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Le nombre de fois où je suis morte


eklipse

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Membre, Dazzling blue², 53ans Posté(e)
eklipse Membre 14 471 messages
53ans‚ Dazzling blue²,
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vendredi 11 avril 2014

" Le nombre de fois où je suis morte" Marie Christine BUFFAT

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Certains romans vous happent dès les premiers mots lus, découverts. Certaines nouvelles ont cette puissance de vous prendre par la main et de vous amener dans les sentiers de votre âme, de vous faire traverser les émotions à fleurs de votre peau, extrême sensibilité de nos mots et de nos silences, cris de notre corps.

Mort de… Etre mort de … « Et si pour une fois, l’on prenait les expressions toutes faites au pied de la lettre ? Si les émotions trop vives nous faisaient réellement mourir ? »

« Le nombre de fois que je suis morte » est un cri dans le silence de nos âmes. Un cri qui se perd dans la gorge, un cri qui se perd dans nos dédales, un cri dans le silence de nos corps. Et il y a des silences qui sont criants, criants de vérité, de mots qui cognent, de phrases uppercuts, de coups de poing en plein ventre, de gravité, d’angoisse et de culpabilité. Il y a des cris de désirs qui s’éteignent dans la nuit. Marie Christine BUFFAT fauche, tricote nos sentiments, points après points, brode nos émotions à l'aiguille fine. Elle anesthésie, nous ébranle, nous saisit de ces « yeux dominos que d'autres yeux dominos font tomber à peine on les effleure ».

Avec elle on meurt au détour de chaque nouvelle. On meurt de faim, de honte, d’ennui, de désir, d’impatience, de jalousie, de culpabilité, de chaud, d’angoisse, de chagrin, de froid, de peur et de rire. On meurt avec ces treize femmes. Ces femmes entières, généreuses, passionnées qui n’arrivent plus à retenir le flot d’émotions en elle. Ces femmes qui crient en silence, qui é-crient, qui ne trouvent plus la voie d’accès, le chemin qui libère, séquestrées, ficelées, saisies par la peur, l’angoisse, la farouche volonté de vivre, perdues dans le dédale de leur corps, en transit. On meurt sous le coup des émotions. On meurt de rire aussi, souvent. De ce sourire, rire qui nous sauve de la dramaturgie de la vie.

« J’ai chéri passionnément tous ces instants de bonheur pur, cet esprit de liberté, d’indépendance. Je voulais conserver précieusement ce grain de folie qui pétillait dans ma tête comme un rempart à la masse compressée des cerveaux noyés par des idéaux de réussite sociale, de bienséance, de propos convenus, de mariage parfait, d’enfant bien élevés. Je pensais pouvoir contourner le droit chemin sur lequel on tenait tant à me voir marcher, balancer d’un coup de pied les belles pompes cirées propre en ordre qu’on essayait de me faire chausser. Mais il y a toujours quelque chose ou quelqu’un pour vous forcer à les enfiler.

Pourtant, je préfère encore marcher pieds nus.

Je m’en fous qu’on les écrase.

Je sais faire fleur avec mes orteils.

Parfois, je m’assieds sur le rebord d’un trottoir parmi la foule qui passe sans me voir, et j’enlève ces escarpins serrés, aux talons trop hauts, trop étroits, trop assortis à la jupe que je porte. Et là, assise sur le béton froid de ces milliers de gens qui passent sans me voir, sans rien voir, je fais fleur avec mes orteils. Je les écarte au maximum, et ils deviennent les pétales d’une fleur de pied, à la tige sans racine. »

95285152.jpgMarie Christine BUFFAT fait déplacer les meubles-épaule, les sourires, les portes, les fenêtres, les mains, les dents, les semelles de nos chaussures. On n’attend plus, on court contre des minutes ou des secondes irrattrapables, impatient de vivre, de mourir. On culpabilise à chaque tournant de nos vies avec cette boule de chewing gum coincée dans la gorge qui obstrue les émotions, les cris, les sanglots. On se juge, on se dissèque, on se liquéfie sous le coup de la faucheuse. On est une enfant qui vole contre les murs. Auréolée. Et d’un coup de plume, on renait.

On renait à la vie et on meurt de rire, la plus belle mort et le plus beau cri d’amour que Marie Christine nous lance, nous adresse. Les sourires et les rires. Et c’est juste beau. Juste. Juste beau. Foudroyant.

Je peux le dire, lire ces nouvelles m’a demandée du temps, de l’exploration dans mes cicatrices. Elle m’a secouée et je suis morte d’émotions plus d’une fois. Entre détresse humaine, humour noir, amour, tendresse et douceur, Marie Christine m'a transportée dans les méandres de mes anéantissements et résurrections.

Il m'a fallu quasi douze heures entre chaque nouvelle, douze heures à chaque fois que je découvrais, lisais ses nouvelles. Marie Christine BUFFAT m’a tuée en silence. Mais avec elle, je ne suis jamais morte trop longtemps car sous mes cris et mes silences, la vie a gagné... Je vis.

Marie Christine BUFFAT, vos nouvelles sont un magnifique recueil où la douceur, l'amour, la tendresse, la vie se cachent derrière l'apparence de la grande faucheuse. Votre recueil est terrible.

Marie Christine, vous êtes terrible !

« Les mots ont presque le même sens, d’accord, pourtant ton ventre, lui a compris que c’est différent. […] Mais t’as déjà mis le coussin dessus et t’appuies, fort, pour que le sourire ne s’’envole pas. […] Le sourire, c’est le seul truc que j’ai à offrir. »

Retrouvez les editions Xenia : http://www.editions-xenia.com/

http://lecarrejaune....hives/p5-5.html

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Membre, Piment doux, 104ans Posté(e)
Out of Paprika Membre 23 750 messages
104ans‚ Piment doux,
Posté(e)

Bonsoir,

Voilà un ouvrage qui me donne envie de me perdre dedans.

Merci pour l'éventuelle découverte.

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