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L'Archipel du Goulag

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January

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 875 messages
107ans‚ ©,
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Suivent quelques histoires d'évasion. En voici une :

En 1951, au Kraslag, une dizaine de détenus à peine lourde étaient convoyés par quatre soldats. Subitement, ils les attaquèrent, leur enlevèrent leurs mitraillettes, s'approprièrent leurs uniformes et... leur laissèrent la vie sauve ! - les opprimés sont plus souvent magnanimes que les oprresseurs. Quatre zeks déguisés jouèrent donc avec importance leur rôle de convoyeurs et conduisirent leurs camarades jusqu'à la ligne à voie étroite. Il y avait là des wagons vides prêts à recevoir du bois. La fausse escorte remonta jusqu'à la locomotive, fit descendre l'équipe de conduite et le convoi partit à toute vapeur vers la station de Réchoty (l'un des fuyards était mécanicien). Mais ils ne devaient parcourir qu'environ soixante-dix kilomètres. L'alerte avait été donnée (par les soldats auxquels ils avaient laissé la vie sauve), ils eurent plusieurs fois à faire le coup de feu depuis le train en marche avec des pelotons de la garde et enfin, on réussit à miner la voie devant eux. Un bataillon de la garde prit position à cet endroit et tous les fuyards périrent dans un combat inégal.

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 875 messages
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Troisième partie - L'extermination par le travail

Chapitre 15 - Chizo, Bour, Zour - Extraits choisis

A. Soljénitsyne nous explique au début de ce chapitre que l'ITK (code de redressement par le travail de 1924) admettait l'isolement mais que celui-ci devait se faire dans un lieu sec, clair et équipé pour dormir.

L'ITK 1933 deviendra encore plus humaniste : interdiction de l'isolement.

Si si. La raison ? Ils avaient compris que l'isolement n'est pas le pire, le collectif est le pire, et à l'isolement on ne travaille pas, donc, main d'oeuvre perdue. Vont subsister quand même les cachot (faut pas exagérer non plus), les "chizos" donc.

Les "bours" (Baraquements à régime renforcé) ont remplacé les Rours (Companies à régime renforcés) et les "Zours" (Zone à régime renforcé) remplaceront les "bours". Tout ce qu'il y a à retenir, c'est que c'est de pire en pire.

Parce qu'enfin, si on n'a plus rien pour faire peur à un détenu, s'il n'est plus de châtiment supplémentaire pour peser sur lui, comment le contraindre à se soumettre au régime ?

Et les évadés repris, où les fourrer dans ces conditions ? Pour quelle faute est-on envoyé au Chizo ? Mais pour un oui pour un non : mal salué, pas levé à temps, pas couché à temps, pas habillé comme il fallait, pas pris la bonne allée, etc...

Quelles sont les qualités qu'on exige d'un Chizo ? Il doit être froid, humide, obscur et affamant.

[...]

Selon une certaine conception naïve, un cachot doit obligatoirement ressembler à une sorte de cellule, avec toit, porte et serrure. Il n'en est rien ! Kouranakh-Sala, par un froid de cinquante au dessous, le cachot était un carré de rondins sans mousse pour boucher les interstices. A Vorkouta, le cachot destiné aux réfractaires était un carré de rondins sans toit, et il y avait en outre une simple fosse.

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 875 messages
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A. Soljénitsyne énumère ensuite quel genre de travaux sont assignés aux zones disciplinaires :

Fenaison lointaine (35 km de la zone) ; vie dans des huttes de foin qui laissent passer l'eau, fauchage dans les marais, les pieds toujours dans l'eau. Récolte de fourrage dans les même marais infestés de moustiques, extraction de tourbe et transport (on économise les chevaux, ce sont les hommes qui tirent les charrettes), et pour finir, le pire : la carrière de chaux et la calcination de la pierre à chaux.

Sont envoyés de préférence dans les zones disciplinaires les truands. les entêtés et les croyants. Par exemple il y a des baraques entières de "bonnes soeurs", qui refusent de travailler pour le Diable. On maintient la plupart dans des cachots avec de l'eau jusqu'au genoux. Jusqu'à ce qu'en 1941, elles soient toutes fusillées.

Il est fait état dans la fin de ce chapitre de la violence qui règne dans la zone, c'est la même que j'ai déjà rapportée, vols, violences, viols. Les camps sont sans foi ni loi, mais les zones disciplinaires sont pires encore. Les truands y portent même ouvertement des couteaux. Survivre dans un camp pareil est quasi impossible...

