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Lettres à Anne


January

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January Modérateur 60 093 messages
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16 septembre 1964

La vie politique se réanime. Un journal (L'Express) lance sa nouvelle formule. Un autre (Minute) m'attaque...et raconte d'imaginaires mésaventures qui me seraient arrivées...à la chasse au sanglier (jamais de mon existence je n'ai participé à une chasse). Un roman paraît (de Michel Droit), qui sous un nom à peine d'emprunt me met en cause etc etc.. Allons, il faut se cuirasser, baisser la tête et avancer ! L'année sera rude, avec en bout de course l'élection présidentielle. Nous y connaîtrons de passionnants et difficiles épisodes - et je dis nous car rien ne me prête davantage force et courage et ambition que de te savoir ma bien-aimée présente et attentive. 

 

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January Modérateur 60 093 messages
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23 septembre 1964

Pour ton dossier tout est en ordre. Figure toi que j'ai été avisé hier qu'un concours pour le professorat de dessin Paris et Seine aura lieu en octobre et novembre... Les inscriptions étant closes le 24 septembre, c'est à dire demain soir ! 

Pour parer à toute éventualité j'ai fait les démarches nécessaires et si tu le désires tu pourras t'y présenter (la première épreuve, le 7 octobre, est une composition française et ce sujet cette année est "la peinture française du XVIe au XIXe siècle inclus). L'incroyable désordre ! En juillet j'avais eu un avis officiel m'informant qu'il n'y avait plus ni école ni concours ! 

 

15 octobre 1964

Le congrès des communes de l'Europe, qui se tient aujourd'hui et demain, a lieu à l'EUR quartier moderne hors les murs construit sous Mussolini. Très beau. Cinq mille congressistes. Impeccable organisation matérielle. Moins bonne organisation politique. Discours. Musique. Je bâille un peu. Le déjeuner autour de succulentes fettucine a groupé les Servan-Schreiber (les parents de Jean-Jacques), les Tron (sénateur des hautes-Alpes), Bonnefous (sénateur de Seine et Oise), Jacqueline Thome-Patenotre (député de Rambouillet), Cornut-Gentille (député maire de Cannes) et moi. J'en sors à l'instant pour trouver enfin un moment de liberté pour t'écrire.

 

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Bonjour January.

Merci pour ce nouveau partage.

On a effectivement l'impression que François Mitterand écrit pour l'histoire plus que pour Anne. Il rédige sa légende. On sent malgré tout la sincérité de ses sentiments, même si il les exprime avec l'affectation littéraire dont il est coutumier. C'est la force de Mitterand de briller avec son imposante culture début de siècle (Mauriac, Barres, Maurras, Chardonne, Gide etc... ) largement supérieure au intellectuellement à celle d'après seconde guerre mondiale, et avec autant de facilité à la resservir que rares sont ceux qui s'y réfèrent encore à son époque...

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January Modérateur 60 093 messages
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Hello hdbecon :) 

C'est l'effet que ça me fait aussi, "il rédige sa légende".

Même si effectivement, tous les jours et plusieurs fois par jour, il lui écrit qu'il l'aime, il y a cette introspection minutieuse qu'il livre et qui est impressionnante. 

A près de la moitié du bouquin je me pose vraiment des questions. La première est : Mais quand ? Quand avait-il le temps d'écrire ainsi, façon stakhanoviste ! Certains jours voient une correspondance le matin au lever, une autre avant le déjeuner, après, puis fin d'après-midi et avant le coucher ! On le voit j'ai publié à dessein des extraits où il écrit à Anne Pingeot depuis les bancs de l'Assemblée, ou même, en rendez-vous avec quelqu'un qui est en train de s'entretenir avec lui ! Sans doute le visiteur pense-t-il que F.Mitterrand prend des notes : pas du tout ! Il écrit à Anne Pingeot. 

A côté des lettres, il écrit un journal et l'agrémente de dessins, coupures de journaux, photos etc... (qui a fait aussi l'objet d'une publication en même temps que "lettres à Anne" d'ailleurs).

