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Les expériences de pensée...


Invité Quasi-Modo

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Invité Quasi-Modo
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Invité Quasi-Modo
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Nous savons, en étudiant l'histoire des sciences, que certaines expériences de pensée auront permis un certain nombre de révolutions scientifiques en permettant de falsifier ou théoriser par la force de la seule pensée. Quelle valeur scientifique (quel statut épistémologique) accorder à ces fameuses "expériences de pensée" qui semblent s'inscrire en dehors du protocole expérimental mais auront démontré qu'elles sont un moteur puissant du progrès des connaissances scientifiques? Ne sont-elles pas la preuve que l'expérience, la répétition du même - ou l'expérimentation - à elles seules ne suffisent pas, mais que la spéculation fait partie intégrante de l'investigation scientifique? Que les savants d'une époque étant prisonniers d'un paradigme dominant, elles permettent à leur auteur de s'en extraire et s'ouvrir de nouvelles possibilités?

Prenons un exemple célèbre que nous devons à Galilée pour illustrer

Selon Aristote, la vitesse de chute des corps dans le vide dépendait de leur poids. Galilée inventa l'expérience de pensée suivante : si on reliait par une corde un objet lourd et un objet léger, en les lâchant en même temps de la même hauteur dans le vide, alors tant que la corde a du jeu (c'est à dire que la distance entre les deux objets est inférieure à la longueur de la corde), l'objet le plus lourd devra chuter plus vite que l'objet le plus léger jusqu'à ce que la corde se tende au maximum et donc que la distance entre les deux objets soit égale à la longueur de la corde.

Mais alors il y a une contradiction, car nous ne savons pas si l'objet lourd ralentira dans sa chute sous l'effet de la chute de l'objet léger, ou si l'ensemble "objet lourd + corde + objet léger" formant un unique corps, il tombera plus vite qu'auparavant puisqu'il est plus lourd. Donc la théorie d'Aristote semble contredite (contradictoire dans un cas comme dans l'autre) par cette simple expérience de pensée. Le problème étant finalement clairement posé, il aura permis d'établir que contrairement à Aristote, les objets dans le vide chutent tous à la même vitesse (si on néglige les frottements).

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Membre, 52ans Posté(e)
jean ghislain Membre 1 084 messages
Baby Forumeur‚ 52ans‚
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La révolution dont tu parles correspond à l'invention du concept de vide en physique, du zéro en mathématique, et de néant en philosophie. En métaphysique, il y a deux approches pour expliquer le monde. La première, qui a eu du succès est celle de Platon, qui part de l'idée pour expliquer le monde. Pour lui, tout ce qui existe se définit grâce à un absolu, l'idée qui n'est pas mêlé au monde, et dont le monde provient. La deuxième conception, qui s'y oppose est celle d'Aristote, qui part du monde présent pour en abstraire des idées. On voit dans le tableau ci-dessous, comment les deux conceptions s'opposent. Platon pointe le ciel, vers le haut. Aristote montre le sol, en bas. L'avenir aura donné raison à Platon... pour le moment.

platon_et_aristote.jpg

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 6 039 messages
If you don't want, you Kant...,
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Nous savons, en étudiant l'histoire des sciences, que certaines expériences de pensée auront permis un certain nombre de révolutions scientifiques en permettant de falsifier ou théoriser par la force de la seule pensée. Quelle valeur scientifique (quel statut épistémologique) accorder à ces fameuses "expériences de pensée" qui semblent s'inscrire en dehors du protocole expérimental mais auront démontré qu'elles sont un moteur puissant du progrès des connaissances scientifiques? Ne sont-elles pas la preuve que l'expérience, la répétition du même - ou l'expérimentation - à elles seules ne suffisent pas, mais que la spéculation fait partie intégrante de l'investigation scientifique? Que les savants d'une époque étant prisonniers d'un paradigme dominant, elles permettent à leur auteur de s'en extraire et s'ouvrir de nouvelles possibilités?

Pourquoi vouloir "écarter" les expériences de pensée de la science elle-même? Une épi-science?

