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Le séjour de Fillon aux frais de Moubarak


eklipse

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Membre, Dazzling blue², 53ans Posté(e)
eklipse Membre 14 471 messages
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Mardi, lors des questions d'actualité au gouvernement, à l'Assemblée nationale, tous les regards étaient tournés vers Michèle Alliot-Marie, dont on se demandait comment elle allait se sortir de sa polémique tunisienne. C'est pourtant du côté de Matignon qu'est venue la surprise ¿ et le scandale. A 15h45, alors que le premier ministre vient de s'échapper de l'hémicycle pour aller défendre, à Annecy, la candidature française aux JO d'hiver... son équipe dégaine un communiqué: on apprend que François Fillon a emprunté un avion de la flotte égyptienne mis à disposition par le président égyptien Hosni Moubarak lors de son dernier voyage ¿ privé ¿ en Egypte, du 26 décembre au 2 janvier. Un texte qui permet de mieux comprendre le soutien inconditionnel du chef du gouvernement à sa ministre ces derniers jours.

Pourquoi ces révélations? «Dans un souci de transparence», assure Matignon. Ou plutôt pour tenter de désamorcer une nouvelle polémique en devançant les révélations du Canard enchaîné à paraître mercredi 9 février. Le communiqué déballe tous les détails: «Invité par les autorités égyptiennes», le premier ministre s'est rendu en Egypte, «accompagné de son épouse et de ses enfants», «à bord d'un Falcon 7X de l'ETEC».

La Une du Canard de mercredi

«(Il) a été hébergé lors de ce séjour par les autorités égyptiennes.» «Toujours à l'invitation des autorités égyptiennes», il «a emprunté un avion de la flotte gouvernementale égyptienne pour se rendre d'Assouan à Abou Simbel où il a visité le temple». Il a effectué une «sortie en bateau sur le Nil dans les mêmes conditions».

Le communiqué nous apprend également que Fillon a rencontré Hosni Moubarak, à Assouan, le 30 décembre. Une rencontre passée sous silence par Matignon: pas un mot ni un communiqué en décembre. Un an plus tôt, le 14 décembre 2009, l'équipe du premier ministre avait été plus loquace sur l'entretien de Fillon avec Moubarak, à Paris: «L'entretien a permis de mettre en évidence l'excellence des relations bilatérales entre la France et l'Egypte, dans tous les domaines», expliquait un communiqué. Tellement excellentes que le premier ministre a jugé bon de passer ses vacances de Noël en famille au pays des Pyramides, un an plus tard, «à l'invitation des autorités égyptiennes», donc. Des vacances au soleil évoquées uniquement dans la presse. «Quand il est question de vacances, Fillon n'accepte de parler que de la Toscane», commentait alors dans Le Figaro un ministre qui n'était pas surpris de la discrétion de Matignon. En 2008 déjà, le premier ministre s'était également rendu au Caire pour ses vacances de Noël, après un voyage officiel de deux jours sur place.

Mais François Fillon, lui, n'a pas proposé, comme MAM au retour de ses vacances tunisiennes, le «savoir-faire de nos forces de sécurité» à la police égyptienne pour «régler des situations sécuritaires». Pour la simple et bonne raison qu'une telle formation a été dispensée du 10 au 16 octobre 2010 au Caire: «L'Egypte a demandé à la France de lui faire part de son expérience en matière de gestion des foules et des grands événements», peut-on lire sur le site de l'ambassade de France en Egypte. Une formation qui comprenait notamment «l'examen de cas pratiques, l'organisation des services d'ordre et de rétablissement de l'ordre».

Toujours pour désamorcer la bombe, Matignon s'est empressé de préciser que le «déplacement» de décembre 2010 était «privé», et que, par conséquent, le «billet (de François Fillon) et celui des membres de sa famille lui sont facturés, sur ses deniers personnels, au tarif établi par l'armée de l'air, conformément à la règle qu'il s'est lui-même fixée et qu'il applique à chaque déplacement privé». Oui. Mais il s'agit là du déplacement à bord de l'avion officiel français ETEC, le communiqué n'indique pas qu'il a remboursé le gouvernement égyptien!

Une règle qu'il ne s'est d'ailleurs pas fixée uniquement lui-même... Lors de l'avalanche de casseroles estivale (le jet d'Alain Joyandet, les cigares de Christian Blanc, l'affaire Woerth-Bettencourt) de l'été dernier, le chef de l'Etat avait prévenu que les ministres allaient désormais payer leurs frais privés «sur leurs deniers personnels», et que des «sanctions» seraient prévues en cas d'abus.

François Fillon a en revanche oublié les autres recommandations du président, en matière de vacances sobres. L'été dernier toujours, soucieux de donner l'exemple en pleine affaire Woerth et alors qu'il s'apprêtait à demander aux Français de travailler deux ans supplémentaires avant la retraite, Sarkozy avait mis ses ministres au régime anti-bling-bling. Avant Noël, il avait à nouveau martelé la consigne lors du dernier conseil des ministres de l'année: «Ne partez pas trop loin. Et tenez-vous prêts à revenir. Il faut pouvoir revenir vite en cas de problème. Après, c'est trop tard.»