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January Modérateur 59 875 messages
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Troisième partie - L'extermination par le travail

Chapitre 16 - Les socialement-proches - Extraits choisis

La vieille Russie avait une formule à l'intention des criminels récidivistes : "Courbez-leur la tête sous le joug du fer et de la loi !"

Si bien que jusqu'en 1917 les voleurs ne faisaient la loi ni dans le pays ni dans les prisons russes.

Mais les chaînes tombèrent, la liberté resplendit. Aussitôt après la révolution de Février, les criminels de droit commun se déversèrent à grands flots dans le pays et s'y mélangèrent aux citoyens libres. On trouvait fort utile et amusant qu'ils fussent des ennemis de la propriété privée, une force révolutionnaire. A raisonner socialement : c'est bien toujours la faute au "milieu de vie" n'est-ce pas ? Rééduquons donc ces lumpen, qui sont sains, et insérons-les dans la vie consciente et organisée !

[...]

Que ne nous a-t-on pas susurré aux oreilles à propos du "code si original" des truands, de leur parole d'"honneur". A les lire : rien que des Don Quichotte et des patriotes ! Mais de là à se trouver face à face avec leur tronche dans une cellule ou un panier à salade...

Eh, assez menti, plumitifs à gages ! Les apaches ne sont pas des Robin des Bois ! Lorsqu'il faut voler les crevards, ils volent les crevards !

[...]

Voici quelles furent les lois pendant trente ans (jusqu'en 1947) : vol dans l'exercice de ses fonctions, vol de ce qui appartient à l'état, vol du Trésor Public ? Vol d'une boîte dans un entrepôt ? De trois pommes de terre dans un kolkhoze ? Dix ans ! (Vingt à partir de 1947). Vol libre ? Nettoyage d'un appartement, déménagement en camion de tout ce qu'avait pu amasser une famille au cours de sa vie ? En l'absence d'homicide, un an, six mois parfois...

Par ses propres lois, le pouvoir stalinien a clairement signifié aux apaches : volez ailleurs que chez moi ! Volez aux particuliers ! La propriété privée est un rot du passé, n'est ce pas ? Et les apaches ont compris.

[...]

Il existe toujours et dans tous les domaines une doctrine élevée et sanctifiante. Tout cela découlait de l'Unique Vraie Doctrine, qui explique toute la vie chatoyante de l'humanité par la lutte des classes et par elle seule.

Voici comme on argumente la chose. Les criminels professionnels ne peuvent en aucun cas être mis sur le même plan que les éléments capitalistes (ingénieurs, religieuses, étudiants...) : les seconds sont hostiles de façon stable à la dictature du prolétariat, les premiers ne sont que politiquement instables (l'assassin professionnel n'est que politiquement instable !). Le lumpen n'est pas propriétaire, il ne saurait donc s'allier aux éléments qui lui sont hostiles de par leur classe, il préférera s'allier avec le prolétariat (comptez là-dessus !). C'est la raison pour laquelle, selon la terminologie officielle du Goulag, ils sont dits "socialement-proches". (Dis-moi qui tu hantes...)

Lorsque cette théorie descendait sur la terre des camps, voici ce que ça donnait : les truands les plus fieffés, les plus endurcis, se voyaient investis d'un pouvoir sans contrôle, pouvoir dont jamais ils ne furent investis dans l'Histoire, à aucune époque et dans aucun état, pouvoir dont, en liberté, ils n'eussent jamais pu rêver.

A. Soljénitsyne relate ensuite tous les régimes de faveurs auxquels avaient droit les "apaches". On mettait à leurs ordres d'autres hommes, comme autant d'esclaves. Ils vivaient dans des boxes en compagnie de leur "épouse provisoire". Ils avaient des "auxis", valets pris parmi les trimeurs. On leur faisait la cuisine à part, viande et gras pour eux alors que destinés à la marmite commune.

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 875 messages
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Mais c'en est assez ! Disons aussi un mot en faveur des truands. Ils ont un "code original" et une conception originale de l'honneur. Leur originalité, toutefois, réside non point dans leur patriotisme, comme le voudraient nos administrateurs et nos littérateurs, mais dans le fait qu'ils sont des matérialistes et des pirates parfaitement conséquents.

[...]

