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La langue d'oc

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Blaquière

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Le 17/09/2018 à 22:11, Blaquière a dit :

J’ai dit d’Arnaut Daniel (« quand chai la fueilha ») qu’il était le maître des maîtres… ça ne veut

rien dire ! Mais il suffit de voir. Et la forme et le sens. J’ai parlé de l’art poétique de Bellaud de

la Bellaudière, mais avec lui, c’était une rigolade : il prend une bonne cuite, et paf ! Le voilà

poète !…

Arnaut , lui dit ce qu’est la poésie pour lui :

 

(Pour pas se faire plus malin que ce qu'on est, j'ai souligné les mots qui posent difficulté pour un

locuteur contemporain "normal" de l'occitan !)

 

Très bonne initiative que d'avoir souligné les mots qui posent difficulté pour un locuteur provençal. Cela permet de conclure que, en dépit de quelques particularismes ou termes tombés en désuétude, les parlers d'oc constituent néanmoins, depuis plus de 1000 ans, un vaste continuum linguistique - permettant l'inter-compréhension - aussi bien dans l'espace que dans le temps. C'est vraiment remarquable que tu puisses traduire à partir de ta langue natale ce chant du périgourdin Arnaut Daniel. Pourrions-nous traduire avec la même aisance un poème écrit il y a mille ans en langue d'oïl à partir de notre langue "française"? Assurément pas!

J'ai trouvé sur Youtube ce poème d'Arnaut Daniel mis en chanson, avec traduction par le romaniste Pierre Bec (qui parlait gascon):  http://www.trobar-aquitaine.org/fr/troubadours-jongleurs/arnaut-daniel/174-troubadours-et-jongleurs/arnaut-daniel/les-cancons/336-en-cest-sonet-coind-e-ler

A propos du vers "qu'Amors marves plan'e daura", P. Bec traduit "marves" par "sans hésiter". J'ai trouvé une autre traduction de ce vers par Gérard Gros dans une anthologie littéraire: "L'amour à l'instant polit et dore (ma chanson)..." https://edisciplinas.usp.br/pluginfile.php/3705408/mod_resource/content/1/Lyrisme_HFL.pdf

Dans le dictionnaire d'Honnorat, "marves" est traduit par "immédiatement, promptement, sur le champ".

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Il y a 2 heures, tison2feu a dit :

Très bonne initiative que d'avoir souligné les mots qui posent difficulté pour un locuteur provençal. Cela permet de conclure que, en dépit de quelques particularismes ou termes tombés en désuétude, les parlers d'oc constituent néanmoins, depuis plus de 1000 ans, un vaste continuum linguistique - permettant l'inter-compréhension - aussi bien dans l'espace que dans le temps. C'est vraiment remarquable que tu puisses traduire à partir de ta langue natale ce chant du périgourdin Arnaut Daniel. Pourrions-nous traduire avec la même aisance un poème écrit il y a mille ans en langue d'oïl à partir de notre langue "française"? Assurément pas!

J'ai trouvé sur Youtube ce poème d'Arnaut Daniel mis en chanson, avec traduction par le romaniste Pierre Bec (qui parlait gascon):  http://www.trobar-aquitaine.org/fr/troubadours-jongleurs/arnaut-daniel/174-troubadours-et-jongleurs/arnaut-daniel/les-cancons/336-en-cest-sonet-coind-e-ler

A propos du vers "qu'Amors marves plan'e daura", P. Bec traduit "marves" par "sans hésiter". J'ai trouvé une autre traduction de ce vers par Gérard Gros dans une anthologie littéraire: "L'amour à l'instant polit et dore (ma chanson)..." https://edisciplinas.usp.br/pluginfile.php/3705408/mod_resource/content/1/Lyrisme_HFL.pdf

Dans le dictionnaire d'Honnorat, "marves" est traduit par "immédiatement, promptement, sur le champ".

Je n'arrive pas à écouter "en cest sonet coind e leri" que tu dis mis en chanson. Si tu peux le mettre ici, ce serait bien! J'ai déjà dit que j'avais compris ce que c'était que de chanter en mettant des textes de troubadours en musique, (grâce à leur composition des sonorités) quand je n'avais pas accès aux vraies musiques de l'époque.  Bizarrement pour toutes les (quelques) paroles sur lesquelles j'ai "travaillé" on n'a pas conservé les musiques ! 

On devine que j'aurais aimé comparer ce que j'avais fait avec les musiques originales, mais c'est donc pas possible !

Sauf là, puisque tu dis qu'on en a fait une chanson ! Donc, si tu peux la mettre, ce serait marrant. Ces derniers jours, j'ai justement noté "ma" musique sur ce "sonet"... En cas je la mets aussi !

J'avais mis en musique aussi "Quand chai la fueilha" du même, "Lo tems vai et ven e vire" de Ventadour, et peut-être une autre...

