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J'ai perdu la recette...


casper2

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Membre, 48ans Posté(e)
wapo Membre 300 messages
Baby Forumeur‚ 48ans‚
Posté(e)
Il aura fallu qu'une fouineuse de grenier me ressuscite un jour de pluie.

Elle a du m'astiquer beaucoup pour que je retrouve quelques couleurs

...

L'essentiel est de se comprendre.

:cray::o
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Membre, Posté(e)
casper2 Membre 85 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

"

Un jour, il y a quelques années, j'ai craqué. J'ai tout abandonné. Je me suis retiré ici. Je ne supportais déjà plus cette vie dans ce monde frénétique. Alors lorsque tu étais arrivée puis repartie. Tu m'avais laissé en lambeaux. C'était trop. Beaucoup trop pour moi. Plus rien à espérer, plus rien à prouver non plus, dans ce monde fou, alors je suis parti. Je suis venu vivre ici, au milieu des bois, dans ma cabane. Je vis sans doute comme il y a cent ans en arrière. Pas d'électricité, pas d'eau, juste la source que j'appelle la fontaine, un toit de lauzes, deux petites pièces, une table, un lit, une cheminée...

Je ne suis pas un écologiste fanatique et extrémiste en quête de sa vérité, la nature. Même s'il est vrai qu'ici j'ai trouvé une vie qui me convient mieux et j'y suis donc resté. Non, j'ai quitté un monde et une société qui me dépasse, qui me déboussole. Je me suis simplement mais radicalement déconnecté de vous par sécurité, pour me préserver. Je préfère vivre seul comme un ermite, loin de tout, loin de tous. Je ne retourne dans le monde que pour me ravitailler. J'y suis malgré tout obligé mais j'y vais le moins souvent possible. Chaque fois que je réapparais, tous les gens se retournent sur mon passage et me regardent...

J'imagine ce qu'ils pensent en me voyant. J'ai les cheveux longs en broussaille, une longue barbe, de vieux vêtements un peu déchirés car usés. J'ai choisi pourtant les plus présentables pour ne pas les effrayer. Ils me trouvent sale. Certains font des signes pour dire que je pue. Pourtant je me lave, un peu. Non pour eux, c'est l'odeur de ce que je suis devenu à leurs yeux qui pue. Certains m'appellent l'indien, l'homme des cavernes, l'homme des bois, la cloche et j'en passe...

Je ne suis pas sourd, je sais donc tout ça. Mais peu importe, je me moque de ce qu'ils pensent. Du coup, j'entretien même cette indifférence qui m'arrange bien finalement. Alors je ne leur parle jamais, je ne dis jamais rien, pas même bonjour, ni au revoir. C'est parfois très difficile de me contenir. Face à leurs railleries méprisantes, quand la colère monte et me prend, j'ai envie de leur casser la gueule. Mais je me retiens. Je les ignore. Et je continu à faire mes petites affaires, puis je retourne aussitôt dans mes bois. Il n'y a que là que je me sens bien. Je ne regrette pas de m'y être installé. Je ne veux plus rien savoir de ce monde que je hais maintenant et que je fuis depuis si longtemps...

La seule chose qui me manque de ce monde, c'est la musique. Mais quand cela m'arrive, je m'arrête, je ferme les yeux et j'écoute ce qui m'entoure. J'entends alors la musique du vent dans les branches et les feuilles, les oiseaux qui gazouillent, les grillons et les sauterelles qui chantent. C'est pas mal aussi. Il suffit de savoir un peu écouter. Mais c'est vrai que la musique me manque...

Pour tout le reste, je m'en passe très bien. Je ne dois plus rien à personne. Ma seule préoccupation du jour, est de trouver de quoi me nourrir. Toutes mes activités sont centrées sur ce problème. C'est pas toujours très facile, surtout en hiver. C'est pour cela que je me ravitaille parfois. Mais j'ai chaque journée pour cela. Et les jours sont suffisamment longs pour y parvenir. Les bois sont bien plus riches que ce que l'on pourrait croire. Je vis de cueillettes, de braconnages, de pêches, de mon petit jardin, de ma basse cour et d'eau fraîche...

Cependant parfois, je me sens seul. Je suis seul ici. Je parle tout seul ou je parle à mon chien. Je suis seul avec mon chien, ma chêvre, mes poules et mes furets. Je leur parle mais aucun d'eux ne peut me répondre. La solitude est dure à supporter par moment, alors il faut que je m'occupe l'esprit. Je cherche à manger, je coupe du bois pour me chauffer. Mais il n'y a rien à faire, ici aussi je suis seul. Mais je sais maintenant que où que je sois, je serais toujours seul. Depuis que tu es partie...

Alors seul au milieu des bois ou seul au milieu de la foule dans un monde qui me rend fou, j'ai fait mon choix. Dans ma cabane, dans les bois, dans cet endroit où j'ai trouvé ma place, je suis bien. Je me suis fondu dans ce milieu où le temps n'a plus aucune importance. Le temps s'écoule. Lentement ou pas, il s'écoule. Mais cela ne se voit pas, rien ne bouge, rien ne change. Immuable. Et je peux vivre ainsi tranquillement et attendre paisiblement la fin...

"

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Invité chat_ooo
Invités, Posté(e)
Invité chat_ooo
Invité chat_ooo Invités 0 message
Posté(e)

Croyez qu'on ne peut causer des "autres" que de cette façon, pas vraiment en mal mais bon... ? ou alors en "déplaçant l'objet" comme la fontaine avec ses fables ? ou alors faut absolument "fumer" un "contexte" commun à la fois au lecteur et à l'auteur ? ouais spa simple, ça me rappelle mon propre ptit texte, dans "l'ivrogne" jcrois bien (topic ffrien), chuis pas sûr que ça soit cuila cela dit m'enfin donc intitulé : "où étais-je ?" -ouais j'ai carrément botté en touche.... en gros, il s'agit donc en fin de compte de reconnaître le bien du mal j'ai l'impression ?

sinon jserais assez curieux d'avoir votre avis là dessus :

http://fabrissou.kazeo.com/la-colline-corr...e,a1917341.html

ouais nan j'ai rien dit hein, au moindre mot de votre part vu qu'on n'a pas élevé les cochons ensemble, vous deviendriez automatiquement un "ennemi", jpréfère po la lecture de vos écrits est divertissante elle aussi :cray:

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Membre, Posté(e)
casper2 Membre 85 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

"

