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Aspects de la littérature

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satinvelours

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Pierre Bergounioux, Annie Ernaux et Jean Rouaud sont aussi représentatifs du roman de soi.

Ces romans-là sont des récits autobiographiques mais qui ne s’interrogent pas simplement sur le trajet d’une vie ou la cohérence d’un destin ou la lisibilité d’une biographie, mais qui tentent de réfléchir au sujet en tant que sujet social.

L’écriture autobiographique des années 80/90 est différente des entreprises autobiographiques antérieures au sens où l’on sent qu’elle a été travaillée de l’intérieur par l’ethnologie, par la culture structuraliste des années 70. 

Cette culture est dépassée mais elle a laissé son empreinte. Une question commune à Bergounioux Ernaux et Rouaud est comment peut-on être le fils, non pas de ses parents, mais le descendant d’une France profondément rurale ou comment peut-on devenir un intellectuel, un écrivain en restant le fils d’un cafetier ou de quincaillier.

L’idée est de réfléchir en terme d’ethnologie sur la place du sujet dans un système social. Ce n’est pas simplement d’écrire une autobiographie centrée sur le trajet d’une vie ou le déploiement d’une affectivité, mais prendre en compte le fonctionnement sur les mutations sociales de la deuxième moitié du XXe siècle.

 Comment peut-on conserver la mémoire de cette ruralité, présentée par Bergounioux comme une forme de primitivité, et être moderne ?

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satinvelours Membre 3 006 messages
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« La place » Annie Ernaux, 84, est un récit dans lequel elle rend hommage, sans aucun pathos, à la figure de son père, puis « Une femme » où elle rend hommage à la figure de sa mère. 

La place renvoie à la place du café que tenait ses parents et à la question de la place qu’on occupe dans la société. Elle tente à partir d’une expérience individuelle, de réfléchir à un fonctionnement social. C’est à la fois son histoire et l’histoire de tout le monde placé dans la même situation.

« Journal du dehors » est consacré à une intimité ou une intériorité. Elle exhibe que le sujet ne peut plus s’envisager comme une monade isolée réfléchissant sur les émois intérieurs mais qu’il est à l’interface entre l’univers extérieur et son intériorité.

Se placer dedans pour écrire un journal et dehors pour rendre compte du dehors et de la place du sujet dans ce dehors. Il n’y a pas dans le déploiement autobiographique un culte narcissique de soi. Il y a un recentrage sur le sujet, après la destitution que le sujet a souffert par le biais du structuralisme et de la psychanalyse. Le retour au sujet se fait par le biais de l’ethnologie.

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  • 3 semaines après...
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satinvelours Membre 3 006 messages
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Que reste-t-il comme place pour la subjectivité, pour la question de la filiation dans la fin du XXe siècle ?

C’est une question qui obsède Pierre Bergounioux. Il est issu d’une famille profondément rurale, devenu prof puis écrivain. Il est marqué par le suicide de son père très dépressif. 

« L’orphelin » 91, qui est écrit à la première personne se pose la question du rapport entre les parents et les enfants mais à travers l’ethnologie. Il utilise la griffe de Lévi-Strauss sur l’analyse de la parenté. Que veut dire la filiation en 1990 en Occident ? 

 Il essaie d’imaginer à partir de sa propre expérience de deuil un modèle de relation filiale, une allégorie de la relation filiale qui pourrait être mise en parallèle avec d’autres modèles de relations filiales dans d’autres cultures. 

 Il s’agit de replacer le sujet au centre d’un croisement d’énergie, de conditionnement et de déterminisme culturels, sociaux, économiques, au lieu de déduire ce que l’on avait déduit des philosophies dites du soupçon que le sujet est une victime de l’histoire. Il ne peut être sujet actif, il ne peut pas se reconnaître soi-même.

 La perspective a changé. Le sujet ne peut pas se connaître soi-même, il peut s’imaginer, il ne peut pas être un acteur puissant de l’Histoire et agissant dans l’Histoire. 

Admettons qu’il en soit un produit mais on peut réfléchir à ce que signifie ces croisements entre des données biographiques, économiques, culturelles et géographiques. Dans toutes les œuvres de Bergounioux la part de la nature, du rapport à la terre, aux arbres est prédominant.

« Le premier mot » évoque son entrée en écriture du fond de cette ruralité, le saut qu’a représenté pour lui ce déplacement, non seulement social et culturel, d’entrer d’abord à Normale Sup’ puis en écriture.

Puis la part d’inhibition qui a pesé sur lui, qui pèse sur tous les êtres qui ne sont pas nés pour être programmés pour entrer à Normale Sup’ par exemple, l’effort qu’il faut faire non seulement en terme de labeur mais l’effort psychique que cela demande.

 Le premier mot évoque le premier jour où Bergounioux a pris une feuille et un stylo et s’est mis à écrire et à reconstituer ce trajet comme trajet psychique. C’est une autobiographie qui ne concerne pas seulement un sujet singulier, mais un sujet social et donc peut parler pour les autres. 