Pour ce qui est des musiques, la musique originale qu'Arnaut Daniel a fait pour sa "sixtine" ('Lo ferm voler qu'il cor m'intra"= la ferme volonté qui entre en mon cœur) peut nous paraître aujourd'hui banale : do, /mi, /sol, /sol, /la, /si, \la, \sol... Mais si on y réfléchit, pour marquer la volonté ferme (lo ferm voler), Arnaut a "tout simplement" inventé le ton de Do Majeur et l'accord parfait majeur, "do,mi,sol"!!! On ne pourrait pas mieux expliquer le Do Majeur que par 'la ferme volonté" !

Pour "marves", tout semble concorder pour un sens d'immédiat, de vitesse, promptitude, rapidité...

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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il y a 24 minutes, Blaquière a dit :

Je n'arrive pas à écouter "en cest sonet coind e leri" que tu dis mis en chanson. Si tu peux le mettre ici, ce serait bien!

 

On devine que j'aurais aimé comparer ce que j'avais fait avec les musiques originales, mais c'est donc pas possible !

Sauf là, puisque tu dis qu'on en a fait une chanson ! Donc, si tu peux la mettre, ce serait marrant. Ces derniers jours, j'ai justement noté "ma" musique sur ce "sonet"... En cas je la mets aussi !

Oui, cela serait intéressant de comparer avec ta chanson !

Ci-dessous la video en question :

 

 

 

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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il y a 15 minutes, tison2feu a dit :

Ci-dessous la video en question :

 

 

 

Merci ! Mais ça n'a rien à voir avec ce que j'avais écrit moi !!! Je vais le rechercher sur mon vieil ordi !

il y a 5 minutes, Blaquière a dit :

Merci ! Mais ça n'a rien à voir avec ce que j'avais écrit moi !!! Je vais le rechercher sur mon vieil ordi !

 

il y a 15 minutes, tison2feu a dit :

Oui, cela serait intéressant de comparer avec ta chanson !

Ci-dessous la video en question :

 

 

Je te ferai remarqué que je n'ai pas commencé mon commentaire par ::smile2: !!!!!!!!!!

:smile2:

Flûte ! ils m'ont fusionné ! c'était pour répondre à ton ::smile2: de dessous !

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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J'ai pas le matos pour enregistrer la voix en ce momnt, j'ai donc mis que la musique... je sais pas si ça va passer. Il suffit de suivre les paroles de dessous.

J'ai mis les deux couplts t l'envoi final. (ieu sui Arnaut..."

CESTSON.MID.mp3

 

En cest sonet coind'e leri


fauc motz e capuig e doli,


e serant verai e cert


quan n'aurai passat la lima

Qu'Amors marves plan'e daura

mon chantar que de lieis mou


qui pretz manten e governa.

 

 

Tot jorn meilhur et esmeri


car la gensor serv e coli


del mon, so·us dic en apert


sieus sui del pe tro qu'al cima,

e si tot venta·ilh freid'aura


l'amors qu'inz el cor mi plou


mi ten chaut on plus iverna.

 

 

Ieu sui Arnautz qu'amas l'aura


e chatz la lebre ab lo bou


e nadi contra suberna.

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Membre, Posté(e)
tison2feu Membre 3 032 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Il y a 12 heures, Blaquière a dit :

Plus j'écoute ta musique sur ce poème d'Arnaut Daniel, et plus je tombe sous le charme. Cela vaut la peine de cliquer sur ce lien si discret mais si riche de sentiment. 

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Il y a 3 heures, tison2feu a dit :

Plus j'écoute ta musique sur ce poème d'Arnaut Daniel, et plus je tombe sous le charme. Cela vaut la peine de cliquer sur ce lien si discret mais si riche de sentiment. 

Ça me fait très plaisir ce que tu dis.

Tu sais quand on fait quelque chose on le fait sans douter, parce qu'   "il faut qu'on le fasse" mais on sait pas comment ça peut être reçu.... et donc à l'arrivée si on s'est pas foutu complètement dedans !....

 

Pour "Quand chai la fueilha" je m souviens que j'étais parti sur les 4 ou 5 notes de "l'oiseau de pluie "! J'essaierai de le retrouver... genre "do, do, do, /fa, \do" !!!!

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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« Fau s’en anar »
« Il faut s’en aller »
Un morceau d'anthologie !
Du Docteur Gantelme de La Seyne sur Mer 1820-1890. Une « chanson » qui a son époque a connu une grande popularité et que les « provençalistes » continuent de se repasser avec … gourmandise !
Plus que du burlesque, c’est du sordide ! Le naufrage de la vieillesse… On pourrait croire que ça va vous détruire le moral et qu’on se dise : « Quelle horreur ! On va en arriver là ?! » Et en même temps, le tableau est si sombre qu’on finit par faire le décompte : « Oh ! J’en suis pas encore là ! » Et du coup on en rigole !
Je mets les trois premiers couplets, je mettrai les autres demain ou plus tard...
 
