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AL81

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AL81 Membre 3 messages
Baby Forumeur‚
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Coucou !

j'aime beaucoup inventer des histoires depuis mon enfance. Je vous livre ici, en toute humilité, quelques une de mes œuvres d'amateur passionné.

Un interrogatoire post-mortem, par AL81

Deux silhouettes s’avançaient dans la noirceur nocturne. Arrivé sur la tombe fraîche, l’homme déballa quelques objets de son sac: une petite épée finement ouvragée, quelques bougies blanches, un livre de poche relié en cuir et une baguette de bois entourée d’un fil métallique dont l’extrémité enchâssait une petite pierre bleu. Le bas de la robe azur de la jeune femme était couvert de boue et ses godillots en cuir saturés d’humidité. 

" Charles, je sens vraiment une présence néfaste ici " elle tremblait de tout son corps plus d’angoisse que de froid.

" Valentine, n’ayez crainte. Tout ira bien. Vous êtes la plus douée de notre cercle. Cette nuit nous aurons la certitude sur cette affaire. " Il sourit en farfouillant dans sa sacoche. Il devait avoir au moins vingt ans de plus qu’elle. Sa longue chevelure blonde vénitienne se clairsemait sur le dessus du crane. Ses favoris ainsi que sa barbe rousse, très bien taillée, comptaient déjà pas mal de poils blancs pour ses quarante ans.

" Je devine une volonté maligne là. Elle nous observe, elle…" Elle se tut un instant, regardait la lune gibbeuse au travers des arbres noirs, puis, " ça va aller Charles."

Valentine était une jeune femme charmante. Sa grande stature délicate un peu gâchée par sa posture légèrement voûtée, mais il émanait de sa personne une aura d’élégance noble. Ses cheveux châtains étaient coiffés en une longue tresse qui s’achevait dans le creux de ses reins. Une tache de naissance couleur lie de vin en forme de croissant lui barrait la joue gauche, ses grands yeux bleus mélancoliques lui apportaient un air de douceur supplémentaire lorsque que son visage arborait ce sourire gêné, presque enfantin qui la suivait depuis sa plus tendre enfance pas si lointaine que ça. 

Charles traça un grand cercle sur le sol avec la pointe de son épée. Il psalmodiait d’antiques incantations lues dans son petit livre relié qu’il tenait de sa main gantée. 

" Ce cercle ,ma chère Valentine, est notre protection. Pendant l’acte magique, ne sortez jamais de celui-ci même si l’envie vous prenait sans raisons apparentes. Est-ce bien compris ? " Une lueur sauvage brillait dans ses yeux. Il la fixait et elle baissa la tête, son joli sourire gêné sur les lèvres, ses fines mains entortillées l’une dans l’autre.

" Oui Charles. "

" Soyez forte Valentine. "

" Oui Charles. " 

Tout les deux, éclairés par les quelques bougies éparses et la lampe à pétrole, se tenaient dans ce cercle tracé devant une tombe où il était écrit : Cit-gît Comtesse Gustave de Laplace Kerjan, née Alice de Desnière de Laboeme le 15 mai 1832, décédée le 15 octobre 1854 à l’age de 22 ans.

" Vous savez Valentine, ce fumiste de docteur Léonard baise Clotilde." 

" Pardon ? " La jeune femme semblait interloquée par la spontanéité de cette phrase qui ne devait surement pas être entendu par une jeune fille de son âge. Elle pensa en son for intérieur: peut être que Charles manque d’interlocuteurs.

" Clotilde, mon épouse. Il la tripote pour soigner son angoisse hystérique. Mais j’ai bien remarqué la connivence entre ces deux là. Bordel de putain ! Quel honte tout de même.

" Vous pensez que Madame et le docteur entretienne une… ( elle sentit tout le poids du mot qu’elle s’apprêtait à employer et fit un gros effort pour enfin le dire, le souffle coupé ) relation ? " Elle eue une expression du visage qu’elle voulait être mature mais espéra que celle-ci ne soit pas mal interprétée par Charles ou paraisse trop superficielle. En réalité elle se sentait démunie face à cette circonstance et préféra laisser Charles monologuer.

" Une relation ? ( il leva la lame vers le ciel lourd et lugubre ) ce docteur est un insatiable gougnafier ! Putain ! Bordel ! Merde ! Il postillonnait tandis que se déversait le flot d’insultes, ses yeux semblaient exorbités.

" Pourriez vous faire preuve de compassion à mon égard et m’épargner ce genre de gros mots Charles ? " Valentine semblait être piquée au vif. La colère faisant place à la peur. 

" Certes, certes…Maintenant vous semblez plus encline à commencer ce combat contre les forces diaboliques qui sévissent en ce lieu de désolation." 

Elle pensait que Charles l’avait intentionnellement énervée pour chasser sa peur mais elle réfuta cette pensée. Charles étant un opportuniste, il ne s’était pas rendu compte de son comportement. Il eu été plus aisé pour lui de rebondir habilement en inventant un subterfuge dans lequel il reprenait l’ascendant sur elle plutôt que d’avouer qu’il était allez trop loin. C’est ce qu’il fit, les hommes et leur fierté…

" Maintenant je vais ouvrir une brèche dans notre monde. Tandis que j’entretiendrai le lien entre les réalités, je poserai des questions directes sur les causes réelles de la mort de la Comtesse. Vous, Valentine, allez ressentir et percevoir des choses. Votre rôle est effectivement de percevoir ces choses intuitivement pour me les retranscrire." 