Ce sont des insoumis, voilà tout, ils jouissent des fruits de cette insoumission et pourquoi iraient-ils se préoccuper de ceux qui courbent la tête et meurent en esclaves ? Ils ont faim et raflent tout ce qu'ils voient de comestible à manger. [...] Des muscles bien nourris, et une peau confiée au tatoueur pour satisfaire leurs exigences artistiques, érotiques ou même morales : sur la poitrine un aigle prenant son essor, ou un luisant (soleil) qui envoie ses rayons dans tous les sens. Et soudain, près du coeur, Lénine ou Staline, ou même les deux (ce qui n'a aucune valeur, pas plus qu'une croix de baptême au cou d'un truand).

[...]

Les truands ont le culte de la mère, culte formel : ce qu'elle a dit est sans effet.

[...]

Leur monde est à part, à l'intérieur du nôtre, et les lois sévères qui le régissent depuis des siècles pour en garantir la solidité ne dépendent en rien de notre législation de "caves" ni même des congrès du Parti. Ils ont leurs propres règles et les caïds sont d'emblée reconnus comme les patrons. Les truands ont leur tribunaux fondés sur le code de l'honneur et sur la tradition des bandits. Les sentences des tribunaux sont impitoyables et mises inexorablement à exécution. Les modes d'exécution sont insolites : ainsi tous peuvent sauter à tour de rôle de l'étage supérieur d'un châlit sur un homme couché à terre et lui défoncer ainsi la cage thoracique.

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 875 messages
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Non, ce ne fût pas la rééducation qui commença à briser l'échine du monde truand (la "rééducation" ne fit que les aider à revenir bien vite s'adonner à de nouveaux pillages), cela se produisit lorsque, dans les années cinquante, faisant foin de la théorie des classes et de la proximité sociale, Staline ordonna de fourrer les truands dans des isolateurs, dans des cellules de rétention solitaire t même de construire pour eux de nouvelles prisons (des fermoirs, les appelèrent les voleurs).

Dans ces fermoirs ou enfermoirs, les voleurs eurent tôt fait de perdre leur superbe, de s'étioler et de dépérir. Car le parasite est incapable de vivre dans la solitude. Il a besoin de vivre sur quelqu'un, enroulé à lui.

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January Modérateur 59 875 messages
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Troisième partie - L'extermination par le travail

Chapitre 17 - Les mouflets - Extraits choisis

Que de rictus à l'Archipel, que de trognes ! De quelque côté qu'on l'aborde, il n'y a pas de quoi être saisi d'admiration. Mais là où il est sans doute le plus abominable, c'est lorsqu'il vous présente la gueule qui engloutit les mouflets.

Les mouflets n'ont rien à voir avec ces enfants abandonnés, besprizorniki en haillons gris, grouillant, volant, se réchauffant auprès des goudronneuses, sans lesquels il est impossible de se représenter la vie urbaine des années vingt. Colonies pour criminels mineurs, maisons de travail pour mineurs accueillaient des enfants ramassés dans la rue et non pris dans des familles. Ils étaient devenus orphelins par suite de la guerre civile, de la famine qui l'accompagnait, de la désorganisation, de l'exécution ou de la disparition au front de leurs parents, et la justice d'alors tentait effectivement de rendre ces enfants à la vie de tout le monde en les arrachant à l'école de bandits qu'était la rue. A continuer dans cette voie, les choses se seraient peut être arrangées.

A partir de 1926 les enfants seront jugés à partir de 12 ans (vol, viol, meurtre, coups et blessures) mais avec modération, pas au tarif maximum. Ils entrent dans l'Archipel par la chatière, ce n'est pas encore la grande porte.

En 1935, le Grand Scélérat va changer les choses...

[...]

Ne voyant pas d'autre moyen de mettre à la raison ces chenapans malintentionnés, qui chaque jour avec plus d'effronterie enfreignaient la légalité socialiste, il estima de l'intérêt général que tous ces enfants, à partir de l'âge de douze ans (sa propre fille bien-aimée approchait déjà de cette limite, si bien qu'il pouvait se rendre compte de façon tangible de ce que représentait ledit âge), fussent jugés au maximum du code. Autrement dit, avec application de toutes les mesures de châtiment, y compris la peine de mort.

