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Dracula untold


sovenka

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 209 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
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VLAD III dit Dracula

          Né entre 1429 et 1436 en Transylvanie, à Sighisoara (Schässburg à l'époque) dans une maison qui servait d'hôtel de la monnaie : son père, en attendant son jour de gloire, avait comme source de revenus la frappe des pièces.

Cette maison existe toujours : c'est aujourd'hui un restaurant. Si vous avez l'occasion d'y aller, on vous montrera la chambre où se trouvait le berceau de Dracula, à l'étage ; cependant n'en croyez rien : il n'y avait pas d'étage en ce temps-là !

Ci-dessous : Vlad II, le père de Vlad III, sur une fresque encore visible dans sa maison natale (au rez-de-chaussée, cela va de soi)

Vlad_Dracul.jpg

La ville où Vlad grandit est une cité fortifiée saxonne, peuplée d'artisans et de marchands prospères qui ont l'esprit de clocher et affichent un certain mépris pour tout ce qui n'est pas saxon. En tant qu'enfant d'origine et de langue valaque, Vlad a dû en souffrir : peut-être que les petits saxons ne voulaient pas jouer avec lui et qu'il était tout seul ?

Adolescent, il part faire son éducation en Valachie... Les plus belles années de sa vie, sans doute. Il suit des cours d'EPS intensifiés sous la houlette d'un gouverneur : maniement des armes, natation, lutte, lancer, équitation, tournois et halca (qui consiste à viser un anneau avec une lance en plein galop). Des cours de vie de cour, aussi.

En 1437, Vlad père est promu prince voïévode de la Valachie. En tant que chevalier de l'ordre du Dragon fondé par l'empereur Sigismond de Luxembourg, il est surnommé Dracul -le Dragon- et son héritier sera Draculea -fils du Dragon- d'où Dracula.

Il faut savoir que la Valachie tient alors le rôle de tampon entre des pays qui ne s'apprécient pas franchement. Elle est tributaire des Ottomans depuis 1417 et doit chaque année verser beaucoup d'argent au sultan pour acheter sa tranquillité. Quant aux voïévodes, ils sont vassaux du roi de Hongrie.

Les sultans ottomans avaient pris l'habitude de garder en otages des fils de ces princes comme garants de leur serment de fidélité. En 1444, Vlad fils est donc envoyé avec son demi-frère Radu, qui n'a que 5 ou 6 ans, chez les Turcs.

D'abord retenus à Andrinople (future Edirne), en 1445, en raison d'un traité de paix rompu, les enfants sont envoyés à Egrigöz, puis plus tard vraisemblablement au fort de Tokat plus à l'est encore.

Leur situation ne s'améliore qu'à la suite d'un retour au calme avec leur père, quand ils sont envoyés à la cour impériale. Or le ciel se couvre côté hongrois...

(à suivre)

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 209 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
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          Jean Hunyadi, grand pourfendeur de Turcs (et grand pourfendeur tout court) a été élu gouverneur de la Hongrie, son roi -un gosse qui n'a pas 7 ans- ne pouvant régner que sur ses playmobils.

Hunyadi n'aime pas beaucoup ce Vlad II, les libertés qu'il prend en matière de politique monétaire : ça profite à la Valachie mais ça dessert ses voisins ! Il ne voit pas non plus d'un bon œil son manque d'entrain à se joindre à ses campagnes contre l'ennemi ottoman (ce qui se comprend puisque ses fils sont aux mains du sultan).

En 1447, Vlad II ferme son pays à la monnaie hongroise : cette fois la coupe est pleine ! Hunyadi déboule au grand galop, le capture lui et son fils aîné Mircea, les fait exécuter et assoit sur le trône encore chaud un type qui lui convient mieux : Vladislav II.

En 1448, le sultan en redemande ! Cela se termine par une pyramide de têtes chrétiennes, et Hunyadi a sauvé la sienne de peu. De retour de guerre, Vladislav trouve son trône occupé par un jeunot de 18 ou 19 ans : qui va à la chasse perd sa place ! C'est Dracula, Vlad III désormais. Mourad II a cru bien faire en l'asseyant là !

