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L'Imbrûlée


Maxence22

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Maxence22 Membre 8 799 messages
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CHAPITRE UN

Le ballet durait depuis une heure. Canonnades. Mousqueteries. Cris des officiers. Gémissement des blessés. C'était un vacarme permanent et assourdissant.

Bivin de Garambière avait un genoux à terre au front de son bataillon. Il tentait d'interpréter tout les bruits au-delà de son champ de vision. Résigné mais aussi terrifié, il se demanda à quel moment son tour allait arriver. Il ferma ses yeux quelques secondes, demanda à Épozias de l'épargner. Un éclat d'obus avait frappé sa joue gauche au moment où son bataillon prit position sur la contre-pente. Il s'était cru perdu mais beaucoup d'alcool et un chiffon attaché autour de sa tête: il put reprendre son poste. Il marmonna dans sa barbe d'une semaine être bon pour une belle cicatrice à vie.

Malgré le vacarme ambiant, il ne comprenait rien de ce qu'il se passait. Le champ de bataille recouvert par une fumée blanchâtre, il ne pouvait voir à plus de cinq mètres. Ce n'est pas qu'il pouvait distinguer le champ de bataille. Tout au plus, cela aurait été que le plateau où se déployait l'armée royale. Autour de lui, c'était le chaos. Il pataugeait dans la boue, le sang et d'autres substances corporelles évacuées par la terreur. Son visage recouvert de poudre noire, ses oreilles sifflaient serré épaule contre épaule. Les hommes ne réagissaient qu'aux ordres répétés des milliers de fois tel un automate. Bivin s'agrippait fermement à son fusil, sa tête coincée dans le creux de son coude droit, le front appuyé contre le bois, il avait l'impression de devenir fou. Il tentait d'oublier l'horreur de la bataille, en vain. Ce qu'il voyait, sentait ou entendait le ramenait immédiatement à la réalité. Son uniforme sale et en lambeau était couvert de crasse, de poudre noire et de boue. Rien à voir avec celui qu'il avait revêtu il y a trois mois. Troué, usé par la campagne, les combats ainsi que le mauvais temps donnait l'allure d'un mendiant. Cette réalité là, elle craignait d'autant plus qu'il ne savait rien, il ne comprenait rien de ce qu'il se passait.

— Serrez les rangs ! hurlaient les sergents.

Pour les oreilles de Bivin, cet ordre signifiait que des camarades venaient de tomber. Sous ce déluge de métal il ne pouvait croire que même le chef de bataillon ne pouvait ressentir autre chose que de la peur. Pourtant, quand il se retourna, il le vit. Le chef de bataillon dressé comme un I, proche du porte-drapeau. Il était réputé comme le soldat le plus valeureux de l'armée. Bivin voulait bien le croire, un chef de bataillon ou un colonel sont des cibles de choix pour les tirailleurs ennemis. Ils visaient en priorités ce qui symbolisait la cohésion d'une unité de combat représentée par son chef ainsi que les officiers et les sergents. Heureusement pour lui, il n'avait aucun insigne sur lui. Il était au moins rassuré sur ce point. Malgré cela, l'artillerie, elle, ne faisait aucune différence. L'armée royale était cachée des artilleurs. Ils étaient guidés par les tirailleurs et réglaient leur pièce en les chargeant avec des obus, des boulets creux chargés de poudre qui éclataient au plus près de sa cible.

Les tirailleurs, à l'intérieur du bataillon, ressortirent chasser leurs vis-à-vis. Quelques instant après, c'étaient les artilleurs. Ils coururent vers les batteries déployées sur la crête. Entre temps, la fumée se dissipa. Bivin aperçut les bataillons du régiment des Gentilshommes déployés le long de la contre-pente à une cinquantaine de mètres de la crête. Le reste de l'armée se trouvait sur le plateau un peu plus bas invisible des rebelles. Seules les batteries d'artilleries placées sur la crête étaient dans la vision des ennemies. Bivin supportait très mal le harcèlement des tirailleurs. Avec ce manège incessant il comprit que la crête était l'enjeu des combats les plus intenses. Des échanges de coups de feux se firent entendre entre les tirailleurs des deux armées à l’abri dans les champs, les fossés, les cadavres de chevaux et d'hommes. Un instant plus tard, il vit les artilleurs se débander. Ils pénétrèrent à l'intérieur des carrés royaux. Les tirailleurs ennemis occupèrent la crête. Autour de lui, le feu s'intensifia. Et des hommes tombèrent.

— Serrez les rangs !

