. La capitale fut ramenée de Saint-Pétersbourg à Moscou, l’armée fut délaissée, le pays se détourna de l’étranger, bref ce fut un repli de la Russie sur elle-même. Pierre II mourut rapidement de la variole le 19 janvier 1730, ce qui ouvrit une guerre de succession.

3) Anna (1730-1740)

Les grandes familles de l’ancienne noblesse rivalisèrent pour nommer un régnant qui leur fut dévoué. Le Conseil secret dominé par deux familles, les Dolgorouki et les Golitsyne (concernant Golitsyne voir lettre 17 du 6 décembre 2019) finirent par désigner la duchesse Anna, l’une des filles d’Ivan, le demi-frère de Pierre le Grand (voir lettre précitée).

Anna était une jeune veuve âgée de 37 ans, qui régnait sur le duché de Courlande petite région autonome sur laquelle la Russie, le Suède, la Prusse et la Pologne avaient des vues (voir carte de la lettre 18 du 13 mars 2020). Elle n’avait pas reçu d’instruction, hormis quelques rudiments d’allemand, paraissait falote et donc aisément manipulable.

Vassili Dolgorouki, représentant le Conseil suprême, se rendit à Mitau, la capitale du Courlande, et proposa à Anna de devenir Impératrice à condition qu’elle acceptât de renoncer à tous pouvoirs. Anna aquiesça et signa un acte qui authentifiait sa décision.

La nouvelle de cet accord arriva aux oreilles du chliakhetstvo, nom donné à la nouvelle noblesse promue par Pierre le Grand pour ses compétences (et non pour sa qualité d’héritière). Comprenant que cet accord annonçait le retour de la domination des boïars, le chliakhetstvo se mobilisa contre.

Le 15 février 1730 Anna rentra solennellement à Moscou. Le 25 février, alors qu’elle s’apprêtait à entériner officiellement l’accord signé avec Dolgorouki, une délégation du chliakhetstvo se rendit au palais et signifia sa protestation. La garde impériale, fidèle à l’absolutisme de l’Empereur, protestait elle aussi. Or Anna, sur les conseils d’un homme dont nul ne sut jamais le nom, s’était préalablement nommée elle-même « colonel» de la garde (bien qu’elle n’en eut pas le droit). Aussi se sentit-elle assez forte pour apostropher Dolgorouki : « La pétition qu’on m’a fait signer à Mitau n’exprimait donc pas le vœu du peuple ? » Entendant les protestataires s’écrier « Non ! » Anna invectiva le boïar : « Ainsi prince Vassili tu m’as donc trompée » et sur le champ elle déchira le traité.

Elle reprit ainsi le pouvoir, absolutiste, naturellement dévolu à l’Impératrice. Le Conseil suprême fut aussitôt aboli.

Selon les historiens ces événements entérinèrent la défaite de l’ancienne noblesse devant la nouvelle mais aussi la reconnaissance par cette nouvelle noblesse de la nécessité et du caractère inéluctable d’une autocratie sans limites en Russie.

 

Bravo dans ta brillante prestation face au Minotaure. Bientôt je te raconterai une autre saga, celle d’un Cosaque du Don : Pougatchev.


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Russie lettre 19 : l’inter-règne Pierre 1er– Catherine 2 (1725-1762)


9 août 2020,

 

Samuel,



3) Anna (1730-1740) suite

Anna 1 ère ramena avec elle de Courlande l’allemand Ernst Johann Bühren (1690-1772) qui se fit appeler von Biron par référence à la famille aristocratique Biron de France. En fait il descendait d’un palefrenier et d’un petit propriétaire terrien. Anna conçut pour lui une passion inextinguible. Il n’eut pas d’influence notable sur le plan politique, l’oisiveté lui convenant tout à fait.

Anna appela d’autres Allemands à la cour dont Andréï Ostermann qui, de fait, dirigea son gouvernement, et von Münnich qui dirigea les armées russes. Ces deux hommes avaient été remarqués par Pierre le Grand pour leurs compétences. Ils influencèrent la politique de la tsarine dans son choix de s’allier avec l’Autriche pour s’opposer aux ambitions de la France, de la Suède et de la Turquie. Déjà présents lors du règne de Pierre II ils avaient inspiré à ce dernier un premier traité d’alliance entre les deux puissances en 1726.

A peine arrivée au pouvoir Anna réprima toute velléité d’opposition. Après avoir ramené la capitale de l’Empire à Saint-Pétersbourg en 1732, elle y installa son gouvernement et une Chancellerie secrète dirigée par Andrei Ouchakov, chargé d’éliminer les opposants. Ce furent surtout les anciens boïars et ceux qui s’opposaient à l’absolutisme qui furent pourchassés. Ainsi la famille Dolgorouki fut exécutée ainsi qu’un prince Golitsyne. Un oukase punit de mort la non-dénonciation de propos irrespectueux envers la tsarine.

Comme elle s’était appuyée sur le chliakhetstvo, elle le favorisa. Elle abolit la loi sur l’héritage qui donnait au père de famille le droit de léguer ses biens à la personne de son choix pour y substituer une loi qui stipulait que les biens immobiliers devaient être partagés également entre tous les héritiers. Elle supprima également toute différence entre la votchina (le domaine héréditaire) et le pomiestié, le domaine concédé en échange du service et pour le temps seul de ce service, rendant ce dernier à son tour héréditaire. Ainsi la jeune noblesse acquit les privilèges de l’ancienne noblesse : l’hérédité. Anna se mit de plus à distribuer des terres à ses partisans sans même plus leur demander une obligation de service.

En outre elle limita la durée du service militaire obligatoire à vingt-cinq ans (il était jusqu’alors de durée illimitée) ce qui permit aux jeunes nobles de s’occuper de la gestion de leurs terres une fois le service terminé. Une nouvelle couche de propriétaires terriens se constitua.

La transformation du chliakhetstvo en couche privilégiée s’accompagna d’un asservissement de la paysannerie. Le renforcement de ce servage et deux années successives de récoltes catastrophiques (en 1734 et en 1736) jetèrent sur les routes quantité de mendiants et de vagabonds. La répression s’abattit sur eux. Il fallut appeler l’armée pour vaincre des bandes de plus en plus violentes. En 1740 les « hommes errants » attaquèrent le forteresse Pierre et Paul et parvinrent à s’enfuir en dérobant l’argent de l’État.

Concernant les religions Anna poursuivit la politique de Pierre le Grand. Le Saint-Synode continua d’administrer les affaires ecclésiastiques ainsi que les biens du clergé.Voir lettre 18, paragraphe c. Les Vieux-Croyants continuèrent d’être persécutés (voir lettre 18 Annexe 1). Les protestants jouirent d’un accueil favorable, les favoris de l’Impératrice étant des allemands protestants.


La guerre de succession de Pologne 1733-1735


Le roi de Pologne-Lituanie, Auguste II le Fort, mourut le 1 février 1733 ce qui ouvrit une guerre de succession.

Auguste régnait sur un pays qui, depuis l’institution de la République des Deux Nations, le 1 er juillet 1569 à Lublin (voir lettre 59-8 de l’histoire des Hébreux) avait perdu beaucoup de son influence. En 1620-1621 la Moldavie, petite principauté de la côte occidentale de la mer Noire passa sous contrôle ottoman avant que la partie orthodoxe de cette région ne revienne sous l’autorité de Moscou en 1656. Puis la révolte des cosaques zaporogues, menés par Bogdan Khmelnitski conduisit à la perte de la Petite-Russie en 1654 avant que la partie occidentale de celle-ci revienne à la République des Deux Nations après la signature du traité d’Androussovo en 1667. Ce fut un bref retour de souveraineté : dès 1669 le chef de cette partie occidentale fit acte de soumission à l’Empire ottoman.

Après une guerre menée contre les Suédois en 1655 la République dut abandonner, par le traité d’Oliva, sa suzeraineté sur le duché de Prusse qui fut rattaché au Brandebourg (préfigurant ainsi la naissance de la future Prusse, futur État dominant de l’Allemagne).

Voir pour plus de détails sur ces événements la lettre 60-13 de l’histoire des Hébreux.

Auguste II s’était entendu avec Pierre le Grand pour contrer l’hégémonie suédoise. Mais lors de la Grande guerre du Nord (voir lettre 18 première et deuxième parties) le jeune roi de Suède Charles XII envahit la Pologne et, en 1706, il chassa Auguste le Fort et le remplaça par Stanislas Leszczynski qui lui était dévoué. Ce dernier régna en Pologne de 1706 à 1709. Après la défaite de Charles XII à Poltava (voir même lettre) Auguste le Fort put chasser Leszczynski et reprendre le pouvoir grâce au soutien de Pierre le Grand qui en profita pour faire stationner des troupes russes en Pologne. Quant à la partie occidentale de la Petite-Russie, après la révolte de Mazepa (voir lettre 18, cinquième partie) elle passa sous administration russe.

La République des Deux Nations sortait de ces épreuves considérablement affaiblie. Cet affaiblissement résultait aussi de son mode de gouvernement dans lequel les nobles se souciaient beaucoup plus de leurs intérêts particuliers que de l’intérêt du pays.

La diversité des acteurs en présence, Polonais, Lituaniens, Ukrainiens, ne permit pas l’instauration d’un pouvoir fort, accepté par tous. Réputée pour son adhésion à la liberté plutôt qu’à l’autorité, la République ne sut pas faire face aux actions conquérantes des nations européennes.

Ainsi les puissances dominantes continentales et européennes, la France, la Suède, l’Autriche (qui dominait alors le Saint-Empire) la Russie tentaient sans cesse de

s’implanter en Pologne-Lituanie afin d’en faire (pratiquement de force) un allié dans leurs visées expansionnistes.

Quand Auguste II s’éteignit son héritier naturel était son fils, Frédéric Auguste, électeur du duché de Saxe au sein du Saint-Empire. Mais la France et la Suède, pour faire opposition à l’influence de l’Autriche et de la Russie poussèrent en avant Stanislas Leszczynski qui avait déjà occupé le trône de Pologne de 1706 à 1709 (voir supra). Leszczynski, après son éviction du trône avait trouvé refuge en France et avait marié sa fille Marie au jeune Louis XV. Celui-ci lui assura son soutien militaire. La szlachta polonaise (la noblesse polonaise), qui désirait se dégager de l’étreinte de son voisin russe, vota pour Leszczynski qui redevint ainsi roi de Pologne le 12 septembre 1733.

Cette élection déplut éminemment à Anna, à ses conseillers allemands, et à l’Autriche (dont l’Archiduc, c’est-à-dire le roi, Charles VI, était aussi l’Empereur du Saint Empire). Ils ne voulaient pas laisser s’immiscer en Europe orientale de nouvelles nations. Ils poussèrent la candidature du fils d’Auguste le Fort, et comme l’élection avait déjà été faite, ils forcèrent le destin : des troupes russes rentrèrent en Pologne juste après l’élection de Leszczynski. Le roi dut s’enfuir, et, sous la pression, mais aussi grâce aux noble lituaniens qui penchaient plutôt pour la Russie, la szlachta organisa un nouveau vote, le 5 octobre 1733, à l’issue duquel Philippe Auguste devint roi sous le nom d’Auguste III.

