Aller au contenu

Vauban, l'inventeur de la France moderne

Noter ce sujet


January

Messages recommandés

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Reprenons : nous avons déterminé la face la plus exposée de la place à prendre, on choisit l’axe des tranchées de cheminement qui seront creusées en zigzag. Elles seront reliées aux tranchées parallèles parce qu’elles font face aux défenses adverses. C’est de la troisième parallèle (40 m de l’enceinte) qu’on tirera sur les fortifications pour les abattre. C’est de là aussi qu’on creusera des sapes (tunnels) qui pourront servir à pénétrer dans l’enceinte, ou encore à y déposer des explosifs pour faire tomber un peu plus l’enceinte.

Vauban perfectionne le système des parallèles. Elles réunissent les troupes avant l’assaut, elles relient les tranchées de cheminement, elles servent de défense non seulement contre une armée secourant les assiégés, mais aussi contre une éventuelle sortie de ces derniers.

Ce système nous rappelle évidemment la première guerre mondiale : c’était exactement le même. Les  poilus montaient à l’assaut depuis les parallèles, baïonnette au canon. Une baïonnette à douille : une invention de Vauban.

  • Like 2
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant
Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Continuons : Outre les parallèles, Vauban invente les cavaliers de tranchées. Ce sont des terrassements en hauteur d’où les assaillants peuvent avoir une position surélevée par rapport à la place assiégée. De là, on envoie des tirs en ricochet. Qu’est ce que c’est ? Eh bien on tire en enfilade au ras des remparts avec une charge de poudre réduite. Le boulet rebondit au sol et ricoche contre les obstacles, infligeant des dommages sur une longue distance au lieu d’un seul point d’impact.

Vauban a bien compris également que les soldats rechignent à toute activité autre que le combat (en plus d’être incompétents). Conclusion, ce ne sont plus les mêmes hommes qui travaillent du pic et de la pelle avant de s’armer et de monter à l’assaut. Ainsi sera créé le corps des sapeurs (souvenez-vous de ce qu’est une sape) et des mineurs.

« La précipitation dans les sièges ne hâte point la prise des places, la recule souvent et ensanglante toujours la scène ». On imagine bien de quelle façon Vauban pouvait être détesté des généraux…

 Il a donné à l’armée de Louis XIV un savoir-faire trop sophistiqué pour être copié rapidement. Malheureusement, ce savoir passera entre les mains ennemies par une décision inique, un navrant épisode de « la fuite des cerveaux », qui a pour origine la révocation de l’Edit de Nantes.

Le très catholique Roi Soleil interdit aux protestants certaines activités professionnelles. A la fin, ils n’ont plus que le commerce et l’industrie. Sur les chantiers de sièges, Vauban travaille avec nombre d’ingénieurs et d’entrepreneurs protestants. Lorsque la révocation de l’Edit de Nantes les privera de vivre selon leur foi, ils quitteront la France et leurs compétences seront fort bien accueillies à l’étranger…

  • Like 2
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

A cette époque, la France n’aura connu que 24 années de paix pour 53 ans de guerres, on comprend pourquoi la période correspond  à une évolution significative de l’armée Française ainsi que d’autres états européens.

On considère que l’armée de Louis XIV est l’œuvre des Le Tellier père et fils tandis que sa marine serait celle de Colbert puis de Seignelay. Or, en ce qui concerne l’armée, il semble que Vauban doive être pour le moins associé à une bonne part des progrès. Il dispose de capacités d’analyse dont les militaires sont dépourvus. Au départ, il pointe les défauts de l’armée. Mais ensuite, il se fait une idée de plus en plus précise de ce que devrait être une armée idéale. Et c’est encore bien plus que ça puisque Vauban dans ses écrits estime même que l’armée doit trouver sa place au sein de la société. Il pense qu’il ne s’agit plus que de stratégie et de tactique, mais aussi d’économie, de technique. Et ces choses-là, il en imagine des applications civiles.

Réfléchissons : la question est de définir une armée à la juste dimension du royaume. Une armée nombreuse ne saurait occulter le fait que le pays a besoin de bras pour vivre, combien de soldats le pays peut-il s’offrir ? De combien de moissonneurs et d’ouvriers a-t-il besoin ?