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Membre, 74ans Posté(e)
boeingue Membre 23 346 messages
Maitre des forums‚ 74ans‚
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la fille de Staline ,puisqu'il s'agit d'elle ,est enterrée aux USA dans l'état du Maine ,je crois !! elle a longtemps vécu à New York !!! :hehe:

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 875 messages
107ans‚ ©,
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En 1941 fut promulgué un autre décret du Présidium du Soviet suprême disant que les tribunaux appliquaient de travers le décret de 1935 : les gosses, toujours eux, n'étaient traduits en jugement que lorsqu'ils avaient commis un crime "intentionnellement". Mais voyons, c'était là une inadmissible mollassonnerie ! Et, en plein feu de la guerre, le Présidium met les points sur les i : il faut juger les enfants avec application de toutes les mesures de châtiment y compris dans les cas où ils auront commis des crimes non pas intentionnellement, mais par "imprudence" !

Voilà le travail ! Nul, dans toute l'histoire du monde, n'avait peut être encore fait les premiers pas en direction d'une pareille solution au problème de l'enfance ! A partir de douze ans, pour imprudence, jusques et y compris le poteau !

[...]

Et personne ne frémit ! Pas un seul des procureurs membres du Parti et ayant eux aussi des enfants tout pareils à ceux-là ! Les yeux sereins, les juges membres du Parti condamnèrent des gosses à trois, cinq, huit et dix ans de camps communs !

[...]

Pour une pochée de pommes de terre - une seule poche d'une culotte d'enfant - huit ans !

Vol d'une dizaine de concombres : cinq ans

Quant à la petite Lida, une fillette de quatorze ans, qui était allée ramasser dans la rue le mince filet de grains mêlé de poussière qui s'était écoulé d'un camion, et bien elle ne fut condamnée qu'à trois ans, vu cette circonstance atténuante qu'elle ne volait pas carrément la propriété socialiste dans un champ ou dans un grenier à blé.

Et voici que ces enfants de douze ans franchissent le seuil des cellules d'adultes dans les prisons, devenus les égaux des adultes en leur qualité de citoyens à part entière, leurs égaux en temps de peine barbares, leurs égaux en ration de pain, en écuelle de lavure, en place sur les châlits. Voici que le Goulag lui-même enfanta le mot sonore et effronté de "mouflet (maloletka !).

[...]

Ces frêles têtes de douze, de quatorze ans ont vu s'abattre sur elles un genre de vie que ne pouvaient supporter des hommes faits et courageux. Mais ces jeunes, en vertu des lois de la vie jeune, ne devaient pas se laisser aplatir par ce genre de vie...

la fille de Staline ,puisqu'il s'agit d'elle ,est enterrée aux USA dans l'état du Maine ,je crois !! elle a longtemps vécu à New York !!! :hehe:

Ah oui exact tiens, je ne savais pas.

Avec Papa en 1935 :

220px-Joseph_Stalin_with_daughter_Svetlana%2C_1935.jpg

Ou sur les genoux de Beria :

220px-Lavrenti_Beria_Stalins_family.jpg

Svetlana Allilouïeva : https://fr.wikipedia.org/wiki/Svetlana_Allilou%C3%AFeva

Un reportage plus récent :http://www.parismatch.com/Actu/International/La-petite-fille-de-Staline-est-une-femme-libre-160318

Comme ça doit être compliqué d'avoir une identité pareille crying8vr.gif

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 875 messages
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Tandis que, sur l'Archipel, les moufles voyaient soudain le monde tel qu'il apparaît aux yeux des quadrupèdes : seule la force y tient lieu de bon droit ! Seul le carnassier a le droit de vivre ! Et en quelques jours, les enfants y deviennent des bêtes ! Et les pires bêtes, celles qui n'ont pas de notions éthiques. Le mouflet fait sien ce précepte : si quelqu'un a des dents plus faibles que les tiennes arrache- lui le morceau qu'il tient, il est à toi !

[...]

Les mouflets sont battus à coups de bottes, on les maintient dans la terreur pour qu'ils restent silencieux et dociles. Pour cette raison, il est prévu dans leur ration un supplément en lait, beurre et vraie viande. Comment des éducateurs pourraient-ils résister à la tentation de plonger leur louche dans la marmite des mouflets ? Et comment obliger les mouflets à se taire si ce n'est à coups de bottes ?

[...]