Ce sultan-là meurt en 1451 à la fin d'un banquet trop arrosé. Mehmed II lui succède, seulement attention : avec lui ça va pas rigoler, car c'est un belliqueux.

Ci-dessous, portrait de Mehmed II -la cruauté dans le raffinement-

220px-Sarayi_Album_10a.jpg

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 209 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
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Toutefois, le premier règne de Vlad III sera trop bref pour en être un. Ce n'est qu'en 1456 qu'il monte pour plusieurs années sur le trône princier : c'est le passage de la comète de Halley, elle lui aura porté chance ! (La monnaie sera dès lors frappée, et ce jusqu'en 1457, avec pour motif cette comète). 

Physiquement, Vlad III est imposant. Il n'est pas très haut de stature mais vigoureux, fort et large d'épaules. Il a la peau fine, un nez long et aquilin, de grands yeux verts aux longs cils, des sourcils arqués. Il porte la moustache et ses cheveux sont noirs, longs et bouclés. Il a appris à se vêtir élégamment à la cour ottomane.

Au début de son règne, il est bien disposé envers ses sujets : c'est la distribution de cadeaux, comme chez nous après les élections. Les boyards (nobles) et notables des cités saxonnes ont dû se dire, en voyant ce jeune premier au physique de Francis Cabrel, qu'ils allaient pouvoir le mener par le bout du nez... sauf que lui entend bien régner et gouverner en conséquence. C'est un mec qui a passé 12 ans chez les Ottomans. Il a été profondément marqué par la vénération dont jouit leur souverain, qui n'a qu'un mot à dire pour disgracier, exiler ou exécuter même les plus hauts dignitaires sans que nul ne pipe mot, tandis que les voïévodes, jusqu'à présent, ont toujours dû composer avec une aristocratie frondeuse, orgueilleuse et brutale.

Vlad connaît les rouages de l'empire ottoman, une machine monstrueuse mais bien huilée, une méritocratie au service d'un seul, et il en a tiré les leçons.

Devenu intransigeant au cours de tant d'années de captivité, il ne compte pas ramper devant Mehmed II. Il refuse de lui livrer le passage en cas d'incursion pour aller piller la Transylvanie comme le faisait son père, déjà (et de fait aucune razzia turque n'y fut signalée tant que son règne dura). Ensuite, il ne veut pas non plus payer de tribut et céder de fils en otage.

Toutefois, pour tenir les turcs en joue, il lui faut se constituer une armée conséquente. C'est pourquoi, en 1456, il appelle les bourgeois de Brasov à lui accorder 200 hommes pour grossir les rangs de ses troupes. 200 c'est trop ! Alors 100 ? C'est encore de trop ! 50, au moins ça ? Non, non et non ! Les Saxons, fidèles à eux-mêmes, se retranchent égoïstement derrière leur muraille et envoie le voïévode aller se faire voir ailleurs. Mal leur en prendra.

Démuni, Vlad n'a plus qu'à se résigner à verser le tribut, mais ce n'est pas de gaieté de cœur. Un récit russe raconte qu'il dût se résoudre à céder un fils en otage, mais le garçon, encore plus malin que le mec dans Midnight express, parvint à s'échapper de Turquie.

Mais revenons à nos Saxons : leurs réticences se soldèrent par des attaques, incendies et empalements. Et Vlad exigera des privilèges égaux aux leurs pour les marchands valaques ! A savoir : pas de taxes, libre circulation des marchandises.

En 1458, la Hongrie a un nouveau roi : Mathias Corvin (photo ci-dessous).

220px-Matthias_I_(Chronica_Hungarorum).j

(à suivre)

 

 

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 209 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
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          Au printemps 1462, Mehmed II s'en va en guerre, pillant, violant et détruisant tout sur son passage. Auparavant des raids de Vlad III lui avait imposé une déconfiture comme jamais armée ottomane n'en connut.