Il est sans arrêt par monts et par vaux, en voiture, en train, en avion, il ne passe pas plus d'une ou deux journées au même endroit, il sillonne la France et même l'Europe. Dans les lettres du lundi souvent, il donne son emploi du temps à Anne Pingeot : lundi = Paris, mardi = Nièvre, etc etc... 

A aucun moment il n'est question de "rentrer chez lui", avec sa femme etc... On a vraiment l'impression d'une autre vie, et aussi, il faut le dire, d'un autre homme.

Qui aurait imaginé un François Mitterrand si "humain" ? Il faut voir comme il décrit ses fleurs, le temps, la lumière, les endroits, les gens, et bien sûr, comme il dit son amour à Anne Pingeot, c'est parfois plus poignant qu'émouvant, notamment quand il raconte les affres du manque et de l'absence et sa tristesse lorsqu'elle le rejette. Qui aurait imaginé un François Mitterrand s'interposant dans une rixe et se remplir de pitié pour "le pauvre homme qui vient de se rendre compte qu'il était capable d'une telle violence ?"

Il est clair que le premier lien, il est intellectuel. Très fort, d'une richesse étonnante, ce partage avec Anne Pingeot interroge. Elle n'avait que 20 ans... Et il lui fait vraiment tout partager, lui donnant des cartons d'invitation pour venir l'écouter à l'Assemblée, ou au tribunal pour une plaidoirie. Volonté de briller ? Ou contrainte de ne pouvoir paraître ensemble en société ? 

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January Modérateur 60 093 messages
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12 novembre 1964

L'ordre du jour, ici, traîne : une loi sur les "bidonvilles", un loi "contre les moustiques" ! Des députés, dans les couloirs, discutent, animés.

D'autres lisent les journaux de province. Une sage lumière est distribuée par des lampes à chapeaux verts. Un buste en marbre (représentant un illustre inconnu) me regarde avec ses yeux vides, près d'un immense tableau où l'on voit les bourgeois de Calais avancer dignement vers le lieu du supplice. Noble sujet mais quelle croûte ! Le ministre de la Santé Publique, à deux pas de moi, promet à un obscur UNR une nomination favorable. Des huissiers s'affairent, on ne sait pourquoi.

Moi je pense que tu existes.

 

24 novembre 1964

As-tu trouvé les fruits venimeux ce matin ? Mode d'emploi : la mangue n'est pas tout à fait mûre ; attendre après-demain pour l'avaler - les deux avocats se coupent en deux, dans le sens de la longueur, on vide le noyau, on met du sel, du poivre, de l'huile, du vinaigre dans les creux et on croque à l'aide d'une petite cuillère. La noix de coco se perce, on récolte le lait, ou on le boit directement, après quoi on mange la chair par petits morceaux - pour le reste tu trouveras peut-être toute seule depuis la noix du Brésil jusqu'au lychee auquel on enlève l'écorce avant usage... 

J'avais envie que tu t'émerveilles des couleurs de ces fruits et que tu en apprécies le goût (à moins qu'ils ne t'aient empoisonnée selon mon voeu pour te PUNIR, à ton tour, de m'aimer si peu). 

 

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25 décembre 1964

Jacques, qui est très câlé sur la généalogie familiale, m'a appris beaucoup de choses que j'ignorais et nous avons bavardé sur ce sujet jusqu'à 5 heures ! Il m'a montré les livres qu'il tient à jour et des documents très pittoresques. Les Mitterrand ont occupé le gros de la conversation. Deux d'entre eux furent, au XVIe et au XVIIe siècle, prévôts des Marchands. Une grand-mère épousa Florimond Robertet, ministre des Finances de trois rois - il y a tout lieu de croire que ces Mitterrand, bourgeois de Bourges, furent apparentés à... Jacques Coeur, bourgeois de cette même ville. 

