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Marathonien, pourquoi cours-tu ?


PASDEPARANOIA

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Membre, In girum imus nocte et consumimur igni , 52ans Posté(e)
PASDEPARANOIA Membre 27 326 messages
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Marathonien, pourquoi cours-tu ?

« I can’t bread, my head’s gonna explode. I have to stop » regrette Dennis (incarné par Simon Pegg dans Run Fatboy Run) à l’approche du terrible mur auquel chaque marathonien sera confronté. Ce mur ? C’est celui des 30 km, un gouffre que craignent certains et que d’autres attendent, presque avec joie, comme une expérience vitale pour en mesurer la hauteur et se rendre compte des limites de son organisme. À 12 km de l’arrivée, on voit alors des participants s’arrêter au bord de la route, pleurer, vomir, expérimenter les joies des états seconds. Marathonien, pourquoi cours-tu ?

Se soumettre au diktat des calories et de l’alimentation équilibrée, sacrifier tes soirées de bitures ineffables au profit de l’intransigeante discipline athlétique, mesurer chacun de tes faits et gestes selon ses conséquences sur ton chrono et puis courir, courir, courir jusqu’à ce que tes poumons oublient que de sacoches à nicotine ils avaient pour habitude de servir. Courir lorsqu’il fait beau, et un peu plus quand ce n’est pas le cas. Assujettir ton système cardiaque au dur périple de la préparation et, le jour J, embrasser la souffrance des heures durant, palper quelques temps la joie de l’accomplissement d’avoir franchi la ligne bleue et goûter à la sécrétion d’endorphines que cela engendre, et puis se donner un nouveau défi. La vie d’un marathonien est faite de sacrifices, de douleur, d’un peu de joie, puis à nouveau de sacrifices.

À l’origine des 42,195 km du marathon : une guerre, et un caprice

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Pour comprendre pourquoi l’honnête homme en arrive à s’imposer cette épreuve aux airs franchement sadomasochistes, voyons un peu les motivations du premier à avoir eu l’idée de le faire. Plus question de recueillir son témoignage : le soldat grec Philippides a vécu au Ve siècle avant J.-C. À la fin d’une bataille qui vit s’affronter les Athéniens et les Perses, ce brave Philippides fut chargé d’accomplir d’une traite la distance de la ville où se déroulait la bataille, Marathon, à Athènes, soit 40 km. La légende dit qu’il était si épuisé en arrivant qu’il eut juste le temps d’annoncer la victoire (« nike » en grec) avant de mourir.

Pierre de Coubertin, l’initiateur des Jeux olympiques modernes, s’est inspiré de cette histoire pour créer l’épreuve du marathon. Elle eut lieu pour la première fois à Athènes en 1896, au cours des premiers Jeux olympiques. La longueur du marathon était alors d’environ 40 km.

C’est en 1908, lors des JO de Londres que l’épreuve s’allonge et atteint la distance désormais mythique de 42,195 km. À l’origine des nouveaux deux et quelques kilomètres : un caprice. La reine Alexandra voulait absolument que le finish se dispute juste devant sa loge tout en imposant que le départ se fasse au château de Windsor, pour faire plaisir à ses enfants. Reine Alexandra, les nombreux quasi-marathoniens qu’on voit craquer dans ces impitoyables derniers 2,195 km te le répéteront : God (don’t) Save The Queen.

Différentes ambitions, une même souffrance

Aujourd’hui, l’épreuve du marathon ne s’arrête pas aux JO, les plus grandes villes ont chacune leur propre marathon auquel des milliers de doloristes viennent chaque année enchaîner des pas de course sur un bitume impitoyable des heures durant, sous l’œil et les applaudissements encourageants des passants qui hésitent entre admiration, envie, et incompréhension.

Le premier Marathon de New York s’est tenu en 1970, et les 127 concurrents présents n’avaient eu qu’un dollar d’inscription à payer. Aujourd’hui, les 50 000 coureurs attendus au Marathon de New York doivent s’acquitter de 290 euros pour payer leur dossard. Ce qui ne suffit pas à freiner l’engouement autour de l’événement. Que ce soit à New York, Paris ou Marrakech, ce rendez-vous sportif où athlètes de haut niveau et amateurs de tous âges et de toutes nationalités se côtoient le temps d’une course longue de 42,195 km ne manque jamais de coureurs qui viennent fouler l’asphalte en prenant le risque d’en faire de même avec leurs chevilles. Leurs motivations sont toutes aussi différentes les unes des autres mais tous sont unis par les sacrifices qu’ils ont consenti à différentes échelles pendant leur entraînement, et par la souffrance qu’ils partageront pendant la course.

Les finisheurs

Au diable la ponctualité, « voleuse de temps » selon les dires d’Oscar Wilde, au diable la rapidité, ce mal du siècle lancinant : la plupart des participants qui se présentent à la compétition n’ont pour but que d’arriver au bout, peu importe quand. C’est le père de famille qui, une fois la quarantaine arrivée, envoie valser la crise armé de ses Runnings. Le néophyte qui lutte contre son surpoids, la mère au foyer qui se donne un nouveau challenge : les visages des coureurs de fond sont les mêmes.

