Tonton Nestor

Tonton Nestor.

Les choses vous assaillent comme ça.

Comme des vagues.

On ne les voit pas venir, et d'un coup elle explosent de partout autour de vous! Et ça fait un bruit ! ça roule des galets en cataracte...

Bon : j'arrête la littérature à deux balles qui se voit de loin ! Je veux juste vous parler de Tonton Nestor. Un mystère pour moi.

J'ai 4 ans... On est samedi et j'attends sur la placette près de la fontaine...

--Qu'est-ce que tu attends, Manu ?

--J'attends mon Tonton Nestor que j'aime plus que toute la France !

C'est moi qui ai dit ça ? Ben oui : C'est HISTORIQUE !

Est-ce qu'on m'a forcé à le dire ? Non ! Sûrement pas ! D'ailleurs, on me l'a si souvent raconté que je m'en souviens un petit peu.

Mais pourquoi diable je l'attendais si consciencieusement ?

J'en suis réduit aux hypothèses... Parce que depuis qu'il avait été trépané il avait la même coupe en brosse que moi ? Pourquoi pas...

Non ! C'est parce qu'il venait de très loin avec sa 403 camionnette. De Toulon. Et là-bas, à la Ville il ne pouvait être que quelqu'un d'important... Et qu'en plus je connaissais tous les jours de la semaine....

Et aussi parce qu'il venait avec Tante Alberte. Plus gentille que Tant Alberte, ça ne peut pas exister. Pour le Carnaval, quand tous les autres petits étaient déguisés en Messieurs, en costume noir, avec le haut de forme et la moustache dessinée au bouchon charbonné, elle, elle m'avait dégoté une panoplie complète de "basque", avec chemise blanche, pantalon blanc,  taillole et béret rouge vif. Parfaitement ridicule et hors de propos. Une panoplie de basque qu'il n'était pas question que je ne mette pas. Ça venait de la famille. Et c'était donné avec  un amour tellement important... C'est dire si elle était gentille ! Pour la Noël ou pour mes anniversaires, elle m'offrait aussi des cadeaux mirobolants : des livres exceptionnels.  "Mon petit Trott", "Pêcheur d'Islande"... ça devait être des livres de "Toulon au bord de mer" que je ne pouvais pas comprendre. D'ailleurs je ne les ai jamais ouverts. Je les regardais avec trop de respect.

 Il paraît en plus que c'est Tante Alberte qui a appris à Paul Ricard la formule du pastis de chez nous...

Mais c'était rien à côté de Tonton Nestor qui lui, savait tout.

-- On a trente six dents ! Moi je le sais parce que mon cousin est dentiste !

Mon père en aparté : "je vous déconseille d'aller vous faire soigner les dents chez son cousin !". Il l'avait rebaptisé Tonton, "Totor les deux tonnes". mais c'était affectueux.

Il était très fort en géographie aussi. Et poète. Un jour, avec Tante Alberte, ils étaient allé passer une semaine de bonheur près de Perpignan, au bord de l'eau  et il nous racontait leur villégiature : "Et le matin, quand on se lève, devant nous : Le soleil, sur le Golfe De Gascogne !". Un jour, il est allé à Gènes, (Genova) et il nous a envoyé une carte postale : "Un bonjour de Genève !" Non, là j'exagère : la carte, c'est Tonton Louis, ça, le riche ...

Mais Tonton Nestor, en vrai, c'était le génie du fer. Il soudait tout. Et tout était d'un solidité inimaginable. Dans le jardin on a encore une table ronde, pleine de trous, faite à partir d'une grille de la guerre, avec les pieds en croix de St André. Un jour, on a fait un échange. Il m'a fait une enseigne en fer forgé, contre deux jarres pour des rosiers. Son atelier de ferronnerie était au centre de Toulon. On ne peut plus imaginer ça aujourd'hui : en pleine ville ! Je lui ai apporté mon dessin, et il m'a fait l'enseigne EXACTEMENT comme je l'avais dessinée ! En plus, il l'avait montée sur un axe si bien qu'avec le vent elle se balançait ! Du grand art. La perfection absolue !

C'est en soudant sans doute qu'une escarbille lui avait sauté dans un œil et avait dû migrer derrière, dans le cerveau. Ça avait grossi, grossi, et de temps en temps il s'évanouissait ! Au volant de sa camionnette 403, par exemple, avec mon père et ma mère assis à côté...

-- Oh Nestor ! Tu roules bien au bord ! Putain ! Il s'est évanoui !