 

25 avril 1965

Voici la carte d'entrée pour la Convention. Defferre parlera vers 15h15, 15h30, je lui répondrai aussitôt - donc vers 16 heures. Viens ! Je t'attends.

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Il y a 20 heures, January a dit :

Hello hdbecon :) 

C'est l'effet que ça me fait aussi, "il rédige sa légende".

Même si effectivement, tous les jours et plusieurs fois par jour, il lui écrit qu'il l'aime, il y a cette introspection minutieuse qu'il livre et qui est impressionnante. 

A près de la moitié du bouquin je me pose vraiment des questions. La première est : Mais quand ? Quand avait-il le temps d'écrire ainsi, façon stakhanoviste ! Certains jours voient une correspondance le matin au lever, une autre avant le déjeuner, après, puis fin d'après-midi et avant le coucher ! On le voit j'ai publié à dessein des extraits où il écrit à Anne Pingeot depuis les bancs de l'Assemblée, ou même, en rendez-vous avec quelqu'un qui est en train de s'entretenir avec lui ! Sans doute le visiteur pense-t-il que F.Mitterrand prend des notes : pas du tout ! Il écrit à Anne Pingeot. 

A côté des lettres, il écrit un journal et l'agrémente de dessins, coupures de journaux, photos etc... (qui a fait aussi l'objet d'une publication en même temps que "lettres à Anne" d'ailleurs).

Il est sans arrêt par monts et par vaux, en voiture, en train, en avion, il ne passe pas plus d'une ou deux journées au même endroit, il sillonne la France et même l'Europe. Dans les lettres du lundi souvent, il donne son emploi du temps à Anne Pingeot : lundi = Paris, mardi = Nièvre, etc etc... 

A aucun moment il n'est question de "rentrer chez lui", avec sa femme etc... On a vraiment l'impression d'une autre vie, et aussi, il faut le dire, d'un autre homme.

Qui aurait imaginé un François Mitterrand si "humain" ? Il faut voir comme il décrit ses fleurs, le temps, la lumière, les endroits, les gens, et bien sûr, comme il dit son amour à Anne Pingeot, c'est parfois plus poignant qu'émouvant, notamment quand il raconte les affres du manque et de l'absence et sa tristesse lorsqu'elle le rejette. Qui aurait imaginé un François Mitterrand s'interposant dans une rixe et se remplir de pitié pour "le pauvre homme qui vient de se rendre compte qu'il était capable d'une telle violence ?"

Il est clair que le premier lien, il est intellectuel. Très fort, d'une richesse étonnante, ce partage avec Anne Pingeot interroge. Elle n'avait que 20 ans... Et il lui fait vraiment tout partager, lui donnant des cartons d'invitation pour venir l'écouter à l'Assemblée, ou au tribunal pour une plaidoirie. Volonté de briller ? Ou contrainte de ne pouvoir paraître ensemble en société ? 

Il y a du Chateaubriand en lui. Il pose pour la postérité, même dans ses sentiments si vrais soient-ils. C'est le génie de Mitterand d'avoir su faire passer pour vraie l'image qu'il donne de lui-même. C'est un grand bourgeois qui méprise le peuple, mais a su se servir de lui pour accéder au pouvoir suprême et terminer sa vie en monarque. Il a su effacer son passé trouble sous la collaboration, même chez Péan et Winock on ne trouve pas de critique approfondie de cette période. C'est toute l'ambivalence du personnage Mitterand, un faussaire au talent de génie, qu'on adore détester, qu'on déteste adorer...

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il y a 12 minutes, hdbecon a dit :

C'est toute l'ambivalence du personnage Mitterand, un faussaire au talent de génie, qu'on adore détester, qu'on déteste adorer...

Je n'aurais pas mieux dit, mieux décrit sa duplicité :)

 

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4 juillet 1965

Cette écriture d'épileptique ou de nonagénaire est due, tu l'as compris, aux modulations de la voie ferrée. J'ai pris le train à 8h31 après avoir couché à l'Hôtel de France et dès que j'arriverai gare de Lyon je serai happé par les amis qui m'emmèneront à Saint Gratien où se tient depuis hier un "séminaire" de la Convention des institutions républicaines. 