En arrivant en Valachie, parmi d'autres empalés, entre les corps de François Fillon et du vendeur d'une boutique Orange, le sultan reconnaît le bey Hamza de Nicopolis, qu'il avait envoyé en mission quelques mois plus tôt. Mehmed est furieux ! N'empêche, son rival le fait piétiner jusqu'au mois de juin.

Une nuit, Vlad, déguisé en marchand turc (il parle couramment le turc) se rend dans l'autre camp pour espionner et localiser les tentes des chefs, sans oublier celle du sultan.

Le 17 juin, après le coucher du soleil, lui et ses troupes fondent sur ce camp. Mehmed II échappe de peu à la mort, Vlad ayant confondu sa tente avec celle d'un vizir. A partir de cette nuit-là, les Turcs penseront à dresser une palissade autour de leur camp pour pouvoir dormir tranquilles.

A l'approche de Targoviste, l'armée ottomane tombe sur le spectacle d'une forêt de compatriotes empalés (en fait leurs soldats déjà morts plantés sur des pieux). Les cheveux se dressent sur les têtes. Mehmed II ne peut plus rien tirer de ses hommes : tout ça leur a foutu le moral dans les chaussettes. Dépité, il fait demi-tour, le cou rentré dans les épaules, sans manquer de piller, violer et détruire sur le chemin du retour.

Mais avant de repasser la frontière, il laisse un cadeau empoisonné au prince : Dracula bis, son petit frère...

Resté à la cour impériale, sa beauté -qui lui vaut son surnom de Radu le beau- n'échappa point à l'œil du sultan, qui en fit son mignon : en ce temps-là, la Turquie était bisexuelle et pédophile... Chez eux, c'était normal de faire l'amour avec les femmes l'été pour se rafraîchir, avec les hommes l'hiver pour se réchauffer.

Radu, fin politique, entame sa campagne électorale à coups de belles promesses. Les Valaques le choisissent.

(à suivre)

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 209 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
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L'arrestation

A l'automne 1462, Mathias Corvin propose à Vlad la main de sa fille Justina (ou sa sœur, ou sa cousine, selon les sources). L'ex-voïévode arrive en Hongrie habillé sur son 31, escorté de 900 cavaliers. Or, l'intention du roi hongrois n'est ni plus, ni moins que de le faire arrêter.

915453438-visegrad-ruine-d'un-chateau-fo

Dracula est incarcéré pour un temps au château de Visegrad (photo ci-dessus). Il a tout de même séduit Justina qui deviendra bien volontiers son épouse. D'ailleurs, il ne restera pas longtemps en détention puisque, à titre de prisonnier politique de marque, il sera logé en ville, dans une maison où il mènera une vie de famille oisive, et pourra aller et venir comme bon lui semblera.

Mais quelle mouche l'a piqué, le Mathias ? Jusqu'à présent il s'en était toujours foutu des exactions de son vassal !

C'est simple : il fallait mettre un terme à la résistance contre les Ottomans. Que tout redevienne comme avant pour ses intérêts à LUI !

Le pamphlet

Le roi Mathias se trouve bien obligé de justifier l'arrestation de son vassal auprès du pape. Alors il y va carrément : pour commencer, il l'accuse d'intention de trahison. Il fait parvenir au souverain pontife une lettre de proposition d'alliance destinée au sultan qu'il attribue à Vlad. L'original de cette missive a, comme par hasard, disparu. C'était vraisemblablement un faux puisque Dracula était en route pour Brasov où l'attendait Mathias Corvin en vue du mariage convenu, et non pas en route pour la Valachie pour y attendre les troupes ottomanes afin de les guider jusqu'en Transylvanie, puis en Hongrie.