Leszczynski n’abdiqua pas. Il se réfugia à Dantzig, dans la forteresse, où il se défendit en attendant l’aide française. Sous la direction de von Münnich l’armée russe assiégea la forteresse qui résista vaillamment. Les Français ne dépêchèrent que de faibles renforts : Louis XV n’avait pas l’intention de faire la guerre à la Russie. Son but était d’affaiblir le Saint-Empire avec lequel il était en concurrence directe en Europe occidentale. Dantzig capitula le 27 juin 1734. Leszczynski trouva refuge en Prusse puis en France. Louis XV déclara la guerre, non à la Russie, mais à son allié, Charles VI. Il en sortit victorieux et prit le contrôle des duchés de Lorraine et de Bar (attenant au duché de Lorraine). En 1736 sous la pression de la France qui désirait désormais pacifier la situation Leszczynski abdiqua officiellement, renonçant définitivement à reprendre le pouvoir en Pologne.

Ayant ainsi consolidé sa frontière nord-ouest Anna se tourna vers le sud-est et l’Empire ottoman.

 

J’espère que tu t’occupes bien à Moscou et que tu résistes avec courage, en cosaque valeureux que tu es, à la canicule et au virus !

Je t’embrasse,

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Russie lettre 19 : l’inter-règne Pierre 1er– Catherine 2 (1725-1762)

19 août 2020,

 

Samuel,


3) Anna (1730-1740) suite 2


La guerre austro-russo-turque 1736-1739

Nous avons vu dans une lettre précédente (lettre 18, première partie) comment Pierre le Grand voulut effacer la défaite subie par Sophie Milolavskaïa et son conseiller Golitsyne devant les Tatars de Crimée.

En 1796 il parvint à s’emparer de la forteresse d’Azov, mais les Tatars gardèrent le contrôle des rives de la mer du même nom ce qui empêcha l’Empereur d’accéder à la mer Noire faute de pouvoir circuler librement sur la mer d’Azov. Pire en juillet 1711 (voir lettre 18, chapitre 2) il fut défait par les Ottomans sur les rives du fleuve Prout, en Moldavie, fief du sultan. Voir carte jointe 1711 : Campagne du Prout. Du coup il perdit le contrôle d’Azov qu’il dut rendre aux Tatars.

Anna, alliée à Charles VI, l’Archiduc d’Autriche et l’Empereur du Saint Empire, décida de reprendre Azov aux Turcs alors dirigés par le sultan Mahmoud 1 er. L’enjeu était toujours le même : permettre à la Russie d’avoir accès aux mers ouvrant sur la Méditerranée, désenclaver ainsi, au sud, l’Empire russe. Mais il s’agissait aussi de desserrer l’étreinte des Tatars dont le khanat s’étendait alors largement sur les terres de l’Ukraine. Voir carte : le partage de l’Ukraine en 1667.

Le 20 mai 1736 l’armée russe du Dniepr commandée par von Münnich rentra en Crimée par l’isthme de Perekop (passage situé entre la Crimée et la Tauride : voir carte jointe) tandis que, le 19 juin 1736, l’armée russe du Don commandée par le général Peter de Lacy attaquait et s’emparait d’Azov (Azaq sur la carte jointe). Mais les deux armées mal ravitaillées et frappées d’épidémies (dont la peste) durent reculer et abandonner les terres conquises.

En juillet 1737 Les Autrichiens rentrèrent en guerre en attaquant les Ottomans par le nord. Mais l’armée du sultan réussit à les arrêter, à stabiliser le front en 1738 puis à contre-attaquer en 1739 contraignant les Autrichiens à signer la paix de Belgrade le 18 septembre 1739 à l’issue de laquelle Charles VI dut céder des territoires balkaniques à la Sublime Porte.

Se retrouvant seule devant les Ottomans Anna préféra signer la paix le 3 octobre 1739 lors de la convention de Nyssa (ville située en Turquie). Elle obtint seulement le droit d’occuper le port d’Azov. Encore une fois la Russie échouait à sécuriser sa frontière sud-ouest.

La marche vers l’Est

Commencée sous le règne d’Ivan le Terrible par les Cosaques de Ermak (lettre 12, troisième partie) la progression russe vers l’extrême-orient se poursuivit sous le règne d’Anna. Le Kamtchatka fut exploré en vue d’être colonisé. Un capitaine danois, Vitus Behring, passé au service de la Russie, ayant franchi le détroit qui sépare l’Asie de l’Amérique en 1728, les Russes projetèrent d’explorer l’Alaska. (En fait la découverte du détroit de Behring séparant les deux continents fut le fait d’un Cosaque, Semion Dejnev, découverte réalisée en 1648, mais le rapport qu’il fit quant à cette découverte ne fut lu que bien plus tard).

La succession

Anna, fille d’Ivan V, le demi-frère de Pierre le Grand, petite fille du tsar Alexis, issue donc de la branche Miloslavskaïa, première femme d’Alexis (Pierre 1 er étant lui issu de la branche Narychkina, deuxième femme d’Alexis) avait une sœur Catherine. Celle-ci, mariée à un duc germanique, eut une fille : Anna Leopoldovna. Cette dernière se maria avec un autre duc germanique et eut un fils : Ivan Antonovitch. Anna le désigna comme héritier.

 

Bientôt la rentrée pour toi, je pense que tu es prêt.

C’est la dernière année avant le choix des études supérieures, il va falloir penser à ton avenir universitaire.

Détends-toi pendant ces dernières journées de vacances,

Je t’embrasse,

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Russie lettre 19 : l’inter-règne Pierre 1er– Catherine 2 (1725-1762)

10 septembre 2020,

 

Samuel,

 

4) Ivan VI (1740-1741)

Anna mourut le 17 octobre 1740. Ivan Antonovitch fut nommé Empereur sous le nom de Ivan VI le même jour. Comme il n’avait que deux mois ce fut Biron le favori d’Anna qui prit la régence ainsi que l’Impératrice l’avait souhaité. Biron, personnage oisif et impopulaire ne régna que trois semaines. Dans la nuit du 8 au 9 novembre 1740 von Münnich, appuyé par la garde du palais, le destitua et nomma à sa place, comme régente, la mère d’Ivan VI, Anna Leopoldovna. Von Münnich devint premier ministre et exerça seul le pouvoir, la régente n’étant pas intéressée par les affaires politiques.

La présence au pouvoir du « parti des Allemands » emmené par von Münnich et Ostermann finit par heurter le sentiment national russe. Nous avons vu, lettre 18 – Épilogue, que tous les enfants du couple Pierre le Grand - Catherine étaient morts en bas âge. Il s’agissait des enfants mâles. Mais sur les douze enfants du couple une femme survécut, Elizabeth née en 1709. Cette dernière sut symboliser le désir du peuple russe de retrouver un pouvoir qui fut conduit par une descendante directe du grand Empereur et non par des « étrangers ».

Le 6 décembre 1741, s’appuyant à son tour sur les régiments de la garde du palais Elizabeth destitua Anna Leopoldovna, Ivan VI et les « Allemands ».

Sous le règne d’Ivan VI une seule disposition d’importance fut prise sur le plan intérieur. Von Münnich imposa un « Règlement des Fabriques » fixant les relations entre les entrepreneurs et les ouvriers. La journée de travail fut plafonnée à quinze heures, les salaires furent fixés dans une fourchette administrée, les fabriques durent disposer d’un hôpital.

Sur le plan extérieur la Russie dut faire face aux évolutions en Europe. Le 20 octobre 1740, l’Empereur du Saint Empire, l’Archiduc d’Autriche, Charles VI, mourut. Sa fille, Marie Thérèse lui succéda. Cette mort affaiblit l’Autriche, Marie-Thérèse ne paraissant pas avoir la force de caractère de son père. L’Europe se prépara à la guerre afin de s’emparer de l’héritage autrichien.

En mai 1740 Frédéric II, le futur Frédéric le Grand, hérita du trône de Prusse. Ce pays, au fil du temps, par annexions successives de territoires était devenu un État germanique puissant. Dès l’annonce de la mort de Charles VI le jeune roi de Prusse envahit la Silésie, province de la Bohème, région qui faisait à l’époque partie de l’Autriche (la Bohême est aujourd’hui constitutive de la Tchéquie), afin de l’annexer.

Juste avant cette invasion von Münnich avait signé un traité d’union et de défense avec la Prusse afin de se prémunir contre les éventuelles intentions guerrières de la Suède en vue de récupérer les territoires perdus lors du Traité de Nystadt (voir lettre 18 sur la Russie, chapitre « La Grande guerre du Nord). Or la Russie était l’alliée de l’Autriche depuis 1726, cette alliance étant destinée à lutter contre l’Empire ottoman. La Russie se trouva ainsi en situation délicate, hésitant entre son soutien à l’Autriche et celui à la Prusse. Lors de l’invasion de la Silésie elle n’intervint pas.

Mais la Suède, voyant l’Autriche, alliée de la Russie, s’affaiblir, ayant négocié en sous-main la neutralité de la Prusse à son égard, soutenue enfin par la France toujours décidée à affaiblir la Russie afin d’affaiblir l’Autriche, déclara la guerre à la Russie le 4 août 1741. Guerre appelée : « guerre des chapeaux ». Le 3 septembre 1741 les Suédois furent défaits par les Russes à la bataille de Vilmanstrand en Finlande. Cette guerre fut ensuite gérée par Elizabeth après son coup d’État du 6 décembre 1741.

[Rappelons que l’opposition entre l’Autriche et la France remonte à Charles Quint héritier de la maison des Habsbourg, qui, au début du XVI siècle, par le jeu des successions se trouva à la tête d’un immense territoire comprenant l’Autriche, la Bourgogne ( l’Artois, la Flandre, les Pays-Bas, la Franche-Comté), l’Espagne, la Sardaigne, la Sicile, Naples et l’empire colonial naissant de l’Espagne. L’empire de Charles Quint fut ensuite partagé entre Philippe II, son fils, qui reprit l’Espagne, la Bourgogne, les possessions en Italie et l’empire colonial, et Ferdinand, son frère, qui reprit l’Autriche et d’autres possessions germaniques. La France, en la personne des Valois puis des Bourbons dut s’opposer aux Habsbourg pour exister face à leur puissance. Voir lettre 59-5 de l’Histoire générale].

 

Bon courage pour cette reprise des cours.

Je t’embrasse,

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Russie lettre 19 : l’inter-règne Pierre 1er– Catherine 2 (1725-1762)

15 septembre 2020,

 

Samuel,

 

5) Élisabeth 1 ère (1741-1762)


Élisabeth, couronnée Impératrice le 25 avril 1742, symbolisa aux yeux des Russes le retour au temps glorieux de Pierre le Grand. Jeune, belle, aimable, énergique, elle aimait la fête, les danses, les bals masqués, elle enjoua la Cour. Elle y introduisit l’amour de la culture française alors réputée pour sa philosophie des Lumières.

Son premier acte politique fut de supprimer le Haut Conseil secret créé lors du règne de Catherine 1 ère et de redonner tout son pouvoir au Sénat chargé des affaires judiciaires, financières et administratives.

Elle s’entoura de favoris non plus allemands mais russes dont le plus proche fut le cosaque Alexis Razoumovski, simple berger devenu chanteur populaire, qu’elle couvrit d’honneurs mais qu’elle ne laissa pas influencer les affaires de l’État.

Les fêtes et les excentricités de l’Impératrice, ainsi que le train de vie de la Cour entraîna des déficits financiers qui furent couverts par l’augmentation des impôts. Ceux-ci étant payés essentiellement par les paysans la condition de ces derniers s’aggrava.