Fau s’en anar    (Il faut s'en aller...)
1.
Quand lou passeroun dins sa gabi,
Quand le moineau dans sa cage
Enchichini pou plus pieuta ;
Abasourdi ne peut plus pépier
Quand l'a plus au founs de la fàbi
Quand il n’y a plus au fond de la jarre
Proun d'oli per vougne lou tap ;
Assez d’huile pour « graisser le bouchon » 
Quand la poutigno eis ueis s'empego
Quand la chassie aux yeux s’accroche
Que sias vieilh, mau courous, arnat
Que vous êtes vieux, désagréable, vermoulu,
Es tems de devessar la pego
Il est temps de « renverser la colle »
Fau s'en anar, fau s'en anar. [Foou sê nana, foou sê nana]
Faut s’en aller, faut s’en aller !
 
2.
Quand l'entre-dous de vouastrei braios
Quand l’entre-deux de votre pantalon
Jaunejo, sente l'escaufit ; [djaounédjœ, sinté lèscaoufi]
Jaunit et sent le renfermé ;
Quand lou pissarugi s'estraio
Quand la pisse se répand
Dins lei bas que n'en soun clafits ;
Dans vos chaussettes et qu’elles en sont imbibées ;
Quand dau nas vous pende la gouto [doou... pindé]
Quand du nez vous pend la goutte
E que de tout fes que renar
Et que vous râlez de tout
Vèngue lèu la fueio de routo :
Vienne vite la « feuille de route » :
Fau s'en anar, fau s'en anar.
Faut s’en aller, faut s’en aller !
 
3.
Quand poudès plus estre dei festos
Quand vous ne pouvez plus faire la fête
Rire, bèure se ni vilha [viya]
Rire, boire sec, ni veiller
Quand davans la taulo vous resto
Quand devant la table vous n’êtes plus
Qu'un machourau descavihat
Qu’un bonhomme désarticulé (1)
Quand lei chatouno vous fan ligo
Quand les fillettes vous font envie
E qu'avès rèn a li tourna
Et que vous n’avez rien à leur proposer
Es ouro de fermar boutigo
C’est l’heure de fermer boutique
Fau s'en anar, fau s'en anar
Faut s’en aller, faut s’en aller !
 
(1) Incertain comme traduction ! Ou "mâchouillis informe"?
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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
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Les trois derniers couplets : ça ne s'améliore pas !

 

4.
Quand avès plus la visto neto
Quand vous n’avez plus la vue nette
Quand per legir vouestre journau
Quand pour lire votre journal
Vous fau l'adjudo dei lunetos
Il vous faut l’aide des lunettes
Quand sias blede, cepoun d'oustau
Quand vous êtes mou, ne sortez plus de chez vous
Quand luen dau rastouble e de l'augo
Quand loin des champs et de la mer (1)
A viéure au lié sias coundanat
Vous êtes condamné à vivre au lit
Es tèms d'anar fumar la maugo
Il est temps d’aller fumer la mauve
Fau s'en anar, fau s'en anar.
Faut s’en aller, faut s’en aller !

5.
Quand sus lei tranchos de viandugi
Quand sur les tranches de viande
Poudès plus mouardre a bellei dents
Vous ne pouvez plus mordre à belles dents
Quand vous fau façun e saussugi
Quand il vous faut des farces et des sauces
Quand lou roustit vous dis plus rèn
Quand le rôti ne vous dit plus rien
Quand v'aduen per plat de riboto
Quand on vous apporte comme plat de bombance
Un pelau de ris safranat
Un plâtras de riz au safran
Es tems que vous greisson lei botos
Il est temps qu’on vous « graisse les bottes »
Fau s'en anar, fau s'en anar.
Faut s’en aller, faut s’en aller !

6.
Quand avès plus coumo ei tombados
Quand vous n’avez plus comme aux catastrophes (2)
Qu'un couar passit, estransinat
Qu’un coeur flétri, épuisé
Qu'une cervelo en marmelado
Qu’une cervelle en marmelade
Quand lou bouan sens a débanat
Quand votre bon sens s’en est allé
Quand la cambo en marchant tirasso
Quand en marchant vous traînez la jambe
Quand poudès plus vous boutounar
Quand vous ne pouvez plus vous boutonner
Quand sias plus qu'un vieilh fais d'estrasso
Quand vous n’êtes plus qu’un vieux fagot (paquet)de chiffons
Fau s'en anar, fau s'en anar.
Faut s’en aller, faut s’en aller !

 
(1) Qu’on ne travaille plus ni au champ, paysan, ni pêcheur sur la mer : la Seyne est sur la côte. (rastoublé : champ en friche, ici, le champ en général ; l’augo : l’algue)
(2) « ei tombados » : « aux tombées », aux chutes ?

 

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
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Victor Gelu 1806-1885

Un chansonnier du XIXème, autrement plus tonique que le précédent !