La situation se dégrada. La fumée reprit ses droits. Un son de trompette lointain lui parvint aux oreilles. D'abord distant, il se rapprocha de plus en plus. Il y eu un moment de silence. Menaçant. Puis une détonation. Quelques secondes plus tard, un massacre. La mitraille ravagea les rangs: balles de tous calibres, biscaïens, clous, vis et autres projectiles composé de tout métal mutilèrent, coupèrent, arrachèrent têtes, membres, abdomen. Les explosions de sangs et de chair se répandirent sur les survivants et se mélangèrent à la boue. Un biscaïen frappa le fusil de Bivin. Projeté en arrière, sa tête frappa lourdement le sol. Commotionné quelques secondes, il se trouvait allongé sur le dos. Ses yeux fixaient le ciel. Il s'essuya avec nonchalance le visage couvert de sang, de poudres, de crasse et autres substances. Quand il reprit ses esprits, c'était hurlement d'ordre, cris de blessés et gémissement des mourants.

— Serrez les rangs !

Quelque instant plus tard une deuxième détonation cracha son boulet et pris le bataillon en enfilade. Une seconde fois, Bivin fut projeté en arrière et commotionné. À cette instant, il avait presque oublié qu'il se trouvait sur un champ de bataille. Mais la réalité le rattrapa quand il vit un boulet fracassé le genoux de Lally juste derrière lui, rebondir suffisamment proche pour entraîner quatre soldats au sol, arracher un morceau de la tête de Rollin provoqua un geyser d'hémoglobine et arrosa les soldats aux alentours. Le boulet finit par arracher le bras de Galvin. Hébété, il s'approcha du capitaine et l'agrippa, inonda de sang l'uniforme avant de s'effondrer. Dans le même temps, les tirailleurs ennemis ne cessaient de tirer. À sa droite, son ami Canville eu le nez arraché par une balle. Cette position devenait intenable et cette satanée fumée empêchait de voir à plus de cinq mètres ce qu'il s'y passait. Mais au bout d'une heure, les tirs cessèrent enfin et le champ de vision s'allongea.

Le voile de fumée se leva. Mais ce qu'il vit le glaça. Là, sur la crête, l'infanterie ennemie apparue. À la vue des bataillons des Gentilshommes, les unités rebelles manœuvrèrent. Elle passèrent de la colonne d'assaut à la formation en ligne, efficace pour le tir. Les officiers hurlèrent leurs ordres. Les bataillons rebelles avancèrent vers les lignes royales. Pendant quelques secondes, Bivin observa les formations comme-ci le temps s'arrêtait. Quelques secondes plus tard le chaos régna à nouveau.

— Serrez les rangs !

Le bataillon riposta mais son volume de feu insignifiant au vue de ses énormes pertes. Des corps enchevêtrés s'empilèrent formèrent un macabre mur de protection. Ce bastion morbide forma pendant quelques instant un mur protecteur contre les charges de cavalerie et un léger obstacle pour l'infanterie ennemie. L'échange de tir fut bref et les rebelles reculèrent. Quelques secondes plus tard ce fut une détonation. Les boulets frappèrent les murs de cadavres dans un bruit écœurant emportant chair et os. Une deuxième, une troisième puis une quatrième détonations pilonnèrent les bataillons à très courtes distances. La cinquième, une charge à mitraille, acheva le mur de cadavre. Bivin était un automate. Il chargeait, visait, tirait comme s'il était un robot. Proche de lui, le fusilier Morin n'était plus dans son état normal. Il ne se souciait plus du vacarme effrayant, des hurlements, des gémissements. Il ne cessait d'appuyer sur la gâchette, viser le néant, le regard vide, au travers de la fumée aveuglante il ne se rendit pas compte qu'il n'y avait que le clique du percuteur. Aucune détonation. Aucune balle ne sortait de son fusil.

Le sol vibra. Sortie de la fumée, la cavalerie rebelle apparut. Les cuirassiers rebelles poussèrent des cris sauvages, dressés sur les étriers les sabres brandis en avant. Surpris, en plein découvert sur la pente légère de colline. Les hommes du bataillon se débandèrent. Comme tétanisé, Bivin regardait les cavaliers quand il fut bousculé et jeté au sol.

— Reste au sol gamin, chuchota le chef de bataillon, notre seule chance d'en sortir vivant, est de faire le mort.

Inconsciemment, il sourit en constatant l'ironie de la phrase. Il fut témoin, à ce moment, d'une scène d'horreur. Chacun des hommes du bataillon se virent séparé de ses camarades. Il se battait pour se propre compte, essaya de préservé sa propre vie mais cette position n'était plus tenable pour les fantassins encerclés de dragons. Les sabres de cavalerie s'ouvrèrent des passages dans les chairs. Les hommes de son bataillon étaient taillés en pièce. La scène sembla durer une éternité. Les dragons encerclèrent le bataillon et tuaient les uns après les autres les hommes piégés qui tentaient de se protéger avec leurs mains. Ils glissaient dans la boue où se répandaient le sang des blessés et des morts. Ils imploraient pour leur vie. Ils pleuraient, roulé en boule, la tête entre les cuisses. Ils tentaient de fuir. Il essayaient de se frayer un chemin entre les chevaux. Certains restaient debout, tiraient ou chargeaient à la baïonnette. Mais les cuirassiers les transperçaient. Ils resserrèrent leur cercle mortel. L'allonge d'un fusil-baïonnette ne peut rivaliser avec une longue épée de cavalerie lourde. Le tir d'un jeune soldat inexpérimenté, paniqué et encerclé n'aura aucune chance de toucher même un cheval.