Comme l’avait déjà fait Anna, l’Impératrice distribua des terres aux nobles pour s’assurer de leur soutien, sans plus exiger d’eux le service de l’État. Elle laissa ces derniers exercer un pouvoir sans limite sur leurs paysans qui finirent par devenir corvéables à merci au point de devenir des esclaves.

Elle ferma également la possibilité aux roturiers d’accéder à la noblesse rendant celle-ci définitivement héréditaire. Ainsi la volonté de Pierre le Grand de favoriser la promotion sociale de tous en récompensant leurs services rendus à l’État par la distribution de terres et par l’accès à la noblesse ne fut plus respectée.

Elizabeth s’adjugea les services d’un autre favori, Ivan Chouvalov issu d’une grande famille noble. Il servit l’Impératrice de façon désintéressée. Il s’occupa de l’instruction et fonda l’Université de Moscou.

Son cousin Pierre Chouvalov intervint dans les domaines économiques, financiers et militaires. Il supprima les redevances douanières à l’intérieur du pays ce qui stimula le commerce. Il créa deux banques l’une pour la noblesse, l’autre pour les marchands ce qui contribua aussi à stimuler le commerce.

L’Impératrice poursuivit la guerre contre la Suède. Son armée alla de victoire en victoire jusqu’à la signature du traité d’Abo le 18 août 1743 par lequel la Russie annexa des terres situées en Finlande (la Finlande faisait alors partie du royaume de Suède). Ces terres furent rattachées aux territoires annexés lors du traité de Nystadt pour former la « Vieille Finlande » [Abo est une ville de Finlande aujourd’hui appelée Turku]. Sur la carte jointe la partie en vert représente les territoires (Carélie) acquis en 1729 (traité de Nystadt) et la partie jaune les territoires acquis en 1743 (traité d’Abo).

Lors de la guerre de la Succession d’Autriche qui dura de 1740 à 1748 et qui commença par l’occupation de la Silésie par Frédéric II, la Russie, au début n’intervint pas. Cette guerre finit par mobiliser toutes les nations d’Europe occupées à se partager l’Empire autrichien. Face à cette évolution la Russie en 1745 puis en 1747 décida intervenir en faveur de son allié. Mais à chaque fois les parties en présence signèrent des traités de paix rendant cette intervention inutile. Cette guerre s’acheva sur le traité d’Aix la Chapelle de 1748 dont nous parlerons dans l’Histoire générale (l’Archiduchesse d’Autriche, Marie Thérèse fit finalement face à ses adversaires et devint Impératrice du Saint-Empire en 1745).

Mais, en 1756, la Prusse reprit les hostilités en attaquant la Saxe qu’elle occupa. Puis elle attaqua la Bohème alors contrôlée par l’Autriche. Ainsi commença une nouvelle guerre dans laquelle s’engagèrent à nouveau les nations d’Europe, appelée : guerre de Sept ans. Cette fois la Russie intervint dans le conflit en soutenant ses alliés, la Saxe et l’Autriche. Elle conclut d’importantes victoires et finit par acculer Frédéric II à une défaite certaine quand soudain Elizabeth mourut le 5 janvier 1762. Son successeur dont nous parlerons dans la lettre suivante, Pierre III, admirateur de la Prusse, arrêta le combat ce qui sauva Frédéric II qui sortit même à son avantage de cette guerre. Il qualifia la mort de la tsarine : « miracle de la maison Brandebourg », du nom du territoire initial de la Prusse.

 

6) Pierre III (5 janvier 1762 - 9 juillet 1762)


Élisabeth avait préparé sa succession. Si ses frères et sœurs étaient tous morts en bas âge, l’une de ses sœurs, Anna Petrovna avait tout de même vécu jusqu’à l’âge de vingt ans (1708-1728), s’était mariée et avait eu un enfant : Charles-Pierre Ulrich, né peu avant sa mort. Le mari d’Anna Petrovna, était un duc de Holstein, petit État germanique situé sous le Danemark, à l’ouest de la Prusse.

L’enfant fut désigné par Élisabeth comme son successeur. Il fut élevé à la cour de Saint-Pétersbourg où il se maria en 1745 avec la princesse, née en 1729, Sophie-Auguste-Frédérique d’Anhalt-Zerbst, petite principauté allemande. Dès son arrivée en Russie, la princesse apprit la langue russe et se convertit (comme son époux) à l’orthodoxie. Elle prit le nom de Catherine.

A la mort de sa tante Élisabeth, Charles-Pierre Ulrich devint donc Empereur de Russie mais la brièveté de son règne ne lui permit pas de trouver le temps d’être couronné. Influencé par son père allemand, il vouait une admiration indéfectible pour Frédéric II. Sa première décision fut d’arrêter la guerre et de sauver ainsi la Pusse d’une défaite assurée.

Il signa en avril 1762 un traité de paix avec la Prusse dans lequel la Russie ne gagnait ni ne perdait rien.

Se seconde décision importante fut d’abolir officiellement, le 1 er mars 1762, l’obligation de service de l’État pour les nobles.

Il n’eut pas le temps d’aller plus loin dans ses réformes. Son épouse Catherine avait une piètre opinion de lui, elle le soupçonnait de vouloir la quitter, enfin elle était animée par une intense ambition. Elle chassa son mari du trône lors d’un coup d’État qu’elle réalisa le 9 juillet 1762 avec seulement quelques rares soutiens. Affronté à la détermination de sa femme l’Empereur ne sut pas réagir ou ne le voulut pas. Il fut jeté en prison puis assassiné quelques jours plus tard. Catherine, la grande Catherine II, lui succéda,

 

J’espère que tu t’acclimates bien à cette année scolaire qui va être chargée, surtout avec la spécialité maths doublée de maths expertes. Bon courage.

Je t’embrasse,

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Russie lettre 20 : le règne de Catherine II (1762-1796)


25 octobre 2020,


Samuel,

 

Première partie

Catherine II dut, dès sa prise de pouvoir, le 9 juillet 1762, se montrer prudente. Elle n’avait réussi à évincer son mari qu’en s’appuyant sur quelques hommes de la Garde, notamment les frères Orlov dont l’un d’entre eux, Grigory, était alors son amant. En outre, à côté de la faiblesse numérique de ses partisans, elle était d’origine exclusivement allemande, née princesse de la petite principauté germanique d’Anhalt-Zerbst, elle n’avait donc pas la légitimité ni de descendre des Romanov ni d’être russe.

Comme elle avait eu un fils, Paul, né en 1754 de son union avec Pierre III (mais le vrai père de cet enfant était probablement un autre amant) il paraissait aller de soi qu’elle exerçât une régence jusqu’à la majorité de cet enfant. Elle s’y refusa et se dépêcha au contraire de se faire couronner Impératrice le 12 septembre 1762. Elle avait alors 33 ans.

Elle eut, en 1764, à faire avec une contestation issue de la noblesse russe qui tenta, par l’action d’un jeune officier, Basile Mirovitch, de libérer l’ancien tsar Ivan VI qu’Elizabeth avait jeté en prison lors de sa propre prise de pouvoir, pour le rétablir à la tête de l’Empire. Mais Ivan VI fut tué par ses gardiens et Catherine fit exécuter Mirovitch.

En 1763-1764, lors du processus de dépossession de l’Église de ses biens immeubles au profit de l’État, processus sur lequel nous reviendrons dans une autre lettre, le métropolite Arsène, furieux, prononça des anathèmes contre l’Impératrice mais il ne fut pas suivi par les autres prélats. Catherine parvint à le faire juger, à le défroquer et à le jeter en prison.

Ainsi lentement, par petites touches, par l’usage de la force et de l’autorité, elle réussit à s’imposer. En 1766 elle se sentit assez forte pour commencer à réformer le pays.

Catherine s’appuya, pour engager ses réformes, sur sa culture vaste, fondée principalement sur la philosophie, surtout française, celle des Lumières. Elle avait appris le français enfant, alors qu’elle était encore en Allemagne, et s’était intéressée aux philosophes tels Voltaire avec lequel, une fois devenue Impératrice, elle noua une correspondance épistolaire, ou encore Montesquieu dont le traité « De l’esprit des lois » l’inspira. Elle resta ouverte à la pensée germanique, nouant aussi une correspondance épistolaire avec le baron Fréderic-Melchior Grimm, diplomate et homme de lettres bavarois, principalement d’expression française, ayant collaboré à l’Encyclopédie.

Sa première décision fut de créer une Commission législative destinée à réfléchir sur l’état de la société russe .

La Commission législative.

En 1766 elle convoqua cette Commission. Elle rédigea elle-même, à l’intention de cette Commission, comme base de réflexion, un texte, le Nakaze ou «Grande Instruction », inspiré par Montesquieu et le juriste italien Beccaria.

Dans ce texte elle posa trois principes :

« La Russie est une puissance européenne ». Cette affirmation n’allait pas de soi en 1766, et d’ailleurs elle ne va toujours pas de soi au XXI siècle. Le destin de la Russie est-il l’Europe ou l’Asie ? Pour Catherine, d’origine allemande, le destin de la Russie c’est l’Europe.

« Le souverain, en Russie, est un eurocrate ; car aucun autre pouvoir que celui réuni en sa seule personne ne peut agir conformément à l’espace d’un si grand État ». Cette formule est issue de « L’esprit des lois ». N’oublions pas que, pour les philosophes du siècle des Lumières, leur inclination allait vers le despotisme « éclairé ». Au contraire de ce que nous croyons aujourd’hui ces philosophes défendaient en fait l’Autorité, même s’ils la souhaitaient « éclairée »

« L’agriculture ne saurait prospérer là où nul n’a rien qui lui appartienne en propre ». Cette affirmation plongea les contemporains de l’Impératrice dans l’expectative. Que voulait-elle signifier ? Que les paysans devaient être libérés de leur assujettissement aux propriétaires terriens ? Contre cette interprétation toute la noblesse se souleva. En revanche les paysans virent dans cette affirmation une incitation à conquérir leur affranchissement. Ainsi naquit la révolte de Pougatchev. Cette révolte dont nous parlerons ci-après, suivie ensuite, en Europe, par la révolution française, effraya Catherine. Elle battit en retraite, se rendit aux arguments des propriétaires terriens et finit par consolider l’esclavage des paysans.

La Commission comprit 564 députés, 28 nommés et 536 élus. Les députés nommés représentaient les institutions de l’État, dont le Sénat. Les autres furent élus par des collèges représentatifs de la population russe : noblesse terrienne, citadins (marchands), paysans de l’État, cosaques et minorités nationales. Des catégories ne furent pas représentées : les serfs et le clergé.

Les députés débattirent entre eux mais ils s’opposèrent de manière si irréductible, étant donné la divergence de leurs intérêts, que Catherine finit par dissoudre la Commission en 1768. Seuls subsistèrent encore quelques comités de réflexion mais la révolte de Pougatchev en 1772 convainquit l’Impératrice d’arrêter là l’expérience. Les débats de cette Commission éclairèrent toutefois Catherine sur l’état réel de la société russe. Elle s’appuya sur ces informations pour réformer les institutions en 1775.

 

Passe de bonnes vacances,

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Russie lettre 20 : le règne de Catherine II (1762-1796)

29 octobre 2020,

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Samuel,


Deuxième partie : la révolte de Pougatchev

Près des Cosaques du Don vivaient les Cosaques de l’Iaïk , ancien nom du fleuve Oural (voir carte « guerre civile » où ce fleuve apparaît nettement). Ils étaient mécontents pour diverses raisons : ils avaient perdu le monopole du commerce du sel récupéré par Saint-Pétersbourg, ils avaient été assujettis à l’impôt, le pouvoir central les contrôlait de plus en plus, bref ils perdaient progressivement leur autonomie. Leur mécontentement croissant fut suivi de doléances qui ne reçurent aucun écho favorable près du pouvoir russe.

