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Le voyage initiatique dans le monde des morts


Constantinople

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Constantinople Membre 18 329 messages
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Le monde des morts est généralement présenté dans les religions/mythologies comme hermétiquement (sans mauvais jeu de mot) clos et théoriquement innaccessible aux vivants. Il est pourtant souvent visité, que ce soit en songe, en expérience mystique, ou même physiquement par des hommes. On peut quasiment dire que chaque religion posséde un ou des récits  de voyage aux enfers, qu'on rattache à deux types ; Soit pratique pour ramener un défunt dans le monde des vivants (souvent un récit héroique dans les mythes polytheistes), ou alors dans un cadre chamanique pour guider le défunt vers son ultime séjour. La deuxième catégorie de voyage qui se fait plus généralement en esprit a une finalité souvent pédagogique : Il s'agit de visiter les lieux afin d'en dévoiler aux vivants la nature. Ces voyages se font à l'initiative du Dieu, dans le but d'en révéler une vérité cachée. Le premier cas est comme un raid, alors que le second est une visite organisée mais dans tous les cas, un guide est invariablement nécessaire : Un mort, une créature spirituelle, car le monde des morts est par nature piégé et ne peut être que désamorcé que par une expérience surnaturelle.


Les mythes Akkadiens et Sumériens racontent des périples infernaux : Un des plus fameux, dans l'épopée de Gilgamesh, est celui de la déesse Inanna, Reine du ciel, déesse de la guerre et de l'amour. Elle descend aux enfers pour visiter Ereshkigal qui règne sur les lieux. Un voyage aux atours initiatiques puisque chargé de symboles : Elle doit franchir sept portes et à chacune un gardien lui demande de retirer un vêtement ou un bijou si bien qu'elle se retrouve nue à la fin du voyage. On peut y voir du Freudien avant l'heure dans cette épisode car il y a un coté éros et thanatos, mais plus conventionnellement, cela symbolise la nudité de l'âme face aux dieux des enfers. Ishtar (autre non d'Innana) elle même doit s'y soumettre et piegée, ne pourra s'echapper que par l'intervention de son pére, et le sacrifice de son Mari qui doit prendre sa place.

La Mythologie Grecque utilise souvent le même type de voyage au royaume des morts : Dans la premiére catégorie des héros font un coup de force pour aller chercher un être cher. Exploit ardu qui necessite l'intervention des Dieux eux même : Si Hercule délivre Thésée, si Dionysos récupérè Sémélé, la tentative d'Orphée est un échec. C'est par le pouvoir de sa Lyre et ses son harmonieux qu'il tente de vaincre la mort : Descendu pour ramener son épouse Eurydice il charme tous les habitants du monde des morts...Les suppliciés grâce au pouvoir de l'harmonie et de l'amour symbolisé par la musique connaissent un répit et ces éléments triomphent ainsi symboliquement du mal et de la mort...Mais piégé par Hadés, qui consent à lui la rendre à condition qu'il ne se retourne pas une fois pour la voir, il est saisi d'un doute et  il craque pour vérifier si elle le suit vraiment, et elle s'évanouit...Hadés le piège par l'amour même qu'il porte à Eurydice et retourne ainsi la victoire précédente.

Les autres voyageurs Grecs ont pour but de rencontrer quelqu'un grâce aux conseils avisés d'un Dieu ou être divin. Ulysse dans l'Odyssée obtient de la nymphe Circé les indications qui lui permettent de se rendre aux enfers et d'y évoquer l'âme de Tiriesas. Il peut aussi invoquer sa mère et d'autres personnages célèbres.

Le coté didactique est illustré par Platon, qui fait parler Socrate dans la république : Pour expliquer ce qui se passe aprés la mort, il utilise le mythe d'Er qu'il présente comme un cas rigoureusement historique : Il relate aprés une résurrection survenue le douzième jour d'er , fils d'Arménios, ce qu'il a vu, jugement réincarnation, etc. Aucun pittoresque, poésie, symbolisme, le récit est doctrinal et l'évocation du mythe n'est là que pour appuyer le propos.