 Olivier Rolin dit à propos de la fiction de la fin du XXe siècle : c’est une fiction élucidante ou une fiction diagnostique. Raconter sa propre histoire n’a pas d’intérêt en soi, mais un intérêt pour tenter de comprendre le réel dans lequel on est pris, la réalité historique, l’ensemble des mutations sociales et comme diagnostic pour une collectivité à la fin de ce siècle .

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Jean Rouaud a été propulsé sur le devant de la scène par son livre « Les champ d’honneur » qui a obtenu le prix Goncourt en 90. Depuis Rouaud ne fait que décliner les figures familiales à partir du grand-père décrit dans Les champs d’honneur en passant par le père jusqu’à la mère.

 En 93 il écrit « Des hommes illustres » consacré à une généalogie d’hommes obscurs, c’est-à-dire des vies minuscules mais auxquelles il rend le lustre des hommes illustres, mouvement de restituer une importance à des vies singulières et ordinaires par le biais d’un roman familial. 

En 99 il publie un livre « Sur la terre comme au ciel » ou il reconstitue le discours que lui adresserait sa mère d’outre tombe  après avoir lu « Pour vos cadeaux » qui lui est  consacré.

 C’est toujours de la spéculation, de l’hypothèse, de l’imaginaire, de la rêverie sur des histoires réelles mes inconnaissables. Elles sont inconnaissables mais nourrissent notre imaginaire et donc le récit.

Le roman de soi peut donc passer par le roman d’autrui 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Le roman du monde

Sylvie Germain – Olivier Rolin

Dans les années 80 s’observe sur un plan général aussi bien en matière de politique qu’en matière de philosophie cette relégitimation du spirituel ou du phénomène religieux.

 En littérature cela se vérifie avec un certain nombre de fictions.

Relégitimation du phénomène religieux veut dire que sur un plan factuel, en dehors du champ littéraire, l’importance politique de l’église se vérifie en Amérique du Sud, en Europe de l’Est comme puissance de résistance.

Dans le champ de la philosophie un certain nombre de penseurs s’impose. René Girard impose sa pensée sur le christianisme en proposant l’hypothèse que le christianisme est une anthropologie radicalement révolutionnaire qui a inventé une façon de sortir de la violence, dans un essai intitulé « La violence et le sacré ».

 La philosophie d’Emmanuel Levinas prend le devant de la scène. Aussi bien sur un plan factuel et politique que sur un plan philosophique le phénomène d’une expérience spirituelle se vérifie. Importance aussi sur un plan scientifique, sur un plan intellectuel et conceptuel, de la phénoménologie psychique c’est-à-dire de la pensée de Jung.

Jung s’est intéressé à l’expérience religieuse et à la fonction religieuse comme une des fonctions psychiques de l’esprit. Il s’y intéresse en tant que scientifique en postulant qu’il existe un phénomène, la foi, qui est un phénomène psychique. Il tente de rendre à l’âme, la psyché, la totalité des phénomènes qui lui appartiennent et tente de rendre compte de cette expérience religieuse. 

Il y a un impact de la philosophie herméneutique, la philosophie de l’interprétation, et le déplacement de la catégorie d’une proposition de vérité, dans laquelle la philosophie pouvait être enfermée, vers une proposition d’interprétation.

 La définition de la philosophie herméneutique est qu’il s’agit de livrer des propositions d’interprétations prenant en compte éventuellement des hypothèses religieuses sur le monde.

La philosophie herméneutique en France est marquée par une sympathie pour la théologie et c’est là que s’inscrivent les noms de Paul Ricoeur et d’Emmanuel Levinas qui forment l’environnement intellectuel et spirituel des années 80. 

Le discours de des Forêts annonce de façon synthétique ce que peuvent suivre certains romanciers. Il le dit de façon théorique mais comme vérification poétique, et un certains nombre d’œuvres vérifie cette hypothèse 

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Sylvie Germain  est née en 1954. Elle écrit « Le livre des nuits » et « Nuit d’Ambre ». Ces textes datent de 85 et 87 et Le livre des nuits a été primé et remarqué unanimement par la critique. Dans les années 90 elle publie « Jours de colère » 89, « l’Enfant Méduse » 91, « Immensités » 93, « Éclats de sel » 96. Une réécriture du livre de la bible Tobie : « Tobie des marais » 98, « La chanson des mal-aimants » 2002.

Elle publie aussi des essais de spiritualité qui sont soient des fables, sortes de paraboles, soient des tentatives poétiques sur la réflexion spirituelle. « Les échos du silence » 96, « Céphalophores » 97,  « Mourir un peu » de 2000.

 Sylvie Germain a une formation philosophique. Elle n’écrit pas des romans de philosophie, elle ne réclame pas de son lecteur d’avoir une culture philosophique pour pouvoir lire ses histoires car il y a une puissance romanesque et une puissance imaginaire impressionnantes dans son œuvre. Mais cette formation philosophique est inscrite dans l’imaginaire qu’elle déploie.

 Elle est marquée par la phénoménologie de Merleau-Ponty et fait un doctorat de philosophie sur le visage et le concept de visagéité qui est le concept qu’Emmanuel Levinas a élaboré pour dire ce qui était, à son sens, l’essence même de l’expérience éthique.  

