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Trimires


Ozmaestro

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Membre, 36ans Posté(e)
Ozmaestro Membre 413 messages
Baby Forumeur‚ 36ans‚
Posté(e)

Un ami écrit ce récit avec une intrigue plutôt bien menée. Je laisse une introduction et vous redirige si vous le voulez vers le site. Histoire que vous puissiez appréciez une partie du récit sans ettoufer en avalant d'un trait les 7 chapitres récemment parus. Personnellement je trouve l'intrigue mystérieuse et noire, assez passionnante, vos avis sont la bienvenue.

Bonne lecture.

http://phenixnoir.fr/PN/trimires/

"TRIMIRES

INTRODUCTION

1870

La fraîcheur du soir vint le cueillir, mêlant son apaisante présence à la brûlure qui le dévorait. Née de son ventre, cette douleur avait peu à peu irradié tout son être, avant de devenir une sorte de voile qu'il tentait de percer par la moindre distraction. Il leva lentement la tête afin de retrouver entre ses paupières presque closes le spectacle des nuages aux contours dorés. Le temps lui semblait s'écouler plus vite, à présent que le plus dur se trouvait derrière lui, que son corps et son esprit s'étaient accoutumés à sa situation. Sous les doigts engourdis de sa main toujours crispée, le sang s'était figé, las de s'écouler par la plaie béante. Il se sentait mourir mais l'acceptait.

é la peur d'être découvert avait succédé la crainte d'être oublié, et même cet effroi-là s'était dissipé à l'approche du crépuscule. Il n'entendait plus les cris rauquesdécou des Prussiens, ni ceux de ses camarades. Le roulement de l'artillerie et les discrets crépitements des fusils étaient toujours présents, mais lointains, sans importance. Lui n'avait plus la force de se tirer du fossé où il avait basculé, poussé par l'impérieuse envie de vivre quand le métal avait déchiré son abdomen.

Plus encore que d'ordinaire, ses sens se confondaient, s'emmêlaient. Le ciel orangé prenait une saveur fruitée, le goût de son sang faisait rouler un tambour à chacune de ses déglutitions. De son vivant, il avait préféré taire cet aspect de son existence, préférant le qualificatif de poète à celui de fou. Atteint d'un pessimisme ironique sans doute causé par sa fin prochaine, il se demandait quel bouquet final ce don allait lui réserver pour ses derniers instants. La guerre allait emporter son secret dans la tombe, indifférente comme toujours à l'histoire de ses victimes.

C'est à cet instant que la part de lui-même qui guettait l'imprévu se manifesta. Il perçut une présence, tout à fait indistincte, mais réelle. Au prix d'un effort important, il parvint à rouvrir un ¿il et aperçut une masse noire approchant rapidement, comme simplement surgie des ombres tapissant son abri. Germain tourna la tête pour l'observer en détail, espérant qu'elle disparaîtrait aussitôt. Mais comme elle venait toujours, son malaise s'approfondit. La forme obscure se dressa au dessus de l'homme assis dans l'herbe boueuse et ne bougea plus. La brise légère agitait mollement ses contours et le soldat réalisa alors qu'il observait un vêtement, une ample robe noire parfaitement déplacée dans ce contexte. Il plissa les yeux alors qu'elle se rapprochait encore davantage et distingua un visage pâle, bordé de cheveux de la même teinte que le tissu. Il comprit alors ce qui le dérangeait chez cette apparition.

« Monsieur » La voix était douce et pourtant clairement perceptible. Germain se vit observé par deux iris à la teinte violette. « Monsieur » fit la femme avec plus d'insistance. Il fouilla ses souvenirs à la recherche des dames de sa connaissance, afin de retrouver celle que son esprit mourant avait cru bon de convoquer une dernière fois. Mais quand les deux yeux violacés le dévisagèrent de plus belle, il sut qu'elle n'était pas une chimère née de sa détresse. Il répondit dans un coassement.