En prime, il n'avait aucun intérêt à aider Mehmed II, qui ne lui aurait rendu sa couronne pour rien au monde à présent que son favori était sur le trône. Pour finir, qu'est-ce que cela aurait valu à Dracula de s'en prendre au roi de Hongrie, le dernier sur lequel il pouvait compter pour redevenir voïévode ?

Cependant, Mathias Corvin ira plus loin encore...

(à suivre)

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 209 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
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Durant toute l'année 1463, pour enfoncer encore un peu plus son vassal, Mathias use de l'imprimerie -une invention encore fraîche- aux fins de populariser ses méfaits vrais ou supposés. Une réelle campagne de propagande, en somme !

Vlad y est présenté comme mû d'une rage meurtrière et gratuite contre le monde entier. Un vrai catalogue d'horreurs relatant des anecdotes sans lien entre elles, sans causalité, pratiquement sans chronologie. Un pamphlet semblable à ceux qui circulaient sur le sultan.

L'original fut perdu mais des copies furent conservées dans divers lieux en Europe.

Le ménestrel allemand Michel Beheim (qui fut mercenaire à ses heures et avait par conséquent lui aussi du sang sur les mains) tira de ce texte un poème de 1070 vers où il inclut les dires d'un moine chassé par Dracula et se trompe de date en rapportant sa prétendue trahison.

Dracula aux sources de... Dracula

Alors que des versions manuscrites en langue russe présente le voïévode comme un prince sévère mais juste, sage et cultivé (Yvan le terrible en était un fan absolu, il en avait fait son modèle : comme lui, il voulait inspirer la groza -la crainte révérentieuse-), des imprimeurs d'almanachs germanophones ont repris les récits colportés, passés dans la légende populaire. Des anecdotes furent supprimées, d'autres rajoutées. Le portrait de Dracula, en première page, finit par être remplacé par celui de Soliman le magnifique. Mathias Corvin y devient le bon roi catholique qui, telle sainte Marthe avec sa Tarasque, ramène le méchant orthodoxe dans le droit chemin ; ça plaît : les gens aiment se faire peur, certains -en mal de sensations fortes- en font leur livre de chevet. Peut-on y voir la naissance d'un nouveau genre littéraire à la racine des romans gothiques ?

Au XV° siècle, les recueils de loi (comme le Codex Altenberger, contemporain de Vlad III) se caractérisent par l'atroce sévérité des peines, aussi le voïévode ne faisait qu'appliquer scrupuleusement le droit quand il condamnait un délinquant au pal (ce qui se faisait également en Hongrie), un supplice qui n'était qu'une variante de la roue et du bûcher en Europe de l'ouest. Il est fort possible que, pour choquer efficacement l'opinion publique habituée à la vision de la torture, Mathias Corvin en ait rajouté.

Toujours est-il que Vlad III, surnommé l'Empaleur par les Ottomans, est tombé dans l'oubli jusqu'au XIX° siècle, où des historiens ont ressorti le pamphlet des oubliettes. Mais c'est surtout avec l'œuvre de Bram Stoker que le surnom du voïévode s'est refait une jeunesse.

Le cauchemar de Dracula

Dans ce pamphlet, on découvre des supplices qui rappellent les martyres de saints connus. L'histoire d'une concubine éventrée par Vlad "pour voir l'endroit où il avait été lui-même et où gisait son fruit" semble inspirée des attouchements posthumes de Néron sur sa sœur Agrippine.

Comme autres anecdotes, je pourrais citer celle où des ambassadeurs turcs refusent de se découvrir devant le voïévode parce que leur coutume veut qu'ils n'ôtent pas leur turban. Vlad, pour leur montrer qu'il respecte pleinement leur coutume, le leur fait clouer sur la tête.

Une autre fois, il offre des vêtements neufs à des mendiants. Ceux-ci ne veulent pas quitter leurs hardes car, en vérité, ce sont des brigands qui dissimulent dedans des pièces d'or volées. Le voïévode les convie à un banquet dans une maison en bois, les enferme dedans et y met le feu.

