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1- Identité et biologie: les désillusions du gèneADN


eklipse

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Membre, Dazzling blue², 53ans Posté(e)
eklipse Membre 14 471 messages
53ans‚ Dazzling blue²,
Posté(e)
26 JUILLET 2010 | PAR NICOLAS CHEVASSUS-AU-LOUIS ET SOPHIE DUFAU

Dix ans après l'achèvement du séquençage du génome humain, l'idée que l'ADN suffit à expliquer l'identité d'un individu est abandonnée. Car toute construction d'un organisme fait appel à des interactions complexes entre le patrimoine génétique et l'environnement.

Premier volet d'une série d'enquêtes sur ce que dit la biologie de l'identité.

e 26 juin 2000, Bill Clinton annonçait sur le perron de la Maison Blanche l'achèvement du séquençage du génome humain par un consortium international de laboratoires. La succession des quelque trois milliards de lettres chimiques –les nucléotides– constituant l'ADN de nos chromosomes était décrite. Ne restait plus qu'à en comprendre le sens. Après le temps du séquençage, venait celui du décryptage. La tâche serait longue, assuraient les biologistes, mais le plus dur était fait. Car l'ADN, c'était le grand livre de la vie. Le code-barres de chaque individu. Son programme spécifiant tout ce qui lui adviendrait.

genome4.jpg
A, C, T, A, G, C, et ainsi trois milliards de fois. Un extrait de la séquence du génome humain.© National Human Genome Research Institute

Grâce à sa connaissance, on allait pouvoir comprendre la manière dont un individu se développe à partir d'une cellule œuf et acquiert progressivement les caractères qui le rendent unique. Ce qui nous distingue des grands singes comme ce qui singularise chaque être humain des six milliards d'autres. Ce qui demeure en nous, intangible, alors que nos cellules et les molécules qui les constituent ne cessent de se renouveler. Bref, comprendre tout ce qui constitue, sur le plan biologique, notre identité.

Cette ambition fut excessive. Et même infondée. «Beaucoup espéraient trouver des gènes spécifiques de l'être humain, expliquant la singularité de notre espèce. Cet espoir s'est avéré une illusion», souligne Michel Morange, professeur de biologie à l'université Paris 6.

vidéo de 37 secondes

Les vicissitudes des recherches sur le clonage, application pratique de l'idée selon laquelle l'ADN contient tout ce qui fait l'identité d'un individu, l'illustrent bien. On se souvient du tintamarre médiatique qui avait accueilli, en janvier 1997, l'annonce de la naissance de la fameuse brebis Dolly. Pour l'obtenir, les chercheurs du Roslin Instituteen Ecosse avaient prélevé l'ADN d'une brebis adulte nommée Belinda. Ils l'avaient introduit dans une cellule œuf dont les chromosomes avaient été préalablement détruits. L'embryon avait ensuite été implanté dans l'utérus d'une brebis porteuse, comme lors d'une fécondation in vitro. Et Dolly était née, étonnamment semblable à Belinda. Si l'on pouvait ainsi comme photocopier un être vivant, n'était-ce pas la meilleure preuve que l'ADN contenait tout ce qui fait l'identité d'un individu?

Las. En 2003, Dolly, atteinte de vieillissement précoce et souffrant d'une infection virale pulmonaire, a été euthanasiée dans une discrétion contrastant avec les roulements de tambours qui avaient salué sa naissance.

suite

http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/060710/1-identite-et-biologie-les-desillusions-du-gene

Décès prématurés

Depuis, des centaines de mammifères, principalement des bovins, ont été créés par clonage dans le monde... à l'issue de centaines de milliers de tentatives.