Je suis prêt. Des années que je me suis préparé pour ça. Enfin, j'y suis. C'est le jour J, l'heure H. Me voila au pied du mur et je n'ai absolument pas peur, contrairement aux autres. Je l'ai vu et je le vois encore dans leurs yeux. Il y a des regards qui ne trompent pas. Comme pour l'amour, la colère, le chagrin, ou la honte, la peur se lit dans les yeux. Et je n'ai cessé de les défier du regard un à un depuis que nous sommes arrivés ensemble sur cette piste. Car je sais que aujourd'hui, j'ai rendez-vous avec la gloire. C'est ma course. Je suis certain que je vais enfin gagner. C'est une conviction. Cette fois, le doute ne m'a jamais effleuré. Cela ne m'était jamais arrivé auparavant. Je suis en état de grâce, comme sur un nuage, totalement serein et sûr de moi. Je suis même convaincu que les autres l'ont vu et deviné dans mon regard. Psychologiquement, au fond d'eux même, ils savent qu'ils ont déjà perdu. Seul ce grand noir britannique qui a systématiquement évité mon regard pourrait m'inquiéter. J'ignore sa véritable force. Mais je connais la mienne, celle d'aujourd'hui. Personne ne pourra me battre. D'autant que je le connais bien et il me semble très nerveux, trop nerveux. Il sera sans doute l'adversaire le plus difficile et le plus coriace. C'est pour cela qu'il refuse de me regarder. Il espère ainsi garder toutes ses chances et il reste très concentré sur son objectif. Le même que le mien, gagner. Mais son attitude trahi aussi sa faiblesse. Il cherche à la cacher, comme son regard. Mais je n'en ai plus besoin maintenant, je le sais...

L'appel du starter, dans quelques instants ça va être le top départ. La rumeur bruisse avant de laisser place à un énorme silence dans le stade. Ces quelques secondes qui précédent le départ m'ont toujours été très pénibles. J'entends battre mon coeur, j'entends aussi respirer mes deux adversaires directs. C'est souvent à ce moment là que la crispation fatale arrive, avec les doutes, la peur de perdre. Mais aujourd'hui, je suis surpris mais rien. Non, rien de rien. Le silence ne me pèse absolument pas et il m'aide car je peux rester concentré sur chacun de mes gestes appris depuis tant d'années. Je les exécute au millimètre près. Prêt et tendu vers mon seul objectif, si près du but. Je savoure chaque seconde, chaque fraction de seconde avant le départ. Ces dixièmes ou centièmes de secondes qui feront sans doute la différence à l'arrivée...

Mais le départ est primordial. Tout le monde le sait, il ne faut pas se rater. Alors je fais le vide dans ma tête et je me concentre sur le top départ. C'est parti. Je m'élance et me redresse dès les premières foulées. Tout de suite je donne tout ce que j'ai. Immédiatement, j'ai la sensation que je ne me suis pas trompé. C'est ma course. Celle de ma vie. Je suis devant...

Mais soudain et brusquement tout s'écroule. Comme moi, brisé dans mon élan, je m'écroule sur la piste. Une profonde douleur fulgurante dans le mollet m'a terrassé, comme si l'on m'avait planté une flèche. Je me retrouve allongé sur le dos, les mains sur la figure. Je ne veux pas voir le ciel. Le ciel qui vient simplement de me tomber sur la tête. Je ne peux plus bouger. Je me suis effondré et avec moi, toutes mes illusions. Je crie de douleur mais aussi et surtout de rage. Des stadiers viennent à ma rescousse, pour m'évacuer. Ils ont des mots pour me réconforter mais je ne les entends pas. Mes nerfs me lâchent. Je pleure et je hurle. Ils pensent que je hurle de douleur. Ils m'emportent sur une civière. Comment pourraient-ils comprendre? Quelle désillusion, c'était MA course. Jamais plus, jamais je n'aurais une telle occasion. Je ne m'en remettrais jamais. Je suis en fin de carrière, pour moi c'est terminé. C'est la blessure de trop. La seule chose qui pouvait me faire perdre...

J'ai perdu plus qu'une simple course. J'ai tout perdu à cet instant sur cette piste. Tout mon passé s'est brutalement arrêté là. Tous ces efforts, tous ces sacrifices pour en arriver là. Comment accepter une telle défaite? Savoir perdre, c'est une chose que l'on doit accepter mais perdre de cette manière...

J'ai mal, très mal. La blessure et la douleur sont bien plus profondes qu'il n'y parait. Je ne pourrais jamais plus rechausser les pointes désormais. L'idée même d'approcher et d'entrer dans un stade m'est maintenant insupportable. Je suis fini, brisé. Et tous mes rêves envolés...

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Membre, 109ans Posté(e)
Animeletro Membre 189 messages
Baby Forumeur‚ 109ans‚
Posté(e)
Je passais ici par hasard, j'ai vu de la lumière et je suis entré.

Mais il n'y a personne alors je me suis assis près de la cheminée, pour me réchauffer.

Après m'etre un peu reposé, il faut que je reprenne la route. Et pour vous remercier, comme je n'ai pas d'argent, je vous laisse ces quelques mots, ces quelques phrases que je vous jette en pature.

Désolé si je vous ai dérangé.

Nostalgie quand tu nous tient !

"

Autrefois, j'étais jeune et beau mais c'était il y a bien longtemps.

C'était le temps où il faisait bon vivre, la vie était si belle.

Elle me cajolait, elle prenait bien soin de moi.

Je brillais sous ses mains délicates qui me caressais amoureusement pour m'entretenir dans le meilleur état.

Souvent elle avait besoin de moi, car sa famille était bien grande et sa table très bien garnie.

La nourriture et sa cuisine faisait le régal de tout le monde après une longue journée de dur labeur, surtout les soirs d'hiver.

Alors imaginez dès que vous entrez dans la pièce, cette odeur qui vous fait immédiatement saliver.

Une simple odeur de soupe qui mijote doucement sur un feu léger qu'on entend à peine crépiter.

Comme l'odeur, ce feu vous réchauffe le coeur et une sensation de bien etre vous envahie autant que la fatigue qui vous terrasse maintenant, en prenant place à table.

Moi je me régale déjà, c'est le bonheur absolu, dans une atmosphère si paisible, je donne le meilleur de moi-meme.

Je sens le bouillon frémir sous la douce chaleur des flammes qui me chauffe lentement depuis plus d'une heure.

En effet, elle prenait bien le temps de faire cuire ses légumes cueillis dans le jardin ce matin, avec son petit morceau de lard.

Il faut peu de chose quand on sait où se trouve le bonheur.

Un petit feu dans une cheminée, un joli chaudron de cuivre et quelques légumes qui y mijotent doucement.

Mais malheureusement, à cause du temps qui passe, j'ai oublié et perdu la recette de cette magnifique soupe...

C'était il y a trop longtemps.

Car aujourd'hui, pour moi c'est la soupe à la grimace.

Je me sens vieux, usé, aigri par la vie.

Je ne brille plus, je suis cabossé de partout.

J'ai trop servi et je suis couvert de vert de gris.

Et avec la vie de nos jours, où tout va trop vite, je ne servais plus à rien et l'on m'a remisé au fond d'un placard pendant des années.

Il aura fallu qu'une fouineuse de grenier me ressuscite un jour de pluie.

Elle a du m'astiquer beaucoup pour que je retrouve quelques couleurs, que je redevienne un peu ce que j'étais.

Puis elle a eu une drole d'idée d'essayer de refaire la soupe d'antan...

Mais comme je vous l'ai déjà dit, j'ai perdu la recette.