On trouve aussi des histoires de gens rôtis, frits, bouillis, servis en brochettes pour un oui, pour un non, etc. Bref, le genre de choses qu'on ne peut pas lire si on n'a pas le cœur bien accroché.

On retiendra le récit des Pâques sanglantes de 1459 : Vlad III convia les boyards à un repas. A la fin, il leur demanda combien de princes avait régné de leur mémoire. Ceci dans le but de leur reprocher leur propension à la discorde et à l'intrigue, qui faisait qu'un prince ne demeurait jamais bien longtemps en place. Pour les punir, ils les fit tous empaler : ils étaient au nombre de 500.

C'est amplement exagéré car, sur 23 grands des différents conseils princiers, 11 seulement ont disparu des documents officiels, apparemment pour motif d'exécution, sous le règne de Vlad III. On est par conséquent bien loin des 500 boyards empalés, même s'il est vrai que l'affaire aura forcément fait grand bruit, les condamnés étant de puissants aristocrates.

Ci-dessous : le fort de Poenari, que Vlad III aurait fait bâtir par les habitants de Targoviste pour les punir d'avoir tué son père et de son frère, Mircea, enterré vivant, face contre terre :

284108.jpg

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 209 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
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99px-Vlad_Tepes_002.jpg

Dracula et les femmes

La première épouse de Dracula se jeta du haut de la forteresse de Poenari, épouvantée à l'approche des Turcs, en 1462. Par la suite, il épousa une princesse hongroise, Justina Szilagy.

Un voïévode pouvait cependant avoir autant de concubines qu'il voulait et Vlad III en avait pour sa part un peu partout dans sa principauté.

Néanmoins, Catharina Siegel fut la seule qu'il aima vraiment.

Elle était de Brasov, fille de tisserand saxon.

Yeux bleus et longs cheveux blonds tressés, elle était réputée pour sa très grand beauté et avait de nombreux prétendants.

Un jour de décembre où le temps était particulièrement pourri, comme chaque famille avait le devoir d'apporter des vivres aux soldats, elle aida ses cousins à pousser une cargaison de toile sur une côte jusqu'à un bastion.

Dracula n'eut pas le courage de l'abandonner à tant d'efforts et, à la stupeur de tous, sauta de son cheval pour aller aider. En plus, pour une fois que des Saxons témoignaient tant de bonne volonté !

Sur le coup, elle eut un mouvement de recul, effrayée à cause de tout ce qui se racontait sur lui. Puis se fut le coup de foudre.

Elle devint sa bien-aimée.

Un jour, alors qu'elle était enceinte, elle fut battue et attachée au pilori par les autres Saxons, furieux après elle pour cette relation qu'ils jugeaient contre-nature. Son amant arriva pour prendre sa défense : il menaça d'incendier Brasov si on la touchait. Au final, il libéra des marchands saxons qui avaient été jetés en prison pour garantir la sécurité de la jeune femme.

Il l'aimait tellement qu'il écrivit même au pape pour lui demander d'annuler son mariage d'avec son épouse d'alors, afin de pouvoir faire de Catharina sa femme officielle. Ce qui ne lui fut pas accordé.

L'attachement que Vlad vouait à un coussin n'échappa point à l'épouse officielle, justement : celle-ci trouva dedans une tresse blonde. Ambiance.

Après le suicide de cette première épouse, Vlad dût cependant épouser la princesse hongroise Justina. Malgré tout il n'abandonna jamais Catharina, ni les enfants qu'ils eurent ensemble, qu'il dota bien.

Après sa disparition, en 1476, elle entra au couvent.

Dracula père et fils

Un voïévode pouvant avoir autant de concubines qu'il voulait en plus de son épouse officielle, ses enfants naturels étaient en général nombreux et étaient placés à égalité avec les enfants légitimes vis-à-vis du trône à prendre. Celui qui montait sur le trône n'avait donc plus qu'à se débarrasser de tous les autres -au moins en les faisant fuir- s'il tenait à sa peau, car les intrigues allaient bon train. "C'est un vrai miracle si quelqu'un réussit à régner 3 ans ou à mourir de mort naturelle sur le trône" fut-il dit à l'époque en Valachie. Dracula aura régné en tout 9 ans (7 ans + 2 ans), donc plus longtemps encore qu'un président de la République ! Un record pour l'époque.

