Une légende

Le litige fascina Hollywood car peu de gens dans l’industrie du cinéma se seraient risqués à critiquer publiquement Clint Eastwood. Les informations qui filtraient faisaient le portrait d’un homme froid, manipulateur, versatile, qui avait mauvais tempérament.

En privé, Clint s’expliquait, se lamentait, de préférence sur l’épaule de femmes. Sa version, c’était qu’il était forcé d’agir de la sorte parce-que Sondra Locke avait refusé qu’ils se séparent en bons termes et l’avait trahi en consultant un avocat dans son dos.

Au cours des audiences, les avocats de Clint soutinrent que Locke était restée « bloquée » sur les contes de fées et considérait Clint, de façon illusoire, comme un prince charmant. Le mariage de Locke et Anderson, dont Clint s’était accommodé à une époque, était devenu le principal grief lancé contre Locke.

Clint , dans ses déclarations sous serment, fit état de la crainte et de la jalousie qu’il éprouvait envers Anderson. Il fut poussé dans les cordes lorsqu’on l’interrogea sur son testament, où il était rédigé qu’il souhaitait léguer légalement la maison à Sondra Locke. Mais il avait révoqué ces clauses ! Il expliqua qu’il avait aimé sincèrement Sondra Locke puis qu’un fossé s’était creusé entre eux. Elle avait tenté de s’attaquer à son argent et à ses biens et il considérait cela comme un acte d’hostilité qui ne pouvait être récompensé après sa mort.

Pendant les audiences, Clint avoua qu’à l’insu de Locke, il avait fait mettre son téléphone sur écoute. Il se justifia en arguant de sa méfiance vis-à-vis de Gordon Anderson. Clint déclara qu’il s’agissait de son téléphone personnel, de sa résidence personnelle et qu’à l’époque il recevait des menaces. Mais les enregistrements n’apportaient aucune preuve de cela.

Sur un enregistrement néanmoins, on pouvait entendre Anderson demander à Locke ce qu’elle ferait si Clint venait sur le plateau de tournage de Double Jeu pour la déstabiliser. Elle répondait qu’elle ouvrirait son sac, sortirait son pistolet (un cadeau de Clint), et tirerait dans sa putain de tête !

Voilà, Clint était bien en danger. Ce fut le point culminant des interrogatoires de Clint. Sinon, à des dizaines de reprises, sa réponse était : « Je ne me souviens pas de ça ».

Abandonnée par ses amies, Locke avait une liste de témoins bien courte. Il fut établi rapidement que tous les frais concernant la maison avaient été payés par Clint Eastwood. Il fut établi tout aussi rapidement que Sondra Locke ne résidait pas souvent là mais plutôt chez Gordon Anderson.

pauvre Sondra Locke !

Clint partit en Afrique pour Chasseur Blanc Cœur Noir. Clint confia qu’il hésitait à tirer sur un éléphant, « même pour de faux ». Alors, on changea la fin du film en un face à face entre l’homme et le pachyderme qui hurle son défi, et l’homme, fasciné puis ému, baisse petit à petit son arme.

Après le tournage Clint fit escale à Londres pour rencontrer Maggie. Ils avaient Kyle et Alison en commun et Maggie avait toujours placé l’intérêt de ses enfants au dessus de ses propres sentiments. Kyle réussissait plutôt bien. Bassiste acoustique, il était en train de former le premier de ses quatuors, qui ferait bientôt la tournée des salles de Los Angeles, reprenant des classiques du jazz et jouant des compositions de Kyle Eastwood.

Alison était l’enfant terrible, noctambule, pas toujours très bien accompagnée, elle entretenait des relations orageuses avec son père.

Kyle et Alison n’avaient jamais rencontré leur demi-sœur, Kimber Tunis. Par une ironie du sort, Kimber et sa mère devinrent les victimes du litige qui opposait Sondra Locke et Clint. En juillet 1989, les tabloïds révélèrent l’existence de « l’enfant caché » de Clint.

Quand les tabloïds retrouvèrent la trace de Kimber Eastwood, elle était serveuse à Denver et subvenait à ses besoins et à ceux de Clint Eastwood Gaddie, le fils qu’elle avait eu d’un premier mariage. Elle s’exprima dans la presse, « déçue qu’elle n’ait pas une relation plus proche avec son père ». Malgré les millions de dollars que les journaux offraient à Roxanne Tunis, celle-ci refusa toujours de s’exprimer.