En 1690, 450 000 hommes sont mobilisés pour… 20 millions d’habitants. L’effort est disproportionné, Vauban s’attelle à trouver un compromis entre les objectifs stratégiques du Roi Soleil et les capacités démographiques et économiques du pays.

 

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Vauban propose des milices. C'est-à-dire des organisations militaires sans pour autant extraire les hommes de la vie civile, principalement pour les régions côtières et frontalières. Il a raison, qui pourrait mieux défendre ces régions vulnérables mieux que leurs habitants ?

A terme Vauban entend mener une étude approfondie du royaume, population, richesses  naturelles, agriculture, artisanat etc… Alors il serait possible d’envisager une politique économique reposant sur une connaissance objective du pays. Il veut créer ni plus ni moins qu’un outils statistique destiné à gouverner mieux la France. Son idée est révolutionnaire, et son travail incroyable parce-que oui, il va le faire ! D’abord sur ses propres terres, et sa « Description géographique de l’élection de Vézelay » est demeuré, jusqu’au XIXe siècle, un parfait modèle d’étude statistique. 36 rubriques chiffrées dans un tableau permettent de tout savoir ou presque en un coup d’œil. Un texte agrémente ses relevés.

Et il n’a pas du là non plus se faire que des copains. Par exemple, lorsqu’il met en cause les fermiers généraux :

« Cinquante mille fripons, sans compter leurs croupiers qui pillent impunément le royaume et qui profanent incessamment son nom, par le mauvais usage qu’ils en font, seraient réduits à gagner leur vie et à payer comme les autres. »

Evidemment qu’une connaissance objective du pays permettrait de déterminer à partir de quel moment la pression fiscale devient intolérable. Mais ne perdons pas la question de départ :

Sur combien d’hommes l’armée du roi peut-elle compter ?

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

En dehors de la capacité de Vauban à analyser les problèmes militaires, il n’en demeure pas moins proches des hommes. Et il affirme sans détour :

« Ils en sont pour deux sols pour chaque livre de viande en déduction de leur solde. Tellement qu’il ne leur reste pas tout à fait un sol par jour des cinq sols de leur solde, ce qui n’est pas capable de suppléer au mauvais pain qu’on leur donne, il s’en faut beaucoup. C’est pourquoi ils sont toujours à la faim et à la soif. Et comme l’estomac est un créancier impitoyable qui ne donne point de quartier, ils sont contraints de chercher ce qui manque à leur nourriture où ils peuvent et comme ils peuvent. Mais ne trouvant point qui leur donne, ils en prennent à toutes mains aux dépens de qui il appartient et toujours en faisant désordre et en s’exposant à mille périls par les ennemis et par ceux qui en sont pillés. Cela même fournit aux mal-intentionnés des occasions de déserter, qu’ils ne manquent pas. »

La solution ? S’attaquer aux fournisseurs malhonnêtes en ouvrant le marché du ravitaillement à une multitude de commerçants locaux. Ca évite les petits arrangements entre fournisseurs et officiers généraux. Mais là, Vauban oublie une chose : le commandement d’un régiment est une charge dont le titulaire entend bien tirer le maximum de revenus. Il le sait bien lui, qui s’est vu octroyé plusieurs compagnies…

Le commandement est une charge vénale. On l’obtenait par achat auprès du roi ou par gratification pour service rendu, on pouvait même vendre sa charge à un particulier avec autorisation royale, alors à partir de là… Le capitaine reçoit une somme fixe par soldat, à lui de fournir ce dont ont besoin ses hommes, et…d’en tirer bénéfice.

Cette façon de remettre à la « tête » une somme d’argent pour tout le monde existe encore bel et bien. Oui, vous ne voyez pas ? Et les offices ministériels alors ?

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Petit pois
Invités, Posté(e)
Invité Petit pois
Invité Petit pois Invités 0 message
Posté(e)
Révélation
il y a 49 minutes, January a dit :

Cette façon de remettre à la « tête » une somme d’argent pour tout le monde existe encore bel et bien. Oui, vous ne voyez pas ? Et les offices ministériels alors ?