Il a laissé après lui une nombreuse descendance, dont les ramifications s'étendent dans toute l'Europe. Le prince Charles de Windsor serait un de ses descendants. En Roumanie, Tepes et Dracula sont des noms de famille. A Paris, vécut la princesse Caradja, qui menaça Francis Ford Coppola d'un procès à cause de son film, qu'elle jugea insultant pour son ancêtre.

Une messe pour Dracula

Redevenu voïévode en 1475, sa légende situe sa mort vers noël 1476 lors d'une énième bataille contre les Turcs.

Taillé en pièces selon une version, décapité par un traître selon une autre, transpercé par un des siens qui le prit pour un soldat ennemi selon une troisième version, avant d'être transpercé par plusieurs autres lances, son scalp -embaumé et bourré conformément à la méthode turque- aurait été rapporté au sultan qui l'aurait fait exposer, à moins qu'il n'en fît cadeau à un ami.

Pour dire vrai, on n'en sait rien : il est possible qu'il n'ait pas été tué mais juste capturé.

Trois sépultures ont été recensées comme les siennes possibles : au monastère de Snagov, au monastère de Comana, dans une église napolitaine. La dernière piste ne manque pas de probabilité puisqu'il s'était converti au catholicisme pour épouser la princesse de Hongrie, et que sa fille Maria a vécu à Naples après sa disparition. Elle aurait pu l'échanger contre une forte rançon.

Dracula 76 ou Vlad le rouge

En 1976, Ceaucescu* célèbre son 500ème anniversaire. Les publications le représentent en grand réformateur communiste en lutte incessante contre les affreux capitalistes ottomans. Effacée l'ardoise des atrocités répandues par le pamphlet : Vlad Tepes n'a jamais bu le sang de ses victimes ! C'était un prince sévère mais juste, un commandant militaire hors-pair.

Dracula s'inscrit parmi les héros nationaux. Le dictateur roumain aime qu'on voit son effigie côtoyer la sienne.

Et de nos jours, encore, certains Roumains conservent sur eux son portrait en médaillon ou prient devant son icône comme devant un saint protecteur. Des touristes viennent du monde entier pour visiter sa maison natale et ce qu'il reste de ses châteaux, ainsi que le château de Bran où il aura tout au plus fait halte. Vlad III apparait de temps à autres dans des émissions de variétés : on le voit danser, chanter... Outre les innombrables films sur lui ou sur le vampire qui a rendu son surnom célèbre, on trouve une biographie roumaine datant de 1979, en plusieurs parties : c'est assez couillu, Vlad est toujours entouré d'hommes d'armes, s'exprime avec une voix de stentor... On s'attend d'un moment à l'autre à le voir jouer aux boules ou causer OM devant un verre de pastis... Et il recueille même des voix dans les suffrages quand il faut voter.

vlad_tepes_stencil.jpg

 

(Bibliographie entre autres sources : Dracula, Matei Cazacu, éd. Tallandier)

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 209 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
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Il y a 4 heures, sovenka a dit :

Au printemps 1452, Mehmed II s'en va en guerre

Je rectifie dans mon quatrième message (trop tard pour rééditer) : c'est 1462 la bonne date !

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Membre, Posté(e)
Pierrot89 Membre 8 461 messages
Maitre des forums‚
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Histoire intéressante. Cependant il est difficile de séparer la réalité des mythes et légendes concernant Dracula/Vlad III.

Les historiens actuels relativisent ses nombreuses atrocités, même si à cette époque c'était usuel de tuer ses ennemis.