En plus, le feu n'est plus là pour m'aider.

Elle m'a posé directement sur une plaque électrique qui me brule bien trop fort.

Alors en moi, sous le couvercle, bouillonnent les légumes qui commencent à bruler.

C'est une légère odeur de cramer qui va se répandre dans l'air de cette minuscule cuisine d'HLM mal aérée.

Je sens en moi le malaise s'installer.

Cela sent de plus en plus mauvais, pour ne pas dire que ça commence à puer.

C'est devenu une infame mixture qui me brule depuis le fond jusque sous le couvercle qui voudrait se soulever.

Mais il vaudrait mieux que celui-ci soit bien posé car ce qui pourrait s'en échapper est si écoeurant.

Cela s'est transformé en une bouillie purulente et nauséabonde digne d'une recette de vieille sorcière.

Quelle horreur, c'est immonde, mais c'est bien ce que je ressens en moi, maintenant.

Et il n'y a aucune soupape de sécurité, aucun moyen d'évacuer un peu de ce trop plein de dégout.

Au risque d'etre éclaboussé et brulé au troisième degré, personne ne peut plus oser s'approcher de cette vieille marmite abandonnée et prete à exploser.

L'odeur est devenue tellement forte et suffocante qu'il va falloir meme évacuer...

On est bien loin de ce bonheur d'autrefois.

Si seulement, je n'avais pas perdu la recette..."

Navré pour les nombreuses fautes.

L'essentiel est de se comprendre.

Excuse la faute (tiens) !

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  • 1 mois après...
Membre, Posté(e)
casper2 Membre 85 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

" Avant qu'elle n'arrive, on m'a désigné pour l'accueillir et pour m'en occuper. C'est sans doute grâce à mon ancienneté plus qu'à mes éventuelles compétences, je suppose. Il est vrai que j'ai une grande expérience après plus de vingt ans que j'exerce mon métier. Je fais un peu parti des murs comme on dit. Mais je dois reconnaître que de devoir relever ce nouveau défi, c'est à la fois flatteur, excitant mais aussi un peu angoissant. J'ai la pression. Il ne faut pas que je me rate. J'ai pas le droit à l'erreur. Malgré tout le recul que j'ai pu avoir avec beaucoup d'autres, avec elle, ça reste une grande première. Pas simple à gérer. Une sacrée responsabilité. Elle arrive demain...

J'ai mal dormi. J'ai gambergé toute la nuit. J'ai la tête dans le cul. Heureusement, j'avais déjà tout préparé à l'avance. J'ai fait de mon mieux. J'espère qu'elle ne se sentira pas trop déboussolée en arrivant ici. Enfin, ça y est, la voilà. J'avais pris mon appareil photo pour immortaliser ce moment si important pour nous. Mais j'ai complétement oublié de la prendre en photo quand je l'ai vue. Fascinante. Je suis d'abord resté figé et bouche bée devant une si grande beauté. Elle était tellement magnifique, si vous saviez. Si gracieuse avec cette jolie robe noire, d'un noir luisant mais si profond, aussi profond que son regard...

Je suis tombé sous le charme tout de suite. Un véritable coup de foudre. Ses yeux m'ont transpercé comme deux flèches. J'ai immédiatement compris que ma vie était en train de basculer à cet instant. Puis j'ai remarqué ses superbes dents blanches. Pourtant, elle ne me faisait pas vraiment un sourire. Oh non, bien au contraire, elle m'a montré ses dents dans un énorme et terrifiant rugissement. Elle m'a rencontré et vu comme un ennemi responsable de son malheur. Avec son regard si menaçant, la tête baissée et les oreilles en arrière, ses crocs acérés bien en évidence, elle dégageait une telle force, une telle puissance. Vraiment fascinante. Je n'ai jamais oublié ce premier contact, et pourtant...

Après avoir repris mes esprits, avec les collègues, nous nous sommes activés pour la faire entrer dans sa nouvelle demeure. Un très grand enclos, exclusivement et spécialement emménagé par mes soins, pour elle, en plein centre de notre parc animalier. Cette superbe panthère noire devait devenir notre nouvelle et principale attraction, pour relancer la fréquentation du zoo, un peu en perte de vitesse. Sa bonne et rapide adaptation était donc primordiale afin qu'elle ne se terre pas au fond de sa cabane. D'où l'importance de mon rôle, moi, son nouveau soigneur...

Et je vous assure que la tache ne fut pas si simple avec un tel animal, ce grand félin. Une bête imprévisible qui par instant va ressembler à un gentil gros matou et qui quelques secondes après , paraît et redevient une bête féroce capable de vous déchiqueter. Elle est si paisible et calme en apparence. Son tempérament naturel est si tranquille la plupart du temps. Elle connait sa force. Il suffit de la regarder marcher nonchalamment, silencieusement. Sous son pelage noir et luisant; on devine la puissance de chacun de ses muscles qui se dessinent. Mais elle reste farouche. Alors avec la crainte et la peur, qui la rend si vite nerveuse et dangereuse, un simple rappel bruyant, avec la vue de ses crocs et son regard menaçant, vous dissuade rapidemment de vous en approcher. C'est pour cela que ce fut très long et difficile, surtout au début. J'ai passé énormément de temps à proximité pour qu'elle finisse par s'habituer à moi. Avant de pouvoir espérer qu'elle puisse s'habituer aux autres, les visiteurs. Il n'était pas question que je l'apprivoise. Non, je devais simplement vaincre et venir à bout de sa peur, qu'elle daigne enfin m'accepter près d'elle. De plus en plus près d'elle, gagner doucement sa confiance, sans la brusquer...

Terriblement long, avec infiniment de patience. Tout à elle, sans m'en rendre compte finalement, je me suis donné. A en rendre ma femme jalouse. Au point de trouver les week-end ou les jours de repos interminables loin d'elle. Avec qu'une seule envie, la retrouver et reprendre mon approche. Fasciné par sa beauté et sa force...

A force d'obstination et de persévérance, j'ai fini par y parvenir. Enfin, c'est ce que je croyais. Je pensais ne plus être son ennemi. Elle ne manifestait plus sa peur et sa colère en ma présence maintenant. Je pouvais apporter sa nourriture et nettoyer sa cabane sans qu'elle ne réagisse vraiment. Certes, elle conservait toujours une certaine distance, gardait un oeil méfiant en ma direction, mais elle ne manifestait plus aucune agressivité apparente. Je faisais dorénavant parti de son quotidien. Restant quand même sur mes gardes, j'effectuais mon travail sans aucun problème. Jusqu'au jour où...