Étudier toutes les conséquences logiques des principes en oeuvre fait partie intégrante de la démarche scientifique, l'adjonction d'une nouvelle hypothèse qui viendrait contredire les faits passés, est à rejeter de suite, sans attendre de confirmation expérimentale à venir, la théorie doit être un modèle cohérent, de plus le scientifique se laisse guider par le principe du rasoir d'Ockham qui veut que l'on se restreigne aux hypothèses les plus simples.

N'oublions pas que le physicien et la mathématicien était une seule et même personne historiquement, de plus les premiers découvreurs avaient au contraire une forte propension à faire passer leur idées/modèles avant les faits, c'est donc un héritage historique que de proposer des idées/représentations/spéculations avant d'expérimenter, d'ailleurs il est difficile d'envisager les choses autrement dans tous les domaines scientifiques, c'est comme de vouloir mesurer ou calculer sans avoir défini ce que l'on devait prendre comme variables, il faut d'abord déterminer ce dont nous avons besoin, ce qui est pertinent, pour ensuite tenter son utilisation, comme mes enfants qui devant un énoncé de mathématique sortent la calculatrice, sans avoir commencé à réduire/résoudre l'énigme à un niveau calculatoire.

Les expériences de pensée ne sont donc envisageables qu'à partir d'un certain niveau de développement de la science en question, comme Mach l'a fait en son temps également, inspirant A. Einstein.

Je crois que nous le faisons tous spontanément, sans nous en rendre compte consciemment, utiliser ce que nous savons du passé, des faits/expériences précédentes pour vérifier la pertinence d'une nouvelle hypothèse/scénario/donnée, et se rendre compte si cela tient la route/est compatible ou si c'est bancal/incohérent. Le scientifique le fait de façon plus méthodique/poussé sur une question plus abstraite, mais je crois que la démarche est la même dans son principe.

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Invité Cléanthe
Invités, Posté(e)
Invité Cléanthe
Invité Cléanthe Invités 0 message
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Sujet très intéressant, et sans vouloir couper votre discussion, j'ai pensé que c'était peut être une question liée à notre nature. Au travers de la simplicité suivante, selon laquelle toute expérience est précédée par une idée. Idée qui donne la volonté et celle-là même qui mène à l'action donc à l'expérimentation; la mémoire se charge du reste, c'est à dire de compiler les actions, de les catégoriser, d'en nourrir des idées ou d'en déduire d'autres et exponentiellement votre. :)

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Invité Quasi-Modo
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Invité Quasi-Modo
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Posté(e)

Pourquoi vouloir "écarter" les expériences de pensée de la science elle-même? Une épi-science?

Étudier toutes les conséquences logiques des principes en oeuvre fait partie intégrante de la démarche scientifique, l'adjonction d'une nouvelle hypothèse qui viendrait contredire les faits passés, est à rejeter de suite, sans attendre de confirmation expérimentale à venir, la théorie doit être un modèle cohérent, de plus le scientifique se laisse guider par le principe du rasoir d'Ockham qui veut que l'on se restreigne aux hypothèses les plus simples.

N'oublions pas que le physicien et la mathématicien était une seule et même personne historiquement, de plus les premiers découvreurs avaient au contraire une forte propension à faire passer leur idées/modèles avant les faits, c'est donc un héritage historique que de proposer des idées/représentations/spéculations avant d'expérimenter, d'ailleurs il est difficile d'envisager les choses autrement dans tous les domaines scientifiques, c'est comme de vouloir mesurer ou calculer sans avoir défini ce que l'on devait prendre comme variables, il faut d'abord déterminer ce dont nous avons besoin, ce qui est pertinent, pour ensuite tenter son utilisation, comme mes enfants qui devant un énoncé de mathématique sortent la calculatrice, sans avoir commencé à réduire/résoudre l'énigme à un niveau calculatoire.

Les expériences de pensée ne sont donc envisageables qu'à partir d'un certain niveau de développement de la science en question, comme Mach l'a fait en son temps également, inspirant A. Einstein.