 

Né à Marseille. Poète populaire, il est reconnu comme un des plus grands poètes

provençaux du XIXème siècle. Au travers de ses chansons écrites en provençal, il a su

partager avec réalisme la vie à Marseille à cette époque là. Ses chansons sont

attachées aux traditions et aux mœurs des quartiers populaires marseillais.
 

Il écrit le provençal tel qu’il le parle, phonétiquement et à la française, bien sûr.

Sa chanson la plus célèbre : Fenian e Grouman

 

(Les « e » se disent toujours [é] ou [è] : « en » = |in] ) ...

 

Fenian e Grouman (Octobre 1838) -

Fainéant et gourmand

 

Touei leis souar ma bousso de maire [maïré]

Tous les soirs ma gourde de mère


Mi renourié : sies un voourien !

Me rouspètait : « t’es un vaurien !


Aimes mangea bouen, voues ren faire ;

Tu aimes « manger bon », tu veux rien faire ;


Un jou feniras maou, Guïen !

Un jour tu finiras mal, Guillaume !


Lou feniantugi,

La fainéantise,

Lou groumandugi

La gourmandise


An de tou ten desavia leis jouven ! . .

Ont de tous temps dévoyé les jeunes !


Maire, li dieou,

« Mère, je lui dis ,


Pa tan bedeou ,

Pas si nigaud,


Per v'escouta, dé mi leva la peou !

Pour vous écouter de me « lever la peau »


Basto que lou marteou proucure

Pourvu que le « marteau » procure


De que chiqua... rame qu'a fan !

De quoi chiquer… Qu’il rame, celui qui a faim !


Qu'es pas fenian, qu'es pa grouman,

Qui n’es pas fainéant, qui n’est pas gourmand,

 


Qu'un tron de Dieou lou cure !

Que le tonnerre de Dieu le cure ! »

 

(encore 5 couplets, puis le dernier :)

 

Le dernier couplet est « très engagé » du point de vue populaire (si on n’avait pas

compris !). On sent qu’il met son personnage en scène avec tendresse mais aussi avec

humour. Il exagère le discours de cet homme du peuple un peu fier-à-bras qui pousse le

« bouchon » un peu trop loin… (Ha oui : le bouchon, c’est le cochonnet à la pétanque. La

boule : « bocho » la « petite boule » : lou « bochoun » > le bouchon…)

 

Vui cadun parlo poletiquo :

Aujourd’hui chacun parle politique


M'en meli pa, l'entendi ren;

Je m’en mêle pas, j’y comprends rien !


Mai s'en fasen la repebliquo

Mais si en faisant la république


Lou paoure avié toujou d'argen !

Le pauvre avait toujours de l’argent


S'en pa triman,

Si sans trimer


Avié tou l'an

Il avait tout l’an


Bouen lié, bouen vin, bouen fricò, bouen pan blan ,

Bon lit, bon vin, bon fricot, bon pain blanc,


Leou, leou, dirieou :

Je dirai « vite, vite,


Vengue un fusieou !

Amenez-moi un fusil !


Espooutissen leis reis, marrias de Dieou !

Écrabouillons les rois, vauriens de Dieu !


E que la repebliquo dure:

Et que la république dure :


Sieou lou proumié de sei rouffian ! . .

Je suis le premier de ses ruffians !


Qu'es pa fenian, qu'es pa grouman,

Qui n’est pas fainéant, qui n’est pas gourmand,


Qu'un tron de Dieou lou cure !

Que le tonnerre de Dieu le cure !

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
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Pour en finir avec "le bouchon", un bouchon (de bouteille) se dit " tap " (prononcer [ta] sans le "p")

Ce qui permet la magnifique phrase :

"ün  ta  ta'a  tapa'a pa, ün ta pa ta'a tapa'a"

Il faut s'entraîner à le dire le plus vite possible !

Qui devrait s'écrire : "Un tap tarat tapara pas, un tap pas tarat tapara !"

Puisque les "r" intervocaliques à peine roulés en deviennent muets ainsi que les consonnes finales qui le sont tout-à-fait (muettes).

Et qui signifie :

"Un bouchon "taré" ne bouchera pas, un bouchon pas taré bouchera !"

Qui est une pure vérité !

 

Le verbe "Tapar" [tapa]

--Boucher (une bouteille)

--Couvrir "tapo ti ben": couvre-toi bien, lo cèu/lo ciel si tapo : le ciel se couvre.

En français on dit aussi que "le temps est bouché" il me semble...

On dit aussi de quelqu'un de trop bavard : "tapo pas !" (il ne la ferme jamais !) Et l'on précise "a como lo molin de la Boueisso" "Il a/est comme le Moulin de la Bouisse" (près de St Maximin, celui de la facture déchirée quelques pages plus tôt qui ne s'arrêtait donc jamais de tourner..)