 Emmanuel Levinas est un philosophe juif, il a une formation de phénoménologie puis s’est orienté vers une réflexion de type théologique. Il a créé un néologisme pour renvoyer à cette expérience éthique essentielle, la transcendance de l’humain qui se lit dans l’exposition du visage. Au sens étymologique envisager quelqu’un, regarder quelqu’un signifie pour Levinas prendre la responsabilité de ce quelqu’un non seulement lui répondre, mais  répondre de lui. 

 Que Sylvie Germain soutienne une thèse de philosophie sur le visage en ayant une spécialisation en phénoménologie, particulièrement levinatienne, a une signification. 

 L’orientation spirituelle de l’œuvre est en cohérence avec les interrogations, les inquiétudes, les tourments qui l’habitent et la réflexion sur laquelle elle a travaillé en philosophie. Un mystère sur quoi aussi bien René Girard de son point de vue de chrétien, qu’Emmanuel Levinas de son point de vue de juif, que Sylvie Germain de son point de vue de tourmentée interrogent sans cesse, le mystère de l’incarnation. 

L’écriture romanesque lui offre la possibilité d’incarner pas des histoires et par des personnages qui ont une présence et une puissance phénoménales des questions d’ordre historique et d’ordre éthique.

 On peut lire l’œuvre en voyant l’inscription de l’histoire de l’Europe, l’histoire collective de l’Europe. 

Dans Le livre des nuits et Nuit d’Ambre s’écoule l’histoire d’une dynastie maudite la famille des Péniel. On épouse le destin de cette famille depuis la guerre franco-prussienne de 1870 jusqu’à la guerre d’Algérie.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Dans un certain nombre d’autres roman « Eclats de sel » « Immensités  » « La pleurante des rues de Prague » le champ de l’interrogation se déplace vers l’Europe de l’Est. Il y a une réflexion sur l’histoire de l’Europe de l’Est et Prague sert de lieu aux fables.

C’est une œuvre baroque, très démesurée, mais l’histoire donne un ancrage irréfutable au type d’interrogations que Sylvie Germain adresse à ses lecteurs.

 Bien sûr entre la guerre de 70 et la guerre d’Algérie il y a eu la deuxième guerre mondiale et l’holocauste. Bien sûr la question de l’extermination juive est importante dans cette œuvre mais traitée de façon elliptique et nous est adressée à travers la question de l’autre. 

 Si roman du monde il y a dans l’œuvre de Sylvie Germain c’est précisément que le roman prend en charge l’histoire collective, la raconte comme notre histoire collective européenne en l’occurrence, et prend en charge aussi le visible et l’invisible, ce qui est de l’ordre de la perception et ce qui est de l’ordre de l’intuition.

Aucun contact de la vraisemblance n’est établi entre le lecteur et Sylvie Germain. Il faut que le lecteur admette ce passage permanent, se laisse séduire par ce passage permanent entre le visible et l’invisible, ce qui est de l’ordre de la perception, de l’intuition, de la vision voire de la prophétie.

Cette œuvre est du monde puisqu’elle prend en charge le cosmos immanent et transcendant, et qu’elle associe la présence de l’incarnation, la présence de l’âme et du tourment de l’âme.

 À propos du roman « La chanson des mal-aimants » dans lequel la question de l’exclusion sociale, de la fragmentation du lien social est représentée, elle dit que ce roman lui a été soufflé par la répétition intime, intérieure d’un verset qui restait à sa mémoire « Reste avec nous, le soir tombe… », un verset biblique  (Luc : 24-29).

L’écriture romanesque est toujours soufflée par la question de l’autre et le désir de Dieu. Ce n’est pas une œuvre qui est habitée par Dieu mais par le manque de Dieu et l’absence de Dieu. Le tourment vient de là.

 Cette transmutation, cette vision, cette respiration donne lieu à une vertu réclamée à l’homme, et au premier chef au lecteur, c’est la capacité de renoncer à son scepticisme, la capacité de se laisser émerveiller. 

Dans l’inquiétude que l’on peut lire chez Bergounioux, chez Millet et le tourment chez Sylvie Germain il y a cette même sensibilité à la discordance de l’homme moderne, la solitude de l’homme moderne, à la séparation.

 Cette question de l’intégration, de l’insertion ou au contraire de la désinsertion, de l’exclusion, va au-delà des différences entre les hommes en particulier les différences de ton, les différences de style. C’est une question de nostalgie, la nostalgie d’une union, d’une communion entre les hommes, entre les hommes et Dieu, entre le ciel et la terre.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Ce souci spirituel est lisible dans le fait qu’elle a choisi d’appeler la fameuse dynastie maudite dont on suit les descendances au fil du temps dans Le livre des nuits et Nuit d’Ambre : Péniel.

Peniel  est le nom du lieu de la lutte de Jacob avec l’ange. Elle prend comme nom de famille des personnages le nom renvoyant à la lutte de Jacob avec l’ange, c’est une sorte de clé d’entrée dans son œuvre romanesque et dans le questionnement quelle adresse aux lecteurs.