Plutarque aura recours aux même astuces dans ses Moralia; deux fois, pour relater une vision et une descente aux enfers. Dans le premier cas il raconte que Timarchos, qui attends un oracle dans une grotte, recoit un coup sur la tête et son âme s'envole vers le séjour des morts. Dans le second cas le héros Thespésios récusssité trois jours aprés sa mort change totalement de conduite et devient vertueux. C'est qu'il a vu le sort reservé dans l'au delà aux hommes mauvais...Le procédé de la resurrection, déja vu avec le mythe d'Er relaté par Socrate, fera école de même que cette idée de changement radicale aprés avoir vu de prêt les enfers. Le mythe prends alors une tournure morale qu'utilisera notamment l'arriere plan Chrétien pour stimuler l'envie du pécheur de s'améliorer

Dans l'Eneide Virgile fait un long récit de la visite du héros troyen Enee aux enfers. Le succés de l'oeuvre en fera le proptotype du voyage initiatique aux enfers, dont s'inspirera pour son chef d'oeuvre Dante. Enée veut revoir son pére : Mais aucun mortel ne peut visiter les enfers par ses propres moyens. La sybille de Cumes lui sert de guide en l'avertissant de la difficulté et de la dangerosité de l'entreprise, pour la descente, mais pire encore pour la remontée.  Certains rites propriatoires et une vie pure sont des conditions indispensable pour se hasarder dans l'Hades. Les péripéties du voyage relaté sont allégoriques ; on voit les auxiliaires de la morts, la Guerre, la maladie, la faim, la vieillesse, la pauvreté.  Des monstres sorte de pré démons, accueillent les visiteurs. Sur les bords de l'Archéron erre la misérable troupe de ceux qui n'ont même pas pu traverser le fleuve sur la barque de Charon : Ceux qui n'ont pas eu de sépultures. Le frère d'Antigone de ne s'y trouve plus, au moins. Enée visite les demeures de l'Hadés où se trouvent les malheureux de l'existence. Les pires d'entre eux sont torturés dans la forteresse du tartare...où nul Vivant ne peut pénétrer.


Cet enfer à la fois poétique et rationnel est en même temps une leçon théologique, et Dante rendra hommage à son auteur en le choisissant comme guide pour descendre dans les cercles des enfers.


Mircea Eliade a montré l'importance du voyage au pays des morts chez les celtes pré chrétiens : Les héros comme Bran, Cuchulainn, Connla, Oisin se délacent en barque et rencontrent le Dieu des morts, Manannan.  D'autres comme Conn ou Nera descendent l'autre monde par un itinéraire souterrain. Certains y vont en songe. Ces mythes seront repris et adaptés  à l'époque Chrétienne dans les voyages de Saint Brandan, de Maleduin ou dans le songe de Saint Patrick. Les obstacles durant le voyages sont des épreuves quasi initiatiques, laissant penser que l'accés aux enfers est résérvé aux initiés.  Un type particulier de coup de force, de raid, consister à aller y chercher un objet magique, comme le chaudron inépuisable, sorte de graal avant l'heure que Cuchulain conquiert pas moins de deux fois. Le monde celtique décrit un échange perpetuels entre vivants et morts.

Chez les peuples Scandinaves, Dieux et Héros descendent dans le monde des morts pour consulter des devins ou pour délivrer quelqu'un comme dans le cas d'Odin, d'Hadingus, d'Hermod. Les saga mettent aussi l'accent sur l'aspect initiatique, le voyage comprenant des épreuves comme la traversée d'un pont, d'un fleuve, d'obstacles divers.

La période d’effervescence spirituelle et philosophique dans le bassin méditerranéen au II eme siècle avant l'ére du Christ jusqu'au III eme Après, voit fleurir une multitude de de récits de voyages initiatiques dans le monde des morts en particulier dans la littérature apocalyptique des milieux judéo chrétiens. On parle ici de révélations, destinées à dévoiler les fins dernières de l'homme en un âge marqué par la passion eschatologique.  Le livre d'Hénoch dans lequel le patriarche est emporté par les anges dans l'au delà, franchit un fleuve de feu, des montagnes de ténèbres.  Deux oeuvres apocryphes particulièrement auront une importance sur la pensée eschatologique judéo chrétienne : L'apocalypse de Pierre et l'apocalypse de Paul

Les deux apotres sont conduits par un ange dans le domaine des morts,  assistent aux supplices des damnés dont il font une description minutieuse, qui inspirera certains artistes. On reconnait des inspirations des enfers égyptiens, et orientaux. L'Apocalypse d'Esdras est plus symbolique et initiatique en particulier sur l'aspect des nombres : Esdras est escorté par 7 anges, descend 70 marches, arrivent devant les portes de feui gardées par deux lions crachant des flammes. Là encore sont décrit les supplices des malheureux.

On peut évoquer la descente du Christ en enfer quoique a peine évoquée dans le nouveau testament : Il délivre lors du vendredi saint les justes de l’Ancienne Alliance.