Clint garda toujours beaucoup d’affection pour Tunis, et pour elle, il était toujours le Clint des années Rowdy.

Au printemps 1990, Clint partit pour Cannes où il se prêta de bonne grâce aux interviews, parla de Chasseur Blanc Cœur Noir et du Zimbabwe. Mais les critiques n’étaient pas très compréhensifs. Dès l’automne, Clint se lança dans un nouveau film populiste, La Relève.

Si quelques critiques se montrèrent éblouis, la plupart se demandèrent comment un homme qui avait essayé d’évoquer l’esprit de John Huston dans Chasseur Blanc Cœur Noir pouvait, la même année, produire quelque chose d’aussi étonnamment « vide de sens ».

Les nouveaux habits de Clint

 Le procès de Sondra Locke s’éternisait. En mai 1990, elle commença à se lasser de la procédure et décida de négocier personnellement avec Clint. Elle essaya de prendre rendez-vous avec l’acteur et il accepta de la rencontrer, dans les bureaux de Malpaso. Les premiers mots qu’il dit furent : « Le monde entier pense que ce que tu m’as fait est absolument dégoûtant. Le monde entier. Ce que tu veux, c’est me prendre quelque chose, comme tous les autres. Je ne te dois rien du tout. Combien est-ce que tu me demandes pour chacune des fois où on l’a fait ensemble ? Hein ? »

Locke tenta de le raisonner, sans succès. A certains moments de leur bref entretien, Clint se comporta bizarrement de façon chaleureuse. Quand clint lui demanda, sur un ton ultra-sincère, si elle pensait vraiment, honnêtement, qu’il lui devait quelque chose, Locke répondit que oui, honnêtement, elle le pensait. Alors ils ne pouvaient pas trouver de terrain d’entente et devaient se dire aurevoir. Clint lui dit : « Je pourrais être ton ami. Mais je ne veux pas qu’il y ait d’arrières-pensées. Laisse tomber ton procès, reviens me voir, et je verrai ce que je peux faire pour toi, mais je ne veux pas qu’il y ait d’arrières-pensées. »

Les rebondissements judiciaires se poursuivirent…

En août 1990, Sondra Locke apprit subitement qu’elle était atteinte du cancer du sein. Elle fut opérée immédiatement, une double mastectomie. Elle était encore en chimiothérapie quand Al Ruddy, qui faisait depuis longtemps partie du cercle de Clint, lui demanda s’il y avait quelque chose qui pouvait lui faire accepter un arrangement avec Clint. Elle voulait repartir du bon pied et surtout travailler. Elle pensait qu’elle ne pouvait plus être actrice, elle n’avait d’avenir que dans la réalisation.

L’idée était qu’elle retire toutes ses plaintes, alors elle obtiendrait un contrat de réalisation-développement à durée indéterminée avec le studio. Gordon Anderson garderait sa maison, elle, recevrait les 450 000 dollars qui lui étaient dus par Malpaso, ainsi que 1,5 million de dollars en signant son contrat avec le studio.

Sondra Locke accepta. Une seule chose comptait : pouvoir reprendre le travail.

Après Sondra Locke, ce fut Stacy McLaughlin qui attaqua Clint en justice. Vous vous souvenez de Clint qui pousse avec sa voiture celle qui s’est garée sur SA place de parking ? Ben c’est la voiture de McLaughlin. Clint témoigna et surprit tout le monde. Il avoua avoir embouti la voiture, arguant tout simplement qu’il détestait qu’on lui prenne sa place, qu’il était un homme pressé et très occupé qui avait réagi en conséquence. L’assurance des studios avait payé tous les frais de réparation non ? Alors où était le problème ?

Les avocats de McLaughlin jubilèrent jusqu’à ce que le juge ouvre un livre et lise la définition judiciaire de l’intention délictueuse. Au bout d’un moment ils commencèrent à comprendre… Les avocats de Clint acceptèrent qu’elle ne rembourse pas les frais de justice si elle ne faisait pas appel. Le verdict fut rendu en faveur de Clint. Stacy McLaughlin accepta le verdict.

En sortant du tribunal, Clint se rendit directement sur le tournage de son prochain film, Impitoyable.

