Il femminéllo

IL FEMMINELLO

Quand on pense aux Napolitains, on imagine des gros machos phallocrates et homophobes, plastronnant avec des voix de basse pendant que leurs femmes lavent du linge au baquet au milieu d'une marmaille bruyante. Mais tout ça c'est du cliché.

Naples c'est la ville de Farinelli, le célèbre castrat* rendu célèbre par le film de Gérard Corbiau. En fait, à cette époque, on les appelait les soprani (dessus) ou musici parce qu'ils étaient la musique incarnée. On n'employait donc pas le terme castrats, qui s'applique aux moutons en italien.

Ces chanteurs ne tenaient pas non plus de rôles féminins, mais au contraire des rôles masculins, bien virils parfois, c'est-à-dire des empereurs, des rois, des conquérants, des généraux, des dieux de l'Olympe... César, Xerxès, Hercule et les autres ! En revanche il y avait bien des femmes sur scène avec eux.

En fait, les femmes n'étaient interdites d'opéra qu'à Rome et dans les Etats du pape, dont le Royaume de Naples ne faisait pas partie.

Le castrat ne chantait donc pas en remplacement d'une femme, mais il chantait parce que les gens aimaient l'entendre chanter. Mais passons.

La cité de Parthénope a conservé la tradition populaire du femminéllo (ou femminiello, femminella, au pluriel femminiélle).

Le femminéllo est un homme travesti en femme et qui se conduit comme tel : on le voit faire son marché, il cuisine, fait la vaisselle, le ménage... Mais que l'on aille pas croire qu'il est méprisé ! Car être femminéllo est un statut, une identité sociale, un peu comme le hijra* en Inde.

Figure typiquement napolitaine, très ancrée dans son histoire, le femminéllo a ses privilèges, est respecté, participe à divers évènements qui peuvent être religieux (comme la Chandeleur et le festival Madonna dell'Arco).

S'il est parfois taquiné, c'est toujours avec bienveillance et affection, habituellement par des voisins qui ne demandent qu'à se régaler de ses reparties.

Il est de surcroît sensé porté chance, aussi est-il d'usage de mettre son nouveau-né dans ses bras, le prendre en photo, l'inviter au bingo (équivalent local du loto).

En général, c'est lui qui écrit les nombres et les proclame aux tombolas réservées aux dames, le tout en prenant certaines attitudes pour le plus grand plaisir de toutes.

Un psy recevant sur son divan un homme napolitain, dirait que ce malheureux, contraint par le code d'honneur et conformément aux mentalités du sud de l'Italie à accentuer sa virilité, vit en quelque sorte à travers le femminiello sa propre part de féminité, qu'il refoule.

Quoiqu'il en soit réellement, les Napolitains et les Napolitaines les aiment bien, leurs femminielle !

(Bibliographie : Dictionnaire amoureux de l'Italie, Dominique Fernandez, éd. Plon)

il y a 52 minutes, sovenka a dit :

Naples c'est la ville de Farinelli, le célèbre castrat* rendu célèbre par le film de Gérard Corbiau. En fait, à cette époque, on les appelait les soprani (dessus) ou musici parce qu'ils étaient la musique incarnée.

Dans le film Farinelli, la séance consistant à mutiler un adolescent en castrat au moyen du clap entre deux briques dans un bain de lait, lorsque j’y pense cela me fait encore mal !

Plus d'un a dû faire la grimace comme toi devant cette scène.