Aller au contenu

Don Quichotte


Blaquière

Messages recommandés

Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
Posté(e)

J'ai trouvé pire que le précédent : accrochez-vous !

Don Quichotte

 

Un bruit bizarre attira l’attention de Je. Il se retourna. Et vit.

Ou plutôt aperçut.

Là-bas au loin, au bout de la très longue ligne droite qui aboutissait ici, devant la coopérative où il se tenait présentement, une forme imprécise arrivait poussant des hurlements de ferraille.

Loin, très loin, puis moins loin et de moins en moins loin jusqu’à ce qu’il discernât tout-à-fait bien.

C’était un camion citerne !

Mais couché sur le flan. Il continuait sa progression vers Je en dépit des forces de frottement proprement colossales compte tenu de la rugosité moyenne du revêtement asphaltique et de la dureté coutumière des matériaux métalliques composants essentiels des camions citernes de cette époque. Subséquemment, le camion couché en question devait être très lourd et plein et sa vitesse initiale élevée.

Il s’en venait ainsi couché sur le côté vers le bâtiment de la coopérative qu’il atteindrait probablement d’ici peu.

Je saisit par le bras la passante ci-jointe qui n’avait rien vu, dans l’intention manifeste de lui sauver la vie et il se mit à courir, la tirant plein Sud en direction de la station service. Cette direction étant perpendiculaire à celle suivie par le camion couché grimaçant et grinçant et froissant de ses tôles.

Et c’était comme dans un rêve (!) : Je courait et courait entraînant la passante sans avancer du tout ! Dans ces cas là une seule solution s’impose : s’appliquer ! Courir posément. Quasiment à l’arrêt. Décomposer ses mouvements, les rendre intelligibles jusqu’à ce qu’il devienne évident par trop de démonstration que l’on court et impossible de prouver le contraire. Car dès lors, on avance vraiment. Comme au théâtre. Il faut en faire trop pour qu’il en reste un peu...

Je et la passante (qu’il n’avait ab-so-lu-ment jamais vue auparavant du tout) finirent donc par s’éloigner du point d’impact probable --du camion citerne couché sur le côté-- qu’était la coopérative.

En effet, dans la mesure où tout avait commencé à la coopérative, il était impossible que le camion remontât au-delà : c’eût été avant le commencement...

Ils couraient donc dans une rangée de vigne fraîchement labourée. Le vacarme s’accentuait. Le camion infreinable arriva bientôt au niveau de leur point de départ. De frotter si puissamment sur la route rugueuse, il s’était considérablement usé. Il n’était plus que l’ombre de lui-même ou plutôt que sa propre moitié.

Mais une moitié de camion citerne, ça fait encore beaucoup !

PAFF!!!

Il en éclata ! Littéralement. Contre l’imposte de la coopérative ! Des jets d’essence fusèrent en tout sens comme ces fontaines spectaculaires de grandes villes et même de Versailles. Maints passants en furent aspergés.

Puis plus rien !

Je s’en étonna. Il était même un peu déçu. Tout ce produit inflammable et volatil à souhait avait recomposé dans la rue une atmosphère particulièrement explosive et maintenant que Je et sa passante en étaient éloignés de quelques centaines de mètres, il n’y avait qu’à laisser s’enchaîner les événements... Espérer qu'ils s'enchaînassent !...

Ne se passerait-il donc rien d’autre ?

«  Il serait bien surprenant que pas une seule personne de la population ne commît la moindre imprudence étincelaire... »

J’attends ! » disait Je.

Il attendait. Lui et la femme aussi, essoufflés de leur course.

Et d’un coup, ça partit ! D’on ne sait où. Dans un grand bruit de chalumeau : un grand...

FRRROUOUOUFFFF !

La Coopé se transforma en un immense brasier avec sa porte qui brûlait... Les passants naguère aspergés du liquide essentiel odorant et sipide couraient en tous sens comme des torches qui courent en tous sens. Ce qui avait bêtement pour effet d’attiser leur combustion ! Les flammes jaune vif, rouge-orangé dansaient derrière eux dans le sens opposé à leur déplacement et s’estompaient au bout de quelques mètres en une épaisse fumée noire. Un spectacle... magnifique dont on eût pu jouir sans se lasser !

Par le souffle de l’explosion Je était tombé à la renverse dans la rangée de vignes et la femme inconnue, qui lui courait après (puisque c'est Je qui la tirait) bascula au dessus de lui. Elle tomba à califourchon et voyez comme c’est étrange, la jupe retroussée et les jambes écartées bien au niveau des anches de Je. D’autre part, le souffle de l’explosion —toujours lui—, (à moins que ce ne fut la chute et son raclage contre les mottes rêches de terre dans la rangée de vigne) avait en partie déchiré le pantalon de Je qui s’en trouvait déculotté jusqu’au genoux...

Il lui suffit donc avant que la passante n’y prît garde d’un petit —mais brusque et précis— mouvement sur le côté pour qu'il la pénétrât d’un coup sec et profondément. Jusqu’à la garde.

LE CŒUR DES FEMME:

Oh!

De surprise, ses yeux s’écarquillèrent comme sous l’effet d’un choc. Son corps entier fut secoué d’un spasme bref mais inoffensif, façon hoquet.

« Je viens de lui sauver la vie, elle va pas chipoter non ?... manquerait plus qu’elle se plaigne! » se dit Je, chevaleresquement.

LE CŒUR

Il y a du Don Quichotte en Je!

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×