Pour des raisons très mal comprises, les embryons produits par clonage connaissent en effet des taux d'avortement spontanés cinq à six fois supérieurs à ceux des embryons produits par fécondation in vitro dans le premier trimestre qui suit leur implantation dans l'utérus. La suite de la gestation est tout aussi problématique, avec des taux d'avortement spontanés avoisinant souvent les 50%. Et les animaux qui parviennent à terme ne sont pas pour autant en bonne santé, avec jusqu'à un tiers de décès avant l'âge de trois mois.

souris1.jpg
Contrairement aux apparences, ces deux souris sont des clones.© Emma Whitelaw, université de Sidney

Plus surprenant encore: les veaux nés par clonage ressemblent souvent fort peu aux animaux dont ils possèdent l'ADN. L'exemple le plus spectaculaire en est sans doute Laurel et Hardy, deux veaux nés le même jour au laboratoire de l'INRA à Jouy-en-Josas, mondialement connu dans ce domaine. Clonés le même jour à partir des mêmes cellules, ils pesaient respectivement 25 et 55 kilogrammes à la naissance!

La technique du clonage est donc loin d'être maîtrisée. Se heurte-t-elle à de simples difficultés techniques, que des recherches approfondies sur la biologie de la reproduction seraient à même de résoudre? Ou est-elle confrontée à un obstacle plus fondamental, à savoir l'insuffisance de la théorie selon laquelle l'identité d'un individu tient à la séquence de son ADN? Bien des arguments militent en faveur de cette seconde hypothèse.

Un détour historique est nécessaire pour comprendre le problème. Dès l'identification de la structure de l'ADN, en 1953, les chercheurs avaient été très impressionnés par deux propriétés de la molécule.

D'une part, sa très grande stabilité chimique, qui lui confère une surprenante résistance à la dégradation. On peut isoler ainsi des fragments de molécules d'ADN sur des squelettes préhistoriques et les séquencer. C'est par ce type d'analyse qu'a pu être établi, en mai dernier, que des croisements ont eu lieu il y a quelque 80.000 ans entre des hommes de Néanderthal et nos ancêtres Homo sapiens.

D'autre part, sa structure en double hélice, qui permet théoriquement une duplication à l'identique lors des divisions cellulaires qui conduisent de la cellule œuf aux centaines de milliards de cellules adultes. Il suffit que la double hélice s'ouvre et que chaque brin serve de matrice pour la synthèse d'un nouveau brin pour que l'on obtienne deux nouvelles molécules identiques. Ces deux propriétés faisaient de l'ADN un candidat idéal pour être, sur le plan moléculaire, ce qui demeure alors que tout change et donc un support de l'identité intemporelle de l'individu.

Or, il s'est avéré que la copie des molécules d'ADN précédant la division cellulaire n'est jamais parfaite. «La maintenance de l'identité génétique est un processus actif de l'organisme. Les mécanismes mis en jeu, très complexes, peuvent se révéler insuffisants et l'accumulation d'erreurs entraîne la formation de cancers et participe au processus de vieillissement», souligne Michel Morange, professeur de biologie à l'université Paris 6.

A chaque division, des segments d'une courte séquence qui se répète quelques milliers de fois aux extrémités de la molécule d'ADN sont ainsi rognés. La molécule d'ADN raccourcit très lentement, ce qui expliquerait au niveau cellulaire le vieillissement d'une cellule. Chaque cellule garderait ainsi une trace du nombre de divisions qu'elle a connues depuis la fécondation. Conséquence pratique: l'ADN d'une cellule adulte n'est pas exactement le même que celui d'une cellule œuf. C'est, entre autres, ce qui expliquerait nombre des échecs du clonage, ainsi que le vieillissement accéléré observé chez Dolly, dont l'ADN avait été prélevé sur une brebis âgée de six ans.

"L'altération de l'identité génétique peut donc être le résultat d'événements qui ne concernent pas directement la séquence d'ADN», observe Morange, qui souligne que l'étude de «l'épigénétique, entendu comme l'étude des influences de l'environnement cellulaire ou physiologique sur l'expression de nos gènes, est un des domaines les plus actifs de la recherche en biologie moléculaire.»

Le poids de l'environnement

Après le tout génétique, le tout épigénétique. C'est en résumé le tournant que connaît aujourd'hui la biologie, à mesure qu'elle découvre que l'identité d'un organisme ne peut s'expliquer par la séquence de son ADN, mais par l'interaction de cette dernière avec l'environnement entendu au sens le plus large. Environnement cellulaire, tel qu'il se manifeste par le degré de repliement de l'ADN ou sa méthylation. Environnement physico-chimique conditionné par l'alimentation, l'exposition à des agents toxiques ou infectieux. Et environnement culturel ou affectif.