Ce fut à cause de ces démêlés judiciaires que Clint ne travailla pas au cours de l’année 1990 et que 1991 ne vit pas sortir de film.

La promo faite par la Warner très tôt avant la sortie d’Impitoyable était ahurissante. Des spots radio, TV, Ciné, des affiches partout, des jeux concours, des produits dérivés… Clint accorda un nombre record d’interviews, le battage médiatique fut couronné par une « grande semaine du western » organisée par l’acteur.

La sortie d’Impitoyable dépassa les espoirs des cadres du studio. En une semaine, le film rapporta 14 millions. Les critiques furent dithyrambiques. Le film valut à Clint le titre de « meilleur réalisateur de l’année », « meilleur acteur ». Tout le monde pressentit qu’il reproduirait cette victoire le mois suivant, à la cérémonie des Oscars.

Impitoyable fut nominé à l’Oscar du meilleur film, et Clint non seulement à l’Oscar du meilleur réalisateur, mais aussi à celui de meilleur acteur. Le soir de la cérémonie, Clint ne remporta pas l’Oscar du meilleur acteur, mais il remporta l’Oscar du meilleur réalisateur, l’Oscar du meilleur film, il fut le dernier à quitter les festivités ce soir-là.

Le soir des Oscars, « Dans la ligne de Mire » était déjà terminé et prêt pour sa sortie en salles. On comptait sur un succès similaire à Impitoyable. Dans La Ligne de Mire fut lancé en 1993, juste après la cérémonie des Oscars. Les critiques et le public se montrèrent réceptifs et le film ne tarda pas à devenir le plus lucratif que Clint ait jamais fait, rapportant au total 200 millions de dollars.

Cela peut paraître incroyable mais dès la fin du printemps Clint était déjà occupé à réaliser un autre film. D’autres auraient ralenti, mais quelque chose semblait pousser la star de 62 ans à foncer vers l’avant. Son Oscar de réalisateur n’avait rien changé : il faisait ses films aussi rapidement qu’à n’importe quel moment de sa carrière.

Un Monde Parfait fut adopté par la Warner lorsque Clint voulut réaliser le film. Pour la première fois de sa carrière, Clint à qui on demandait de jouer le rôle principal, prononça cette phrase : « Je suis trop vieux ». Il voulait seulement réaliser le film.

Le producteur Mark Johnson envisageait d’engager Kevin Costner. L’idée excita Clint et Costner était partant, mais il voulait donner la réplique à Clint afin de multiplier les chances au box-office.

On établit un nouveau script qui convainquit Clint que le personnage (Red Garnett dans le film) avait un « intérêt » dans l’intrigue et il finit par accepter de jouer.

Quand les deux stars se sentirent à l’aise l’une avec l’autre, on put déterminer qui composerait le reste du casting. Mais malgré tous les efforts diplomatiques qui avaient été déployés pour que les choses se passent au mieux entre Clint et Costner, il y eut des tensions sur le plateau, et ce dès le début du tournage.

Ces problèmes étaient en partie dus au fait que Costner se révéla être un acteur très « minutieux », voire « très calculateur », qui pouvait discuter pendant des heures d’un petit accessoire, du « moindre mouvement ». Clint s’en plaignit lors d’une interview : « Il n’arrête pas de pinailler ! »

Costner voulait apporter au tournage ses propres idées de réalisateur. Ces idées furent « respectées et débattues », et le tournage prit du retard, fait quasiment sans précédent dans la carrière de Clint. A un moment, à la suite d’une dispute, Costner quitta le tournage. Et le réalisateur décida de filmer sa doublure afin de bien lui montrer qui était le patron. Mais couronné d’un Oscar et toujours à son apogée après quarante années de carrière, Clint pouvait se permettre maintenant de rester calme et de garder sa bonne humeur, ce qu’il fit pour une fois.

1993 fut une année exceptionnelle pour Clint : les Oscars d’Impitoyable, le carton de Dans La ligne de Mire, la fin de la production d’Un Monde Parfait.. et il faut ajouter à cela un autre bébé, une petite fille, qui reçut le nom de famille de Fisher-Eastwood.