Avec la force de l'habitude, j'ai sans doute fini par oublier notre première rencontre, pourtant si troublante et marquante. Elle, n'avait pas oublié. J'étais son ennemi. Je l'étais encore et toujours. Sournoise, elle a patiemment attendu le moment de se venger. Elle a attendu l l'instant précis où je ne me méfierais plus d'elle. Comme à la chasse quand elle guette sa proie affairée à boire ou à manger sans se méfier. Je lui ai tourné le dos. Elle s'est levée, s'est approchée à pas feutrés. Je ne l'ai pas entendue venir. Il était trop tard quand j'ai ressenti sa présence derrière moi. J'ai senti son souffle dans mon dos. Pétrifié par l'effroi, j'ai serré le manche de mon balaie. Aucune chance avec un simple balaie face à elle, alors je suis resté immobile, crispé. Mais couvert de sueur, l'odeur de la peur n'a pu échapper à son flair. Ces quelques secondes qui suivirent m'ont semblé interminables...

J'ai senti son museau frôler légèrement ma jambe. Puis elle s'est mise à rugir bruyamment avant de retourner s'allonger un peu plus loin. Pétrifié sur place, j'ai eu la peur de ma vie. Je ne m'en suis jamais remis. J'ai fait une dépression. J'ai fini à l'hôpital. Je ne me suis plus jamais approché d'elle. Je ne suis plus jamais retourné travailler. Je suis resté en longue maladie, traumatisé. Je ne comprend toujours pas ce qui s'est passé. Je ne comprend pas pourquoi elle m'a épargné alors que j'étais à sa merci. J'aurais préféré une autre issue, plus tragique, plus simple à supporter. Ainsi, je ne me poserais plus autant de questions maintenant. De ne pas comprendre, cela m'a rendu fou. Elle était si belle, si fascinante. Mais depuis son souffle et ses rugissements me hantent...

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Invité chat_ooo
Invités, Posté(e)
Invité chat_ooo
Invité chat_ooo Invités 0 message
Posté(e)

ça me fait songer à "la féline" film que j'ai regardé en noir et blanc, pis en couleur, où on voit notamment une scène où le mec y laisse son bras quand même, scène impressionnante, effets spéciaux réussis, même si il s'agit aussi de faits divers, beaucoup de dompteurs y ont laissé leur peau, hommage à eux je suppose, texte bien écrit comme d'habitude ; vaguement on songe au petit chaperon rouge, vaguement hein, de très loin.........

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  • 3 semaines après...
Membre, Posté(e)
casper2 Membre 85 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

" C'est étrange. Je me demande comment et pourquoi cette idée m'est venue, après tant de temps passé avec elle. Pourtant elle m'avait si gentiment recueilli à ses cotés. Depuis, elle a toujours été là pour moi, pour m'aider à sortir de cette galère. Elle a été la seule à pouvoir le faire. C'est ce qu'elle m'a toujours dit, c'est ce que j'ai toujours cru. Je me sentais un peu mieux grâce à elle. J'ai fini par m'habituer à sa présence. J'avais l'impression d'exister, de vivre, de revivre, de survivre. Alors pourquoi aujourd'hui, j'ai cette étrange idée d'avoir été trompé...

Elle m'a trompé, j'en suis sûr maintenant. Je crois que j'ai enfin ouvert les yeux. Mais ça me fait tout bizarre. C'est un étrange sentiment que celui-là. Je ne sais pas comment réagir. Dois-je lui en vouloir ou au contraire l'en remercier? Tout ça n'était apparemment que pure illusion. Mais c'est bien moi qui me suis tourné vers elle alors que j'étais en pleine détresse. Elle n'avait rien demandé. Elle m'a juste réconforté. Pour cela, elle m'a gentiment menti. Avec des mensonges qui m'ont fait rêver, qui m'ont laissé espérer. Mais maintenant que je sais...

Je sais que je ne pourrais plus jamais lui faire confiance, quoiqu'elle puisse me dire, quoiqu'elle puisse essayer de me raconter. Je sais que je peux lui pardonner tout ce qu'elle a pu me faire mais pour le reste, c'est fini, le ressort est cassé. La confiance, une fois perdue, ne se retrouve jamais. Mais c'est étrange, c'est moi qui me sens coupable. Car c'est moi qui suis allé la chercher, c'est moi qui ai voulu la croire. Alors, j'ai des scrupules à vouloir la quitter. Ne serais-je pas un lâche de partir comme cela? Comment va-t-elle le prendre? Qui de nous deux se sentira le plus trahi? Elle ou moi? Je ne veux pas avoir le sentiment de l'avoir abandonnée. Que dois-je faire, rester, partir? Je ne sais pas...

Serais-je capable de vivre sans elle seulement? C'est une étrange situation que voilà. Continuer avec elle et faire semblant. Se mentir mutuellement. Fermer les yeux, se voiler la face, faire l'autruche, la tête dans le sable. Tout en sachant qu'elle ne pourra jamais m'apporter ce que je recherche et que j'ai toujours recherché. Ce que j'avais trouvé puis perdu quand j'ai sombré autrefois. Je sais qu'elle ne pourra jamais me le donner malgré toute sa bonne volonté. Alors combien de temps pourrais-je le supporter? Je ne sais pas...

Poursuivre et continuer en me laissant porter gentiment par ces doux mensonges susurrés sur l'oreiller ou reprendre ma vie en main en prenant un grand coup de pied au cul. Prendre un virage à cent quatre vingt degrés et oublier tout un passé commun. Non pas tourner la page mais carrément l'arracher pour la brûler. Renier tous mes souvenirs avec elle, en serais-je capable? Ma mémoire saura-t-elle effacer mon passé? Ce même passé qui me poursuit et qui a laissé tant de traces depuis, comme autant de profondes cicatrices...

Impossible. Les paroles s'envolent mais les écrits restent..."

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  • 2 semaines après...
Membre, Posté(e)
casper2 Membre 85 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

" Ils ont du mal à croire ce qu'ils viennent de voir. C'est arrivé de façon si soudaine. Les yeux hagards, ils ne comprennent pas. Malgré toute leur intelligence, il reste de rares choses qui échappent à leur logique. Désormais, certains vont se creuser la cervelle pour expliquer ce qui s'est passé, pour essayer de rassurer les autres. Mais après la surprise et l'incompréhension, c'est maintenant la peur qui va prendre le dessus. Alors, il faut vite essayer d'expliquer l'inexplicable, l'irrationnel...

Mission impossible. Comment savoir pourquoi je me suis mis à gronder ainsi sans raison? Aucun prémisse à ma si violente colère, rien qui ne la laissait présager après un si long silence. Moi, qui suis tellement calme depuis si longtemps, des années durant, pourquoi une imprévisible et brusque explosion? Pourquoi aujourd'hui, pourquoi maintenant? Pourtant le temps n'était même pas à l'orage, pas d'électricité dans l'air, pas un nuage à l'horizon. Heureusement d'ailleurs, sinon ils auraient pu croire à l'apocalypse tant redoutée. Non, il n'est pas tombé la moindre goutte d'eau. Pas même celle qui aurait pu faire déborder le vase, mais il a bel et bien débordé...