Exactement ce que j'ai pensé en te lisant !! ;)

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)
à l’instant, Petit pois a dit :
  Masquer le contenu

Exactement ce que j'ai pensé en te lisant !! ;)

 

C'est quand même incroyable depuis des siècles on sait que ça ne marche pas ! Et en fin de compte depuis toujours. Mais les privilèges....arf..

 

On imagine bien les frustrations et les révoltes qu’un tel système a pu entretenir, étant bien entendu que l’avantage dont on bénéficie soi-même est toujours mérité tandis que celui qui vous échappe relève de l’injustice.

Vauban propose des honneurs et de petites pensions pour des actes de vigueur, comme par exemple : «  Avoir tué deux ou trois ennemis dans une même occasion où on se sera porté premier » Il liste une vingtaine d’actions du genre.

Il veut aussi remédier aux différences de fortune entre officiers. Dans la même logique, il préconise une indispensable progression hiérarchique Dans les grades et les fonctions qui correspondent. Et il prévoit une sorte de cours supérieur pour les officiers de grade élevé.

« La guerre ne doit point exclure ses officiers de la connaissance des belles-lettres, au contraire, je ne crois guère de profession où elles soient plus nécessaires que dans celles des armes. »

En fait, ce qu’il veut c’est « l’école de guerre » d’aujourd’hui. Il veut aussi qu’on leur donne des congés, il part du principe qu’il n’y a rien de pire d’être loin de sa famille et de sa terre pendant des années.

Tout ceci paraît aller de soi, mais sous la monarchie, et bien non, ça n’allait pas de soi.

Vauban refuse de voir les militaires comme des êtres spéciaux, déconnectés des Français et uniquement destinés à combattre et à mourir pour le roi.

Vauban envisage tout simplement l’armée du point de vue de ce qu’on appelle aujourd’hui « les ressources humaines ».

 

 

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Petit pois
Invités, Posté(e)
Invité Petit pois
Invité Petit pois Invités 0 message
Posté(e)
il y a 1 minute, January a dit :

C'est quand même incroyable depuis des siècles on sait que ça ne marche pas ! Et en fin de compte depuis toujours. Mais les privilèges....arf..

" Les français ont horreur des inégalités mais ils adorent les privilèges. Pourtant les inégalités, c’est le nom que tu donnes aux privilèges des autres. ......on ne nous dit pas tout! " ( Anne Roumanoff )  

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Vous allez me dire, oui mais Vauban n’était pas le seul à penser aux soldats, Louvois aussi, lui qui est à l’origine de l’hôtel des Invalides. Mais Vauban va plus loin que Louvois et analyse : il y a des invalides « parfaits » (aveugles, manchots des deux bras…) complètement inemployables et il y a des invalides « imparfaits », ceux qui peuvent encore garder les bêtes ou servir de portier, etc… Il veut carrément un cadre social et des pensions pour eux. Et il a cette remarque judicieuse :

« En voyant le soin que le pays prend de ses militaires invalides, les jeunes gens s’enrôleraient plus facilement et les soldats seraient moins tentés de déserter. »

La plus militaire des réformes conduites par Vauban sera l’armement individuel du fantassin. Dans l’infanterie, on trouvait des mousquetaires et des piquiers. Les premiers étaient armés d’un mousquet et d’une épée (mousquet dont Vauban dira qu’il ne tire juste que par hasard…), les seconds comme leur nom l’indique, d’une pique et d’une rapière.

Tiens, revenons sur le mousquet : c’est atrocement long de tirer avec un truc pareil, pas moins de huit manipulations avant que le coup ne parte (ou pas), et pas souvent dans la cible. Alors que le fusil existe !! Il imposera le fusil, le sien (oui on parle bien du fusil Vauban). Deux dispositifs de mise à feu, un peu plus de 4 kg et 1m63, cette arme va transformer l’infanterie, par l’apport d’un accessoire : la baïonnette à douille dont nous avons parlé plus tôt. La lame est longue de 60 cm et montée sur un cylindre creux dans lequel passe le canon du fusil. C’en est fini des mousquetaires et des piquiers.