Je crois que nous le faisons tous spontanément, sans nous en rendre compte consciemment, utiliser ce que nous savons du passé, des faits/expériences précédentes pour vérifier la pertinence d'une nouvelle hypothèse/scénario/donnée, et se rendre compte si cela tient la route/est compatible ou si c'est bancal/incohérent. Le scientifique le fait de façon plus méthodique/poussé sur une question plus abstraite, mais je crois que la démarche est la même dans son principe.

Et bien cela pourrait ne pas être considéré comme de la science dans la mesure où cela n'est pas soumis à la méthode expérimentale classique!

Je remarque par exemple avec un intérêt curieux qu'une expérience de pensée peut très bien défendre avec brio une idée qui s'avère au final complètement fausse. Tycho Brahé justement par exemple, qui voulait démontrer l'immobilité de la Terre, proposait pour s'assurer que la Terre ne tourne pas, de tirer avec un canon deux boulets, l'un vers l'est, l'autre vers l'ouest, afin de montrer que la distance était la même entre le canon et le points d'arrivée du boulet (la distance devant être plus élevée d'un côté que de l'autre dès lors que la Terre tournerait effectivement sur elle-même). A cause de la relativité du mouvement, si nous réalisions effectivement cette expérience ce serait d'ailleurs le cas.

Cependant, la relativité du mouvement découverte par Galilée venait précisément réfuter la validité de ce type d'expérience de pensée, ou au moins la validité du raisonnement qui la soutient. Comme tu le dis, l'intérêt est bien souvent d'explorer les conséquences théoriques d'une façon d'appréhender le monde pour la mettre face à ses limites, mais elle est utilisée concrètement par les savants qui veulent mettre leur théorie en avant. L'expérience de Tycho Brahé ne prouve-t-elle pas par exemple que les expériences de pensée ne sont pas scientifiques mais qu'elles peuvent permettre au contraire d'émettre des contre-vérités?

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 6 039 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

Et bien cela pourrait ne pas être considéré comme de la science dans la mesure où cela n'est pas soumis à la méthode expérimentale classique!

L'expérience de Tycho Brahé ne prouve-t-elle pas par exemple que les expériences de pensée ne sont pas scientifiques mais qu'elles peuvent permettre au contraire d'émettre des contre-vérités?

Comme je te le suggérais au-dessus, avant d'expérimenter il faut tout d'abord définir le cadre expérimental, ce faisant pour gagner tu temps ou de l'argent, ou pour des soucis techniques, on peut faire un premier tri par la seule faculté intellectuelle, le tout reposant sur quelques résultats antérieurs expérimentaux, et rien n'empêche par la suite de mettre à l'épreuve des faits les scénarios pensés. La démarche scientifique ne s'arrête/commence pas à la seule expérimentation, elle est certes indispensable, mais il est aussi important de pouvoir synthétiser, étendre et rendre cohérent nos savoirs, avec la rigueur du mathématicien, qui lui aussi spécule/hypothétise et regarde par le truchement de son cerveau où cela le mène: lorsque un savant grec a voulu connaître le rayon terrestre en son temps, il a bien fallu imaginer que la Terre était ronde, et trouver un subterfuge pour la mesure, tout ceci c'est déroulé dans sa tête bien avant de passer à l'action, de même plus tard lorsque l'on se demanda si la Terre était bien ronde, on postula qu'un navire partant au large devait à mesure qu'il s'éloignait être masqué en partant du bas, et que la dernière partie visible serait le haut du mât, le nid-de-pie. Les expériences de pensée ne sont pas incompatibles avec une vérification expérimentale, mais bien souvent les conséquences sont "vérifiables" par re-mémorisation seulement de faits passés/connus.

Au même titre que les formulations ou les modèles théoriques, les expériences de pensée font partie intégrante du processus scientifique, elles peuvent être utilisées aussi bien pour faire le tri entre plusieurs théories, émettre de nouveaux résultats/faits avant toute expérience ou bien pour remettre en cause un modèle incomplet/à portée limité/faux.

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