Je ne sais pas moi-même ce qu'il m'a pris. Je ne comprends pas non plus. Il fallait que ça sorte. Mais quand j'y repense, cela vient de très loin finalement. Le mal est très profond. Il est encré là, enfouit quelque part en moi, et il bouillonne depuis trop longtemps. A force de ruminer en silence, la pression est montée lentement. J'étais de plus en plus mal. Je résistais tant bien que mal pour contenir mon hystérie qui couvait. Mais j'avais les nerfs à fleur de peau. J'étais à bout de nerf, irascible et prêt à exploser. La moindre contrariété qui peut paraître insignifiante et totalement inappropriée était susceptible d'en être le détonateur. Ca enflait doucement. Un rien me gonflait. La pression était devenu trop forte. J'ai craqué subitement. C'est pour cette raison sans doute qu'ils ne peuvent pas comprendre ma furieuse colère. Ils ne peuvent que constater les dégâts, immenses...

Mon explosion brutale et terriblement violente eut un effet dévastateur sur tout et tous ceux qui m'entouraient. Dans un bruit de tonnerre, j'ai craché et hurlé toute ma colère au monde entier. Des pierres et du feu ont jaillis jusque très haut dans le ciel. Les lueurs incandescentes émergeaient de l'épaisse fumée sortant de ma bouche déchirée et déformée par la rage. Comme, et pire que de la bave, la lave a commencé à s'échapper de mon cratère pour dévaler sur mes flancs, dévorant et balayant tout sur son passage. L'enfer qui s'invite ainsi sur terre, brûle en dévastant tout, sans aucune pitié, sans aucun discernement...

Une éruption terrible, c'était infernal, le mal pour le mal, dans toute sa splendeur. Laissant une plaie ouverte, si profonde qu'elle ne se refermera jamais définitivement. Au fond, la souffrance sera toujours là, qu'elle soit en sommeil comme le magma qui bouillonne ou vive telle la lave qui dévale. Je suis navré d'avoir provoquer tant de mal autour de moi, ainsi, et sans raison apparente...

Ils ne le comprendront et ne me le pardonneront jamais...

"

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  • 2 semaines après...
Membre, Posté(e)
casper2 Membre 85 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Voici une nouvelle histoire, mais cette fois elle sera plus longue. Donc je vais etre obligé de la fractionner pour vous la poster.

"

Quelle journée!!!

C'est enfin allongé dans mon lit que je me rend compte de cette journée si particulière que je viens de vivre. Une journée qui laissera des traces indélébiles dans mon esprit. Comme celle où je l'avais vu pour la première fois. Je me souviens que c'était aussi en me couchant le soir que j'avais alors repensé à elle. J'avais été surpris de songer à elle plus qu'à tout ce qui s'était passé ce jour-là. Un jour de première où tout est nouveau, difficile à assimiler, qui passe comme un éclair et qui vous lessive totalement. Alors épuisé et ravi de retrouver mon lit, c'est juste à ce moment précis que mon esprit, enfin posé pour faire le point, m'a étrangement ramené vers elle. Pourquoi vers elle, justement, au milieu de tout ça?

Mes études d'infirmier enfin terminées et réussies, c'était mon premier jour de prise de poste dans cet établissement spécialisé en psychiatrie. Ma trop grande sensibilité et le fait de savoir que de côtoyer quotidiennement la souffrance et la mort dans un hôpital me serait trop difficile, m'ont plutôt guidé vers ce domaine si particulier et si peu considéré. Il n'est pas très facile d'assumer et de dire que l'on travaille chez les fous. C'est un monde à part, dont on parle peu, que la société a tendance à ignorer et à cacher. Un monde qui fait peur...

Alors imaginez-vous mes premiers pas parmi eux, guidé par mon chef de service qui me fait visiter tout cet univers si mystérieux mais si banal en réalité. Impréssionné par ce lieu qui semble si froid, fait de longs couloirs peints uniformément qui mènent à différentes pièces aussi austères les unes que les autres. Le silence qui y règne est pesant, mais que dire des cris soudains qui le déchirent si brutalemment. Je suis très intimidé voire presque angoissé, et mon chef qui le ressent tente de me rassurer en me disant qu'ILS ne sont pas méchants, que tout se passera bien, que je n'ai pas à m'inquiéter. Je sais déjà tout ça, mais ça reste quand même la première fois et c'est toujours impréssionnant...

La matinée est si vite passée, il est temps maintenant d'aller au réfectoire et manger avec eux. Tout ce petit monde s'y retrouve naturellement et partage les mêmes repas. Seule la couleur de nos blouses nous différencie d'un seul coup d'oeil. Ici, le bleu pour le personnel soignant et le blanc pour les malades. Un code simple mais efficace car il serait tellement facile de se fondre parmi eux. En effet, la grande majorité des malades sont en apparence parfaitement normaux de prime abords. Seuls quelques uns sont affublés de quelques tics ou ont des regards inquiets, apeurés, torturés ou vides. Ceux-là, en général, sont les plus atteints car ils sont souvent sous l'emprise des médicaments qui les ensuquent totalement. Comme me le soulignait mon chef, il n'y a pas grand chose à craindre, dans un tel état, ils ne sont pas méchants. J'ai l'impression d'être dans la peau d'un chien de berger gardant son troupeau de paisibles et d'inoffensifs moutons. Elle était sans doute là, petite brebis parmi tant d'autres, mais je ne l'ai pas encore remarquée pour l'instant...

"

Voilà, à suivre..

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casper2 Membre 85 messages
Baby Forumeur‚
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SUITE :

" Après avoir découvert l'étrange petit univers qui allait devenir mon quotidien familier, il était temps maintenant d'en étudier chacun des membres de ma nouvelle et drôle de famille. Ainsi, l'après-midi dans le bureau de mon chef qui me détaillait un à un, les dossiers complexes de chaque patient, fut très longue et fastidieuse. Sur la digestion et au bout d'une heure, interminable, à l'écouter religieusement, la fatigue a fini par me gagner. Pour lutter contre une envie terrible de bailler, j'ai essayé de changer de position sur mon fauteuil en me redressant un peu. Mon attention ayant alors bien décrochée, mon regard se porta vers la fenêtre par-dessus son épaule. Une vue superbe sur un petit parc verdoyant sous un pale soleil automnal s'offrit à mes yeux. Un véritable et magnifique tableau idyllique avec une belle pelouse verte et rase, parsemée de quelques arbres au feuillage flamboyant, offrant une ombre salvatrice sous les chaleurs accablantes d'étés sûrement torrides à de petits bancs, et longée par une petite allée de graviers blancs qui descend vers un grands bassin où nagent quelques canards...

Elle était là, dressée dans sa blouse blanche qui se détachait et tranchait avec le vert de la pelouse. Elle marchait lentement, pieds nus, autour du bassin. C'est ainsi que je l'ai vue ou du moins remarquée pour la première fois. C'était une vision très étrange, inattendue, presque surréaliste qui m'est toujours restée depuis. C'est précisément cette vision qui m'est revenue ce soir-là en me couchant.