 

5 juillet 1965

Une mauvaise nouvelle : le joli pin tout droit que j'avais moi-même planté entre les deux prunus devant la maison d'Hossegor et qui atteignait déjà la hauteur du toit est mort. Il était si beau à Pâques ! Je l'aimais beaucoup et m'occupais de lui avec prédilection. Quelle bête l'a rongé et tué ? C'était mon préféré. Elle a visé juste. 

 

7 juillet 1965

Aujourd'hui, journée politique puisque j'ai rencontré Guy Mollet et déjeuné chez Mendès France avec l'ambassadeur de Grande-Bretagne. J'ai également rédigé deux questions orales, l'une sur le Marché commun européen, l'autre sur l'indemnisation des rapatriés d'Algérie et demandé pour cette discussion une session extraordinaire. La presse commente beaucoup cette initiative.

Un petit fait-divers : mon frère Jacques vient d'être nommé général... et affecté à un commandement de la Force de frappe ! d'où les commentaires redoublés...

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Il y a 23 heures, January a dit :

Je n'aurais pas mieux dit, mieux décrit sa duplicité :)

 

Je construis ma légende...:smile2:

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:smile2:

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9 juillet 1965

Dans le train j'ai lu la presse, continué le délicieux bouquin sur la Renaissance italienne (Gebhart) et regardé vaguement un paysage grisaillé par un été qui ne parvient pas à relier ciel et terre.

J'avais devant moi une bonne femme de la bourgeoisie de Moulins ou de Riom, proprement INSUPPORTABLE, eng... le garçon pour des toasts pas assez grillés à son goût, parce qu'il avait ajouté un croissant qu'elle n'avait pas demandé, parce qu'il y avait de la poussière qui salissait ses gants.

Manifestement irritée de mon honnête vis-à-vis [...] elle n'a pas cessé 1) de m'ordonner de replier la table où l'on nous avait servi le petit déjeuner 2) de lui faciliter le passage pour ses allées et venues 3) de rechercher l'origine des courants d'air 4) de me tenir plus au courant des horaires de la SNCF 5) de porter à l'avenir une montre sur moi afin de l'informer de l'heure exacte... bref, j'ai été, deux heures cinq durant, le souffre-douleur d'une harpie capable de me guérir à jamais des mirages entretenus depuis longtemps par la presse du coeur.

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27 juillet 1965

Au moment où j'écris ces mots, je pleure ! Non par excès d'émotion ! Mais, hier, marchant dans une allée je me suis enfoncé une branche pointue dans l'oeil gauche et ça me fait mal, d'autant plus que je rédige cette lettre pendant une réunion sur la Fédération (avec Guy Mollet, Brutelle, Jaquet, Hernu, Maroselli, Savari etc..) et que l'épais nuage de fumée tirée des pipes et cigarettes agresse méchamment l'endroit blessé.

28 juillet 1965

Ma vie de vacances ? A Hossegor je me complais parmi les souvenirs qui sont nos souvenirs, je recherche les lieux qui portent ta trace, j'attends le lendemain qui nous rapprochera. De l'Anne au péplum rouge à celle que j'aimais de si profond amour au coin de la vigne de Latche, notre histoire se raconte. Ma vie intellectuelle ? J'avoue que je suis assez paresseux pour Napoléon III. Mais ce que je lis, je te le lis. Pascal, Guillemin, Lecomte du Nouy et même le roman policier de Le Carré (L'Espion qui venait du froid - c'est le premier policier que j'ouvre ! il paraît que ce bouquin dépasse le genre) m'invitent à échanger avec toi. Chaque image, chaque idée, chaque tournure de style qui m'accroche je voudrais te la faire connaître. Il me semble toujours qu'il suffira d'élever la voix pour que tu m'entendes. Ma vie sentimentale ? Elle se déroule entre deux traits d'union : ta lettre reçue lundi, celle que j'espère demain. Et la merveilleuse compagnie d'un amour de chaque instant.