Mieux : il met en place la standardisation des munitions et la gestion de celles-ci.

 

 

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Mais revenons à nos bastions ;)

Trois systèmes mis en application par Vauban :

- Premier système, les bastions de grandes dimensions, abondamment garnis de pièces d’artillerie. Bastions soutenus par des ouvrages avancés (tenailles et demi lunes), des défenses édifiées à la perpendiculaire des chemins couverts (traverses). Typiques de ce premier système, Lille, Maubeuge, Sarrelouis, Longwy et Phalsbourg.

- Deuxième système, l’enceinte est doublée, les bastions détachés du corps de place. L’assaillant doit prendre deux enceintes. Typique : Belfort, Besançon, Oléron.

- Troisième système, amélioration du deuxième où l’enceinte devient une succession de bastions et de demi-lunes : Neuf Brisach.

Bien sûr Vauban envisage des dispositifs de défense, mais il pense aussi à l’urbanisme qu’implique cette défense et aux questions économiques qui en découlent comme au rôle des populations civiles lors d’un siège.

Jusqu’aux guerres de Louis XIV, lorsqu’une ville devait être défendue, la garnison logeait chez l’habitant. Et il n’y avait pas que pour les habitants que c’était malcommode mais aussi pour la garnison éparpillée un peu partout. Vauban va prévoir des casernements. Il sépare également la vie civile et militaire en aménageant une grande esplanade entre cité et zone militaire. En tant de paix elle sert aux foires et aux marchés, et en tant de guerre elle pourrait servir pour un dernier combat de la citadelle (Neuf Brisach offre une représentation parfaite de l’urbanisme vu par Vauban).

  • Like 2
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Lorsqu’il réfléchit à la meilleure manière de mettre une ville en état de soutenir un siège, cela amène Vauban à s’interroger au sujet des stocks. Pour lui, il ne saurait être possible qu’un siège dure plus de 48 jours. Par conséquent, inutile d’entasser trop de vivres qui profiteraient à l’ennemi en cas de prise de la ville. Il réfléchit à la valeur économique et financière des stocks de vivres, ainsi il va déterminer la quantité nécessaire de blé pour la ville de Paris, stock qu’il faudra acquérir petit à petit, lorsque les prix sont bas sur le marché. Il pense également que ce blé pourra être revendu à la population à prix modique quand les coûts flamberont sur le marché.

On voit à quel point Vauban pense loin, les stocks de blé sont pour lui un intérêt économique en tant de paix : amortir les variations du prix du blé en le vendant à la population lorsque de mauvaises récoltes sont cause de prix élevés, et en l’achetant lorsqu’une surproduction entraîne une chute des prix. Vauban vient d’inventer le principe du cours des marchés soutenu par l’Etat.

Qu’en est-il des civils assiégés ? Vauban a tout prévu, c’est lui (encore lui), le forgeron de la « défense passive ». Secourir les blessés, lutter contre le feu, toutes les précautions sont décrites dans les moindres détails :

« Démeubler longtemps auparavant les maisons, en sortir les matières combustibles… » « Faire dénombrement de tous les arts et métiers les plus propres à l’extinction du feu… » « Séparer toutes les maisons de la ville en six quartiers…Y établir des brigades…Faire provisions de seaux et paniers goudronnés, échelles, haches, crochets… » 

  • Like 2
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Vauban parvient à considérer les problèmes du royaume dans un vaste ensemble cohérent. De là, il lui sera naturel de trouver des applications civiles aux techniques militaires. C’est ainsi que l’hydraulique défensive fait de Vauban un spécialiste de l’alimentation des canaux. Cette méthode, expérimentée pendant la guerre de Hollande, laissera l’armée française devant des étendues infranchissables. En effet, cela consiste à inonder des fossés pour les rendre impraticables.

Pour Vauban, les infrastructures doivent être conçues autant pour la guerre que pour la paix. Il aménagera des rivières et percera des canaux lors de sièges. Naturel ici aussi qu’il ait l’idée d’un vaste réseau de canaux permettant aux marchandises de sillonner la France.