Durant toute cette longue après-midi, à chaque fois que mon regard fut attiré par la fenêtre, il retrouva la même vision. Elle était toujours là. Elle marchait inlassablement autour du bassin, semblant observer les canards. A force, mon chef a fini par le remarquer et profita de l'occasion pour me soumettre son cas. Elle était arrivée dans l'établissement depuis plus de trois ans déjà, personne ne connaît son véritable nom, ni son age exact. Elle ne parle jamais. Elle n'est pourtant ni sourde, ni muette. Quelqu'un a fini par lui trouver un surnom et depuis tout le monde l'appelle ainsi: Princesse Léia. Je suppose que l'idée est sans doute venue d'un cinéphile et de sa vague ressemblance à la fameuse princesse de la guerre des étoiles...

En tout cas, et même si cela peut paraître incroyable, depuis qu'elle est arrivée ici, elle n'aurait jamais prononcé la moindre parole cohérente. D'après le médecin qui s'occupe de Léia, elle aurait le niveau intellectuel d'une enfant de 4 ans. Elle aurait été trouvée errant dans les rues et amenée ici par la suite. Jamais personne n'aurait depuis semblé être à sa recherche. C'est un véritable mystère. Et le fait qu'elle ne parle pas n'arrange rien. Mais ce qui est très surprenant, c'est qu'elle semble bien nous comprendre et reste très docile. Simplement elle ne communique pas en retour...

Mais son silence justifiait-il sa présence ici? En guise de réponse à mon étonnement, et sans même se retourner, mon chef décrivit la scène du jardin tout en me demandant depuis combien de temps j'avais pu l'observer. Effectivement, c'est un comportement bien bizarre que de passer des heures, des jours, à marcher autour d'un bassin à regarder des canards. Profitant de la pause café fort bien venue, je décidais d'aller prendre un peu l'air dans le parc. Attiré par cette étrange princesse, je m'approchais un peu. C'était une très jolie brune aux cheveux courts et lisses, sa silhouette était mince et très menue. C'est une impression à la fois de calme et de fragilité qui émanait d'elle. J'ai eu un frisson, comme devant une ombre qui passe. Une ombre...

"

A suivre...

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  • 2 semaines après...
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casper2 Membre 85 messages
Baby Forumeur‚
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SUITE...

" Mais la pause trop courte et mon chef qui me rappelait déjà, ne me permettra pas de la voir de plus près ce jour-là. Il m'attendait sur le pas de la porte avec un petit sourire entendu. J'étais déjà sous le charme. Je ne compris pas tout de suite son conseil lorsqu'il me dit de faire attention de ne pas trop m'attacher à elle. Il avait raison, la suite me le démontrera. Mais comment pouvait-il en être autrement? Alors que tout le monde ici l'était aussi. La princesse Léia était devenue la mascotte de tout le personnel de l'établissement. Elle était adorable, une jolie princesse frêle et si fragile. Comment ne pas avoir envie de la protéger et de lui venir en aide? Et comme tous les autres auparavant, je me suis intéressé à elle, je m'en suis beaucoup occupée aussi. Avec l'espoir de la comprendre et de l'aider à sortir de ce monde dans lequel elle semblait être enfermée. Je voulais briser ce silence, lui ouvrir une porte vers notre monde. Je ne comprenais pas que les autres avaient déjà tous abandonné cette idée et qu'ils essayent de me décourager en me disant que je perdais mon temps. Je n'étais certes qu'un petit infirmier, mais je la voyais tous les jours, alors qui mieux que moi, pouvait arriver à percer un jour sa carapace? J'étais certain que j'y parviendrais un jour, il fallait juste être persévérant et attentif à tout ces faits et gestes. J'avais la naiveté et la fougue d'un débutant...

Elle était docile mais déroutante. Une ombre. Insaisissable. Pas un mot, pas un regard, pas un sourire qui ne laisse entrevoir une quelconque émotion. Un être avec un corps de chair et d'os mais qui semble totalement inhabité par aucun esprit logique. Aucun esprit logique mais elle devait bien avoir un esprit quand même, aussi primitif soit-il. Sinon pourquoi, parfois secouée par quelques improbables pulsions, elle se m'était à rire ou à crier? Elle lâchait aussi des mots incompréhensibles articulés dans quelques rares moments de délires. Et puis comment expliquer cette incroyable obsession et attirance vers cette mare aux canards? En apparence docile, se laissant guider, dans cette vie ici, elle n'avait qu'un seul but, un seul objectif, rejoindre le parc puis marcher inlassablement au bord du bassin. Elle pouvait arpenter ainsi des heures durant jusqu'à épuisement avant de s'écrouler sur le banc le plus proche. Et tant qu'elle n'avait pas obtenu qu'on lui ouvre la porte, elle se collait contre la vitre d'une fenêtre et restait ainsi prostrée avant de finir par se taper la tête dessus. Pour éviter qu'elle n'entre dans une de ces crises et dès que le temps le permettait, nous la libérions. Elle filait aussitôt droit vers la mare et ses canards. On pouvait aller la rechercher tranquillement au moment des repas, avant de la relâcher à nouveau. Quel étrange manège que voilà, quelle étrange vie à tourner en rond autour d'une mare aux canards?

Mais parfois il était impossible de la laisser sortir les rares jours de pluie que connaît notre région. Ces jours-là, nous étions obligé de l'enfermer dans sa chambre pour éviter qu'elle ne se fasse du mal. Elle semblait le comprendre dès qu'elle apercevait les gouttes d'eau sur les carreaux. Elle y restait devant toute la journée et refusait de s'alimenter. C'était là notre plus gros problème. Dès qu'elle ne pouvait pas sortir, elle ne mangeait plus rien. C'est pour cette raison qu'elle était si mince, presque maigre. Et chaque hiver un peu trop long, avec des journées un peu trop froides, il fallait finir par la mettre sous perfusion. Sinon elle se serait laisser mourir. Et dès que le doux soleil de printemps revenait, elle retrouvait une vitalité suffisante pour pouvoir retourner auprès de ces canards. Etrange et mystérieuse Princesse Léia... "

A suivre...

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  • 2 semaines après...
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casper2 Membre 85 messages
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" Un jour, par hasard, à l'approche de Noel, à la recherche de cadeaux pour un de mes petits neveux, je suis tombé nez à nez avec une évidence. Comment n'y avais-je pas pensé auparavant? C'était pourtant tellement évident. Cela m'a fait tilt devant ce Donald en peluche. J'ai immédiatement fait le rapprochement avec les canards de Princesse Léia. J'étais certain que j'avais trouvé la clef en lui offrant ce cadeau. Elle adore les canards, c'est évident. Elle sera donc très heureuse en recevant un tel cadeau et m'ouvrira enfin la porte de son royaume inaccessible. J'attendais dès lors avec impatience ce jour magique et le moment précis où elle découvrirait mon cadeau. Ce fut très furtif. Je me demande même si ce fut bien réel. A-t-elle seulement esquissé l'ombre d'un sourire? Oui, je le crois et je suis sûr qu'elle a bien serré dans ses bras le doux petit Donald. C'était si émouvant, j'étais si content de moi. Je suis retourné à mes occupations en sifflotant, l'air tout enjoué. Mais un peu plus tard quand je suis revenu la voir, il était là, gisant sur le lit comme abandonné. Et par la fenêtre, je l'ai vu là-bas...