Cette dernière influence reste la moins bien comprise, même si d'étonnantes expériences commencent à en dévoiler l'importance.

Lorsqu'un gène induisant une pathologie grave du cerveau est introduit dans une lignée pure de souris, c'est-à-dire présentant toutes le même patrimoine génétique, tous les rongeurs d'un élevage standard décèdent au bout de la même durée. Mais si les souris sont élevées dans des cages différentes, offrant des possibilités d'exploration et d'activités physiques variées, une grande variabilité apparaît dans la survenue du décès.

A génome égal, la modification de l'environnement influe donc profondément sur le déroulement de la maladie. «La génétique a trop figé les configurations possibles que peut prendre l'identité d'un individu. Le tournant actuel vers l'épigénétique montre que les gènes ne sont qu'un champ de contrainte et de possibles, au sein duquel l'histoire et le contexte influent», observe Jean-Claude Ameisen, professeur d'immunologie à l'université Paris 7.

Dix ans après l'achèvement du séquençage du génome humain, l'idée que l'ADN suffit à expliquer l'identité d'un individu est donc abandonnée. Toute construction d'un nouvel organisme fait appel à des interactions complexes entre le patrimoine génétique et l'environnement, qui restent pour l'essentiel très mal comprises. Le séquençage a-t-il donc été inutile? Certainement pas. En identifiant les 22.000 gènes de l'ADN humain, il a en quelques sorte décrit tous les personnages d'un scénario qui reste à comprendre.«L'ADN n'est pas la molécule maître que l'on imaginait, mais il se révèle une molécule bien plus intéressante que ce que l'on pensait par sa complexité, par la diversité des possibilités que sa séquence offre à une cellule», reconnaît la biologiste et philosophe des sciences Evelyn Fox Keller, du Massachusetts Institute of Technology. Et celle qui fit partie des premiers détracteurs du programme génome humain lui reconnaît à présent un grand mérite: celui «de nous avoir fait l'extraordinaire cadeau de nous conférer l'humilité».

Voici le sommaire de cette série.

1- Les désillusions du gène

2- Ces autres qui sont en nous

3- Où s'arrête le moi?

4- Cet étranger que l'on fait soi

5- De l'identité biologique à l'identité nationale?

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Maintenant
Membre, Posté(e)
Wipe Membre 4 815 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)
Dix ans après l'achèvement du séquençage du génome humain, l'idée que l'ADN suffit à expliquer l'identité d'un individu est abandonnée

Ca fait bien plus longtemps que ça. Quitte à énoncer une évidence, ça fait un moment qu'on sait que les vrais jumeaux ne sont pas la même personne. Plus concrètement, on sait depuis longtemps - bien avant le décodage du génomes - que certaines choses, comme les empreintes digitales, ne sont pas entièrement gouvernés par les gènes : c'est pour ça que les vrais jumeaux, justement, n'ont pas les mêmes.

Même les jeux vidéos le disent : "Genes are not blueprints"

http://en.wikiquote.org/wiki/Sid_Meier's_Alpha_Centauri#University_of_Planet

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Membre, Posté(e)
Lutinian Membre 1 453 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Sujet très intéressant, certaines question on l' a compris restent sans réponses, l' homme n' est pas encore capable de comprendre complètement la vraie nature de son existence .

La nature est encore bien plus forte que nous dans ce domaine, et je crois que c' est loin d' être terminé ...

Ce genre de sujet sera j' en suis certain l' un des sujet les plus passionnants des prochaines décénies voire des prochains siècles .

Sujet très intéressant, certaines question on l' a compris restent sans réponses, l' homme n' est pas encore capable de comprendre complètement la vraie nature de son existence .La nature est encore bien plus forte que nous dans ce domaine, et je crois que c' est loin d' être terminé ...

Ce genre de sujet sera j' en suis certain l' un des sujet les plus passionnants des prochaines décénies voire des prochains siècles .

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