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Membre, 75ans Posté(e)
boeingue Membre 23 346 messages
Maitre des forums‚ 75ans‚
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c'était le bon temps !!! si  seulement pouvait empaler nos dirigeants politiques !!!

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 209 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
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Il y a 5 heures, Pierrot89 a dit :

Les historiens actuels relativisent ses nombreuses atrocités, même si à cette époque c'était usuel de tuer ses ennemis.

On ne peut pas séparer l'histoire de Vlad III de celle de Mathias 1er de Hongrie. C'est un roi qui avait l'empereur Frédéric III au-dessus de lui, et il a eu du mal à obtenir sa couronne parce que cet empereur contestait au départ son élection (dans les pays de l'est comme la Pologne ou la Hongrie, les souverains étaient élus par la Diète du royaume, contrairement à en France ou c'était juste affaire de succession). Après l'avoir finalement obtenu, sa cote a grimpé, même auprès des populations germanophones (Autrichiens, Saxons de Transylvanie...) : par exemple les Viennois étaient prêts à lui donner la place de Frédéric III. Dans une telle phase de popularité, ce n'était pas le moment de se mettre les Ottomans à dos, et voilà que son vassal fout la pâtée à Mehmed II. Pour Mathias Corvin, il fallait à tout prix éviter que ça aille crescendo : l'orgueilleux conquérant de Constantinople n'allait pas s'arrêter là, d'où le pamphlet diabolisant Vlad III (un texte émanant sans doute de la chancellerie de Buda).

En fin de compte, que Radu -favori du sultan- prenne la place de son aîné Vlad ne pouvait qu'arranger les intérêts du souverain hongrois ; tout redevenait ainsi comme avant : la Valachie payant bien sagement ses tributs, les Ottomans se payant de temps à autres la gaufre d'un pillage en Transylvanie, le commerce international reprenant son train habituel dans la région, etc. Cependant, Mathias ne pouvait se débarrasser de Vlad Tepes en le supprimant, il fallait qu'il le garde comme pion sous la main contre les Ottomans au cas où les voïévodes suivants ne tenaient pas efficacement leur rôle. C'est pourquoi Vlad a été bien traité, marié à la princesse Justina, puis est revenu sur le trône au bout d'un certain temps.

Pour en revenir à ce dernier, il est certain qu'il détestait les Ottomans et que ses raids contre eux ont été des plus sanglants, il a fait ce qu'aucun dirigeant n'aurait osé faire. Mehmed II était tout de même le conquérant de Constantinople en 1453, le retentissement mondial a été foudroyant. Imaginez qu'un pays s'empare d'une ville comme Los Angeles, c'est un peu ça. Les Ottomans n'étaient pas avares en exactions non plus, ils ont commis plusieurs génocides, et cela a duré tant qu'a duré leur empire.

Il y a 4 heures, boeingue a dit :

c'était le bon temps !!! si  seulement pouvait empaler nos dirigeants politiques !!!

Oui, on imagine Fillon, Cahuzac, Wauquiez et les autres, lamentablement voutés au bout d'un pieu. :smile2: 

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Membre, Oiseau de nuit, pays Union européenne, 42ans Posté(e)
sovenka Membre 8 209 messages
42ans‚ Oiseau de nuit, pays Union européenne,
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Enfin, pour faire plus court : Mathias Corvin était plutôt dans le consensus et la diplomatie, aussi un vassal trop remuant de ce côté de la Hongrie ne l'arrangeait pas. Ce n'est pas pour rien non plus que son pamphlet a été rédigé en langue allemande, c'est même pour ça qu'il s'est répandu aussi vite par toute l'Europe germanophone (jusqu'à Strasbourg !) et qu'il a été réédité jusqu'au XVI° siècle.

Je me verrais bien une série sur cette partie de l'histoire européenne. Un feuilleton sérieux et bien fait, sans gousses d'ail ni chauve-souris, et où les différents protagonistes seraient montrés dans leur vie affective, pas seulement quand ils sont au combat comme dans le film roumain de 1979.

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