C’est alors qu’apparut un cosaque du Don, Emelian Pougatchev.

Né en 1642, fils d’un petit propriétaire terrien, il participa à la guerre de Sept ans (voir lettre 19, paragraphe 5) puis à la première guerre russo-turque (1769-1774) sur laquelle nous reviendrons ultérieurement. Il déserta avant la fin de la guerre et vécut une vie de vagabond. En 1772 il rencontra un vieux croyant qui lui fit part du mécontentement et du désir de révolte des Cosaques de l’Iaïk. Il eut alors l’idée de devenir leur chef. Pour asseoir sa légitimité, il leur déclara qu’il était l’Empereur Pierre III, toujours vivant, miraculeusement échappé de prison.

Même si la plupart des chefs cosaques ne le crurent pas ils remarquèrent sa bravoure et décidèrent de se ranger derrière lui. Mais les autorités ne tardèrent pas à emprisonner le faux tsar, à Kazan. Il parvint à s’évader et à retrouver ses partisans.

Le 16 septembre 1773, entouré de 80 hommes, il publia un manifeste dans lequel il déclara l’indépendance des paysans vis à vis de leurs propriétaires terriens, leur droit à devenir propriétaire des terres qu’ils cultivaient et leur droit à s’emparer, exécuter et pendre tous les nobles qu’ils rencontreraient. Ce manifeste rencontra un écho favorable auprès de dizaines de milliers de serfs mais aussi près des ouvriers, des vieux croyants et des minorités ethniques qui voulaient se débarrasser de l’autorité du gouvernement impérial.

Dans un premier temps, de septembre 1773 à avril 1774, l’armée des insurgés remonta le Iaïk et s’empara des forteresses qui le jalonnaient. Mais elle fut arrêtée à Orenbourg. La guerre de Turquie était terminée et Catherine pouvait maintenant opposer aux insurgés des troupes régulières.

Dans un deuxième temps, Pougatchev choisit de se déporter vers la Volga. Le 12 juillet il s’empara de Kazan mais le général Michelson reprit la ville et le mit en déroute.

Dans un troisième temps, de juillet à septembre 1774, suivant les cours de la Soura et de la Volga, Pougatchev se dirigea vers le sud. Il traversa des régions où les populations, serfs et minorités ethniques, lui furent favorables. Les villes tombèrent, les paysans révoltés se déchaînèrent et massacrèrent les nobles. Certains serfs formèrent des bandes autonomes, un paysan Estafiev déclara à son tour être Pierre III et s’attaqua aux nobles.

Mais les troupes gouvernementales, dirigées par Michelson, désormais libérées totalement de la guerre russo-turque écrasèrent les troupes de Pougatchev à Salnikov le 25 août 1774. Le rebelle parvint à s’enfuir mais les Cosaques irrités de le voir ne plus défendre que les serfs et oublier leurs propres revendications le livrèrent aux autorités, le 14 septembre 1774. Il fut exhibé dans une cage en fer puis il fut décapité à la hache, et ses bras et jambes furent tranchés par le même moyen.

Cette exécution soulagea la noblesse. Catherine se rendit compte qu’elle ne pouvait pas gouverner sans l’appui des nobles, que la révolte populaire était trop violente. Elle prit le parti des nobles, elle abandonna les serfs à leur sort.

Après la révolte de Pougatchev Catherine décida de supprimer toute autonomie aux Cosaques. Elle les dispersa, changea jusqu’au nom de leurs villages, leur refusa de nommer leurs propres chefs. Concernant les Cosaques zaporogues elle détruisit leur structure sociale organisée autour de la sietch en rasant leur quartier général établi sur l’île de Khortitsia au milieu du Dniepr (voir lettre 16 paragraphe 5).

L’aventure de Pougatchev inspira Alexandre Pouchkine qui publia en 1836 le roman : « La fille du capitaine » qui a pour thème les aventures et les amours de deux jeunes gens pris dans la tourmente de la révolte d'Emelian Pougatchev. « La Fille du capitaine » est considéré comme l'un des premiers chefs d'œuvre de la littérature russe.

 

Je pense à toi,

Bon courage pour la rentrée

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Russie lettre 20 : le règne de Catherine II (1762-1796)

8 novembre 2020,

Samuel,

 

Troisième partie : la réforme des institutions

Celle-ci, mise en œuvre dès 1775, porta sur les administrations locales. Elle fut inspirée par la révolte de Pougatchev. Constatant l’effondrement des autorités locales pendant cette révolte Catherine II décida de renforcer l’administration provinciale par la décentralisation, une répartition des pouvoirs et des fonctions, et la participation accrue de la noblesse locale à cette administration.

Elle réduisit la taille des circonscriptions administratives (provinces), puis elle divisa ces circonscriptions en districts. Chaque province était peuplée d’environ 300 000 habitants, chaque district de 30 000 habitants. Un gouverneur fut nommé à la tête de chaque province, assisté de fonctionnaires. Les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire furent en principe séparés (influence des philosophes occidentaux, notamment Montesquieu) mais comme il n’était pas question d’affaiblir l’autocratie impériale et son droit de contrôle voire d’intervention, cette séparation des pouvoirs fut plutôt symbolique. En fait la population fut divisée en classes sociales et chaque classe, ou ordre, fut jugée par un tribunal particulier et selon une procédure propre. Il n’ y avait donc pas une loi égale pour tous, ni un jugement égal.

La classe des nobles fut considérablement privilégiée. L’Impératrice contribua à diviser la société russe en maîtres et esclaves. La Charte de la Noblesse de 1785 consolida le pouvoir de la noblesse reposant sur l’asservissement des paysans. Cette Charte reconnut une existence juridique à la noblesse de chaque district et de chaque province. Les nobles furent exemptés d’impôts, dispensés de l’obligation de servir l’État, dispensés de toute sanctions physiques en cas de manquement à la Loi. Seul un tribunal d’exception pouvait les sanctionner en cas de faute grave.

C’est ainsi que Vassili Klioutchevski, historien russe du XIX ème siècle, décrit le noble de l’époque : « sa situation sociale reposait sur l’injustice politique et se voyait couronnée par une vie d’oisiveté. Il passait des mains du sacristain qui lui donnait des rudiments d’instruction à celles d’un précepteur français, complétait sa formation au théâtre italien et finissait ses jours dans son cabinet de Moscou ou de la campagne, un livre de Voltaire à la main...en Europe on le tenait pour un Tatar déguisé et chez lui pour un Français né en Russie »

L’Impératrice continua de distribuer aux nobles des terres de l’État en transférant aussi à ceux-ci la « propriété » des paysans qui y travaillaient. Elle pratiqua enfin la « sécularisation » des immenses domaines de l’Église en en faisant passer la propriété à l’État.

 

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Russie lettre 20 : le règne de Catherine II (1762-1796)


15 novembre 2020,


Samuel,


Quatrième partie : la politique étrangère de Catherine II

Pierre le Grand avait résolu l’un des trois problèmes internationaux fondamentaux de la Russie : l’accès à la Baltique. Il restait deux problèmes à résoudre : l’accès libre à la mer Noire, empêché par le khanat de Crimée et l’Empire ottoman, et la souveraineté de la Pologne, sujet de tous temps surveillé par les Russes.

1) La première guerre de Turquie 1768-1774

Les événements de Pologne sur lesquels nous reviendrons plus loin provoquèrent la guerre. Depuis la fin de la guerre de Sept Ans en 1763 ( voir lettre 19 du 9 août 2020) des troupes russes stationnaient sur le territoire polonais. Le pays devint un protectorat russe, concrétisé par un traité d'amitié perpétuelle signé entre le roi polonais Stanislas II et Catherine. Ce traité déplut à une partie de la noblesse polonaise qui rentra en guerre civile afin de renverser Stanislas et de chasser les Russes. Au cours de cette guerre une petite ville, Balta, alors située en territoire ottoman, fut attaquée par les zaporogues, opposés à l’insurrection (ils soutenaient la Russie) alors qu’ils poursuivaient des insurgés qui y avaient trouvé refuge. Le sultan intima l’évacuation de la ville, et, inquiet des intentions russes (menacer l’Empire sur ses frontières nord), il exigea l’évacuation de la Pologne par les Russes. Catherine refusa. Moustapha III déclara la guerre à la Russie le 6 octobre 1768. Catherine répondit en lançant une attaque d’envergure.

En 1768 deux armées terrestres commandées par les généraux Alexandre Roumiantsev et Piotr Panine prirent Azov, envahirent la Crimée, pénétrèrent en Bessarabie et occupèrent, dans les Balkans, les principautés chrétiennes orthodoxes assujetties à la Turquie : la Moldavie et la Valachie. En 1769 les Russes prirent Jassy, capitale de la Moldavie puis Bucarest, capitale de la Valachie.[ Voir carte de la lettre 19 du 19 août 2020 pour repérer la Moldavie et la Valachie. La Bessarabie est la région située entre le Danube, le Dniestr et la Moldavie (Kilia, Akerman, Bender) ].

Pendant ce temps une flotte russe partit de la Baltique, contourna le continent européen, passa le détroit de Gibraltar, croisa au large du Péloponnèse où elle tenta de soutenir une insurrection grecque contre l’Empire ottoman, en vain. Finalement, à l’issue d’un voyage de six mois, commandée par le comte Alexis Orlov, l’un des frères qui aida Catherine à prendre le pouvoir, l’escadrille attaqua la flotte turque le 6 juillet 1770 dans la baie de Tchesmé. Les Turcs furent écrasés. [Voir carte jointe de la Turquie. Tchesmé est notée Cesmé sur cette carte, en façade occidentale, au large d’Izmir].

La guerre ensuite s’enlisa mais ni les Tatars de Crimée ni les Ottomans ne purent renverser la situation.

Le traité de Kutchuk-Kaïnardji [aujourd’hui Kaïnardja, dans le nord-est de la Bulgarie], signé le 21 juillet 1774, mit fin à la guerre et acta la défaite de l’Empire ottoman, défaite historique qui signa le déclin progressif de cet Empire et la montée en puissance de la Russie.

Par ce traité la Russie prit possession des places fortes d’ Azov, Kertch et Kinbourn (Kherson sur la carte jointe) permettant, pour Kinbourn, le contrôle des fleuves Boug (Bug sur la carte) et Dniepr, pour Azov le contrôle du Don, et pour Kertch le contrôle du détroit reliant la mer d’Azov à la mer Noire. Les marchands russes obtinrent le droit d’emprunter les détroits du Bosphore et des Dardanelles, s’ouvrant ainsi l’accès à la Méditerranée. Sur la carte jointe ces deux détroits commandent l’accès à la mer de Marmara (le Bosphore au nord, Istanbul, les Dardanelles au sud, Canakkale), mer qui relie la mer Noire à la Méditerranée (la mer Égée). Pour la Russie il faut donc contrôler la mer d’Azov, puis la mer Noire et enfin la mer de Marmara pour accéder à la Méditerranée.

La Crimée devint indépendante et se libéra ainsi de la suzeraineté ottomane. La Moldavie et la Valachie furent rendues à la Turquie mais la Russie garda le droit d’y intervenir pour protéger les populations orthodoxes qui y vivaient.