Le lendemain et les jours suivants, Donald se retrouva délaissé sur une étagère à prendre la poussière, posé sans doute là par la femme de ménage. Depuis pour moi, c'est une immense déception qui me transperce à la simple vue de cette misérable petite peluche perchée et qui semble me narguer en souriant. Je ne sais plus quoi faire après une telle désillusion. Je ne comprend pas. Quel est ton secret? Pourquoi? Pourquoi, les canards de cette mare l'attirent-ils ainsi? Pourquoi reste-t-elle des heures avec eux? Pourquoi marche-t-elle inlassablement jusqu'à épuisement là-bas? Pourquoi? Pourquoi? Princesse Léia, si mystérieuse, si étrange...

Il m'avait pourtant bien prévenu, je me suis trop attaché à elle. Et j'ai un gros défaut, c'est d'être un entêté. J'ai encore insisté pour percer sa cuirasse. Un matin, je suis arrivé avec un joli petit chaton. J'ai pensé que peut-être simplement elle adorait et recherchait la présence d'animaux. Mais là encore, je me suis totalement trompé. Elle a certes adopté ce nouveau et adorable pensionnaire mais pas plus que n'importe lequel des autres patients. Et surtout, elle n'a absolument pas changé d'un iota son attitude. Son obsession, la mare et ces canards...

Dès que mon emploi du temps me le permettait, j'essayais de l'observer. Je suis même allé jusqu'à parfois marcher à ses cotés. Je lui parlais un peu. Rien à faire, elle restait muette. Un véritable mur, je n'existais pas. J'ai même fini par parler avec les canards. Je leur ai donné quelques morceaux de pain pour les attirer vers nous. Ils étaient visiblement ravis de l'aubaine et ne se faisaient pas prier pour venir. Ils réclamaient bruyamment leur pitance. Ils se disputaient même entre eux. C'est ainsi que j'ai appris qu'une certaine hiérarchie existait chez les canards. Ils ont même vite compris que c'était seulement moi qui les nourrissaient. Ils ne s'approchaient que si j'étais là. J'en sais un peu plus sur la vie des canards maintenant. Mais c'est tout ce que je sais. Sur elle, je n'en sais pas plus. J'ai perdu mon temps. Et j'ai fini par renoncer à la comprendre, comme tous les autres ici. Princesse Léia, c'est triste mais personne ne peut plus rien pour toi... "

à suivre...

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Membre, 118ans Posté(e)
nerelucia Membre 12 886 messages
Baby Forumeur‚ 118ans‚
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Excellent et je ne fais jamais de compliments. Corrigez les conjugaisons. Ecrivez, voyez un éditeur.

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casper2 Membre 85 messages
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" Mais elle s'en moquait, du moment qu'elle était avec ses canards. Elle ne risquait rien. Elle était heureuse. Elle semblait heureuse ainsi, c'est ce que l'on croyait. Mais aujourd'hui, ce soir justement dans mon lit, après cette belle journée, je ne sais plus. J'ai peur d'avoir compris. Princesse Léia, enfermée dans son monde, ne devait pas être heureuse. Ce qui pourrait expliquer sa fin imprévisible et tragique...

Ce jour-là, était un jour tout ce qu'il y a d'ordinaire. Il faisait beau, mais un peu frais au sortir de l'hiver. De ces jours qui vous redonnent le moral, grâce à la lumière du soleil et de ces premiers rayons qui vous réchauffent. Avec l'envie d'ouvrir en grand les fenêtres pour faire entrer l'air sain et pur dans toutes les pièces restées trop longtemps confinées. L'envie de se prélasser sur un banc comme le feraient les lézards sur un mur. Une belle journée en somme, qui allait enfin redonner des couleurs au teint pâle de notre petite princesse. Fidèle à son rituel, elle était aussitôt retournée à sa ronde habituelle après le déjeuner. Chacun de nous occupé par notre travail, et sans inquiétude pour elle, ne faisions plus vraiment attention à son inlassable manège. Seul un regard machinal ou pensif par la fenêtre et cette vision nous rappelait qu'elle existait toujours. Pour moi, cette vision étrange était à la fois rassurante et apaisante mais me laissait toujours un arrière goût amer d'inachevé, d'avoir échoué, d'avoir raté quelque chose. Cette impression était devenu si désagréable que pour éviter de regarder par la fenêtre, j'en étais arrivé à mettre mon bureau de façon à lui tourner le dos. Du coup, je n'ai rien vu et c'est une collègue qui travaillait à l'étage qui a donné l'alerte. Me retournant immédiatement et regardant vers la mare, elle n'était plus là. Son absence était si frappante qu'elle ne pouvait que vous sauter aux yeux. Ce n'est qu'après quelques secondes que je réalisais qu'elle était bien là, avec cette forme blanche qui flottait au milieu de la mare...

Nous nous sommes tous précipités vers le lieu du drame. A peine éssoufflé en arrivant sur place, j'ai vu son corps flotté sur le ventre, le visage dans l'eau, au milieu des rares nénuphars et de ses maudits canards. Sans même réfléchir, j'ai pénétré dans l'eau froide qui n'était pas si profonde, moins d'un mètre cinquante, et je l'ai ramené vers le bord. Le plus dur a été de la sortir et de pouvoir s'extirper de cette eau stagnante pleine de vase. Heureusement que les autres m'ont aidé sans quoi je n'y serais pas arrivé tout seul. Dans la foulée, je m'accroupis et entreprend immédiatement de lui faire du bouche à bouche pour essayer de la ranimer. Je sens une main sur mon épaule et une voix qui me dit que c'est déjà totalement inutile. C'est fini. Alors, je l'ai juste embrassé mais ce n'était qu'un baiser à la mort...

Je suis resté là accroupis à la regarder, au milieu d'un cercle de blouses blanches et bleues. La sienne, dégoulinante et lui collant au corps, son corps si maigre, était maculée de boue et de vase. Après le baiser, voilà que je réalisais que j'avais la vision de la mort sous mes yeux. C'est devenu aussitôt insupportable. Je me suis levé. Abattu, je suis parti tête baissée sans me retourner. Morte par ma faute. Je me sens responsable et coupable de sa mort...

A suivre...

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casper2 Membre 85 messages
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SUITE

" Mais comment cela s'est-il réellement passé? Un accident ou un suicide? Pas de témoin. L'enquête qui suivra, conclura très vite à un simple et malheureux accident par noyade. Elle se serait sans doute approchée trop près du bord et aurait tout simplement glissé. Ne sachant probablement pas nager, elle se serait ainsi bêtement noyée. Cela ne fera que quelques lignes dans les faits divers du quotidien régional. Il faut dire que le directeur de notre établissement ayant les bras longs, a fait en sorte d'étouffer l'affaire pour ne pas ternir l'image de la clinique. Ce fut d'autant plus facile que Princesse Léia n'avait aucune famille connue. C'est pourquoi nous n'étions que deux ou trois à avoir pu et voulu nous libérer pour l'accompagner dans sa dernière demeure, la fosse commune du cimetière le plus proche. Je n'avais jamais vu d'enterrement aussi vite bâclé. Triste. Par la suite, personne ne fut inquiété pour une quelconque responsabilité et la vie a pu reprendre tranquillement comme s'il ne s'était jamais rien passé. Seule une petite clôture fut érigée pour empêcher l'accès à la mare aux canards. Comme si elle n'avait jamais existée. Une ombre...