Au bras de Clint au cours de tous les événements publics de la fin de l’année 1992 et 1993, Frances Fisher, l’actrice de Pink Cadillac et d’Impitoyable, était désormais connue de tous comme la star de la vie privée de Clint. Fisher déclara : « Ca faisait des années que j’avais envie d’un bébé, et de toute façon, on était presque arrivés au bon moment. Il ne s’y est pas opposé. Il savait que je voulais des enfants – tout le monde le savait. C’était compris dans le lot. »

Ce sont ses déclarations officielles mais la vérité est bien différente. Frances avait voulu garder cet enfant quand bien même Clint lui envoyait tout un tas de signaux négatifs. Il voulait qu’elle n’en parle à personne, il ne voulait pas qu’il y ait quoi que ce soit qui interfère avec la campagne qu’il avait menée pour son film. Il lui avait même interdit d’en parler à ses amis les plus proches.

Même après les Oscars Clint refusa qu’elle annonce sa grossesse. Ce ne fut que deux mois plus tard, quand Fisher se présenta sur le plateau d’Un Monde Parfait, que lui-même commença à en parler. Evidemment, elle était enceinte de six mois, c’était légèrement visible. La visite de Fisher sur le plateau contraria Clint.

Fisher perdit les eaux en août et Clint prit lui-même les commandes de son hélicoptère pour l’emmener à la maternité qui se trouvait une centaine de kilomètres plus loin que le Rising River Ranch où le couple était installé. Clint assista à l’accouchement (ce qu’il n’avait pas fait avec ses autres enfants).

Pendant cinq semaines, les deux amoureux s’occupèrent de leur bébé. « Il est devenu la personne que je savais qu’il avait au fond de lui. Il était présent. Il me préparait le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner. Il s’occupait du bébé, et il s’occupait aussi de moi, pour que j’aie plus de temps à consacrer au bébé » déclara Frances Fisher.

Elle pensait que l’époque où Clint courait les jupons était révolue.

Quand, en interview, cette question lui fut posée : « Avez-vous d’autres femmes que Frances Fisher dans votre vie ? » Il répondit « Je ne suis plus comme ça. Ma mère est toujours en vie. C’est une femme exceptionnelle. On a écrit beaucoup de mensonges sur Frances et moi. On raconte beaucoup de bêtises, voilà la vérité. 

- Elle a changé beaucoup de choses dans votre maison ?

- Elle s’occupe de ça avec les artisans, je la laisse faire.

- Vous voulez dire que vous préférez les femmes qui restent à la maison une fois qu’elles sont mariées ?

- Les femmes au foyer travaillent plus que la plupart des autres. Leur travail est vraiment sous-estimé. Mais j’aime aussi les femmes qui ont de l’ambition – j’aime toutes les femmes. Et surtout, j’aime ma mère. Je l’ai emmenée aux Oscars avec moi cette année ».

Un Monde Parfait, ce très long film (138 mn) morne et excessivement pessimiste plut au public américain. Certains critiques affirmèrent même que c’était le point culminant de la carrière de Clint. On a les larmes aux yeux lorsqu’est évoquée l’enfance de Butch Haynes, torturé par des parents cruels, et la famille typiquement américaine que le fugitif rencontre sur la route fait l’objet de plaisanteries stupides. La violence semble même se cacher dans les familles qui ont l’air parfaitement innocentes, comme le laisser présager le fermier noir qui se lie d’amitié avec le criminel.

On peut voir Un Monde Parfait comme une critique de l’unité familiale.

Le film fit de Clint le champion du box office en 1993. Les critiques ne furent jamais aussi unanimes. Seule Pauline Kael, du fond de sa retraite, continuait à déclarer par exemple que le MOMA devrait avoir honte d’avoir organisé une rétrospective en l’honneur de la star.

Le week-end de Pâques 1994, Clint accompagna son ami Franck Wells (son avocat au début de sa carrière, celui qui l’a fait entrer chez Warner) dans la chaîne des Ruby Mountains, au nord-est du Nevada. Clint skia avec Wells le samedi et le dimanche, puis quitta la région à bord de son propre hélicoptère.

Une heure à peine après le départ de Clint, un accident coûta la vie de Wells et d’autres personnes qui se trouvaient à bord de son hélicoptère. L’appareil de Wells s’écrasa à flanc de montagne, à 2300 mètres d’altitude. Mike Hoover (le professeur de Clint pour La Sanction) fut grièvement blessé, son épouse quant à elle, faisait partie des victimes.

Le monde du cinéma fut bouleversé. « Tu vas me manquer mon pote » déclara Clint lors d’une cérémonie organisée chez Disney (ou Wells officiait).