Le merveilleux n’est pas pour autant nécessairement chrétien. Évidemment la lutte de Jacob avec l’ange renvoie au fond judéo-chrétien mais il y a toute une présence du merveilleux païen : L’enfant méduse, la figure d’Orphée, Demeter sont des figures de la mythologie collective donc de la mythologie païenne très présente dans son œuvre.

 Le merveilleux n’est pas accaparé, capté par le christianisme. Ce qui est important c’est cette aptitude à se laisser étonner, émerveiller par l’invisible. C’est une œuvre qui rend sa place au sacré. Autant le roman à un moment très fort de son histoire a marqué le dégagement par rapport aux questions de l’Histoire, par rapport au personnage, à l’humanisme et a fortiori par rapport au sacré, au contraire dans cette nouvelle fiction se lit l’importance du personnage de l’Histoire à l’intérieur de l’Europe, de la question de l’autre, de la question et l’expérience du sacré qui renvoient à la visagéité de Levinas.

 Dans l’œuvre de Sylvie Germain il y a toujours un personnage qui peut changer de visage et qui incarne l’autre qu’on ne veut pas, désigné pour être le bouc émissaire idéal de la communauté, celui qui va s’unir sur son sacrifice qui, dans La chanson des mal-aimants est une mendiante albinos, qui, dans Le livre des nuits est Nuit-d’Or-Gueule-de-loup dont le corps et celui de ses enfants est marqué par l’etoilement de ses yeux, une différence perçue comme maléfique.

Nuit d’Or Gueule de loup est le nom romanesque de Victor Flandrin. Il s’appelle gueule-de- loup parce qu’il renverse la peur de l’autre, la peur de l’étranger c’est-à-dire la peur du loup qui emblématise, qui synthétise le monstrueux. Il renverse cette peur en force. Lui-même devient une sorte d’allié du loup. Il porte en dehors de ses yeux la peau du loup qu’il a tué dans un duel qui rappelle étrangement la lutte de Jacob avec l’ange. Il devient un personnage mythique.

 C’est une œuvre qui entend réconcilier le haut et le bas, le ciel et la terre, l’esprit et le corps et postule une verticalité. Postule que l’incarnation et la perception du monde visible est nécessairement prolongée, complétée par l’intuition, la doublure du visible (référence à Merleau-Ponty) c’est-à-dire d’un univers que nous ne percevons pas et que nous devons deviner ou rêver, ou que des voyants peuvent prophétiser. 

 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Olivier Rolin entend, lui, prendre le monde dans son horizontalité et non dans sa verticalité, entend rendre compte du monde horizontal.

« Le tigre en papier » 2002, est un discours, un bavardage adressé, à la première personne, à la fille de son meilleur ami mort. Il y a un décalage de génération entre celui qui parle et la jeune femme à qui il s’adresse qui a 20 ans et n’a aucune mémoire par définition, ni même aucune connaissance du type de questions, ou du type d’actions que pouvait mener la gauche dans les années 70.

 Il s’agit pour Olivier Rolin de rappeler, d’expliquer à cette jeune femme, à qui mai 68 est radicalement étranger ce qu’a pu représenter, pour la génération à laquelle son père décédé appartenait, cet épisode et ce rêve d’une autre société. Il s’agit aussi de faire une sorte de bilan sur ce rêve et sur ce qu’il en reste. 

 C’est un texte qui se termine sur des accents assez subjectifs et assez émotifs par rapport aux autres textes d’Olivier Rollin. À ce niveau le monde se réduit à mai 68. Ce filtre là explique que c’est le monde dans son extension horizontale, ce n’est pas le monde de Sylvie Germain qui est un monde prolongé par une aspiration vers le ciel. Cette extension horizontale se manifeste de façon spectaculaire dans un livre qui justifie l’appellation  « L’invention du monde » 93, comme « Port-Soudan ».

 L’invention du monde est une performance, Olivier Rolin s’en explique dans le paratexte qui accompagne le roman. Il tente de présenter une journée, la journée de l’équinoxe de printemps 1999, dans le monde. Il s’agit sur un plan littéraire d’une recherche simultanéiste encore que le simultanéisme se réduise à juxtaposer des séquences qui correspondent à différents endroits du monde.

Il s’agit de rendre compte de la totalité géographique du monde et surtout de montrer qu’elle peut-être la place de l’homme, et le déplacement de l’homme dans cette expérience de mondialisation. L’invention du monde est une naissance de mondialisation littéraire.

 Il s’est fait envoyer par différents organismes de presse, dans 31 langues différentes, les quotidiens correspondant à cette journée de l’équinoxe du printemps 99. Après avoir sélectionné il a proposé un montage. Il y a une sorte de réécriture du tour du monde en 80 jours de Jules Verne.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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C’est une œuvre réaliste car tout ce qui est raconté sort de la presse quotidienne en 31 langues du monde, sollicité et désiré par Olivier Rolin.