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6 septembre 1965

J-J Servan Schreiber qui vient précisément de publier aujourd'hui dans L'Express un éditorial pour le moins hostile à ma candidature (éventuelle !). Demain, deux autres réunions. Je dois rencontrer incessamment Mollet, Defferre, Maurice Faure. Les journalistes m'assaillent mais je tiens la bouche cousue. Comme j'aimerais que tu sois près de moi pendant cette importante semaine !

7 septembre 1965

La réunion de travail commencée à 9 heures ce matin dure encore et il est 18h30 ! J'aperçois de la fenêtre la grosse horloge de la Poste centrale du Louvre. Nous avons avalé sur place quelques sandwiches en guise de déjeuner.

J'ai souvent des distractions : ma pensée va vers toi, mon amour, et j'y trouve force et joie. Je t'écris pendant la discussion et ce n'est pas très commode. [...] Ce sera tout de même l'expression d'une tendresse profonde qui m'occupe tout entier.

Je ne m'attendais pas à une telle avalanche : les événements vont à toute allure.

Je suis placé devant une décision à prendre dont tu sais la gravité. Certes toute décision capitale comporte des risques extrêmes. Se pose un problème d'éthique personnelle. Dois-je choisir le confort de la prudence ou la rudesse d'une vie dangereuse mais féconde ? 

8 septembre 1965

Je ne connais plus le rythme des heures. Le climat surchauffé des grandes veillées politiques m'enserre. Demain De Gaulle parle tout l'après-midi. [...] Je rencontre les uns les autres avant de décider, peut être subitement. La tension est extrême...

9 septembre 1965

Voilà, c'est fait, après de longues méditations, de longues hésitations et maintenant la certitude d'une lourde charge : j'ai fait connaître ce soir, à 6 heures, à l'issue de la conférence de presse du général De Gaulle, que j'étais candidat à la Présidence de la République.

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1 octobre 1965

Je viens de parler au Congrès européen. Dix minutes, un quart d'heure. La tribune présidentielle, inquiète et réservée, la salle plutôt favorable. Ce qui n'arrange pas les choses c'est que ce congrès a été organisé en juillet... en vue de soutenir la candidature de Maurice Faure... et c'est Maurice Faure qui préside ! Bref on m'observe d'un drôle d'air ! Defferre est intervenu. René Mayer interviendra. Décidément mon chemin, pour l'instant, est de passer entre les gouttes de la pluie.

12 janvier 1966

Il n'est pas sept heures. Je t'écris, je m'arrête, je recommence selon l'animation de la séance (dont je suis totalement absent, en réalité). J'espère attraper le courrier. Je voudrais que demain matin tu aies cette lettre. 

21 février 1966

J'arrive de Lohia. J'ai choisi les endroits où pousseront, si Dieu le veut, un camélia, un magnolia (près de ta nouvelle terrasse), un buddleia (ou lilas d'Espagne) et des abélias (les petites fleurs blanches odorantes) pour te cacher des voisins. Je déplace également notre rhododendron qui dépérit au midi et je lui substitue un autre buddleia. Que d'initiatives ! J'en suis tout heureux comme j'était heureux d'être près de ta chambre et de retrouver la trace de nos étés.

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4 juillet 1966

Ce matin je suis allé à Apt où j'ai visité la cathédrale Sainte-Anne, très intéressante et que tu aimerais. Là sont les vrais (?) restes de Sainte Anne (un chef, un bras dressé, une chapelle royale édifiée par Anne d'Autriche pour la naissance de Louis XIV, une crypte avec la place pour le tombeau de la mère de la Vierge, de belles voûtes, la fraîcheur de l'air et l'on a envie de rester longtemps immobile à rêver plutôt qu'à prier aussi un peu en rêvant.