Tous ont l’air de penser à quelque chose pendant qu’ils courent. Ces marathoniens-là sont ceux qui connaîtront le plus de souffrances. Hal Higdon, coureur et écrivain, dira : « La différence entre le mile et le marathon est la différence entre brûler vos doigts avec une allumette et être doucement rôti au charbon ». Pour les coureurs amateurs, il est donc évident que la cuisson durera plus longtemps : ils auront à alterner péniblement course et marche pendant 4 heures, 5 ou parfois 6 comme ce plus vieux marathonien du monde. Fauja Singh, qui a mis un terme à sa carrière de marathonien à l’âge de 101 ans en participant à la course de Toronto, a commencé à courir à l’âge de 89 ans et a réussi l’exploit de courir une dizaine de marathons. De quoi sérieusement relativiser pour les moins enthousiastes qui s’estiment vieux à partir de 40 ans.

Fauja Singh, c’est aussi l’illustration parfaite des propos de Fred Lebow, co-fondateur du Marathon de New York : « Chaque joggeur ne peut rêver d’être champion Olympique, mais il peut rêver de finir un marathon ». C’est sans doute cette perméabilité à tous qui pousse autant de participants chaque année à mesurer les limites de leur corps aux possibilités de leur persévérance.

Les marathoniens confirmés : mon chrono ma bataille

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Eux visent un chrono précis, 3 h 45, 3 h 30, et se sont entraînés plusieurs mois durant pour le réussir. Souvent ils appartiennent à un club et ont déjà quelques marathons dans les jambes au moment ou ils abordent la course avec toujours l’objectif de faire mieux que leurs performances passées.

Le marathonien confirmé suit un entraînement plutôt intense en courant 4 à 5 fois par semaine, alternant longues distances et courses fractionnées. Il débute un programme spécialisé plusieurs mois avant la compétition qui ne s’arrête pas à la piste d’athlétisme ou en enlevant ses Runnings, le marathonien aux ambitions chronométrées doit aussi faire attention à son hygiène de vie, son alimentation, l’état de ses chaussures. Il sacrifira un nombre incalculable de dimanche matins sous la couette pour de longues distances au lever du soleil et même s’il sait qu’il ne remportera jamais un marathon, et que plusieurs jours encore après l’épreuve il redoutera la veille les 12 marches qu’il aura à monter pour arriver au boulot le lendemain, il retentera toujours l’expérience parce que comme le dit Frank Shorter, médaillé d’or aux JO de 1972 : « Vous devez toujours oublier votre précédent marathon pour en faire un nouveau. Votre esprit ne doit pas savoir ce qui l’attend. »

Le marathon au sommet du Kenya

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Et puis il y a les élites du marathon, ils sont là pour gagner et ne représentent qu’une petite minorité au départ. Le marathonien moyen les aperçoit au loin à la ligne de départ, et à son arrivée ils sont déjà partis depuis longtemps. Comme l’a confirmé Wilson Kipsang le 29 septembre dernier en établissant un nouveau record du monde de la discipline (2 h 03 min 23 sec) à l’occasion du 40e Marathon de Berlin, cette élite est actuellement dominée par le Kenya. Ce pays d’Afrique de l’Est dont le PIB est environ six fois plus faible que le chiffre d’affaires de Wall Mart domine la discipline comme rarement un pays a pu dominer un sport. Les trois derniers Marathons de Paris ont été remportés par des Kényans et sur les dix derniers Marathons de Londres, les Kényans en ont raflé huit, les deux restants sont pour le voisin éthiopien.

Pourtant, si on se réfère aux normes européennes, les installations sportives sont très insuffisantes : seulement deux pistes athlétiques construites dans les années 1950 par les Britanniques pour un pays de plus de 40 millions d’habitants où le marathon est une véritable religion. Dans le camp du village d’Iten, situé dans les hauteurs kényanes, ce sont les chèvres qui tondent la pelouse, pourtant c’est un camp mythique tant il produit de champions années après années.

Certaines théories biologiques populaires mais peu concluantes expliquent que les Kalenjins, ethnie d’où proviennent la plupart des champions, seraient avantagés par leurs attributs physiques. Certains disent que leurs gènes leur donneraient de meilleures capacités à la course. Des théories qui n’ont jamais réellement abouti sur quelque chose de concret. Les athlètes des hauts-plateaux se sentent d’ailleurs offensés lorsque les chercheurs tentent d’expliquer leurs performances par l’aspect génétique ou par la vie perchée à 2000 m où l’oxygène est raréfié, et préfèrent parler d’attitude que d’altitude. En réalité, l’explication est à relier à ce qui nous intéresse dans cet article, c’est-à-dire les motivations du coureur. La connexion au mode de vie traditionnel est la principale raison qui explique pourquoi les Kényans sont de si bons coureurs : par exemple, il n’est pas rare que les petits Kényans aient à courir plusieurs kilomètres pour arriver à leur école. Le peuple kényan ne court pas par choix ou par passion : il court pour gagner sa vie.