Dans les colonies des mouflets, quels sont les ennemis ? Les surveillants et les éducateurs. C'est donc contre eux qu'on lutte ! Voyez cette colonne de mouflets que l'on conduit à la ville sous une escorte sévère, c'est même une honte pourrait-on croire, de garder si sérieusement des enfants. Détrompez-vous ! Ils se sont donné le mot : un coup de sifflet ! Et ceux qui le veulent s'enfuient dans toutes les directions ! Que doit faire l'escorte ? Tirer ? sur lequel d'entre eux ? Et puis, peut-on tirer sur des enfants ?

[...)

Un romancier de l'avenir nous décrira quantité d'amusements manigancés par eux : chahuts dans les colonies, vengeance tirée des éducateurs, tours de cochon à eux joués. En dépit de toute l'apparent sévérité de leur temps de peine et du régime intérieur, l'impunité développe chez les mouflets une grande audace.

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Dans les colonies d'enfants, les mouflets travaillent quatre heures et doivent en consacrer quatre autres à étudier (au reste, tout cette étude est de la truffe). Un fois transférés dans un camp d'adultes, ils doivent une journée de dix heures, seulement leurs normes de travail sont réduites.

Après la colonie, plus de ration spéciale, convoitise des surveillants qui cessent d'être l'ennemi principal. Il y a des apparitions nouvelles. Des vieillards sur lesquels on peut essayer sa force. Des femmes sur lesquelles on peut essayer sa puberté. Des voleurs aussi, en chair et en os, tout à fait disposer à entraîner les mouflets à voler. Faire son apprentissage avec eux est tentant, ne pas le faire est impossible.

[...]

Plus faible est la victime, plus impitoyables sont les mouflets. Voyez ce vieillard complètement décati à qui l'on vient d'arracher sa ration de pain ouvertement. Le vieillard pleure, supplie qu'on la lui rende : "Je vais mourir de faim ! - La belle affaire ! de toute façon tu vas bientôt crever !"

Il suffit à l'imprudent pékin entré dans la zone avec un chien d'avoir eu un instant le dos tourné pour qu'il puisse le soir racheter hors de la zone la peau de ce même chien. En un clin d'oeil l'animal a été attiré, égorgé, écorché et cuit.

[...]

Où ne trouvent-ils pas amusement ! chiper sa chemise à un invalide et jouer à se la lancer, en le forçant à courir comme s'il avait le même âge qu'eux. Il se fâche, il part ? eh bien, il ne la reverra plus ! Vendue hors de la zone. Ensuite ils iront l'aborder innocemment : "Grand père, eh grand-père ! allons ne te fâche pas ; pourquoi que t'es parti ?T'avais qu'à l'attraper non ?"

Les mouflets agissent sans préméditation, ils n'ont nullement l'intention d'offenser, ils ne font pas semblant, c'est pour de bon qu'ils ne reconnaissent personne pour des êtres humains, à l'exception d'eux-mêmes et des voleurs plus vieux qu'eux.

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January Modérateur 59 875 messages
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Ainsi se préparaient d'entêtés petits fauves par l'action conjointe de la législation stalinienne, de l'éducation du Goulag et du levain du milieu. On n'eût pu inventer meilleur moyen pour bestialiser un enfant ! On'eût pu, plus rapidement, plus densément faire entrer tous les vices du camp dans une poitrine étroite et insuffisamment affermie !

A. Soljénitsyne rapporte ensuite les souvenirs de "mouflets" (librement résumé).

Galia, neuf ans, fut envoyée dans un orphelinat après que sa mère eut péri en prison et son père fusillé. La coutume régnant dans la maison faisait que les filles vivaient dans la terreur constante d'être violées. Galia devint une petite louve, à onze ans, elle subissait son premier interrogatoire politique. Elle prit dix ans de camp. A quarante ans, elle vit solitaire au delà du cercle polaire et écrit : "Ma vie a fini avec l'arrestation de mon père".

Svetlana : "Il m'est impossible d'oublier le jour où toutes nos affaires ont été jetées dans la rue et moi assise dessus sous une pluie battante. Depuis l'âge de six ans, j'ai été "fille de traître à la patrie" et il ne peut rien y avoir de plus terrible dans l'existence".

Nina : En novembre 1941, on arrêta son père. A cette occasion on saisit son journal intime et une photo contre-révolutionnaire (une vue de l'église Varvara qui avait été rasée) : Cinq ans, plus trois ans de privation de ses droits civiques.