Les steppes situées entre le Dniepr et le Boug (voir carte) jusque-là contrôlées par les Zaporogues mais encore sous suzeraineté ottomane devinrent russes.

Enfin la Russie prit possession de la Grande et de la Petite Kabarda (Kabardia sur la carte jointe) province du Caucase du Nord peuplées de montagnards musulmans, jusque-là sous suzeraineté de la Crimée. L’acquisition de cette région ouvrit une voie de progression vers la Transcaucasie (Caucase du Sud).

Les résultats remarquables de cette guerre firent de la Russie l’un des pays les plus puissants d’Europe.

2) La consolidation des acquis

Toutes ces acquisitions furent consolidées par Grigori Potemkine (1736-1791) militaire intervenu en faveur de l’Impératrice lors de sa prise de pouvoir en 1762 puis remarqué par celle-ci pendant la guerre contre la Turquie. Il devint son favori en 1774. Elle le nomma gouverneur général des provinces nouvellement acquises appelées : Nouvelle-Russie. Il perdit sa qualité de favori en 1776 mais pendant 13 ans, de 1776 à 1789, il demeura proche de la régnante, il devint son ami et son principal conseiller, honoré en tant que prince sérénissime.

En tant que gouverneur de la Nouvelle Russie il chassa les Zaporogues des terres qu’ils occupaient sur la rive occidentale du Dniepr (entre le Dniepr et le Boug où la Russie venait de conquérir de nouveaux territoires) et les remplaça par des immigrants tous dévoués à l’Impératrice. C’est à ce moment-là que la Sietch zaporogue fut détruite tandis que les Cosaques furent déplacés dans la région du Kouban (entre la mer Noire et la Kabardia). Potemkine fit construire sur ces terres des villes comme Iekaterinoslav, Nikolaïev ou Kherson (villes aujourd’hui ukrainiennes)

Profitant des discordes dynastiques dans le khanat de Crimée, Potemkine l’annexa au nom de la Russie en 1783. Il y construisit la ville de Sébastopol et y créa la flotte militaire de la mer Noire. La même année il fit signer à Catherine le traité de Saint-Georges par lequel la Géorgie orientale (dans le sud du Caucase) se plaça sous l’autorité de la Russie.

Potemkine et Catherine commencèrent à nourrir des rêves grandioses, connus sous le nom de « projet grec ». Il s’agissait de refouler les Ottomans et de rétablir un grand Empire chrétien dont Constantinople serait le centre. Ainsi renaîtrait l’ancien Empire romain d’Orient centré sur Constantinople. Catherine fit appeler son second petit-fils Constantin, le confia à une nourrice grecque et fit frapper des médailles reproduisant Sainte-Sophie espérant que l’enfant devienne le futur Empereur de Byzance ressuscitée.

3) La seconde guerre de Turquie 1787-1792

La Turquie déclara le guerre à la Russie en 1787 après que les Russes eurent rejeté un ultimatum exigeant l’évacuation de la Crimée. La Sublime Porte bénéficiait de la sympathie de plusieurs puissances européennes dont la Grande Bretagne et la Suède inquiètes du pouvoir grandissant de la Russie. La Russie bénéficiait du soutien de Joseph II l’empereur d’Autriche qui comptait sur elle pour contrer la Prusse dont les visées hégémoniques en Allemagne inquiétaient (la Prusse avait des vues sur la Bavière).

La guerre commença mal pour Catherine. L’été 1787 fut une catastrophe agricole (famine) ce qui obligea l’Impératrice à se concentrer sur des problèmes internes de ravitaillement entre les régions. De plus en 1788 la Suède lui déclara la guerre espérant effacer les conséquences de ses anciennes défaites. Enfin, en 1790, Joseph II mourut. Son successeur, son frère Léopold II, sortit de la guerre contre la Turquie et parvint à s’entendre avec la Prusse.

Potemkine connut des revers et finit par suggérer de quitter la Crimée. Catherine refusa. Il perdit son rôle de conseiller (en 1789) et fut remplacé par Platon Zoubov. La guerre reprit menée par le général Alexandre Souvorov. Les Russes remportèrent des combats cruciaux et en 1790 Souvorov assiégea Izmaïl, la plus puissante forteresse turque construite dans le delta du Danube (voir carte jointe). La ville tomba, Koutouzov, le général qui, plus tard, fit face à Napoléon lors de la campagne de Russie, fut le premier à y rentrer. Cette défaite convainquit le sultan de faire la paix. Sur le front suédois les Russes remportèrent des victoires aisées. La Suède cessa le combat et fit la paix en 1790.

Le traité de paix entre la Turquie et la Russie fut signé le 9 janvier 1792 à Jassy. La Turquie confirma ses pertes de la guerre précédente, reconnut l’annexion de la Crimée et céda des terres entre le Boug et le Dniestr. Sur ces terres, à l’emplacement de la petite forteresse turque de Hadjibey (voir carte) Catherine fit construire un port qu’elle appela : Odessa, ce qui signifie : Odyssée, en ligne avec son rêve grec.

 

J’espère que cette alternance de cours entre le présentiel et le distanciel ne te pose pas trop de soucis.

N’oublie pas que, si tu as un problème en maths, tu peux me questionner quand tu veux : je te répondrai.

Je pense à toi, j’espère que tu pourras bientôt observer Jupiter d’où je te vois.

Je t’embrasse,

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Russie lettre 20 : le règne de Catherine II (1762-1796)

16 novembre 2020,


Samuel,


Quatrième partie : la politique étrangère de Catherine II


4) Les partages de la Pologne

a) Présentation générale

Nous avons étudié dans la lettre 19 du 9 août 2020 la guerre de succession de Pologne (1733-1735) à l’issue de laquelle Philippe Auguste, le fils d’Auguste le Fort, devint roi sous le nom d’Auguste III. Ce dernier mourut le 5 octobre 1763 ce qui ouvrit une nouvelle succession.

La Pologne formait alors un conglomérat de domaines féodaux détenus par de puissantes familles seigneuriales qui poursuivaient des buts privés plutôt que de s’occuper du bien public. Le pouvoir central n’avait plus le contrôle de l’État. Celui-ci était « coiffé » par une Diète composée de députés provinciaux, représentant essentiellement la noblesse, dotés chacun du pouvoir exorbitant de bloquer toute décision au nom du « liberum veto », droit de s’opposer à toute proposition.

La Pologne était composée de quantité de nationalités : Polonais, Lituaniens, Biélorusses, Ukrainiens, Juifs aux religions diverses : catholicisme, orthodoxie, protestantisme, judaïsme. Cette diversité favorisait les « dissidences » c’est-à-dire le désir de certaines « nationalités » de basculer du côté des puissances voisines de la Pologne aux cultures et origines ethniques semblables aux leurs. Ces puissances étaient au nombre de trois, Prusse, Autriche et Russie. Ces trois pays convoitaient les terres et populations de la République des Deux Nations.

Enfin la Pologne, peuplée de 11 millions d’habitants répartis sur un territoire encore assez vaste, ne disposait d’aucune armée digne de ce nom : seulement une armée de 12 000 hommes. Pour information, vers 1760, le France comptait 25 millions d’habitants, la Russie 19 millions, l’Espagne 10 millions, la Prusse 5 millions et l’Autriche 3 millions.

b) Le premier partage de la Pologne en 1772

Après la mort de Philippe Auguste Catherine II et Frédéric II, le roi de Prusse, proposèrent Stanislas Poniatowski au trône de Pologne. Poniatowski était un ancien amant de Catherine avant qu’elle s’empare du pouvoir. Mais surtout aux yeux de l’Impératrice il était apparenté au puissant clan Czartoryski, pro-russe, possesseur d’immenses territoires en Lituanie. Quant à Frédéric II il s’était entendu avec Catherine pour gérer ensemble les affaires de la Pologne.

Pour forcer la main aux électeurs des troupes russes convergèrent vers Varsovie. Le 6 septembre 1764 ceux-ci nommèrent Stanislas Poniatowski roi de Pologne. Il prit le nom de Stanislas-Auguste et régna sous le nom de Stanislas II. Il devait être le dernier roi de Pologne, régnant de 1764 à 1795.

Stanislas II eut des velléités de réforme : renforcement du pouvoir central, suppression du liberum veto. Mais Saint-Pétersbourg et Berlin ne voulaient pas d’un pouvoir central fort. Ils se voulaient les défenseurs des « dissidents » c’est-à-dire des protestants (proches de la Prusse) et des orthodoxes (proches de la Russie) contre les catholiques (le pouvoir polonais en place). [Ce terme « dissident » devait acquérir une renommée mondiale dans les années 70 pour désigner les ennemis du pouvoir soviétique]. Aussi firent-ils pression sur le roi pour que les dissidents aient les mêmes droits politiques que les catholiques.

La Diète polonaise refusa. Des troupes russes rentrèrent à Varsovie et arrêtèrent quelques chefs catholiques. Sous la menace, en 1767, la Diète promulgua une loi accordant aux dissidents les mêmes droits qu’aux catholiques. En 1768 un traité d’amitié perpétuelle fut signé entre la Pologne et la Russie.

En réaction la confédération de Bar (Bar : ville de Podolie) fut formée en 1768 par un groupe de nobles polonais afin de s'opposer à l'influence de la Russie dans leur pays et de lutter contre le roi Stanislas II, considéré comme un allié de la Russie. Ainsi démarra une guerre civile qui dura de 1768 à 1772.

Les troupes russes et prussiennes s’opposèrent, sur le territoire polonais même, aux insurgés. Ceux-ci reçurent l’aide de l’Autriche et de la France. Mais l’Autriche se retira du conflit dès 1771 (tout en occupant quelques territoires polonais attenant à l’Autriche) et la France n’apporta qu’une aide financière. Les confédérés furent finalement vaincus en 1772.

Cette défaite provoqua le premier partage de la Pologne.

Le 5 août 1772, à Saint-Pétersbourg un traité fut signé entre la Russie, la Prusse et l’Autriche. La Russie s’empara des terres biélorusses, soit un territoire de 92 000 km² comptant 1 800 000 habitants, l’Autriche s’empara de la Galicie avec la ville de Lemberg encore appelée Lvov, 83 000 km² et 2 650 000 habitants, la Prusse s’empara de la Prusse occidentale à l’exception de Dantzig, 36 000 km² et 580 000 habitants. Cette acquisition était précieuse pour la Prusse lui permettant de réunir le duché de Prusse au Brandebourg. [Sur une carte jointe, partage de la Pologne 1772, Dantzig n’est pas en fait encore acquise à la Prusse. Celle-ci ne s’empara de la ville que lors du deuxième partage de 1793].

Au total la Pologne perdit environ un tiers de son territoire et plus du tiers de sa population.

 

J’espère qu’il ne fait pas encore trop froid à Moscou.

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Russie lettre 20 : le règne de Catherine II (1762-1796)

19 novembre 2020,


Samuel,


Quatrième partie : la politique étrangère de Catherine II


4) Les partages de la Pologne

c) Le deuxième partage de la Pologne en 1793

En réaction à la catastrophe de ce premier dépeçage les Polonais se mobilisèrent et ouvrirent une session du Parlement appelée la Grande Diète ou la Diète de quatre ans ou encore le Grand Seim qui se tint à Varsovie du 6 octobre 1788 au 29 mai 1792 dans le but de réformer la gouvernance du pays et de restaurer la souveraineté de la République.