L’œuvre  de Sylvie Germain est délirante, celle d’Olivier Rolin est délirante mais ce n’est pas le même délire. Il s’agit d’envisager à l’articulation des deux millénaires le monde comme réseau, et la place de l’homme dans ce monde. La simultanéité des événements qui se passent à divers endroits du monde, le jour de l’équinoxe du printemps 99, peut-être interprétée en terme de coïncidence fortuite, hasardeuse, en terme de causalité par réseau difficilement vérifiable.

 Ce que veut produire Olivier Rolin c’est une sorte de vertige cosmique, une interpellation au lecteur. Le lecteur est constamment pris à partie, interpellé par le  narrateur–qui n’est qu’un narrateur secondaire puisqu’il ne raconte que ce que les journaux ont déjà raconté–pour poser la question de la place dans le monde, de la mise en réseau et de la relation à ce réseau. 

L’idée, sur un plan littéraire, est que le monde perd de sa solidité, de sa substance. À force d’être partout il est nulle part.

 Le monde se dilue et notre relation au monde, notre présence au monde est une présence beaucoup plus problématique qu’elle ne l’était pas rapport à ce réseau. « Le monde, ce nuage de simulacre, cette agitation de fable, cette simultanéité affolante ne menaçait plus les livres ». Le livre redevient, et en particulier L’intervention du monde, le bénéficiaire de la farce puisque le monde s’étant réduit à une agitation affolante, le livre peut reprendre sa place. « Profitant de la faiblesse peut être passagère du monde c’étaient aux livres de prendre leur place ».

Au-delà de la performance que représente cette écriture là, ce qui semble intéressant du point de vue du questionnement c’est la mondialisation : ce que veut dire une expérience bien évidemment virtuelle par délégation, par procuration indirecte mais mondialisée et le type de vertige dans le rapport à l’espace, dans le positionnement par rapport au monde, qui peut être induite par le sujet.

C’est pour cela que l’on parle du roman du monde à propos de Sylvie Germain et d’Olivier Rolin, mais on n’est pas dans le même monde, ni cosmique ni poétique. Ce sont deux mondes différents.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Le roman philosophique

  Malraux–Sartre–Camus 

Il y a des points communs idéologiques entre ces trois figures–c’est pourquoi on les associe spontanément– idéologiques et éthiques. Ces trois figures ont condamné, combattu le fascisme et développé une idée de l’homme, une éthique de l’homme, et c’est là que les divergences apparaissent.

 Malraux est habité par une vision de l’humain quasiment mystique du terme et d’ailleurs il quittera le champ du roman, la méditation sur l’art prendra le relais de l’expérience romanesque.

Sartre est plus possédé par une idée de l’homme ce qui est différent.  On est dans la sublimité.

Quant à Camus il propose un humanisme de l’humilité, que Sartre lui a justement reproché, et se tient davantage du côté de la terre, des humbles en subordonnant les grandes idées, les dogmes à une certaine intuition de la fraternité.

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Malraux a fait des études de langues orientales, une formation d’autodidacte, et se manifeste d’un anarchisme assez libertaire en partant jeune au Cambodge en 1923 à la recherche des temples Khmers. Il sera condamné pour spoliation à trois ans de prison réduits à un an.

Il séjourne ensuite en Indochine (séjour qui aura une incidence sur son œuvre), dénonce le colonialisme et écrit un récit « La Tentation de l’Occident » en 1925. Il expose à travers de personnages fictifs la tentation que subit l’Occident de l’Orient et inversement.

 À partir de 1927 il rentre en France et s’engage contre le fascisme. Il part en Espagne organiser l’aviation républicaine en 1936. Il rejoint la résistance en 39-40 et commande la brigade Alsace-Lorraine en 45, devient ministre de l’information du général de Gaulle en 45-46. Il reviendra à ses côtés en 58 où il sera ministre des Affaires Culturelles jusqu’en 1969. Vie publique et politique qui a évidemment une résonance sur son œuvre.

 On a opposé un premier moment de l’écriture romanesque de Malraux correspondant  aux deux romans : « Les Conquérants » en 1928 et « La Voie royale » 1930  considérés comme des romans de l’individu, par opposition à ce qui advient au-delà des années 30 dans « La Condition humaine » prix Goncourt 1933, « L’espoir » 1937 ( un roman intermédiaire « Le temps du mépris 1935), où ces romans sont des romans de la communauté humaine. 

 Les Conquérants et La Voie royale racontent une ambition ou une entreprise menée par le personnage, très inspiré par la vie de Malraux. Il y a une exaltation du surhomme mais considéré dans une initiative personnelle si noble soit-elle.

Alors qu’à partir de 1933 jusque pendant la guerre c’est le rapport de l’individu et de la communauté, donc l’inscription de l’individu dans une collectivité humaine qui intéresse André Malraux.

 L’héroïsme révolutionnaire qu’il met en scène est toujours présenté comme une manifestation de la vision de l’homme et, ce qu’il appellera plus tard dans « Les noyers de l’Altenburg » et dans « Lazare », une visitation de l’humain.