 

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

En 1696, Vauban rédige trois longues notes qui se lisent comme une série d’avertissements à Louis XIV. Vauban est très préoccupé par l’issue de la guerre d’Augsbourg et par des informations de négociations qu’il a pu obtenir. Dispositif de défense du pré carré, éventuelle offensive en Italie, menace sur le nord et l’est de la France. Il laisse envisager rien moins que le pire, puisqu’il expose les principes d’une paix conclue à l’échelle européenne, avec une liste des places qu’il serait prudent de sacrifier avant qu’il ne soit trop tard ! Sa logique est claire : « Mieux vaut tenir que courir ». Il faut établir des frontières naturelles pérennes.

Vauban invente donc la notion de pré carré. Où cette expression trouve-t-elle son origine ? Vauban l’utilise pour la première fois dans une lettre adressée à Louvois en 1673 :

Sérieusement, Monseigneur, le Roi devrait un peu songer à faire son pré carré. Cette confusion de places amies et ennemies mêlées ne me plaît point. Vous êtes obligés d’en entretenir trois pour une, et j’ajoute qu’il est presque impossible que vous les puissiez toutes mettre en état. Je dis de plus que si dans les démêlés que nous avons avec nos voisins nous venions à jouer un peu de malheur, la plupart s’en iraient comme elles sont venues. C’est pourquoi par traité ou par une bonne guerre, si vous m’en croyez, prêchez toujours la quadrature, non du cercle, mais du pré ; c’est une bonne chose que de pouvoir tenir son fait des deux mains.

A l’époque, faire son pré carré signifie, pour un propriétaire : acquérir les terres voisines. Depuis Vauban, la notion de pré carré désigne plutôt un domaine réservé sur lequel il n’est pas question que quiconque empiète.

 

 

  • Like 2
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Le pré carré de Vauban constitue un petit chef-d’œuvre de stratégie.  A grande échelle, il s’agit de déterminer à l’avance quelles agressions sont susceptibles de se produire et à plus petite échelle, de comprendre d’où cette menace viendra. Ce sont donc de vastes systèmes défensifs auxquels pense Vauban. Chaque place forte devra pouvoir en appuyer une autre ou d’en recevoir les secours. De Dunkerque à Dinant et de Gravelines à Stenay, 29 sites en tout. Un véritable échiquier !

Vauban se déplaça sur cet échiquier durant toute sa carrière. Vauban a pour principe de voyager toujours plus rapidement, faisant étape en fonction des exigences de sa mission. Pour donner une idée de la vitesse à laquelle on voyageait à l’époque, disons que s’il fallait parcourir 100 km dans la journée, il fallait aller de relais de poste en relais de poste en changeant quatre fois de cheval. Mais le moyen de locomotion de prédilection de Vauban est la basterne. C’est une chaise de voyage portée par deux chevaux, spécialement conçue pour deux personnes en vis-à-vis. Ainsi, cela permet à Vauban de dicter à un secrétaire ses observations au fil des chemins. Mais on s’interroge encore sur cette fameuse « basterne ». A-t-elle vraiment existé ? Pourquoi Vauban, inventeur, homme de détail, n’aurait jamais insisté sur ce moyen de déplacement ?

Vauban utilise aussi les voies fluviales, chaland pour parcourir la Flandre ou coche d’eau pour descendre le Rhône. Sur la côte, il utilise des chaloupes de la marine.

Ce sont des milliers de kilomètres que Vauban aura parcouru pendant sa carrière. Et pour l’époque, ce n’est pas rien. Les spécialistes estiment qu’au total, Vauban n’aurait passé dans sa résidence de Bazoches qu’une vingtaine de mois.

 

  • Like 1
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

A l’époque pas de Google Earth. Hé oui, pensez-y, on a peine à mesurer la modernité de la hauteur de vue de Vauban, comment faire à l’époque pour ériger ce système défensif sur les frontières naturelles du pays ? C’est à César François (Cassini III) qu’on doit la première cartographie moderne de la France. A partir de ce travail, Vauban envisage immédiatement l’édition d’atlas enrichis d’informations diverse. Il propose la codification des légendes. Mais attention, quand Vauban établit ses places fortes, il ne possède pas encore ce précieux outil.