Elle aurait voulu savoir, elle aurait voulu lui demander : mais à qui allez-vous poser des questions ? Rien ne semblait évident pour elle. Elle était bombardée par un flot continu d’informations et parfois un léger rire accompagnait la brise.

" N’oubliez pas Valentine, le monde astral est avant tout énergétique. Ne vous laissez pas abuser par des formes que vous pensez réelles. "

Valentine déglutit. Charles, en plein rituel, était absorbé dans son œuvre. Un mot seyait parfaitement à ce qu’ils étaient en train de faire: nécromancie. Un sentiment de culpabilité l’étreignit. D’autant plus qu’une silhouette noire se tenait juste à côté de la tombe de la Comtesse. Une silhouette immobile où elle pouvait deviner deux yeux rouges comme des braises. Elle suffoqua et appela Charles à l’aide en lui tirant la manche, bien incapable qu’elle était de formuler un son.

" Noir démon ! Je veux m’entretenir avec la Comtesse, pas toi ! " Il brandissait sa lame énergiquement face à l’ombre.

L’être d’ombre s’approcha du cercle. Il était trapu, sa tête massive rentrée dans des épaules larges. Sur le haut de son crane presque plat, des excroissances comme des oreilles de chat ou des petites cornes.

" La Comtesse est à moi. Nous vivons heureux, je la digère lentement et elle change à chaque instant." La voix du monstre était un léger murmure hypnotique.

Valentine se mit à pleurer,

" La Comtesse s’est suicidée ! Elle s’est suicidée et une chose l’a attrapée ! "

" Comment, un suicide ? Alors Jean de Frémont, mon employeur, est en prison pour un meurtre qu’il n’a pas commis. Comment le prouver ?

Valentine était à présent à genoux, elle hurlait :

" Partez vous me faites du mal ! Pourquoi me faire souffrir ? Libérez moi ! Laissez moi ! 

L’entité était actuellement en train de léviter autour du cercle. Sa forme indistincte se fondant dans les ombres du cimetière. 

" Une lettre ! Une lettre d’adieu que la Comtesse a laissée. Elle est cachée dans son boudoir. Elle y explique son tourment après la mort de son bébé, elle dit que le Comte, son mari, ne lui a jamais pardonné la mort de leur enfant." 

Charles se tenait prêt à toucher l’ombre de son épée qui lui servait de paratonnerre contre les énergies manifestées venant d’un autre plan de la réalité. 

" Une lettre d’adieu ? Voilà qui est parfait ! Valentine, je vais tenter de refermer la brèche et…" Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, une force formidable l’ayant éjecté du sol, il retomba lourdement sur le sol humide et se brisa une épaule. Son visage devint blanc, de grosses gouttes de sueur perlaient sur son front.

" Bordel de merde ! " Lança t’il en grommelant. " J’ai mis un pied en dehors du cercle. Valentine, je suis désolé " Il se releva difficilement, marcha et enfin regagna le cercle de protection magique.

L’ombre réapparut. Immobile, percée par deux yeux rouges, à côté de la tombe.

Valentine était figée dans un effort de concentration intense.

" Oh je me sens glissée dans une angoisse si dense, un désespoir si intense . C’est de cela que l’être ombre se nourrit. De tout ce désespoir, de toute cette peur. Il me dit qu’il est un ange et qu’il souhaite m’aider. Il dit que je devrais me suicider pour venir dans sa maison sous le grand arbre mort. Je crois que la Comtesse peut se libérer de la chose en se pardonnant " Valentine sanglote et sa poitrine juvénile est secouée par des spasmes.

Un bref instant, tandis que Charles se tenait l’épaule et que Valentine pleurait, un bref instant, une lumière apparut. C’était une lumière d’or qui contenait en elle un nombre vertigineux de couleurs fabuleuses. La chape de plomb qui enserrait l’atmosphère se dissipa alors.

" Fuyons ! " Lança Charles. Et les voilà tout deux courant vers la sortie sans même lancer un regard en arrière. Arrivé dans la rue pavée éclairée par quelques réverbères, la quiétude de la nuit fut troublée par le bruit de leur course folle vers l’auberge du Lion d’or où ils avaient une chambre.

" Valentine, mon épaule me fait atrocement souffrir. Cependant, je préférerais me faire sodomiser plutôt que de me faire soigner par ce con de docteur Léonard ! "

Valentine ne pleurait plus mais son visage était brouillé par les larmes et ses yeux  encore gonflés. Ses sourcils se froncèrent.

" arrêtez d’être grossier " 

" Bordel de putain ! "

" Charles…" Son visage prit un air impatient et réprobateur, puis elle souri et éclata de rire. Toute la tension disparut tandis qu’elle riait. Un rire cristallin, le rire d’une jeune femme libre et belle. Charles sortit une bouteille d’eau de vie de la commode de leur chambre et s’en servit une bonne rasade. Il était toujours blanc comme un linge. Comme il essayait de rigoler, la douleur qu’il ressentit lui fit pousser un dernier juron qu’il tenta de dissimuler en le finissant dans un presque murmure.

FIN

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