Dans les milieux monastiques médiévaux ce type de récit sera utilisé essentiellement pour appuyer l'enseignement moral. Généralement un moine est guidé par un Ange souvent en Songe.  L'histoire ecclésiastique de l’Angleterre du Moine Bédé au VIII eme siecle en relate trois, le moine irlandais Fursy tombé malade dont l'âme quitte le corps pendant une nuit guidée par un ange, Drycshelm mort un soir mais ressuscité le lendemain et effrayé de ce qu'il a vu, se retire dans un monastére et ne révèle sa vision qu'a ceux qui craignent le châtiment, et l'histoire d'un moine ne respectant pas la réglè a une vision de l'enfer et sa place attribuée...Saint Boniface relate la vision infernale d'un religieux de winlock qui emporté par les anges assiste à la séparation des bons et des méchants. Grégoire de tours raconte la vision du moin Sinniouf.

Certains de ces récits sont aussi utilisé à des fins politiques ( Dante fera de même en parlant de sa chére ville de Florence et ceux qui s'écharpaient à l’intérieur de celle ci, et de la péninsule italienne) : On rencontre Charlemagne.  Le guide de Charles le Gros sera un ange qui lui demandera de dérouler derrière lui un fil (d’Ariane ? ) brillant pour qu'il puisse retrouver sa route...

Le monachisme celtique produit des récits célèbres des voyages dans l'au delà :  Le voyage de saint brandan, présenté comme périple maritime au IX eme siecle où le moine et sept compagnons arrivent sur l'ile infernale et reçoivent la confession de Judas. Plus initiatique  et purificateur est  est la vision de Tungdal : Dans un lieu perdu d'Irlande, existe un trou qui donne accés aux enfers (n'évoquons pas le symbolisme freudien ici..). Jésus lui même l'a confié à Saint Patrick en précisant que ceux qui y descendraient un jour et une nuit avec un profond sentiment de pénitence obtiendraient la rémission des péchés. Une communauté de chanoine s'installe et les candidats à l'épreuve du trou sont nombreux car la récompense est immense mais aussi pour le caractére initiatique et le coté ordalie de l'épreuve : En effet, beaucoup meurent et restent en enfer pour ne s'être pas suffisamment purifié.  Un rituel du clergé local est mis en place quinze jour de priéres, une messe avec communion, exorcisme, benedictions, procession....24 heures après, la procession va au trou et si le candidat en ressort, elle n'accompagne à l'église. Le chevalier Owein réussit et relate ce qu'il a vu...

Ces voyages sont si nombreux qu'un moine dans "le livre des visions" les compile : Otloh.

Mais ces récits atteignent, à mon avis, leur forme la plus achevée avec la Divine comédie de Dante. Le guide est ici paien, Virgile comme je le disais plus haut, ce qui correspond a une volonté toute renaissance de réconcilier le christianisme avec le paganisme, dans une certaine mesure. Dante dépasse largement tous les récits de part l'ampleur, le style en langue vulgaire, sa verve poétique, symbolique et évocatrice, la profondeur de ses sentiments, mais aussi la justesse de sa théologie à laquelle Thomas d'Aquin n'aurait rien à redire malgré le nombre de figures paiennes : Le récite est à la fois en accord avec les dogmes chrétiens et la cosmologie antique de l'époque de Ptomélée : tout y est symbolique mais surtout profondément poétique. Cette oeuvre a fasciné les âmes de la renaissance, notamment le géant Michel Ange. La suite avec le purgatoire et le paradis est un vrai récit initiatique de la montée du poète dans sa vie spirituelle qui marquera profondément tout l'occident Chrétien.

L'adjectif Dantesque n'aura jamais été autant approprié que pour sa propre oeuvrz. Je vous la recommande, l'ayant achevée il y a quelques semaines (du moins l'enfer), ce qui m'a inspiré ce sujet qui je l’espère, n'était point trop barbant.

 

 

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Membre, Chien Fou forumeur, 90ans Posté(e)
Promethee_Hades Membre 25 564 messages
90ans‚ Chien Fou forumeur,
Posté(e)

Bonjour Constantinople, grosse poigne de mains.

J'ai bien aimé ton texte. Du voyage initiatique dans le royaume d'Hadès.

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Membre, Chien Fou forumeur, 90ans Posté(e)
Promethee_Hades Membre 25 564 messages
90ans‚ Chien Fou forumeur,
Posté(e)

Hélas il n'y a vraiment pas foule pour attirer un sujet si intéressant, qui mérite discussion. Pourtant je comprends, notre société est très mortiphobe. Pourtant Orphée par amour à l'Amour ce très puissant moteur, à été arraché à Hadès sa compagne Eurydice. Quand au mythe Perséphone.