La Diète adopta la Constitution du 3 mai 1791 inspirée de la pensée politique et sociale des Lumières européennes ainsi que de la constitution américaine de 1787.

Dans le texte de cette Constitution la monarchie devenait héréditaire, le roi était doté d’un pouvoir exécutif réel, il gouvernait en s’appuyant sur un conseil des ministres responsable devant la diète dont la nouvelle composition faisait une place importante aux représentants de la bourgeoisie, à égalité avec les représentants de la noblesse. La diète détenait le pouvoir législatif, le liberum veto était supprimé et remplacé par la règle de la majorité. La Constitution établissait la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Enfin les paysans étaient placés sous la protection du gouvernement afin d’atténuer les abus du servage et l’armée devait se renforcer pour aller jusqu’à compter 100 000 soldats.

Cette Constitution ne fut pas acceptée par les nobles qui refusaient de perdre leurs privilèges.

Ils formèrent en 1792 la confédération de Targowica (nom d’une petite ville de l’Ukraine). Menés par le comte Stanislaw Szczesny Potocki ils se rendirent à la cour de la tsarine Catherine II pour obtenir son soutien. Soutien que l’Impératrice leur accorda aussitôt tant elle était irritée par les velléités révolutionnaires des Polonais. Elle voyait dans la Constitution de 1791 l’influence de la Révolution française alors en cours. Si Catherine appréciait les philosophes français qui, malgré leurs idées « éclairées », défendaient l’autorité monarchique ou impériale, en revanche elle n’aimait pas les révolutionnaires français. La révolte de Pougatchev l’avait échaudée et de toutes façons elle tenait à conserver l’autorité impériale. De plus elle ne voulait pas d’une Pologne militairement renforcée car elle poursuivait un but : récupérer toutes les anciennes terres de la Rus de Kiev et même réunir au sein de la Russie tous les slaves de l’Ouest (n’ oublions pas que c’est après la disparition de la Rus de Kiev que les slaves de la Rus se séparèrent en Grands Russes, Ukrainiens et Biélorusses).

Le texte fondateur de cette confédération fut écrit par le général russe Vassili Popov, chef d'état-major du prince Gregory Potemkine et proclamé le 14 mai 1792. Dans ce texte les confédérés demandaient l’aide de la Russie pour contrer la Diète.

Quatre jours plus tard, deux armées russes envahirent la République des Deux Nations. L’intention de Catherine n’était pas seulement d’annuler la Constitution de 1791, c’était aussi d’annexer de nouveaux territoires de la Pologne.

Frédéric Guillaume de Prusse ne vit pas d’un bon œil cette intervention et il fit savoir à Catherine qu’il renoncerait à intervenir contre ses armées si elle acceptait de partager le territoire polonais. Catherine accepta.

Le 23 janvier 1793 la Prusse et la Russie signèrent un traité pour convenir d’abolir les dispositions de la Constitution de 1791 et pour se partager le pays. En 1793, les députés de la Diète de Grodno (petite ville de Biélorussie), dernière diète réunie de la République des Deux Nations, en présence des forces russes, acceptèrent, forcés, les exigences politiques et territoriales de la Russie et de la Prusse.

La Russie reçut divers territoires qui lui permit de retrouver l’ère d’influence de l’ancienne Rus de Kiev, environ 250 000 km². Voir cartes comparatives jointes et lettre 6 du 12 juin 2019. La Prusse reçut la ville de Gdansk (Dantzig) et divers territoires réunis sous le nom de : Prusse Méridionale, soit environ 58 000 km².

Après la seconde partition, la République des Deux Nations perdit environ 308 000 km² après en avoir perdu 211 000 lors du premier partage. Elle fut réduite à 217 000 km2. Elle perdit encore environ 2 millions d’habitants. Elle ne possédait plus qu’une bande de territoires correspondant à la partie centrale blanche de la carte jointe, allant de Mitawa à Lublin. A noter que, dans ce nouveau partage, l’Autriche n’intervint pas.

 

J’espère que l’alternance de tes cours n’est pas trop difficile à gérer.

Je pense à toi, toujours,

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Russie lettre 20 : le règne de Catherine II (1762-1796)

24 novembre 2020,


Samuel,


Quatrième partie : la politique étrangère de Catherine II

4) Les partages de la Pologne

d) Le troisième partage de la Pologne en 1795

Face au dépeçage de son pays le général polonais Tadeusz Kosciuszko, qui s’était illustré lors de la guerre d’indépendance des États-Unis, proclama l’insurrection générale contre les occupants, le 24 mars 1794, à Cracovie.

L’impératrice russe ordonna aussitôt au général Fiodor Denissov d’attaquer Cracovie.

Le 4 avril 1794 les deux armées se rencontrèrent près du village de Raclawice au cours d’un affrontement resté dans l’histoire sous le nom de : bataille de Raclawice (village près de Cracovie). Les Russes furent battus et durent reculer.

A Varsovie, en avril 1794, les populations polonaises dirigées par Jan Kilinski assiégèrent la garnison russe. Les Russes furent battus et durent quitter la ville.

A Vilnius (appelée aussi Wilno : voir carte du premier partage de la Pologne pour situer la ville – Vilnius est aujourd’hui la capitale de la Lituanie) un soulèvement populaire éclata le 22 avril forçant là encore les Russes à se retirer.

Le 7 mai 1794 Kosciuszko promulgua le manifeste de Polaniec (100 km au nord-est de Cracovie) par lequel il abolit partiellement le servage, accorda la liberté civile aux paysans et leur promit protection contre les nobles. Pour la première fois dans l’histoire d’un pays slave les paysans furent reconnus comme faisant partie de la nation.

Mais les forces polonaises n’étaient pas assez nombreuses ni assez bien armées, les nobles polonais s’opposèrent de plus à Kosciuszko préférant trahir la nation plutôt que de perdre leurs privilèges. Enfin les Prussiens décidèrent de rentrer dans cette guerre et de venir épauler les Russes.

Le 6 juin Kosciuszko fut battu à la bataille de Szczekociny (60 km au nord de Cracovie) par la coalition russo-prussienne. Les Polonais se replièrent sur Varsovie tandis que, le 15 juin 1794, les Prussiens occupèrent Cracovie.

Varsovie, assiégée par la coalition des armées des deux Empires, résista. Le siège finit par être levé par les coalisés.

Les Russes armèrent un nouveau corps d’armée commandé par le général Alexandre Souvorov, le héros de la seconde guerre de Turquie. Ce dernier attaqua Varsovie à son tour et remporta la victoire de Maciejowice le 10 octobre 1794, près de Varsovie. Kosciuszko blessé au cour de la bataille fut capturé par les Russes qui l’envoyèrent à Saint-Pétersbourg où il fut emprisonné.

Varsovie résista encore. Le 4 novembre 1794 les Russes lancèrent un assaut sur Praga, banlieue de Varsovie. Après 4 heures de combat les 24 000 militaires russes enfoncèrent les défenses de la ville et massacrèrent 20 000 de ses habitants. Cet événement restera dans l’histoire sous le nom de : « massacre de Praga ». Ainsi Varsovie tomba. C’en était fini de cette ultime insurrection des Polonais pour sauvegarder leur nation.

L’année suivante, le 24 octobre 1795, à Saint-Pétersbourg, l’Autriche, qui exigea de participer à l’ultime démembrement du royaume de Pologne, la Russie et la Prusse signèrent un traité entérinant la disparition de la Pologne.

L'Autriche annexa l'ouest de la Galicie avec les villes de Cracovie et de Lublin, 48 000 km2, 1,2 million d'habitants (vert clair sur la carte jointe).

La Prusse annexa les territoires réunis sous la dénomination : Nouvelle Prusse Orientale avec Varsovie, 48 000 km2, 1 million d'habitants (bleu clair sur la carte jointe). [Voir aussi carte de la Prusse de la lettre précédente où la dénomination : « Nouvelle Prusse Orientale » est reprise].

La Russie annexa le reste du territoire formant une bande centrale entre sa dernière acquisition et les nouvelles acquisitions de l’Autriche et de la Prusse, avec la ville de Vilnius (Wilno) 121 000 km2, 1,2 million d'habitants (mauve sur la carte jointe).

Le roi Stanislas II fut contraint à l'abdication.

Gracié par le tsar Paul I, le successeur de Catherine, Kościuszko retourna deux ans aux États-Unis. Puis il s'installa en France et il mourut en Suisse des complications liées à une chute de cheval en 1817. Son corps fut inhumé dans la cathédrale de Cracovie en 1818.

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Russie lettre 20 : le règne de Catherine II (1762-1796)

26 novembre 2020,


Samuel,


Cinquième partie : la fin du règne de Catherine II

La série des victoires militaires remportées par l’Impératrice exalta son désir de conquête. Son nouveau favori, Platon Zoubov, reprit le projet grec conçu par son prédécesseur, Potemkine, et lui donna une autre ampleur. En 1795 il proposa dans un document intitulé « Considérations de politique générale » une vision politique et une vision militaire d’un nouveau projet.

Dans la vision politique il redessina la carte du monde, faisant disparaître la Prusse, la Suède, l’ Autriche, le Danemark et la Turquie pour les remplacer par des territoires certes autonomes mais soumis à l’autorité suprême de l’Empire russe.

Dans la vision militaire deux armées devaient l’une passer par le corridor du Caucase (situé entre la mer Noire et la mer Caspienne) pour attaquer la Turquie par l’est, l’autre passer par les Balkans pour attaquer la Turquie par l’ouest. La conquête de l’Anatolie permettrait ainsi à Catherine de régner sur Constantinople en installant sur le trône son second petit-fils : Constantin (dans son esprit son premier petit-fils, Alexandre devait lui succéder à la tête de la Russie). Son intention était aussi d’annexer tout le Caucase et de créer une voie commerciale reliant la Russie à Bakou (port de la Caspienne) puis à l’Inde en passant par la Perse (que Catherine espérait bien placer sous sa suzeraineté). Au moment où les Européens occidentaux ouvraient leurs propres voies commerciales à destination de l’Inde et de l’Extrême-Orient Catherine voulut s’immiscer dans ce commerce international en créant sa propre filière territoriale.

En avril 1796 le général Valerian Zoubov, le frère de Platon, reçut l’ordre de partir rétablir l’ordre en Perse suite à la demande d’intervention d’un monarque local détrôné par un concurrent. L’intention de Catherine était en fait de conquérir le Caucase et d’y établir sa base commerciale avec l’Inde tout en faisant de la Perse un royaume qui lui fut dévoué. Plus tard elle attaquerait la Turquie par l’est. Mais Catherine II mourut subitement le 6 novembre 1796 ce qui mit fin au projet. Valerian Zoubov eut le temps de prendre Bakou, mais le successeur de Catherine, son fils Paul Ier, fit évacuer la ville.

[ Pierre le Grand fut le premier à former l’intention de conquérir le Caucase afin de se donner une voie de pénétration en Perse et d’une manière générale dans le Proche-Orient (Syrie, Irak, etc,). Le 26 juillet ses troupes occupèrent Bakou mais elles évacuèrent la ville après sa mort].

Contrôler le Caucase est une constante de la politique étrangère de la Russie. Lors de la guerre entre la Géorgie et la Russie, en 2008, les Russes prirent à la Géorgie les provinces d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie.

Lors du conflit récent (novembre 2020) entre l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabakh, enclave arménienne en Azerbaïdjan, la Russie intervint et fit signer la paix entre les belligérants.