Comprendre le marathonien par la littérature

Par un soir d’hiver, à Nottingham, Colin Smith et son comparse cambriolent une boulangerie et s’enfuient avec la caisse. Le jeune Colin est arrêté et aussitôt envoyé en maison de redressement. Là, le directeur va vite découvrir ses talents de coureur de fond. Si le pur coureur peut être déçu par La solitude du coureur de fond (2000) de Alan Sillitoe, qui se consacre finalement moins à la course à pied qu’aux interactions entre les personnages, ce monologue époustouflant sur l’hypocrisie humaine et l’affirmation du libre arbitre d’un prolétaire qui a décidé d’imposer ses propres règles du jeu est une mine d’or pour qui veut comprendre les motivations du marathonien. Colin Smith est ici dominé par un sentiment de révolte qui le fait courir. Il ne court pas pour quelque chose. Mais contre quelque chose. Laquelle ? Lui même ne sait pas, contre tout et rien, contre sa condition, il court pour se laver la tête : « Au fond, pour vous dire le vrai, je ne m’en faisais guère pour ça, parce que, de courir, ça a tout le temps été le fort dans notre famille, surtout quand il s’agit de se défiler de la police ».

« Lorsque je dis aux gens que je cours chaque jour, ils sont admiratifs. « Vous avez sûrement beaucoup de volonté ! » remarquent-ils parfois.

Je ne pense pas que la simple volonté vous rende capable de faire quelque chose. Je crois que j’ai pu courir depuis plus de vingt ans pour une raison simple : cela me convient. Ou du moins, je ne trouve pas cela pénible.

Les êtres humains continuent naturellement à faire ce qu’ils aiment et cessent ce qu’ils n’aiment pas.

Voilà pourquoi je ne conseille jamais aux autres de courir. »

Ces mots sont ceux d’un auteur japonnais bien connu dont le roman écrit en référence à George Orwell fait des ravages. Dans Autoportrait de l’auteur en coureur de fond (2009), Murakami, l’écrivain et marathonien, triathlète à l’occasion, assume un certain goût pour la solitude et l’évoque pour justifier son envie de courir autant que d’écrire. Tout en refusant ce stéréotype selon lequel il faudrait « mener une vie déréglée afin de pouvoir créer », il déclare que pour la course à pied et l’écriture sont indissociables. Sur sa tombe il aimerait que figure l’inscription « Écrivain (et coureur) ». Jamais le coureur et l’écrivain n’auront été aussi mariés que dans les lignes de Murakami qui dévore les mots et le bitume avec une même faim. Sur la page, Murakami court sans autre raison que le point final et dehors, pour seule motivation que cela lui convient.

Au cinéma, le marathonien est tendrement nargué

Dans Run Fatboy Run, Dennis, incarné par le british Simon Pegg, s’essaye à la dure épreuve du marathon. Il ne le fait pas parce que cela lui convient (pas du tout !), ni pour gagner de l’argent, non, Dennis court pour regagner le cœur de sa fiancée Libby, incarnée par la délicieuse Thandie Newton au visage émouvant, qu’il a autrefois larguée le jour qui aurait du être celui de leur mariage.

Suivant un raisonnement dont lui seul semble comprendre le cheminement intellectuel, qui consiste à penser qu’en accomplissant ce marathon il sera en mesure de reconquérir sa femme, Dennis devra surmonter ses penchants de loser complet, sa désinvolture naturelle, son tabagisme excessif et sa tendance générale à la glandouille. Si le scénar’ est tout ce qu’il y a de plus classique, le marathonien passera un excellent moment en se reconnaissant parfaitement dans les mésaventures de Dennis qui lui rappelleront ses propres débuts, du premier footing au mur des 30 km sans oublier les terribles bloody nipples.

http://ragemag.fr/marathonien-cours-tu-47005/

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Maintenant
Membre, Jedi pas oui, jedi pas no, 32ans Posté(e)
Jedino Membre 48 064 messages
32ans‚ Jedi pas oui, jedi pas no,
Posté(e)

J'ai compris que le marathonien était une simple figure du sportif quand j'ai découvert l'ultramarathon qui, lui, tient effectivement d'une once de folie.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Serge_Girard

Voilà un français.

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Invité Capitan
Invités, Posté(e)
Invité Capitan
Invité Capitan Invités 0 message
Posté(e)

"I can't breathe" plutôt non ? Parce que "je ne peux pain" fait un peu barbare.

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Invité _xyz_
Invités, Posté(e)
Invité _xyz_
Invité _xyz_ Invités 0 message
Posté(e)

Ai pas lu tout. Ne me rappelle mon post dans l'autre topic identique postée un an ou deux plus tôt.

Mais où va t-on. Alain Mimoun se retourne.

Sont dingues, me rappelle par contre d'un film dont le titre m'échappe dans lequel le héros portait le coeur d'un jeune donneur marathonien, c'était joli mais me souviens plus le titre du téléfilm. Peut-être que ça me reviendra un jour.

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