La pensée que construit Malraux à partir de l’histoire ne se limite pas au champ politique mais va s’incarner à travers un comportement politique dans un premier temps. Ce qui l’intéresse c’est le face-à-face entre les personnages et la condition humaine métaphysique. 

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Dans La Condition humaine cette communauté sacrificielle est animée par un sens de la fraternité humaine : par exemple le don du cyanure à un de ses camarades pour échapper aux souffrances. Cette dimension de don de la souffrance et d’offrande illumine tout le roman.

 L’Espoir tient du reportage sur la guerre d’Espagne à laquelle Malraux a participé et la vision de l’histoire a une incidence sur le roman.

Ce qui caractérise aussi bien La Condition humaine que L’Espoir d’un point de vue littéraire est une écriture elliptique, concentrée, pas très facile, qui correspond pour Malraux à la volonté de sélectionner les temps forts de l’histoire au détriment de la pulpe du roman. Il n’y a pas beaucoup de chair romanesque. Les moments sélectionnés correspondent à des instants dramatiques au cours desquels le personnage a un choix à faire politique et philosophique. Ce qui est présenté du point de vue historique est toujours articulé à une interrogation de type philosophique ou éthique.

 La valeur de la vie est une question fondamentale qui habite chacun des personnages. « Il est facile de mourir quand on ne meurt pas seul ». La question de la valeur est en permanence posée aux personnages malraussiens, et la valeur est donnée par le rapport entre l’individu et la communauté. La fraternité ou l’inscription dans une communauté révolutionnaire est une façon pour l’homme de dépasser sa condition ontologique d’être seul face à la mort.

Il y a des passages de La Condition humaine qui font fortement songer au développement des Pensées de Pascal sur le caractère intolérable de la mort pour l’homme. Nous sommes dans l’incapacité de considérer en face ce qui nous attend. 

L’écriture aphoristique, elliptique, l’abstraction ou la désincarnation caractérisent le roman de Malraux avec une concurrence du récit par le discours. Ce choix qu’il fait de laisser plus de place au discours, par exemple L’Espoir, correspond à l’influence cinématographique sur l’écriture littéraire.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Malraux est très marqué par le cinéma. Il y aura une adaptation cinématographique par lui-même de L’Espoir, montage d’ailleurs lui aussi très elliptique.

 Il explique pourquoi son esthétique romanesque est une esthétique du montage syncopé, fracturé, choisissant les moments forts, essentiellement des moments discursifs où les personnages échangent des idées. Le dialogue est toujours dramatique puisqu’il nourrit l’action, il est en même temps dialectique puisque c’est dans le dialogue que les personnages échangent leurs idées politiques.

« Il faut que je débouche sur une éthique plus rigoureuse, sur une notion de l’homme » écrit-il en 34.

Il a l’idee que la fiction et le roman en particulier sont le meilleur moyen au XXe siècle d’exprimer le tragique. Cette fiction passe par la narration d’une histoire qui peut être réelle et historique, mais elle est surtout un moyen de concrétisation d’une interrogation philosophique qui doit déboucher sur une notion de l’homme. Le drame est toujours subordonné à cette notion de l’homme, cette injonction de l’humain. 

Dans Les noyers de l’Altenburg et Lazare, Malraux revient sur le traumatisme causé par la première guerre mondiale et commente le retour de cet épisode comme signifiant la dimension mythique  et non pas strictement historique. 

C’est le moment où, pour la première fois en 1916, l’armée allemande a utilisé les gaz  pour avoir raison du front russe sur la Vistule. Et cette attaque dans Les noyers de l’Altenburg revient dans Lazare comme une obsession.

« Cette attaque exerce sur moi la trouble et puissante action des grands mythes du nom d’Antigone et de Prométhée. L’Humanité archaïque vivait ces mythes… »

Dans Lazare, Malraux réfléchit sur l’obsession de cette attaque de la Vistule. Ce qui ne lui apparaît qu’au moment de Lazare justement c’est que cet assaut de la pitié–les soldats allemands revenant avec les corps de soldats russes gazés–qui répond à l’assaut militaire, donne une idée du sacré en pitié et du sacré en néant.

Cette dimension sacrée fait comprendre Malraux.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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 Malraux se pense comme un esprit religieux sans la foi et ne peut adhérer au christianisme en raison de la dimension sacrificielle que l’église a laissée paraître. Cette dimension de transcendance sacrée est capitale et donne un caractère de parabole à ses récits. Le roman lui paraît être un moyen efficace d’exprimer une notion de l’homme. La fiction mise en scène dans le roman est pour délivrer cette notion de l’homme ce que Malraux appelle « la part de l’homme qui cherche aujourd’hui son nom ».

 Et cette part de l’homme il la cherchera dans l’art. « Être agnostique veut dire qu’il n’y a pas de lien possible entre la pensée humaine et la transcendance absolue. Je ne pense pas que la transcendance n’existe pas. Je pense qu’elle existe fondamentalement et que les hommes ne sont les hommes qu’en liaison avec une transcendance très variable, pas forcément religieuse, mais les grandes figures de l’humanité sont toutes liées à une transcendance ». 