Cette guerre profita à l’Azerbaïdjan qui reprit des territoires au Haut-Karabakh mais l’intervention de la Russie l’empêcha de poursuivre sa conquête. La situation est actuellement stabilisée grâce au déploiement sur place d’un détachement militaire russe comprenant 2000 soldats et une centaine de blindés.

Une carte du Caucase actuel est jointe. On y voit la frontière de la Fédération de Russie (la Russie proprement dite plus des territoire qui lui sont rattachés) : Karachaïévo-Tcherkessie, Kabardino-Balkarie, Ossétie du Nord, Tchétchénie, Daguestan. Depuis la guerre de 2008 il faut ajouter l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.

On voit aussi où se trouve le port de Bakou.

On voit enfin que le contrôle du Caucase permet d’accéder à la Turquie et à l’Iran (la Perse).

[ l’Artsakh est l’autre nom du Haut-Karabakh. L’ Azerbaïdjan y a récupéré des territoires mais les Russes désormais stabilisent les positions grâce à leur présence militaire]

 

J’espère que la mise au pont d’un vaccin te permettra de desserrer bientôt l’étreinte du virus !

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Russie lettre 21 : le règne de Paul 1 er (1796-1801)

2 décembre 2020


Samuel,


Dès le jour de la mort de sa mère Catherine, le 6 novembre 1796, ou le 17 novembre 1796 dans le calendrier grégorien, Paul son fils, se fit nommer Empereur, le manifeste annonçant son avènement étant rédigé le 18 novembre. (Il fut couronné quelques mois plus tard). Il savait que sa mère ne voulait pas qu’il lui succéda et qu’elle avait projeté de nommer pour successeur son petit-fils Alexandre, le fils aîné de Paul. Ce dernier détruisit tous les papiers personnels de sa mère afin que rien ne transpira de cette intention. Il s’empara ainsi du pouvoir sur la seule mais puissante légitimité d’être le fils de Catherine.

L’Impératrice ne partageait pas les idées sociales ni politiques de son fils. Ces idées il les avait élaborées en 1788 dans un projet d’organisation de l’État dont nous citons ces quelques passages : « L’objet de toute société est le bien-être de tous et de chacun », « Une société ne peut exister si la volonté de chacun n’est pas tendue vers un but commun », « Il n’est pas de meilleur modèle que l’autocratie car elle concilie la force des lois et la promptitude du pouvoir d’un seul ». Si sa conception de l’autocratie n’allait pas contre les idées de sa mère en revanche la déclaration d’une société unie dans un but commun semblait être une attaque contre la division sociale de la société russe entre nobles et serfs voulue par la tsarine.

Paul ne supporta pas que Catherine voulut l’évincer, il ne supporta pas non plus la manière dont elle avait traité son père, Pierre III, en le faisant tuer. Il est peu probable que Pierre fut son père puisque ce dernier ne partageait plus d’intimité avec son épouse depuis longtemps mais comme Paul se pensait être le fils de Pierre, il en décida ainsi, d’être ce fils.

Ces événements d’ordre affectif affectèrent son caractère. Il devint ombrageux, irritable, tyrannique, sujet à des accès fréquents de colère. D’une manière générale il terrorisait son entourage.

Le premier acte de pouvoir de l’Empereur fut de corriger cet acte de pouvoir de sa mère : l’assassinat de Pierre III. Ce dernier ayant été tué avant même de se faire couronner, Paul ordonna l’exhumation du corps et posa la couronne sur un crâne fictif puisqu’il ne restait plus rien de Pierre, juste ses vêtements. Puis le cercueil de Pierre III fut exposé aux regards des Russes près de celui de Catherine. Paul ensuite libéra les prisonniers politiques enfermés par sa mère, il libéra notamment Kosciuszko. Cela ne l’empêcha pas plus tard d’emprisonner à son tour tous ceux qui lui déplaisaient.

Politique intérieure

La premier acte législatif de Paul fut de modifier la loi de succession au trône. La primogéniture mâle remplaça le libre choix du successeur réservé au tsar ainsi que l’avait jadis décidé Pierre le Grand. Cette « Loi de succession au trône russe » resta en vigueur jusqu'à la révolution de 1917.

Pendant toute la durée de son règne, un peu plus de quatre ans, l’Empereur promulgua 2179 oukases, deux fois moins certes que sa mère mais celle-ci régna 34 ans durant. Le dénominateur commun de ces textes législatifs fut la lutte contre les nobles et contre leurs privilèges. Paul voulut l’égalité pour tous, mais dans son esprit, il s’agissait d’une égalité dans l’esclavage de tous, dans la soumission au tsar. Il dira à un émissaire suédois « N’est grand en Russie que celui à qui je parle, et seulement pendant que je lui parle ».

Paul va donc restreindre les privilèges de la noblesse, en rétablissant d’abord à leur encontre les châtiments corporels. Puis il stoppa le renforcement du servage et l’allégea. La corvée fut limitée à trois jours (temps de travail gratuit donné par les paysans au seigneur). Les paysans désormais prêtèrent serment à l’Empereur, non aux nobles.

Il ordonna de percer dans le palais un guichet spécial où chacun, même les paysans, put déposer une supplique au nom de l’Empereur. Chaque jour à sept heures du matin il relevait les billets et les lisait. Il prenait sur le champ des décisions mais elles apparaissaient souvent contradictoires ce qui augmenta la peur qu’il engendrait : comment le satisfaire ? Néanmoins sa tyrannie ne toucha que le cercle étroit des seigneurs de la Cour et des officiers de la garde. La noblesse ne supporta pas les foudres du tsar tant elle s’était habituée à la bienveillance de Catherine. Aussi forma-t-elle contre lui le projet de le tuer.

Dans la prochaine lettre je te parlerai de la politique étrangère de Paul, politique qui fut en ligne avec les grandes ambitions de sa mère.

 

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Russie lettre 21 : le règne de Paul 1 er (1796-1801)

4 décembre 2020


Samuel,


Politique extérieure

Paul hérita de sa mère un territoire considérablement agrandi après les annexions de régions jadis dominées par la Turquie (annexions réunies sous le nom de Nouvelle Russie) et d’ une partie de la Pologne.

Après le projet grec de Potemkine Catherine avait entériné le projet indien de Zoubov qui consistait (voir Russie lettre 20 : la fin du règne de Catherine II) à passer par le Caucase afin certes d’attaquer la Turquie par l’est mais aussi d’aller jusqu’en Inde dans l’intention de contrecarrer la puissance commerciale des Britanniques installés dans ce pays depuis 1750 (Catherine voulait détourner à son profit le flux commercial existant entre l’Inde et l’Europe occidentale). Quand elle commença à mettre en œuvre ce projet ses armées eurent le temps de prendre Bakou mais elles furent arrêtées dans leur élan par la mort de la tsarine.

Paul considéra, à l’époque, que ce projet indien était utopique, aussi rapatria-t-il ses armées. De même il considérait d’un œil réprobateur l’annexion des territoires polonais considérant qu’il aurait mieux valu consolider les acquis ottomans avant de continuer sur la voie de conquêtes.

1) La révolution française et la première coalition (1792-1797)

Paul décida de lutter contre la révolution française. Il s’agissait pour lui d’une guerre idéologique : défendre l’autocratie contre la République. Guerre idéologique initiée par sa mère qui ne supportait pas le désordre français et qui s’emportait contre Louis XVI qualifié par elle d’incompétent. Pour bien comprendre le cadre de l’intervention de Paul il est nécessaire de revenir sur la Révolution française.

Cette révolution, commencée en mai 1789, fit l’effet d’un coup de tonnerre au sein de toutes les nations européennes. Soudain un pays renversait son régime monarchique pour le remplacer par un régime démocratique dans lequel la souveraineté ne puisait plus sa légitimité en Dieu mais dans le peuple. Le peuple souverain se substituait au Dieu souverain. Il s’agissait d’une révolution certes politique mais aussi d’une considérable révolution philosophique, accompagnée en outre par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

La révolution française eut un écho immense dans les populations européennes, séduites par la perspective de participer enfin au pouvoir jusque là réservé aux nobles, aux rois ou aux empereurs. De plus face à l’arbitraire du souverain se dressait désormais chaque homme, muni de droits inaliénables, de droits naturels devant lesquels tout souverain ou puissant devait s’incliner.

Une telle révolution inquiéta, le mot est faible, les pouvoirs autoritaires alors en exercice en Europe. Si dans un premier temps les monarques laissèrent faire, quand il apparut ensuite que la France avant bien l’intention d’exporter sa révolution au-delà de ses frontières, ils décidèrent d’intervenir.

La Prusse et l’Autriche s’entendirent pour initier une intervention. Ce voyant la France n’attendit pas que ses ennemis attaquent, elle attaqua la première : elle déclara la guerre au Saint Empire en 1792. Du coup, par le jeu des alliances, elle se trouva affrontée à une coalition, la première coalition, formée par la Grande-Bretagne, le royaume de Piémont-Sardaigne, l’Espagne, le Portugal, le royaume des Deux-Siciles, la Prusse, le Saint Empire (Autriche) et ses possessions (Bohème, Hongrie), les Provinces Unies.

La France au début subit de sérieux revers mais elle réussit à résister à cette coalition et même à prendre l’offensive. Elle fut aidée en cela par le soudain retrait de la Prusse de la coalition en 1794. La Prusse s’inquiétait des menées militaires de Catherine en Pologne. Désirant participer au démembrement de ce pays la Prusse se détourna de l’ ennemi français et lança ses armées en Pologne. C’est ainsi qu’elle parvint à participer au partage final de la République des Deux Nations en 1795.

Ce que nous retiendrons des menées de cette première coalition, dans le cadre de l’histoire de la Russie, c’est la première campagne d’Italie menée par les Français de 1796 à 1797, dirigée par le jeune général Bonaparte contre les Autrichiens. Cette campagne se termina par la victoire de la France et par la mainmise de celle-ci sur les territoires du Nord de l’Italie. C’est là qu’intervint ensuite la Russie. Cette victoire mit fin à la guerre menée par cette première coalition. Seule la Grande-Bretagne continua le combat contre la France.

1) La deuxième coalition (1798-1802, 1798-1799 pour les Russes)

En 1798 Bonaparte, pour contrer l’Angleterre, décida d’envahir l’Égypte afin de couper la ligne commerciale entretenue par l’Angleterre avec l’Inde via l’isthme de Suez.

L'expédition fut un succès. Bonaparte s’empara de Malte, consolida l’influence française sur les îles ioniennes situées entre l’Italie et la Grèce et débarqua en Égypte. Mais cette occupation provoqua l’intervention de l’Empire ottoman qui vit dans cette expédition une intrusion sur son territoire et qui déclara la guerre à la France le 9 septembre 1798.

Paul prétexta l’intervention des Français en Méditerranée pour se lancer dans sa guerre idéologique (en outre les Français en intervenant en Méditerranée contrait le rêve grec des Russes). Contre toute attente il signa un traité d’alliance avec l’Empire ottoman le 23 décembre 1798 ouvrant les ports et les détroits turcs aux navires russes. Aussitôt la flotte russe épaulée par la flotte turque, sous le commandement de l’amiral Ouchakov, rentra en Adriatique et s’empara des îles ioniennes. Une république y fut proclamée, placée formellement sous l’autorité ottomane, en fait dominée par la Russie. Pendant ce temps les Anglais coulèrent la flotte française en Méditerranée ce qui isola Bonaparte en Égypte. Puis Paul s’allia à la Grande-Bretagne et au royaume des Deux-Siciles pour reconquérir l’Italie avant d’envahir la France, laissant les Turcs attaquer Bonaparte désormais coincé au Moyen Orient.