— Reste calme gamin, il ne nous...

Sa phrase s'arrêta nette quand une balle traversa sa joue et ressortit de l'autre côté. Bivin, seul au milieu des cavaliers ennemis, jeta son fusil et leva ses mains, prisonnier. Mais bientôt, des sons de trompette et des cris sauvages en même temps qu'une ligne de cuirassiers royaux accompagné de lanciers apparurent. Les cuirassiers rebelles firent alors face à la cavalerie royale. Ils abandonnèrent leurs prisonniers et s’avancèrent vers ce nouvel ennemi. À ce moment, Bivin se jeta dans un champ de blé tout près et attendit que l'affrontement cessa. Ils vit le combat de cavalerie, bref et violent. C'était la division des cuirassiers de Quiot soutenue par le quatrième régiment de lanciers. L'affrontement débuta par une charge à fond des cavaliers royaux. L'attaque était mené avec une furie rare. Les cuirassiers royaux sabrèrent et les lanciers jouèrent de la lance avec férocité. Les rebelles ne purent contenir le choc. Ils s'enfuirent.

Bivin put sortir de sa cachette. Il se dirigea vers son unité quand il croisa le cadavre d'un officier rebelle. Il remarqua une très belle chaîne qui sortait du gousset du mort. C'était une superbe montre en or qu'il s'empara. Une fouille plus minutieuse lui permit de trouver de l'argent. Quelques pas plus loin, il découvrit une gibecière garnie d'un écritoire, de l'argent, une flasque pleine de rhum et du linge. Il ramassa un fusil et fouilla les gibernes qu'il put dans le but de se reconstituer un stock de munition. Il aperçut plus loin quelques-uns de ses camarades vers lequel il se précipita. En leur compagnie, il se dirigea vers la fameuse ferme fortifiée à portée de vue. Ils coururent et franchirent la porte cochère. Dans la cour, une foule de soldat royaux se préparaient à une nouvelle attaque. Un officier s'approcha.

— Tiens ! Regardez ça les gars... Des Gentilshommes... On vous a vu tout à l'heure, détaler comme des lapins ! Asséna d'une voix moqueuse le chef de bataillon.

— Mon commandant, nous faisons ce que nous pouvons ! Répondit le sous-lieutenant Orfeuil.

Mais déjà, les colonnes ennemies approchèrent. Balles, boulets et obus frappèrent les murs de la ferme de La Hasynte. Le combat commença quelques minutes plus tard. Et ce fut un bal de cris, d'insultes, de claquements de balles sur les murs. Maintenant, les rebelles se trouvaient juste de l'autre côtés du mur. Il pouvaient les entendre crier et insulter. Des boulets frappaient le grand portail de bois. Entre chacun d'eux, des sapeurs tentaient d'abattre la porte à coup de hache. Peu après, un cris résonna depuis la grange.

— Ils tentent d'entrée par le mur de la grange !

Bivin et une dizaine de soldats s'y rendirent. Après quelques échanges de coup de feu, il remarqua de la fumée au travers des solives. Puis le feu s'étendit sur toute la charpente. Il ne pouvait plus rien faire, mais l'ennemi ne pouvait lui non plus plus traverser par la grange en feu. Une décharge de mousqueterie, venue des meurtrières précédemment occupées par Bivin et ses camarades était maintenant submergés de soldat ennemis. Il rechargea précipitamment son arme. Il tira. Il n'eut pas le temps de recharger qu'un rebelle tenta de saisir son fusil mais son camarade fut plus rapide, tira un coup de fusil dans la tête. Au même moment, un ennemi se saisit de son arme. Un de ses camarades planta aussitôt sa baïonnette au travers de la gorge. Tout autours du groupe, les balles claquèrent contre les murs et la charpente en même temps que le feu se répandait à toute la ferme fortifiée. Bientôt, les munitions s'épuisèrent. Des cris s'élevèrent depuis la cour.

— Ils en arrive de partout !

Il était alors temps de fuir. Ils se défendirent comme ils purent mais submerger par le nombre, ils durent fuir à travers les bois. Quelque chose lui frappa l'occiput. Il tomba au sol, tête la première, assommé.

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  • 2 semaines après...
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Maxence22 Membre 8 799 messages
Forumeur accro‚ 47ans‚
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Chapitre 1 corrigé et amélioré.

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