 

Un autre extrait de "la podisse estrassade" (page 2) :

 

« Es veray que la molier de Mestre Jehan Flayol dit Celion

« Il est vrai que l’épouse de Maître Jean Flayol dit Celion

mi loguet et mi paguet que anesse querre

me loua 1 et me paya pour que j’allasse quérir

tres soumades grosses de blat

trois grosses charges de blé

el molin de la Boysso

Au moulin de la Bouisse

las qualles aneri descargar

lesquelles j’allai décharger

aquo de Olivier Pec

chez Olivier Pec

1Se louer ; engager son travail pour un salaire

Il a fallu que je tombe sur cette archive pour comprendre le sens de cette expression que j'avais toujours entendue :

"a como lo molin de la Boeisso : tapo pas !"

"Il/elle est comme le moulin de la Bouisse : il la ferme jamais !"

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  • 2 semaines après...
Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
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C'est encore Bernard de Ventadour qui me servira de référence avec son "lo tems vai e ven e vire" (le temps va et vient et tourne). mais pour le comparer cette fois non pas avec Bellaud sur le fond (la conception du temps) mais avec Mistral sur la forme.

On constate que la langue des troubadours, le provençal médiéval est constitué essentiellement de mono-syllabes, de mots souvent très courts. En tout cas c'était une forme poétique.plus incisive que permettait la langue. Et l'on comprend que cet "occitan" du moyen âge ait un peu joué le rôle de l'anglais d'aujourd'hui de par cette particularité :

Lo tems vai e ven e vire............ le temps va e vient et tourne

Per jorn, per mes, e per an.......Par jours par mois et par ans

E ieu las non sai que dire..........Et moi, hélas, je ne sais que dire

Qu'adès es uns mon talent........Car (à présent) mon désir est toujours le même...

 

On peut y opposer dans la forme la poésie de Mistral (XIX ème) qui n'hésite pas à "rallonger" les mots, souvent à l'aide de suffixes... Comme si l'esprit poétique était pris de lenteur, de langueur !... (Un peu caricatural du romantisme.)

(Je note les "èn" avec un accent pour qu'on ne soit pas tenté de les prononcer "en" à la française, mais bien "in" ;  et les |ou], "ou" . "un" se prononce [ü 'ng])

Un petit poème peu ou pas connu de Mistral que j'aime bien :

 

Aubèncho.........................................................Incandescence (ardeur)

 

Lou douç e tèndre pènsamènt....................Le doux et tendre sentiment

Que déliciousamènt ti brulo........................Qui délicieusement te brûle

Mi brulo déliciousamènt............................. Me brûle délicieusement

Coumo sus l'oundo un bastimènt................Comme sur l'onde un bâtiment

Au vènt d'amour lou coar barrulo..............Au vent d'amour le cœur bascule(1)

Mai dins la vido l'a un momènt..................Mais la vie s'illumine à l'instant

Ounté mut, déliciousamènt,........................Où muet, délicieusement

Davant la flour d'un sentiment....................Devant la fleur d'un sentiment

Coumo l'èncèns lou coar si brulo...............Comme l'encens le cœur se brûle...

 

(1) j'ai traduit "barrulo" par "bascule" pour garder la rime le vrai sens (figuré) serait "bourlinguer" ! "aller à l'aventure", "rôder"... De même j'ai rajouté l'idée d'illuminer qui n'y est pas dans le poème et qui en change un peu le sens...

La beauté musicale de la poésie de Mistral y est ... trop évidente ! C'est une poésie qui se murmure...

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Il faut en dire plus sur Mistral, et tout de suite !

Sa poésie est musicale, oui, et visuelle...

C'est une poésie de la nature. On pourrait dire qu'elle en est moins "psychologique" ? Mais la psychologie y est la notre devant ce spectacle de la nature, elle est ce qu'il nous inspire...

Le début d'un de ses plus beaux... non ! De son plus beau poème ! (Y'en a plein d'autres!)

"in" se prononce [i 'ng] comme dans l'anglais "morning"

 

Lou blad dé luno...............................Le blé lunaire

 

La luno barbano................................La lune spectrale (ou blafarde)

Débano de lano.................................Dévide de la laine

La luno barbano................................La lune spectrale

Débano dé lin....................................Dévide du lin

 

Il suffit de lire et de prononcer : a,u,a,a,é,a,é,a, a,u, a,a, é, a é  i ! (J'y retrouve un peu "la

lune comme un point sur un i" !) Et les consonnes : l, b, b, d, b, d, l, b... etc. : des sons du

bout des lèvres...

 

S’èntènd peralin...............................On entend au loin

L’aigo qué laléjo................................L'eau qui balbutie (bavarde)

E bataréléjo.......................................Et Cliquette

Darrier lou moulin...........................Derrière le moulin

 

L'aigo qué laléjo et bataréléjo : Le bruit de la roue du moulin qui tourne et claque dans

l'eau...

 

La luno barbano... etc

 

Drècho sus l’ènclin............................Droite sur la pente

Dé sa négro borno.............................De son creux sombre (noir)

La civéco morno.................................La chouette morne

A d’uèilhs cristalins...........................A des yeux cristallins...