Les Russes, commandés par le général Souvorov, considéré comme l’un des plus grands généraux russes de l’histoire, épaulés par les Autrichiens, remportèrent victoire sur victoire, reprenant Rome, Milan, Turin. Souvorov projeta alors d’entrer en France et de marcher sur Paris. Affolés par les succès russes les Autrichiens lâchèrent soudain Souvorov et le mirent dans des positions stratégiques si délicates qu’il ne put plus tenir ses positions. Furieux de l’attitude des Autrichiens Paul se retira de la coalition le 22 octobre 1799. Le 9 octobre de la même année Bonaparte parvint à rentrer discrètement en France à bord d’une frégate. Le 9 novembre il s’empara du pouvoir lors du coup d’État du 18 brumaire.

Paul n’était pas seulement furieux contre l’Autriche mais aussi contre l’Angleterre. Il estimait ne pas avoir été assez soutenu par les alliés, qui, il est vrai, préférèrent se désolidariser des Russes plutôt que de les voir triompher en France.

Le 1 er octobre 1800, le comte Rostoptchine chef de la politique extérieure russe présenta à Paul un projet de politique nouvelle. Son rapport commençait ainsi : « la Russie tant par sa situation que par sa force inépuisable est et doit être la première puissance du monde ». Le comte recommandait de s‘allier avec la France, la Prusse et l’Autriche, de pratiquer une neutralité armée avec l’Angleterre, de prendre Constantinople ainsi que la plupart des pays balkaniques, de former une république grecque qui passerait ensuite sous le contrôle de la Russie. Paul apprécia ce rapport et décida de le réaliser. [Constantinople était jadis la capitale de l’Empire romain d’Orient, Empire inspiré par la culture grecque dont il parlait la langue. La Grèce était l’âme de cet ancien Empire, d’où la volonté de Paul de joindre la Grèce à Constantinople reconquise].

Entre temps l’action des Anglais qui prirent Malte aux Français et s’installèrent en Méditerranée irrita Paul. Quand Bonaparte lui proposa secrètement, en 1801, une alliance pour lutter contre l’Angleterre, Paul se laissa séduire d’autant que la France lui proposait de l’aider à s’emparer de la Turquie s’il aidait à contrer l’Angleterre. Pour amadouer le tsar Bonaparte lui renvoya des prisonniers russes capturés pendant la guerre d’Italie. Paul chassa alors de Russie tous les émigrés français hostiles à la révolution dont le futur Louis XVIII. Bonaparte plaisait à Paul parce qu’il avait restauré un régime autoritaire en France. Ce n’est pas tant la révolution que Catherine et Paul exécraient, c’était plutôt la disparition de l’autorité. L’autocratie qu’elle fut aristocratique ou révolutionnaire devait rester pour eux l’autocratie.

Finalement un plan d’invasion de l’Inde réunissant Français et Russes commença à germer dans l’esprit des deux souverains. Mais Paul, impatient, présomptueux, précipita les évènements en enjoignant au commandement des Cosaques du Don de marcher sur l’Inde au travers de territoires que personne n’avait encore cartographiés. Il voulait partir seul à la conquête de l’Orient. Début mars 1801 les Cosaques partirent bravement en campagne.

Dans la prochaine lettre je te raconterai l’assassinat de Paul, survenu le 23 mars 1801, ce qui mit aussitôt fin à cette aventure un peu folle.


Je t’embrasse,

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Russie lettre 21 : le règne de Paul 1 er (1796-1801)

8 décembre 2020


Samuel,


L’assassinat de Paul 1er

Paul en s’attaquant aux privilèges de la noblesse finit par concentrer sur lui tout leur ressentiment. C’est surtout sa manière d’exercer l’autocratie, sans aucune règle, en se fiant uniquement à ses humeurs et à ses colères qui le rendirent impopulaire. Sa grossièreté, sa violence, son arbitraire entraînèrent ses ennemis jusqu’à ses proches collaborateurs dans une conjuration destinée à le destituer. De plus son revirement inattendu, d’allié de la Grande-Bretagne contre la France à désormais allié de Bonaparte contre les Anglais ne fut pas compris par son entourage.

Un nid de conspirateurs s’organisa dans le salon d'Olga Zherbstsova, sœur de Platon Zoubov, l’ancien favori de Catherine II, banni par Paul de la Cour dès 1796. Âme du complot, il recruta ses deux frères et le comte Pahlen, "froid comme la glace, perfide et féroce", gouverneur militaire de la capitale, et encore quelques autres officiers. Les conjurés décidèrent d’installer Alexandre, le fils aîné de Paul, au pouvoir. La nuit du 23 mars 1801, conduits par les deux frères Platon et Nicolas Zoubov, accompagnés de quelques séditieux, les conjurés pénétrèrent dans le palais. Nicolas Zoubov frappa l’empereur, et comme Nicolas était une force de la nature, un seul coup suffit à tuer le tsar. Il n’est pas sûr que les factieux aient voulu tuer Paul, mais les événements en décidèrent ainsi.

Sorti de la chambre, les assassins avertirent Pahlen et Alexandre restés à la porte. On expliqua à Alexandre que malheureusement les choses avaient mal tourné. Hésitant, attristé par ce meurtre dans la confidence duquel il n’avait pas été mis (il pensait que les conspirateurs se contenteraient d’arracher l’abdication à Paul), Alexandre néanmoins ne pouvait plus reculer : il s’empara du pouvoir.

La nouvelle de la mort de Paul Ier, d'une" apoplexie foudroyante ", fit l'effet en France d'un véritable coup de tonnerre. Bonaparte la reçut de la bouche de Talleyrand et s’en émut. "Si Paul 1er avait vécu, vous auriez perdu l'Inde" disait Napoléon à son geôlier de Sainte - Hélène. Nostalgique, il songeait, tout éveillé, "J'aurais atteint Constantinople et les Indes. J'eusse changé la face du monde."

 

J’espère que tout va bien à Moscou,

Je t’embrasse,

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  • 2 mois après...
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satinvelours Membre 3 006 messages
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Russie lettre 22 : le règne d’Alexandre 1 er (1801-1825)

10 février 2021


Samuel,


Alexandre 1er, 1777-1825, avait 23 ans lorsqu’il monta sur le trône de Russie le 23 mars 1801. Il fut couronné le 15 septembre 1801.

Dès son arrivée au pouvoir le jeune tsar gracia tous les nobles sanctionnés par Paul 1er. Douze mille personnes retrouvèrent leur liberté. Les Russes réfugiés à l’étranger furent amnistiés, l’entrée sur le territoire et la sortie furent déclarées libres. Les imprimeries privées purent de nouveau éditer et les livres étrangers furent librement importés. La police secrète de l’Empereur (appelée : l’Expédition secrète) fut supprimée et la torture fut interdite.

Alexandre se lança ensuite dans une politique de réformes sociales ambitieuse.

De 1801 à 1805, s’appuyant sur quatre amis aristocrates, cultivés et libéraux, le comte Paul Stroganov (1772-1817), le prince Adam Czartoryski (1770-1861), le cousin de Stroganov, le comte Nikolaï Novossiltsev (1761-1836) et le comte Victor Kotchoubeï (1768-1834) il constitua avec eux le « Comité intime » chargé d’élaborer ces réformes.

Dès la première séance du Comité les participants exprimèrent leur intention de s’attaquer à l’autocratie et au servage. Alexandre projeta d’établir une République mais comme il ne voulait en rien céder de son pouvoir il y renonça. Finalement l’autocratie perdura.

Le Sénat devint une instance suprême de décision en matière judiciaire et administrative. Ses décrets eurent désormais autant de poids que ceux du souverain qui gardait toutefois la possibilité d’en empêcher l’ application.

Des ministères furent créés. Il y eut les ministères de la Guerre, de la Marine, des Affaires Étrangères, de la Justice, de l’Intérieur, des Finances, du Commerce et de l’Éducation. Puis le ministère du Commerce fut supprimé et on créa le ministère de la Police.

Concernant la question paysanne, en 1803, fut mise en application une loi prévoyant que les nobles pourraient émanciper volontairement leurs serfs en leur vendant des terres. Ainsi fut reconnu le droit pour les serfs d’accéder à la propriété privée à condition que leurs maîtres y consentent. Mais ceux-ci furent peu nombreux à octroyer un tel droit.

En définitive le Comité ne parvint pas à engager sérieusement ces réformes en raison des contradictions dans lesquelles il s’était enfermé : comment limiter l’autocratie sans restreindre l’autocrate, comment libérer les paysans sans offenser leurs propriétaires. Alexandre finit par mettre fin aux activités du Comité en 1805.

Une seconde période de réformes s’étendit de 1807 à 1812. Elle fut pilotée par un nouveau collaborateur, appelé Michel Spéranski (1772-1839) fils d’un pauvre prêtre de village.

En 1809 Spéranski soumit au tsar un projet de réforme des institutions. Dans ce projet un monarque régnait avec un pouvoir limité par la Loi laquelle était du ressort d’une Douma d’État. A la base, la plus petite division administrative du pays, le canton ou volost, se dotait d’une douma composée de propriétaires terriens et de délégués de paysans d’État. Cette assemblée élisait des doumas de districts (ouïezd) qui à leur tour élisaient des doumas de gouvernements qui enfin élisaient les membres de la Douma d’État. L’exécutif était assuré à chaque échelon territorial par les administrations des volosts, des districts et des gouvernements, contrôlées par les ministères. Leurs membres étaient élus par les doumas respectives tandis que les ministres étaient nommés par le monarque. Chaque division territoriale avait son tribunal dont les juges étaient élus par le peuple (marchands, artisans, petits propriétaires…). Le Sénat était le gardien de la justice, ses membres étant élus par la Douma d’État. Enfin le tout était parachevé par un Conseil d’État formé par des membres de l’aristocratie. Quand aux serfs il était prévu de les libérer de l’emprise des nobles bien qu’ils restassent attachés à une terre, avec la possibilité d’en changer.

Cette réforme originale, assez révolutionnaire rencontra tant d’oppositions de la part des nobles qu’Alexandre renonça à la mettre en application. Mais elle inspira nombre de réformateurs qui devaient par la suite se succéder à la tête de la Russie.

Michel Spéranski parvint seulement à convaincre Alexandre de créer un Conseil d’État en 1810, composé d’experts nommés par le souverain chargé de préparer les lois. Puis il fut disgracié en 1812.

Plus tard Alexandre expérimenta quelques réformes locales. En 1816 il abolit le servage en Estlandie, en 1817 en Courlande et en 1819 en Liflandie. Il y arriva d’autant mieux que les nobles de ces petites provinces étaient favorables à l’abolition de la servitude en raison de leur vision libérale du monde (vision dans laquelle il est économiquement plus efficace d’enrôler des salariés plutôt que des esclaves).

Sur la carte de la lettre 18 du 13 mars 2020 [le règne de Pierre le Grand], l’Estlandie correspond à l’Estonie suédoise, la Liflandie à la Livonie suédoise, tandis que le duché de Courlande jouxte la Livonie, à l’ouest.

 

Je vais maintenant reprendre l’édition suivie des lettres après avoir dû pendant un moment les interrompre en raison d’un voyage. Je n’ai jamais cessé de penser à toi même si je n’ai pas pu t’écrire ces deux derniers mois.

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