La part du sacré de la communauté révolutionnaire se déplacera vers l’art qui deviendra un anti destin et prendra la place de Dieu.

La part de roman est relativement peu importante par rapport à la participation politique du personnage et par rapport à la méditation sur l’art, mais elle est cohérente avec le reste de son trajet.

Il y a un mysticisme chez Malraux qui se transfère ensuite dans la méditation sur l’art. 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Il n’y a aucun mysticisme chez Sartre.

La philosophie de Sartre est définie par une idée de l’homme et non par une vision mystique religieuse de l’homme. C’est d’abord un philosophe avant d’être un écrivain.

 Dans la vie littéraire française il a la responsabilité de divulguer la pensée phénoménologique allemande et de divulguer une pensée, par opposition à la transcendance, l’immanence. Nous sommes dans le monde et nous avons toujours conscience de quelque chose. Sartre divulgue cette idée de Husserl. Cet être dans le monde et cette conscience qui est toujours de quelque chose condamne l’homme à la responsabilité.

 Nous sommes dans le monde sans transcendance et nous sommes face à quelque chose qui nous appelle, qui nous convoque, qui nous envoie un message, c’est la façon dont Sartre traduit les termes de Heidegger.

 Cette philosophie qui le nourrit il va chercher un moyen de l’exprimer en dehors de ses essais philosophiques. La littérature ou la fiction devra représenter une situation dans laquelle l’homme doit faire l’usage de sa liberté, prendre ses responsabilités, agir face à quelque chose dans le monde.  « La Nausée » apparaît comme une mise en fiction d’un système philosophique.

 Sartre écrit d’abord des nouvelles récapitulées sous le titre « Le Mur » commencées en 1937, publiées en 39, puis La Nausée en 38.

Dans les nouvelles qui composent Le Mur, il présente un ordre chronologique de l’action qui est toujours un ordre idéologique. Ce sont toujours les idées qui font agir les personnages, qui dicte l’action. « Voici cinq petites déroutes, cinq vies. Pablo qu’on va fusiller voudrait jeter sa pensée de l’autre côté de l’existence et concevoir sa propre mort. En vain. Toutes les fuites sont arrêtées par un mur, fuir l’existence c’est encore exister. L’existence est un plein que l’homme ne peut quitter ».

La répétition du mot existence prépare le terme d’existentialisme qui ne sera utilisé qu’en 43 par Gabriel Marcel.

Habiter l’existence en assumant la responsabilité, en assumant la contingence absurde du monde, c’est ce que doit représenter la fiction. La fiction est subordonnée à l’idée et à ces deux notions d’immanence et de contingence sur lesquelles insiste la phénoménologie.

L’œuvre principale est La Nausée qui, à travers le journal intime du personnage principal, propose de voir en son héros l’authenticité, c’est-à-dire un personnage qui fait face à l’angoisse à laquelle le plonge la conscience d’exister dans un monde sans signification, ou dont la signification ne peut pas lui apparaître. Un monde qui lui est étranger.

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Il y a l’influence très marquée de Kierkegaard qui a nourri la pensée phénoménologique en insistant sur l’angoisse comme la première donnée immédiate de la conscience, l’angoisse par rapport à l’opacité du monde, l’étrangeté du sujet au monde. Comment s’affranchir de cette angoisse, comment dépasser l’absurde et comment donner un sens à sa vie ?

Pour Sartre c’est davantage donner un sens que donner une valeur. Ce qu’il appelle l’authenticité par rapport à l’inauthenticité des « salauds » c’est le courage qu’il y a à assumer cette angoisse et à la dépasser soit par l’action soit par l’art.

Ce sont les réponses existentielles par lesquelles l’homme peut dépasser l’absurde. Mais pour le dépasser il faut d’abord accepter d’en prendre conscience.

 Sur le plan esthétique Sartre refuse que le récit raconte des événements. Le récit a lui aussi un caractère contingent.

Cette mission assignée à la littérature sera représentée dans un ensemble de trois romans, de 45 à 49, « Les chemins de la liberté ». Il s’agit de représenter l’homme en situation faisant usage de sa liberté. Là le roman paraît philosophique voire roman à thèse.

Dans le théâtre il faut montrer un caractère en train de se faire, puisque nous sommes la somme de nos actes : « Huis clos ».

La culture occidentale est tellement bouleversée, on ne peut plus que proposer des décisions qui sont représentées comme des choix de personnages. Ce qui est fondamental c’est que l’homme fasse le choix. Il faut faire du lecteur ou du spectateur le témoin d’une prise de responsabilité.

Il y a entre Sartre et Camus, par rapport à cette angoisse existentielle, l’étrangeté du monde et du sujet, un terrain commun. La polémique éclate entre eux à  la réception de « L’Etranger » et repose sur la volonté farouche de Sartre de dépasser l’absurde et d’être incapable de penser une chose à quoi tient Camus jusqu’au bout : le bonheur.

Sartre parle, à propos de Camus, de son humanisme étroit et têtu, et dit au sujet de L’Etranger « l’homme est un humaniste, il ne connaît que les biens de ce monde ».