Vous n’avez pas forcément en tête la géographie des massifs montagneux qui constituent les frontières naturelles de la France (rassurez-vous moi non plus !). Comme je ne voudrais pas alourdir mon récit avec une longue liste de villes et de réalisations, je vous propose plus simplement des cartes.

Ici, la France de Vauban :

Vauban_La_France_de_Louis_XIV_Recadre.jp

 

Ici, la carte des fortifications modifiées ou érigées par Vauban :

Vauban_France.jpg

 

La tâche était particulièrement ardue et a suscité de nouvelles innovations architecturales sur les côtes : tours d’observation ou d’artillerie, forts érigés en pleine mer. Partout Vauban a imaginé ce que pouvaient être les assauts maritimes et son ingéniosité n’a pas eu de limites. On le voit avec « la tour Vauban » (initialement Vauban lui donna le nom de Tour Dorée) à Camaret, recouverte d’un enduit à base de brique pilée qui lui donnait le plus vif des éclats. En 1694, les anglo-hollandais tenteront un débarquement : ils renonceront au bout de trois heures et après avoir perdu plus d’un millier d’hommes.

 

 

  • Like 2
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Une fois tout ce travail réalisé, il reste la protection de Paris. Seulement voilà, protéger Paris ? C’est presque un crime de lèse majesté ça, et ça coûte cher à l’époque ! Cela revient à dire que l’armée royale ne serait pas capable de bouter les ennemis hors du royaume ? (il était vachement susceptible le Roi Soleil…)  Vauban usera de toute sa diplomatie et établira néanmoins un projet de protection de la ville, plusieurs bastions et deux citadelles. Il ne sera pas suivi. Son projet dérange. Non seulement le Roi est susceptible mais en plus, Paris est son écrin : on ne touche pas. Et voilà que d’autres s’y mettent : les fermiers généraux et spéculateurs associés. En effet, si Vauban comme ailleurs impose ses réserves de grain, aurevoir toutes leurs arnaques.

Pourtant hein, deux siècles plus tard, que se passe-t-il ? Hein ? J’vous l’donne en mille : la chute de Napoléon, et plus tard le terrible siège des Prussiens. Et finalement quoi ? Entre les deux évènements, on ressort le projet, et on fortifie la ville en 1840 et en 1846.

  • Like 2
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Invité Petit pois
Invités, Posté(e)
Invité Petit pois
Invité Petit pois Invités 0 message
Posté(e)
il y a 6 minutes, January a dit :

Oh merci pour le magnifique lien ! :fleur:

 

Merci à toi, January pour ton récit passionnant  et talentueux  :)

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Modérateur, ©, 108ans Posté(e)
January Modérateur 62 114 messages
108ans‚ ©,
Posté(e)

Vauban qui a entouré le royaume d’une ceinture de fer va comprendre néanmoins, et parmi les premiers, que l’avenir du pays se joue bien au-delà des océans. Il est conscient que l’armée royale ne peut rien contre les convictions religieuses par exemple, de ceux qu’elle prétend combattre. Vauban pense à la Hollande par exemple, qui tire une fortune du commerce des épices en provenance de Batavia. Il admire ce petit pays qu’il estime au rang de la France si puissante. Euh… Ouais, il le dit pas trop fort hein ? Sinon paf ! Crime de lèse-majesté.

Il va commencer par chiffrer avec une précision diabolique (comme d’habitude quoi), le développement d’implantations françaises en Amérique du Nord. Coûts, méthodes à suivre, organisations des colonies, rien n’est oublié. Et le voici face à un nouveau défi : si la défense des frontières maritimes de la France est une question théoriquement résolue, la protection du commerce transocéanique est une autre paire de manches. Il faut de puissantes flottes, militaires ou marchandes, pour créer et défendre un empire colonial, et il faut maîtriser les océans. De petits bâtiments de guerre pourraient protéger les flottes marchandes des corsaires, non seulement ça, mais il faut également penser des navires qui pourraient perturber le trafic marchand des puissances adverses.

 

Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Rejoindre la conversation

Vous pouvez publier maintenant et vous inscrire plus tard. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

Chargement

×