Au mois de Mai, Clint fit son quatrième voyage à Cannes. Aucun film en compétition mais l’honneur de la présidence du jury, honneur rarement accordé à un américain.

A cette époque, la relation de Clint et de Frances Fisher semblait revenir à la précédente période de troubles. Depuis qu’elle avait donné naissance à Francesca, la maman était plus exigeante. Clint trouvait ses idées « new age », idées réformistes sur les comportements féminins et masculins et ses théories féministes irritantes. Il était de nouveau sous pression pour trouver des rôles à une actrice qui se montrait capricieuse et arrogante.

A la fin du tournage de The Stars Fell on Henrietta, Frances Fisher et le bébé accompagnèrent Clint à Cannes. Ils rejoignirent dans une villa cossue de Mougins Kyle, sa femme Laura et leur petit garçon Graylen.

Clint fut fait commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres. « C’est un miracle » déclara Jeanne Moreau au sujet de Clint lors d’un discours de bienvenue.

Cette année-là, les dents grincèrent quand Pulp Fiction remporta la plus haute récompense…

 Il quitta Cannes pour Paris avant de s’envoler pour l’Ecosse. Frances Fisher ayant embarqué une quantité de bagages faramineuse, elle lui demanda si elle pouvait tout renvoyer aux USA et racheter sur place plus léger. Elle partit chez Louis Vuitton et dépensa 10 000 dollars sur la carte bancaire de Clint. Quand ils furent revenus en Amérique, la facture Louis Vuitton arriva en même temps que celle du jet privé.

Fisher avait commis une erreur fatale : avoir l’air de disséminer l’argent de Clint. Il sortit de ses gonds. Il ne décoléra pas, même après que Fisher lui eut tout expliqué (elle collectionnait les bagages Vuitton mais lui ne connaissait même pas cette marque) et lui eut remboursé la facture.

Ce fut le temps de Sur la Route de Madison. Le roman à l’eau de rose avait été décrié par les critiques : « Un roman de gare de troisième zone, insipide, niais, mielleux. » Mais pourtant le livre s’était très bien vendu en 92. Lili Zanuck avait appelé Clint pour lui dire de le lire et lui glisser qu’il ressemblait au héros.

Le livre avait été publié par Warner Books, alors…le studio avait tout intérêt à s’assurer que le best-seller ferait l’objet d’une bonne adaptation au cinéma. Steven Spielberg fut impliqué dans le projet, il avait acheté les droits d’adaptation avant même sa publication. Pendant un temps on pensa à Robert Redford dans le rôle principal et Sidney Pollack pour la mise en scène. Ils abandonnèrent le projet.

Spielberg envisagea de réaliser lui-même Sur La Route de Madison, mais il venait de se lancer dans un projet très ambitieux : La Liste de Schindler.

Ce fut Spielberg qui recommanda Clint pour le rôle.

Les deux hommes étaient amis, quoique Spielberg fût, par bien des aspects très différent de Clint. Spielberg admirait Clint : il était aussi sensible que tout le monde à sa légende. Et il pensait également qu’il connaissait le véritable personnage. Robert Kincaid allait dévoiler « la face de Clint que ses amis connaissent bien, mais qu’ils n’ont jamais vue au cinéma » déclara-t-il un jour. Beaucoup d’amis de Clint pensaient la même chose : Sur La Route de Madison lui permettrait de tirer profit de son charme, de son sens de l’humour, de son pouvoir de séduction.

Après s’être disputé avec Beresford, réalisateur désigné, au sujet de l’actrice qui tiendrait le premier rôle, le réalisateur quitta le projet. Heureusement, on en avait un autre sous la main : Clint lui-même. Pour l’actrice ? Ce fut Clint qui proposa Meryl Streep.

L’expérience de Streep, la plus importante actrice de cinéma de sa génération, était ancrée dans la Côte Est : Vassar, cours de Yale, théâtre Shakespearien. Streep n’avait que 43 ans, et avec ses deux Oscars et ses cinq nominations, elle était déjà dans la catégorie des étoiles éternelles. Qui était mieux placée pour mettre en valeur les qualités de l’acteur et du réalisateur ? Qui pour faire comprendre que désormais Clint était un artiste confirmé ? Il n’y avait pas d’alternative plus sûre.