Zoïa : toute sa famille fut disséminée dans des camps lointains pour cause de "foi en dieu". A dix ans, elle fut envoyée dans un orphelinat où elle refusa d'enlever la croix que sa mère lui avait mise au cou lors de la séparation. Jugée rebelle à l'éducation, on l'envoya dans un orphelinat pour anormaux. Elle devient le chef de file des droits-communs ! Sur la statue de Staline fleurira des inscriptions moqueuses et inconvenantes et enfin, la tête sera abattue, posée à l'envers et portant dans sa partie creuse... des excréments. Terrorisme ! On la condamna à la mesure suprême, sans rire le moins du monde. Mais à cause de la loi sur le retour à la peine de mort (1950), l'exécution d'une fille de quatorze ans n'était pas vraiment prévue. Trois peines de camp. Sa famille était déjà libérée qu'elle y était encore.

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Troisième partie - L'extermination par le travail

Chapitre 18 - Les muses au Goulag - Extraits choisis

On a coutume de dire qu'au Goulag tout est possible. La bassesse la plus noire, n'importe quel détour de la trahison, une rencontre étonnante et inattendue, l'amour sur le versant de l'abîme - tout est possible. Mais si l'on vient, les yeux brillants, vous raconter que quelqu'un a été rééduqué aux frais de la princesse par les soins de la KVTch, répondez avec assurance : c'est de la blague !

(KVTch = section culturelle et éducative)

Le chef de la KVTch était pris parmi les citoyens libres, avec le statut d'adjoint au chef de camp. Il sélectionnait ses éducateurs (à raison d'un pour 250 pupilles) obligatoirement dans les couches proches du prolétariat - par conséquent et de toute évidence, les intellectuels (petite bourgeoisie) ne faisaient pas l'affaire. L'éducateur doit le matin assister au départ pour le travail et vérifier le travail des cuisines (il se fait remplir la panse et peut retourner finir sa nuit).

La KVTch n'a pas de droit d'arrestation, mais elle peut présenter une demande à l'administration (laquelle ne refusera pas). L'éducateur présente régulièrement des rapports sur l'état d'esprit des détenus.

[...]

En cette heureuse époque, au dessus des espaces et abîmes ténébreux de l'Archipel planaient les Muses, et d'abord, la plus haute de toutes, Polymnie, muse des hymnes et des slogans :

"A la bonne brigade - honneur et gloire !

Travailleur de choc, à toi les crédits !"

Ou bien :

"Prenons part à la campagne de choc

En l'honneur du 17ème anniversaire d'Octobre !"

Qui résisterait n'est-ce pas ?

Et puis il y a la presse, bien sûr, la presse ! L'arme la plus affûtée de notre Parti. Voilà bien la preuve authentique de la liberté de la presse qui règne dans notre pays : l'existence d'une presse sur les lieux de détention ! Parfaitement ! Dans quel autre pays la chose est-elle possible ? Les journaux publient également des photos des travailleurs de choc. Les journaux donnent des directives. Les journaux mettent à nu. Les journaux font également la lumière sur les offensives de l'ennemi de classe. D'une façon générale, les journaux reflètent la vie du camp telle qu'elle s'écoule et constituent un témoignage inappréciable pour la postérité.

Voici, par exemple, le journal de la maison de détention d'Arkhanguelsk qui nous peint en 1931, l'abondance et l'épanouissement dans lesquels vivent les détenus : "Crachoirs, cendriers, toiles cirées sur les tables, haut-parleurs radiophoniques, portraits des chefs et slogans aux murs exprimant avec vigueur la ligne générale du parti, tels sont les fruits mérités dont jouissent les privés-de-liberté !

Oui, des fruits précieux !

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Quelles sont les formes de travail de redressement et d'éducation qui subsistent pour la KTVch ? Les voici : si un détenu présente une requête au chef de camp, y mettre une apostilles concernant l'exécution de la norme par l'intéressé et sa conduite ; distribuer dans les chambrées le courrier dégorgé par la censure ; coudre les journaux en liasses et les cacher pour éviter que les détenus ne les fument.

Ah ! voici encore un travail important, oyez : s'occuper des boîtes ! De temps à autre les ouvrir, y faire place nette et les refermer, ces petites boîtes peintes en brun, accrochées bien en vue dans la zone. Avec, dessus, des inscriptions : "Soviet Suprême de l'URSS", "Conseil des ministres de l'URSS", "Ministre de l'Intérieur", "Procureur Général".