Après la diffusion du communiqué, les députés de la majorité, pris de court, peinaient à répondre aux journalistes, dans la salle des Quatre-colonnes. «Je n'ai aucune info précise, mais le premier ministre a notre soutien total», s'est contenté de dire Christian Jacob, président du groupe UMP, avant de s'éclipser en expliquant qu'il allait «prendre trois minutes pour regarder le communiqué». Voilà qui tranche avec son aplomb quelques heures plus tôt, lors du point presse: le bras droit de Jean-François Copé y martelait le «soutien total et unanime» de la majorité et du premier ministre à MAM. Dénonçait les «attaques inadmissibles» des socialistes, et expliquait: «Il ne faut pas regarder les choses par le petit bout de la lorgnette. L'essentiel, c'est: l'indépendance de la France est-elle remise en cause? Non. Y a-t-il eu un euro d'argent public dépensé? Non. Est-ce que ça change la stratégie de la France?»

Un autre élu de la majorité, décontenancé, demande aussi à lire le texte dans son coin avant de revenir le commenter. Le filloniste Jérôme Chartier s'est quant à lui lancé dans la défense du premier ministre: «La contestation égyptienne a débuté fin janvier, bien après son séjour. A cette époque, Hosni Moubarak était considéré comme un facteur de stabilité dans la région.» «Le premier ministre, qu'il soit en déplacement public ou privé, bénéficiait traditionnellement de la protection du pays dans lequel il résidait», a-t-il justifié.

Trois heures plus tard, Jean-François Copé apporte, dans un communiqué, son «soutien total au premier ministre» et dénonce «les chasses à l'homme systématiques» du PS (oubliant que c'est le Canard et non le PS qui a sorti l'affaire). «Le premier ministre n'est évidemment pas un citoyen comme les autres. Y compris quand il est en vacances, il reste le chef du gouvernement. A ce titre, pour des raisons de protocole et de sécurité il aurait été impensable que François Fillon ne soit pas en relations avec les autorités égyptiennes lorsqu'il s'est rendu en Egypte», justifie le secrétaire général de l'UMP, rappelant que «tous les frais personnels engagés pendant (les) vacances (de François Fillon) ont été réglés de sa poche». Ce n'est pourtant pas ce qui transparaît du communiqué de Matignon.

Ces nouvelles révélations sont en tout cas du petit lait pour l'opposition, qui réclamait déjà la démission de MAM. «C'est une défaite supplémentaire pour la République. Michèle Alliot-Marie et François Fillon sont dans la confusion la plus totale sur la manière dont ils utilisent les moyens de l'Etat», commentait le député (PS) Bruno Le Roux, en apprenant ces informations. «Je suis accablé par ces relations incestueuses avec des crapules, cette collusion avec des criminels. Maintenant que le premier ministre est concerné, cela devient une affaire d'Etat», a estimé Noël Mamère dans les couloirs de l'Assemblée. Ironisant: «Je comprends mieux pourquoi François Fillon ne voulait pas lâcher Michèle Alliot-Marie...»

Le parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts n'ont pas tardé à réagir. Depuis Dakar, où elle assiste au Forum social, Martine Aubry, s'est dite «consternée» par ces révélations. «On voit jour après jour combien le gouvernement a perdu le sens de l'esprit public», estime la première secrétaire du PS. «C'est une affaire très grave», a déclaré Benoît Hamon, le porte-parole du PS. «Il y a manifestement un grave problème d'éthique collective et personnelle du gouvernement», a-t-il ajouté, fustigeant «le feuilleton interminable des relations coupables de ce gouvernement avec des intérêts privés».

«Alliot-Marie chez Ben Ali, François Fillon chez Moubarak: la France est la risée du monde!», s'indigne Jean-Louis Roumégas, le porte-parole d'Europe Ecologie-Les Verts, dans un communiqué. «Combien de ministres auront donc utilisé les services ¿d'Air Dictature¿ pour leurs vacances au soleil?», interroge-t-il. «Le système de Sarkozy a effacé les limites entre le pouvoir et l'argent. Aujourd'hui, un ministre ne trouve rien d'anormal dans le fait de prendre l'avion d'un oligarque ou de se faire payer des vacances par un dictateur.»

«Après "Air Ben Ali", voici "Air Moubarak"», a ironisé le porte-parole du PCF Olivier Dartigolles, tandis que le NPA a demandé le départ pur et simple du premier ministre.

Salle des Quatre-colonnes, quelques minutes avant le communiqué de Matignon, l'ex-UMP Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République, s'énervait: «Michèle Alliot-Marie aurait dû démissionner depuis longtemps. Ce n'est pas une question d'avion, ni de discrédit du gouvernement mais de discrédit de la France, d'honneur de notre politique étrangère.» «La vraie rupture (de Nicolas Sarkozy), c'est celle avec les principes républicains. C'est la complaisance avec les tout-puissants. Nicolas Sarkozy ne se rend pas compte de la gravité de la situation. S'il continue comme ça, il ne pourra pas être candidat en 2012!», a lancé le député, dénonçant «la République des intouchables!». Nicolas Sarkozy avait pourtant promis, lors de la campagne présidentielle de 2007, une «République irréprochable». Avec Michèle Alliot-Marie, Brice Hortefeux (condamné deux fois), et désormais François Fillon, on en est loin.

Il y a en tout cas peu de chance que le sujet soit évoqué jeudi, lors de la participation de Nicolas Sarkozy à l'émission «Paroles de Français», sur TF1. Car Jean-Pierre Pernaut, qui animera ce face-à-face avec des citoyens, l'a décrété: la Tunisie, «c'est hors cadre». Alors l'Egypte...

http://www.mediapart.fr/journal/france/080...ais-de-moubarak

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