Sa rage pour Camus vient du fait que celui-ci n’a jamais envisagé que l’on pouvait dépasser l’absurde. On est condamné à l’absurde. On doit prendre conscience de cet absurde, dans une hypothèse, l’hypothèse de l’agnosticisme, et y faire face mais « il faut imaginer Sisyphe heureux ».

L’absurde et le bonheur ne sont pas incompatibles. L’absurde peut s’accompagner chez Camus, alors que chez Sartre l’absurde ne peut que se dépasser. 

 

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Invité hell-spawn
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Beaucoup de trés bonnes choses ont été dites par l'auteur du sujet, certaines attirent des critiques, mais la forme n'invite pas a participer.

Les écrivains et philosophes qui ont été cités n'étaient pas froids, meme Sartre, pourquoi faire un sujet si ce n'est pour inviter au dialogue ?

S'il s'agit seulement d'afficher son érudition et sa perspicacité, c'est tout a fait vain, ça ne touchera  et n'intéressera personne.

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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 Il y a chez Camus un lyrisme, une dimension solaire d’attachement à la vie charnelle.

 « Dans le premier homme » Camus raconte son enfance et le rôle joué par son instituteur pour le sortir d’une famille et de l’amour d’une mère illettrée. Il passe aussi par la  philosophie, c’est un élève de Jean Grenier à la Sorbonne.

Il est marqué par une expérience familiale algérienne différente de celle de Sartre. Camus entre en 35 au PC mais le quitte en 37 et ne cessera de dénoncer la façon dont le PC accapare le socialisme. Le dogmatisme de Sartre s’oppose face a la liberté de Camus. Quand Sartre est professeur de philosophie, Camus est journaliste.

Il commence sa carrière journalistique en faisant des reportages en Kabylie puis, rentré en France, deviendra rédacteur en chef du journal Combat en 44. C’est un pacifiste. Au moment de la guerre il écrit des textes à un ami allemand, mais, néanmoins, prendra part à la résistance en 43 malgré sa culture pacifiste.

 Du fait de son honnêteté intellectuelle et de son antidogmatisme, Camus est animé par l’espoir, et croit après la guerre à la vertu des résistants qui devraient gouverner innocemment. Très vite la façon dont est menée l’épuration le convaincra que résistance ne rime pas nécessairement avec vertu, ni innocence. 

Jean Paulhan qui vient lui-même de la résistance écrit une lettre aux directeurs de la résistance en 1951, Camus se joint à lui dans l’idée que ces directeurs  se sont transformés en directeurs de conscience. Les tribunaux d’exception mis en place ne font pas honneur à la résistance ni à l’idée de la légitimité. Cette distance critique de Camus agace Sartre.

 D’un point de vue littéraire, en dehors des textes « Noces » et « L’Eté » consacrés à la dimension solaire de l’Algérie, Camus écrit trois romans importants : « L’Etranger » en 42 « La Peste » en 47 « La Chute » en 56.

 Dans La peste et La chute il y a l’obsession du mal sans rédemption. L’Etranger est un livre absolument capital par le bouleversement qu’il a opéré dans la présentation du personnage, du rapport du personnage à soi et du rapport du personnage au monde (annonce Beckett et  « Molloy »).

Ce qui est important c’est la neutralité du personnage par rapport à l’événement tragique, pathétique qui arrive. L’implication du personnage n’est pas possible et ce non-savoir deviendra après la guerre, 10 ans plus tard chez Beckett, non seulement « je ne sais pas », mais « je ne peux pas » savoir et n’aurai jamais les moyens de savoir.

Ce roman propose un exposé neutre, dans un style oral, télégraphique, très parataxique avec très peu de phrases complètes, et présente l’opacite du monde et de soi.

Dans la deuxième partie le personnage va commettre un meurtre sans savoir pourquoi exactement, sauf qu’il a été ébloui par le soleil, et refuse la visite de l’aumônier et la confession.

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Invité hell-spawn
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Il y a 5 heures, satinvelours a dit :

L’Etranger est un livre absolument capital par le bouleversement qu’il a opéré dans la présentation du personnage, du rapport du personnage à soi et du rapport du personnage au monde (annonce Beckett et  « Molloy »).

Ce qui est important c’est la neutralité du personnage par rapport à l’événement tragique, pathétique qui arrive. L’implication du personnage n’est pas possible et ce non-savoir deviendra après la guerre, 10 ans plus tard chez Beckett, non seulement « je ne sais pas », mais « je ne peux pas » savoir et n’aurai jamais les moyens de savoir.

Plutot l'indifférence de "l'étranger" au monde, et donc a ce qui l'entoure.

Un homme qui n'arrive pas a s'attacher aux etres, qui vit dans absurde.

Mais qui  réalise au moment de mourir qu'il a vécu de la meilleure des façons car il a vécu en conformité-complicité avec un monde pareil a lui, c'est a dire froid et indifférent, un monde absurde.

"L'étranger" est un roman pessimiste, alors que le "sisyphe heureux" est presque son contraire.

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