Ecrivez ! Ne vous gênez pas ! La liberté de parole règne dans notre pays. Nous verrons ensuite ce qu'il convient d'envoyer où et à qui. Il y a ici des camarades spéciaux pour lire ce genre de choses.

On peut voir gratter une guitare, un détenu qui donne un cours de philosophie, on peut chanter, danser, et ce sont les peintres les plus remarqués. Par contre, les poètes ne doivent produire que légendes et couplets qui stigmatisent les auteurs d'infraction à la discipline. Pour les sculpteurs, c'est moche, on n'a pas l'habitude de mettre ça chez soi et ça prend la place d'un meuble, 'sont mal vus les sculpteurs. Quant aux prosateurs, vous imaginez bien : il n'en existe aucun.

Qu'est ce qui peut bien allécher les zeks dans cette activité d'amateurs ? Le principal appât, dans les zones mixtes, est l'occasion de se rencontrer. Les participants aux répétitions de chant, danse, théâtre, en vue de spectacles étaient autorisés à circuler dans la zone pendant deux heures. Et la plupart du temps, ils en profitaient pour vaquer à leurs "affaires".

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Izolda Vikentievna Glazounova prenait déjà de l'âge et commençait à avoir du mal à danser. Quelques jours plus tard, sans crier gare, comme dans une attaque de voleurs - c'est toujours ainsi dans l'Archipel, que se préparent les transfèrements - Izolda fut embarquée, arrachée à son mari, précipitée dans l'inconnu. Ce n'était point cruauté, mais simple mesure de raison : la vieille femme ne méritait plus le pain qu'elle mangeait, elle occupait un poste budgétaire.

Le jour où sa femme partit en transfert, Oswald vint nous trouver dans notre chambrée, les yeux hagards, s'appuyant sur la fragile épaule de sa fille adoptive. Il était dans un état de semi-déraison, on pouvait craindre qu'il n'attentât à ses jours.

J'ai retenu une silhouette sculpturale : le vieil homme attirant la jeune fille par la nuque ; la jeune fille, le regardant de côté avec compassion, en s'efforçant de ne pas pleurer.

Bien sûr, que voulez-vous : la vieille ne méritait plus le pain qu'elle mangeait...

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Troisième partie - L'extermination par le travail

Chapitre 19 - Les zeks en tant que nation - Extraits choisis

(Etude ethnographique de Candide Candidytch)

L'auteur de ces lignes, intrigué par le caractère énigmatique de la tribu indigène qui peuple l'Archipel, a entrepris de se rendre sur place en mission scientifique de longue durée.

Le résultat est que n'avons aucune peine aujourd'hui à démontrer que les zeks de l'Archipel constituent une "nation" à part.

Qui de nous n'a étudié, sur les bancs du collège, l'unique et bien connue définition de la nation donnée par Staline : la nation est une communauté historiquement constituée d'hommes possédant un territoire commun, une langue commune, une communauté de vie économique, une communauté de structure psychique qui se manifeste dans une communauté de culture.

Mais c'est que les indigènes de l'Archipel satisfont pleinement à toutes ces conditions ! Et même mieux que pleinement !

Nos indigènes occupent un territoire commun parfaitement défini (quoique fragmenté en îles), sur lequel d'autres peuples ne vivent pas. Leur mode de vie économique est étonnamment uniforme. Si, dans ce même domaine de l'économie, on fait entrer le mode de vie quotidienne, on constate que ce dernier est à ce point uniforme dans les îles que les zeks transbahutés d'île en île ne s'étonnent de rien.

Ils mangent une nourriture comme personne d'autre sur terre n'en mange, s'habillent comme personne d'autre ne s'habille. Quel ethnologue nous dira s'il existe une autre nation dont tous les membres aient le même emploi du temps, la même nourriture et le même vêtement ?

Le terme de communauté de culture est insuffisamment explicité. S'il s'agit d'une unité dans le domaine de la science et des belles-lettres, nous ne pouvons l'exiger de la part des zeks puisqu'ils ne possèdent pas de textes écrits. La plupart d'entre eux manquent de culture par excès de censure.

La communauté de psychologie des zeks, leur uniformité sont des choses dont ne peuvent que rêver les autres peuples. Ces derniers ont leur propre folklore, leurs propres figures de héros. Mais aussi leur propre forme particulière d'expression des émotions, plus importante que le reste de la langue et qui leur permet de communiquer entre eux plus énergiquement et plus brièvement.