31 juillet 1966

Je rentre du Quesnoy, petite ville du Nord proche de la frontière belge et cernée de remparts Vauban (dont le dessin est vraiment oeuvre d'art). Un meeting de 3000 personnes, en plein air, des signatures par centaines, la bonhomie colorée des gens de ce pays, un déjeuner massif ont occupé ma journée.

 

20 août 1966

De quelles sanctions suis-je l'objet ? Ni hier ni aujourd'hui je n'ai eu de lettre de toi et demain, dimanche, je ne puis attendre. Je n'ai donc reçu qu'un courrier cette semaine - et cela me rend triste. 

22 août 1966

Je ne puis m'empêcher de t'en vouloir ce matin. Depuis jeudi je suis sans nouvelles de toi. Je ne croyais pas que tu jouerais ainsi de mon attente et de mon anxiété. J'espérais que tu aimerais m'écrire pour réduire la séparation. J'en suis trop déçu pour t'en dire davantage. 

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24  août 1966

Je sors de la réunion du contre-gouvernement. Cela a duré trois bonnes heures, utilement. J'ai déjeuné avec Hernu. Paris est tout vide et retrouve son air de splendeur. L'émotion de passer par les rues où nous avons flâné ! Que je t'aime, mon Nannon ! Je veux faire d'octobre un mois de merveilles. La politique m'a pris à la gorge, mais pas pour longtemps. Tout au moins la politique active. Waldeck Rochet parle à la télé, de la Fédération, ce soir. On insiste pour que je réponde mais je refuse. Ne pas arrêter la réflexion. Ne pas faire mûrir les fruits au soleil artificiel. 

29 septembre 1966

Ici, c'est la bousculade après mon interview à Europe 1. Journaliste sur journaliste se succèdent dans mon bureau. Ferniot, de L'Express, en sort. Tournoux, de Match, arrive. Je glisse ce petit mot entre ces obligations, pour retrouver un instant la joie de mon amour - et pour que tu saches...

...que je je t'aime et que je t'attends [...]

 

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J'ai acheté le livre.

Merci encore et toujours...

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:) pour toucher au plus près, il n'y a rien d'autre. Ici je ne livre que des extraits.  J'espère avoir avec toi un échange beaucoup plus riche, puisque tu auras tout lu. Merci à toi, pour l'intérêt, pour peut être les barrières qui tombent... Je sais qu'en ce qui te concerne, il n'y a pas seulement une curiosité, il y a la Vraie volonté de saisir, l'idée du personnage, quel qu'il soit, une réflexion, une compréhension, même dans une critique personnelle qui en ce qui te concerne, je crois équilibrée. Je salue toujours cette capacité à faire fi de ses préjugés, l'avenir, peut-être, d'une communication féconde, parce-qu'apaisée.

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30  décembre 1966

Une lettre de toi ce matin. Je l'ai lue avec le sentiment de l'entente solide que tu mets pourtant en question. Il y a relation entre nous, mais oui, mon amour. Peut-être laissons-nous l'habitude et la paresse prendre le dessus et ternir comme il ne faudrait pas notre sensibilité, alors qu'on devrait au contraire toujours aiguiser et approfondir. 

3 avril 1967

Mon amour chéri, dans le tohu bohu de cette première séance, je jette ces lignes sur le papier. Chaban-Delmas a été élu. Atmosphère fiévreuse. On a réuni sans arrêt. 

10 juillet 1967

Tu es là, près de moi. La lumière est en nous sous son ciel de Provence. Toi, je t'aime, Anne présente, Anne que j'aime aussi absente. Ainsi vont mes pensées avant de m'envoler vers Nîmes où tu m'attends, où je t'espère. Les cigales, le mûrier derrière la fenêtre, ton profil, ton souffle, tes bras de lavande et de miel, mon Anne, quel peintre m'en fera le tableau pour les jours de l'éternité ? Je vous aime.

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