 

La luno barbano... etc. et de nombreuses autres strophes (aussi bien "ciselées" !)....

 

Droite sur l'inclinaison ; La verticalité sur l'inclinaison... je pense à Cézanne et ses "joueurs

de cartes" ou "sa femme" légèrement inclinés : le réel incliné, tordu, et l'esprit (la chouette)

vertical... qui redresse : la recherche d'un équilibre dans le déséquilibre...

 

Et enfin, "borno, morno" des sons sourds,  pour la nuit et le trou de la chouette  et les "i"

stridents "ilhs (triphtongue [uèï]) cristalins", pour le regard brillant... Contraste,

paradoxe (!) que l'on trouve déjà dans le sens avec  l'opposition : morne - cristallin...

 

 

 

Balbutie Cliquette

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  • 3 semaines après...
Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
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Théodore Aubanel

1829-1886

Avec Mistral, c'est le seul de la renaissance frélibréenne du XIX ème siècle qui vaille le détour. Si Mistral est en quelque sorte un poète "épique" un Homère (comme disait Lamartine), iniversel,  Aubanel; lui est un vrai  Romantique, un poète de son temps...

 

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Blaquière Membre 18 822 messages
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"Il a fait de l'orage" (a fach chavano !) Aussi j'ai tout éteint (ai tout amoussat) ! Je reprends donc !

Théodore Aubanel

1829-1886

Avec Mistral, c'est le seul de la renaissance frélibréenne du XIX ème siècle qui vaille vraiment le détour*. Si Mistral est en quelque sorte un poète "épique" un Homère (comme disait Lamartine), universel,  Aubanel; lui est un vrai  Romantique, un poète de son temps...

(*Les autres dont le plus important est Roumanille, ont guère dépassé le stade :

"Je suis poète

Car j'aime les jolies petites fleurettes

Des champs !

(Poil aux dents!)

Revenons à Aubanel... Son poème "Per Toussant" (pour la Toussaint) un poème de circonstance !!!  fais penser à "la pensée des morts" de Lamartine. Je ne l'ai retrouvé que dans mon cahier de chansons (introuvable sur le net) et je le mets donc tel quel ! La graphie est la "mienne" (entre l'occitane et la félibréenne comme j'ai trouvé le provençal écrit au début du XVIème siècle dans les archives)  et je l'ai aussi "tirée" vers la forme "maritime" (majoritaire) du provençal.

Début des années 80 quand j'écrivais encore à la plume d'oie ! Après je suis passé directement à l'ordinateur !...

Je vous avertis : c'est pas gai ! Mais c'est beau, à pleurer !... Je tente une traduction au dessous...

Prononciation de la première strophe :

[ Tou si passis tou djingouleu

la pibouleu

Djéteu sa fuèill' oou mistraou...

Plégueu coum'une' amalineu

é cracineu

oou rounfla doou vin térraou]

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Per Tossant {Pèr Toussan]

La Toussaint

 

Tout se flétrit, se lamente

Le peuplier

Jette sa feuille au Mistral

Se plie comme un osier

Et craque

Au ronflement du vent du Nord

 

Sur l'yeuse plus de cigale

Le froid  gèle

Ses ailes (1) et sa chanson

L'enfant de la grande pleure :

Plus de mûres

Plus de nids dans les buissons.

 

Mais un vol d'alouettes (couquilhados)

Effrayées

Monte et piaille dans les nuages

Les chiens aboient, de tous côtés

Les chasseurs

Tirent des coups de fusils.

 

Dans la clairière qu'ils défrichent

Retentissent

Les haches de bûcherons

Le vent souffle la fumée (la fumado)

La flamme

Des fourneaux du charbonnier (carbounier)

 

Derrière les bois sans ombrage

Sans ramage

S'est caché le soleil

Dans les vignes vendangées

Et taillées

Les femmes ramassent les sarments

 

Le temps est noir vers la mer

Quelle averse !

Il tonne, pleut, le Rhône enfle

La mort chemine, elle est en joie

De sa faux,

Elle fauche les jeunes et les vieux...

 

(1) les "miraus" les "miroirs" sont en fait les plaques vibrantes sous le ventre de la cigale qui produisent son chant)

Il y a d'autres strophes c'est les six que j'avais sélectionnées pour en faire une chanson.

Bon, c'est du romantisme pur jus !

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Blaquière Membre 18 822 messages
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Il me revient un/e autre couplet strophe (!) de ce poème qui vaut son pesant de misère! C'est certainement cette conscience de la misère humaine qui permet à Aubanel de s'échapper d'une conception cucul de la poésie. On serait presque tenté de dire : "C'est trop, là ! ça va trop loin dans le misérabilisme". Mais c'est un réflexe de nanti. Le XIXème siècle, c'était aussi ça ! (Et ça l'est encore aujourd'hui...)