Tout ce que nous venons de dire nous permet d'affirmer hardiment que la condition des indigènes de l'Archipel est une condition particulière de nationalité dans laquelle s'évanouit l'appartenance nationale antérieure de l'intéressé.

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 875 messages
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L'attitude vis à vis du travail pour l'Etat. Les zeks le savent bien : il est impossible de venir à bout du travail qui leur est imposé (ne vous accrochez jamais à l'idée que vous allez vous dépêcher de finir pour pouvoir ensuite vous asseoir et vous reposer : à peine vous serez-vous assis qu'on vous collera sur le dos une nouvelle tâche). Le travail aime les imbéciles.

Mais comment procéder ? Refuser ouvertement de travailler ? Impossible de trouver pire ! C'est un coup à se faire envoyer pourrir au cachot, à y mourir de faim. Aller au travail : il n'y a pas moyen de faire autrement, mais une fois qu'on y est, il faut non pas en baver mais "torchonner", non pas marner mais tirer sa loupe, coincer sa bulle. Ouvertement, un indigène ne refuse jamais d'exécuter un ordre, ce serait sa perte. Non, il étire le caoutchouc. C'est une des grandes expressions de l'Archipel, c'est le grand acquis sauveur des zeks. [...] Ce qui parfois plonge dans le désespoir les infatigables et rationnels commandants de la production. Tout naturellement, le poing vous démange : on a envie de lui taper sur la gueule à cette bête en haillons, inepte et obtuse, on le lui avait pourtant dit en bon russe, non ?

[...]

De l'attitude du zek vis à vis du travail découle son attitude vis à vis des autorités. Apparemment, il est tout ce qu'il y a de plus docile, il a très peur d'elles, il courbe l'échine quand les autorités l'engueulent. En réalité, les zeks méprisent profondément les chefs, ceux du camp comme ceux de la production. [...] Les zeks estiment, dans leur for intérieur, être supérieurs à leurs chefs, tant par l'instruction que par la maîtrise de spécialisations techniques et l'intelligence générale des choses de la vie.

[...]

Ce à quoi les zeks attachent le plus de prix, ce qu'ils mettent à la première place, c'est la ration qu'ils appellent païka, ce morceau de pain noir agrémenté d'ingrédients divers, mal cuit, que vous et moi n'aurions pas même l'idée de manger.

En second lieu vient le tabac : gros-cul ou tabac de jardin, étant entendu que le gros-cul leur sert, en quelque sorte, d'étalon universel (les îles n'ont pas de système monétaire). En troisième lieu vient la lavure (potage insulaire sans matières grasses ni viande ni gruau ni légumes).

La valeur suivante est le sommeil.Un homme normal ne peut qu'être étonné de voir à quel point le zek est capable de dormir et dans quelle diversité de circonstances.

[...]

Nous remarquons que, lorsque nous émettons des considérations sur le peuple des zeks, il nous est impossible de nous représenter des individus, des visages ou des noms isolés.

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Modérateur, ©, 107ans Posté(e)
January Modérateur 59 875 messages
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La condition majeure du succès dans la lutte pour la vie est, pour les insulaires du Goulag, la dissimulation. [...]

L'esprit de dissimulation du zek découle de sa méfiance universelle : il se méfie de tous ceux qui l'entourent. [...] La loi, c'est celle de la taïga, tels sont les termes dans lesquels il formule l'impératif suprême des relations humaines.

[...]

Les fils du Goulag sont les principaux dépositaires de la tradition et de ce qu'il est convenu d'appeler les commandements du zek. Comme l'affirment les fils du Goulag, ceux qui vivent selon ces commandements sont assurés de ne point périr.

[...] Tu ne feras pas la mouche, tu ne lécheras pas les écuelles (pas après les autres sous peine de mort à brève échéance), tu ne chacaleras pas, tu ne redouteras pas, tu ne demanderas pas, tu ne croiras pas !

Le moyen de gouverner (en liberté) un peuple qui serait entièrement pénétré de ces fiers commandements ? On frémit rien que d'y penser.

[...]

Le zek est toujours prêt au pire, sa vie est telle qu'il s'attend en permanence aux coups du destin et aux morsures des forces mauvaises. Inversement, tout allègement temporaire est ressenti par lui comme une inadvertance, une erreur. Dans cette attente perpétuelle du malheur mûrit l'âme austère du zek, sans peur devant son propre sort ni pitié devant celui d'autrui.

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