Bref, l'un a tenu le volant, l'autre enlevé le pied de l'accélérateur... Et... Et... Me voilà !

Moi :

-- On peut dire que je reviens de loin !

Mon fils :

-- Tu as fini le chemin ou tu t'es un peu arrêté en route ?!...

Voilà : c'était "Mon Tonton Nestor que j'aime plus que toute la France !..."

il y a 32 minutes, Blaquière a dit :

bonjour

bonne histoire et belle photo de famille d'une époque révolue . certains souvenirs restent dans notre mémoire et le temps est impuissant pour les l'effacer .

bonne journée

Y'a tout un passage qui a sauté, je vais essayer de le retrouver...

Tonton Nestor et Tante Alberte avait un fils : Laurent. Un vrai SPORTIF.

C'était déjà un homme fait, solide, sympathique. Sûr de lui, et toujours parfaitement dans le coup. Les cheveux courts, blonds, frisés. Le centre du monde, pour lui et pour son père, Nestor, c'était la PRO PATRIA à Saint Jean du Var à Toulon. Une association sportive. Une sorte de paradis, de monde idéal.

Laurent était toujours en short. Un short très court avec l'ourlet bien repassé qui laissait apparaître des jambes bien musclées toujours écartées de décontraction. Le relâchement mérité après l'effort physique. Une attitude qui aurait pu paraître obscène si ces jambes n’avaient pas été couvertes d’une quantité invraisemblable de longs poils blonds qui lui faisaient comme un nuage tout autour. Même nues, elles restaient couvertes ! Il portait aussi des chemises à manches courtes avec le pli dessus et souvent un foulard. Plus jeune, il avait été scout, je crois.

Il savait toujours exactement ce qu’il voulait. Il était sérieux, carré, exact. Ce qui ne l’empêchait pas de plaisanter parfois. Mais il le signalait. Qu’on ne se méprenne pas ! Il le signalait en poussant sa joue gauche de l’intérieur avec la langue, ce qui lui faisait une « chique ». C’était la boule de la blague. C’était pour de rire ce qu’il venait de dire et on comprenait qu’il fallait en sourire.

Il avait des mots bien à lui. en plus de la PRO PATRIA, l'été, il était moniteur à la COLO.  Ils y faisaient la chasse au Dahu... et là il avait la boule sur la joue : c'était donc un blague ! Le mot SCOUT aussi revenait souvent. Et BOULOURIS ! Un village sur la côte où on fabriquait les profs de gym….

Avec lui, Laurent, il n'était pas question de comprendre : il fallait PIGER ! Il fallait piger que la GYM c'était la clé de la vie. Avec des poils plein les jambes.

A lui, on ne la lui "faisait pas" !

-- Hein ? « Nutou »?

Je l'ai revu y'a pas longtemps. L'âge l'a un peu affaibli physiquement, mais il était toujours aussi gentil et aussi souriant... et... et... il avait les yeux qui pétillaient d'intelligence intérieure !...

Il a certainement  PIGÉ plein de TRUCS sur la vie... 

Il y a 11 heures, Blaquière a dit :

-- On a trente six dents ! Moi je le sais parce que mon cousin est dentiste !

J'ai beaucoup aimé ton récit. 

(A part une chose : on a pas trente six dents, mais trente deux dents et deux dehors...) oui je sais... mais c'est dimanche matin..

bonjour

nous avons aussi des dents particulières :les dents de sagesse , les dents de lait et , parfois , une dent contre quelqu'un lol .

ce récit de Blaquière sur une famille de provence , la sienne , nous fait vivre une tranche du temps passé et les particularités de certains de ses membres .

nous avons tous dans un coin de notre mémoire et de notre coeur , le souvenir d'un grand père ou d'un oncle ou d'une cousine qui ont marqués à jamais notre jeunesse .

bonne journée

Le 28/04/2019 à 08:17, Blaquière a dit :

Sur cette photo  vous pouvez reconnaître :

Jean Louis, Lucien, Sur Lucien , dans l'ombre, Alain, je crois, MOI, (puis je sais plus un Roubaud, je crois?), Raymonde, Yolande (Ou Jacquie sa sœur ?).

Gilbert, Aque le chapeau mou, dessus, Gérard, Mireille, Robert, Lisette, Christian, Nicole, ma sœur, (la plus belle!) et Roland avec le faux nez. Et au dessus qu'on voit juste un œil, Yves : un géant breton !.

Je trouve pas Loulou ?.... Ni Fernand ?...