 

Lei paure' acampon de buscos.....Les pauvres glanent du bois (mort)

E la rusco...........................................Et l'écorce

Deis aubres per son fogau...........Des arbres pour se chauffer (pour leur foyer)

Van rodar per lei vilages...............Ils rôdent dans les villages

Lei meinages....................................Autour des fermes

Las, espeiandrats, descaus............Épuisés, en haillons, nu pieds...

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Blaquière Membre 18 822 messages
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Je retrouve une autre strophe dans les replis de ma mémoire ...

Plus triste tu meurs !

Mais Aubanel, certes bourgeois de province se montre particulièrement sensible à la misère du peuple... Et ce n'est pas le cas des autres "gentils poètes"...

 

Fasès part de la fournado.................Faites part de la fournée

Courchounado.....................................Croustillante (bien levée)

A la vèuso qu'es en plour..................A la veuve qui est en pleurs

Elo jamaïs fa farino,..........................Elle, jamais ne "fait farine"

La mesquino........................................La malheureuse

N'a jamaïs de cuècho au fourn........Elle n'en fait jamais cuire au four...

 

"La fournado courchounado" : le pain "bien levé"  (que je traduis par "croustillante" qui ressemble)...

La sensualité d'Aubanel arrive à se faufiler dans toute cette misère, d'un seul mot... Et ça n'est pas gratuit ! Cette admiration, cette fascination d'un beau pain "bien levé" implique qu'il soit partagé...

Une chose est certaine, si vous avez remarqué : 7 pieds, 3 pieds...

"De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair"

(Verlaine)

 

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Blaquière Membre 18 822 messages
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Jean de Cabannes 1654 – 1717

(Aix en Provence)

 

Écrivain provençal de langue occitane du XVIIe siècle.

Il est l'auteur de contes (cent contes) explicitement inspirés de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre, de pièces de théâtre, d'une évocation poétique de la guerre de 1707 entre la Provence et le Duc de Savoie et d'énigmes en vers. Ses œuvres manuscrites furent imprimées en partie après sa mort puis ont été principalement étudiées et publiées à l’époque contemporaine par le critique occitan Philippe Gardy

Ses cent contes sont souvent un peu grivois… Voici l’introduction du dernier.

Un discours assez abstrait, « intellectuel » dans une langue très populaire que tout le monde peut comprendre. C’est là le style de Jean de Cabannes qui semble se soûler de sa propre verve. Ce qui le rend particulièrement amusant dans ses préambules qui tournent en rond dans une approche morale souvent tirée par les cheveux...

Aucune tendance à la purification de la langue ! Son provençal est celui que l’on parle dans la rue ! Il faut qu’il coule naturellement.

 

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En voici un (de conte) que j’ai gardé pour la fin

Et qui termine exactement la centaine :

Je suis fort content , et ne m’en cache pas

De mon travail, car, bien que volontaire

Il n’a pas manqué à certains endroits,

De me poser des difficultés et je m’en suis mordu les doigts.

Parfois un conte n’était pas commode

Parfois ma veine était mal au rendez-vous,

Parfois je craignais qu’à parler librement

Quelqu’un n’en fît un mauvais jugement,

Et que blâmant quelque légère matière,

Il ne me crût un peu trop libertin :

Mais sur ceci, armé d’un air malicieux,

Je me suis donné indulgence plénière,

je laisse gloser et mordre qui voudra,

qu’il « brame » s’il veut jusqu’à perdre l’haleine :

A tout risquer,  je suis bien assuré

Qu’ aux gens de (bon) sens loin de les peiner,

Il (mon travail) donnera du plaisir. Fondé sur tel espoir,

Encore celui-ci, et je vous dis bonsoir !

 

 

Les deux dernière rimes : « espoir » et « bounsoir » sont caractéristiques ! Un puriste s’attendrait à « esper » et « bon sero / bono sero » (Qui rimeraient aussi raisonnablement !). mais non ! Puisqu’on dit « bounsoir ! » Jean de Cabanne écrit « bounsoir » !

 

Il est un proverbe provençal « officiel » bien connu :

« Roujo la sero bèu tems espero » (Rouge le soir, beau temps on espère/attend.)

J’avais été émerveillé de l’entendre transformé (ou interprété) par « Tchountche » un grand-père du village qui m’expliquait le temps, en un étonnant :

« Roujo lo soir, bouan espoir ! »

Le provençal (« maritime ») est comme fasciné par ce son « oi » ! Dès qu’il en détecte un en français, il a tôt fait de l’emprunter ! Un locuteur provençal naturel dira plus facilement « istoaro » que « istori » pour « histoire »…

Mais il n’y a plus de locuteur provençal naturel !...

 

 

image.png

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Blaquière Membre 18 822 messages
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Sur le forum "histoire", j'ai mis la photo du sceau du Comte de Forcalquier que je viens de "recouler" en étain puisqu'on me l'avait demandé.