« Vous n'avez pas la bonne odeur. Vous n'avez pas l'odeur de la couleur noire. » C'était stupide, il le savait mais tellement fondamental qu'il n'avait pu le garder pour lui. Germain ajouta aussitôt. « Vous êtes donc réelle. » Il sentit aussitôt les mains de l'inconnue enserrer ses épaules pour le redresser avec douceur.

« Je cherche la Dame Rouge. L'auriez-vous aperçue ? »

« La Dame Rouge ? » En guise de réponse il étendit mollement le bras en direction du champ de bataille. « Partout. » La déception se lut sur le visage de la Dame Noire, avant de laisser place à une expression plus neutre. Elle libéra le blessé, qui perdit l'allant conféré par cette rencontre et s'affaissa à nouveau dans la boue. L'apparition hésita ; elle tourna son regard vers l'horizon rougeâtre. En proie à une impulsion nouvelle, elle attrapa le visage de Germain entre ses mains.

« Monsieur, attendez-vous... » Elle lui laissait le temps de jauger la situation, désespérée à tous points de vue, avant de poursuivre. « Voulez-vous m'offrir votre dernier souffle ? »

« Offrir. Ma mort ? » Il resta un moment le regard vide, englué par la douleur et la fatigue. « Pourquoi ? » demanda-t-il dans un souffle. Elle resta muette, et il vit ses pupilles s'agrandir, envahir le cercle des iris, grandir en même temps que ses vêtements d'ombre. L'air sembla se racornir, écarter la lumière pour laisser place à davantage d'obscurité. Il fut pris d'un frisson, non d'épouvante, mais d'excitation comme face à une indicible promesse. Germain hocha sèchement la tête et scella ainsi l'accord tacite, avant de fermer une dernière fois les yeux.

Quand les lèvres de l'apparition rejoignirent les siennes, il gouta brièvement le contact, contempla un instant toutes les sensations et douleurs de son corps désormais inutile puis se lança sans regrets vers cette force apaisante et inespérée.

Le caporal Kurt suivit le jeune soldat jusque dans la tranchée en s'essuyant discrètement les yeux encore embrumés par une trop courte nuit. Il aperçut le cadavre tel qu'on lui avait décrit, étendu contre la paroi de terre, sa peau livide recouverte de rosée. Le jeune homme n'avait pas menti, malgré l'horrible blessure, le sang noir qui baignait l'uniforme, le visage de l'homme respirait la sérénité. Mais le plus étrange restait l'absence de tout insecte ou nécrophage. Bien que parfaitement froid au toucher, le Français aurait pu s'être tout juste endormi dans la pâle lueur du matin. Le fait était si remarquable que le sous-officier se promit d'en faire mention dans ses notes de campagne."

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Invité chat_ooo
Invités, Posté(e)
Invité chat_ooo
Invité chat_ooo Invités 0 message
Posté(e)

Une chenille en réalité discrètement gambadait sur les racines noueuses d'un arbre proche, tandis que les rayons lumineux d'une lampe accrochée à une paterne (mot dont la signification ici est inappropriée, en fait à l'époque où j'hésitais à répondre dans ce topic, je comptais souligner ce fait, remarquable en effet que ce mot ait une sonorité comme cela) éclairaient la lame d'un couteau : elle (la chenille) portait deux trous au côté droiT..

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Membre, Jedi pas oui, jedi pas no, 31ans Posté(e)
Jedino Membre 47 968 messages
31ans‚ Jedi pas oui, jedi pas no,
Posté(e)

L'introduction me plait bien.

Néanmoins, je n'aime pas trop lire de longues histoires par écran.

Donc à moins d'avoir une version papier, j'ai peur de devoir me refuser à cette lecture.

Mais j'insiste : l'idée est vraiment bien.

Un soldat blessé. La femme demandant de céder son dernier souffle.

Enfin, tout quoi.

De toute façon, chat_ooo a toujours de bons goûts, donc partant de là, je ne peux pas affirmer le contraire.

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