L'hadès ( textuellement l'oubli, le monde des morts) , a grand intérêt. Je ne partage pas du tout les conceptions christique de l'auteur du topic, mais j'en reconnais la valeur.

 

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Membre, Posté(e)
Constantinople Membre 18 329 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)
Il y a 13 heures, Promethee_Hades a dit :

Hélas il n'y a vraiment pas foule pour attirer un sujet si intéressant, qui mérite discussion. Pourtant je comprends, notre société est très mortiphobe. Pourtant Orphée par amour à l'Amour ce très puissant moteur, à été arraché à Hadès sa compagne Eurydice. Quand au mythe Perséphone.

L'hadès ( textuellement l'oubli, le monde des morts) , a grand intérêt. Je ne partage pas du tout les conceptions christique de l'auteur du topic, mais j'en reconnais la valeur.

 

J'ai essayé de mettre de coté mes convictions Chrétiennes en écrivant, pourtant.

Le mythe de Perséphone et ses variantes est intéressant. On peut y voir en addendum à la fonction de gardien des morts celle de la régénération et de la fertilité, comme un soulignement de l'entrelacement des deux fonctions. Hésiode conseille d'ailleurs d'invoquer autant Pluton que Cérés pour demander la fertilité du champs...La double fonction est tantôt assumée par le seul Hadés, tantôt par le couple Déméter Hadès.

Il y a aussi une double fonction chez Osiris, et également dans le mythe de la descente aux enfers d'innana raconté plus haut qui a des points communs avec celui de demeter : son amant, Dieu (parfois même homme devenu du par la volonté d'Innana, originalité) de la fertilité prends sa place aux enfers, et lui est rendu sur des courtes périodes tel Déméter. L'entrelacement de la déesse de l'amour/guerre, sorte de vitalité sauvage, de la fertilité, et de la mort est intéressant là aussi. J'ai une faiblesse pour Innana/Ishtar/asarte et notamme sa descente aux enfers en retirant ses vêtements à chaque porte.

Quand à Orphée oui ont peut y voir un affrontement entre la puissance de l'amour, du beau, et de l'harmonie (l'amour d'Orphée envers eurydice, sa lyre, les morts qui ont un répit grâce à la musique et qui désamorce les gardes fous, pièges) avec la mort et les ténébres de l'hadés...Il peut y avoir des victoires, Mais à la fin, la mort triomphe toujours.

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Membre, Chien Fou forumeur, 90ans Posté(e)
Promethee_Hades Membre 25 564 messages
90ans‚ Chien Fou forumeur,
Posté(e)
Il y a 5 heures, Constantinople a dit :

J'ai essayé de mettre de coté mes convictions Chrétiennes en écrivant, pourtant.

Le mythe de Perséphone et ses variantes est intéressant. On peut y voir en addendum à la fonction de gardien des morts celle de la régénération et de la fertilité, comme un soulignement de l'entrelacement des deux fonctions. Hésiode conseille d'ailleurs d'invoquer autant Pluton que Cérés pour demander la fertilité du champs...La double fonction est tantôt assumée par le seul Hadés, tantôt par le couple Déméter Hadès.

Il y a aussi une double fonction chez Osiris, et également dans le mythe de la descente aux enfers d'innana raconté plus haut qui a des points communs avec celui de demeter : son amant, Dieu (parfois même homme devenu du par la volonté d'Innana, originalité) de la fertilité prends sa place aux enfers, et lui est rendu sur des courtes périodes tel Déméter. L'entrelacement de la déesse de l'amour/guerre, sorte de vitalité sauvage, de la fertilité, et de la mort est intéressant là aussi. J'ai une faiblesse pour Innana/Ishtar/asarte et notamme sa descente aux enfers en retirant ses vêtements à chaque porte.

Quand à Orphée oui ont peut y voir un affrontement entre la puissance de l'amour, du beau, et de l'harmonie (l'amour d'Orphée envers eurydice, sa lyre, les morts qui ont un répit grâce à la musique et qui désamorce les gardes fous, pièges) avec la mort et les ténébres de l'hadés...Il peut y avoir des victoires, Mais à la fin, la mort triomphe toujours.

Bonjour Constantinople, poigne de mains.

C'est très secondaire nous avons tous des convictions, elles finissent toujours par apparaître un moment ou un autre, Puis il en faut aussi.

Mais je reviendrai , plus tard, je suis contraint d'aller faire mes courses

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