J'en profite pour mettre le texte provençal qui "va avec"... C'est sans doute le texte en langue d'oc le plus ancien que j'ai eu l'occasion de lire...

 

Manosque, XIII ème siècle

 

"Mosenher Guilhem (Guillaume) de bona memoria, sa en reire (par le passé) Comte de Forqualquier" n’est plus... Toutes les communautés laïques et religieuses de Manosque, tenant à préserver, les unes par rapport aux autres, les "libertatz, immunitatz et franquezas (franchises)" dont il était le garant, viennent d’établir une grande charte les stipulant dont ce petit texte empreint d’une modestie toute philosophique, constitue la conclusion formelle. Ce n’est pas sans plaisir que nous y retrouverons le verbe "romancer" dans son sens naturel d’ "écrire en langue romane"...

Il s'agit vraiment de la "graphie classique", la même que celle des troubadours, le provençal, comme le français à l'époque, avait encore des déclinaisons. Simplement deux cas : direct et "oblique" Le "s" marquait le pluriel du cas oblique (complément) et il s'est généralisé par la suite comme aujourd'hui pour tous les pluriels ; mais il marquait aussi le singulier du cas sujet masculin, ce qui pour nous a un peu tendance à embrouiller l'affaire !

la version française est au dessous...

 

Mieills romans que latin...

 

Fachas foron totas aquestas cauzas el palais de Manoasca el1 parlador denant2 la cambra de Mosen lo Comandador. E foron i garentias3 apelat e pregat : Mosen (...)

Et ieu Audebertz Gauzis de Manoasca a la requista de las dichas partz aquestas cauzas ai escrich en publica forma e rendudas a P. Bisquerra notari .

E quar cumenalmentz li maiers partz dels homes d’aquelas universitatz entent mieills romans que latin, ieu ditz notaris a la requezition dels davant ditz P. Bisquerra e R. de la Font la davant dicha composicion de latin, trasportiei4 en aquest romans al mieills qu’ieu puec.

Si deguna cauza y a a corregir que non sia ben romansada iusta5 lo latin non m’o6 tenrai a mal si denguns m’o esmenda. Quar en obra humana non a denguna cauza complida.

 

1 "El" : Contraction médiévale habituelle de "en lo", "dans le".

2 Noter l’emploi dans ce même texte des deux formes "denant", et plus bas, "davant" (Fr. : devant). La première, aujourd’hui archaïque, pouvait alors attester d’un niveau de langage plus raffiné, plus littéraire (?). De même plus bas, nous avons "deguna" et "denguns".

3 Litt. : "aux garanties".

4 Noter le terme "transporter" dans le sens de traduire. "Trasportiei" et plus loin "puec" sont des passés simples.

5 "Justa" (Le moderne dissociera le " j" du "i"). Le provençal parlé prononçais naguère encore bel et bien le "j", "y" ! (et pas "dj"!)

6 "o" : pronom neutre. Manuscrit. : "mo"

 

Mieux roman que latin...

 

Tout cela a été dit1, dans le palais de Manosque, dans le parloir2, devant la chambre de Monsieur le Commandeur. Et furent en garantie appelés et priés : Messieurs 3 (...)

Et moi, Audibert Gauzis de Manosque, à la requête desdites parties, ai écrit cela en publique forme4 et l’ai rendu à P. Bisquerra, notaire.

Et parce que communément la majeure partie des hommes de ces communautés entend5 mieux le roman que le latin, moi, dit notaire, à la réquisition des devant dits P. Bisquerra et R. de la Font6, la devant dite composition ai traduite du latin en roman du mieux que j’ai pu.

Si quelque chose y est à corriger qui ne soit pas bien "romancée" depuis le latin, je ne m’offenserai pas si quelqu’un l’amende7. Car en œuvre humaine, aucune chose n’est parfaite.

1 Littéral : "toutes ces choses ont été faites". "Faire", au sens de "dire", Cf. le populaire "il m’a fait..." ?

2 Dans la salle du Parlement (?) .

3 Les témoins qui se portent garants et cautionnent les accords.

4 En public ?

5 Au sens de ‘comprendre’.

6 "De la Fontaine".

7 Au sens de ‘corrige’.

 

 

Si je retrouve la photocopie de l'original je la mets... c'est vraiment en écriture médiévale gothique classique, très régulière... ça vaut un truc imprimé !

 

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Blaquière Membre 18 822 messages
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Trop content ! En deux clics j'ai retrouvé la photocopie de mon texte dans un coin de l'ordi !

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Il est à noter le son "oi" dont j'ai parlé plus haut dans "Manoasca" pour Manosque : depuis le XIIIe (au moins) il plaît bien aux provençaux !

Il faut imaginer mon bonheur quand je suis tombé sur ce manuscrit ! Que je l'ai tenu dans la main ! Une fois qu'on a pigé les lettres, ça se lit comme un livre imprimé !

 

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