C'était il y a presque une quizaine d'années déjà. Qui se souvient d'elle, qui pense à elle aujourd'hui? Elle est tombée dans l'oubli, total, infini. Un mauvais souvenir, un cauchemar parfois. Non, même pas, juste une ombre qui passe, furtive et sans bruit. Comme cette vision surgissant soudain lorsque mon regard s'égare vers le parc mais qui s'évanouie aussi vite qu'elle n'est apparue.

Pourtant ce soir, je pense à elle et je n'arrive plus à dormir. Je me dis que notre cerveau est une machine vraiment bien faite avec cette étonnante capacité à effacer les mauvais souvenirs. Il les enfouit au fin fond de notre mémoire et y empile tant de choses par dessus pour éviter qu'ils ne ressurgissent et nous pourissent la vie. Je me dis aussi que certains de nos malades ont peut être perdu cette faculté à oublier et que ce serait une des causes de leur folie. Je me dis qu'il faudrait creuser cette idée pour de nouvelles recherches dans ce domaine. Je devrais la soumettre à notre directeur, un grand spécialiste en psychiatrie. Mais moi, simple et modeste infirmier, j'ai peur qu'il me prenne alors pour l'un d'entre eux, un fou...

Car ce soir, j'ai peur de devenir comme eux. Comme Princesse Léia et son souvenir qui se rappelle maintenant à moi. Un souvenir bien présent et qui me hante désormais. Aurais-je perdu cette capacité salvatrice à oublier? Vais-je devenir cinglé? Pourquoi ai-je l'impression de mieux la comprendre? Serais-je enfin entré dans son monde, moi qui en ai si longtemps cherché la clef?

Cette idée me terrifie, d'autant que la clef, c'est mon propre fils qui me la tendue en ce bel après midi...

Afin de profiter au mieux de ma petite famille lors de mon repos dominical exceptionnel, je n'étais pas de garde ce jour, nous sommes allés pique-niquer sur les berges du canal du Midi. A l'ombre des immenses platanes centenaires, nous avons savourés ces instants de joies simples d'être ensembles. Et pour les prolonger encore, facilitant notre digestion, une promenade au bord de l'eau s'est naturellement imposée. Ainsi main dans la main, nous marchions en bavardant tranquillement . Chemin faisant, nous surveillions du coin de l'oeil notre turbulent petit garçon de trois ans qui essayait de courir derrière notre petit chien. Quand soudain ma femme se mit à courir vers lui. A peine le temps pour moi de réaliser pourquoi, qu'elle l'avait déjà attrapé au vol et commençait à le gronder de n'avoir pas respecter et écouter les consignes données auparavant. Mais découvrant des canards, il s'était imprudemment rapproché au plus près du bord pour les voir. C'est alors que le souvenir de Princese Léia m'est revenu. Malgré la douceur de cette magnifique journée, un frisson m'a parcouru le corps de la tête aux pieds. Un frisson de peur. L'idée que mon bout de choux soit fasciné par les canards comme elle le fut, elle, me terrifia. Je décidais donc de les éloigner au plus vite de cet endroit et de ces maudites bestioles. Mais mon garçon qui adore les animaux et qui ne connaît pas encore les canards autrement que dans les livres, piqua une crise à laquelle ma femme céda rapidement. Les voilà assis sur un banc tout proche à regarder des canards vacant à leur occupation de canards. Contrarié, je rumine en silence en retrait dans mon coin. Princesse Léia est de retour dans mon esprit qui ne peut plus la refouler. Elle est là qui flotte au milieu de la mare aux canards. Maudits canards. Souvenir étonnamment douloureux... "

à suivre...

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casper2 Membre 85 messages
Baby Forumeur‚
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SUITE ET FIN

" J'ai mal. Et plus mon fils s'extasie devant eux, plus j'ai mal. Mais c'est à cet instant qu'il va me donner ce que je crois être maintenant la clef pour comprendre la Princesse Léia et sa tragique fin. Mon fils s'écrie soudain:

_ Maman, t'as vu! Pourquoi le canard, il essaye de se noyer?

Ma femme tout en pouffant de rire, lui explique alors qu'il ne plonge ainsi que pour aller chercher de la nourriture sous l'eau...

Mais ce soir, dans mon lit, aux cotés de ma femme qui, elle, dort profondément, car sa respiration est lente, je crois que je comprends enfin Princesse Léia. J'ai maintenant la certitude qu'elle n'a pas eu un accident. Je suis convaincu qu'elle s'est suicidée. Je suis sûr qu'elle n'a jamais été heureuse. Prisonnière dans son monde, enfermée dans son silence, cela n'était que souffrance. Interminables souffrances, insupportables souffrances, pendant toutes ces années. Elle a longtemps cherché un moyen d'en sortir. Se noyer. Voilà la solution. Son but ultime, sa seule obsession. Rien à voir avec les canards et leur mare en somme. Mais dans son esprit d'une gamine de quatre ans, observant tous les jours des canards qui échouent dans toutes leurs tentatives de suicide, il est normal qu'elle ait pu très longtemps hésiter. Jusqu'à ce jour là...

La seule question qu'il me reste à comprendre, est pourquoi elle a franchi le pas cette fois là? A-t-elle compris que les canards plongeaient simplement pour se nourrir? Ou tout simplement sa souffrance est-elle devenue intenable? Je ne sais pas. Cela restera un mystère. Etrange et mystérieuse Princesse Léia...

Je n'arrive pas à fermer l'oeil. J'ai envie d'en parler. J'ai envie de réveiller ma femme pour lui raconter mes tourments. Mais je n'ose pas le faire. Je l'entends déjà me dire que je deviens comme eux, que je devrais cesser de travailler parmi eux. Comme tout le monde, elle s'imagine que la folie pourrait devenir contagieuse. Elle va me prendre pour un fou. Elle aurait sans doute raison. Je crois que je deviens fou...

Il est temps de se lever. J'ai mal dormi. Je crois que j'ai fait un mauvais rêve. Je vais me laver. Cela va me réveiller et me ramener à la réalité. En passant, j'attrape mes vêtements pour la journée. Toujours les mêmes, un pantalon et une blouse blanche..."

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casper2 Membre 85 messages
Baby Forumeur‚
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Une petite nouvelle.

" C'est sans doute le jour le plus important de ma vie. Je viens de m'asseoir et de prendre la place que l'on m'a attribuée. Je regarde une dernière fois cette grande salle avec son plafond gigantesque. Je l'aurais certainement trouvée magnifique dans d'autres circonstances. Je profite de ces derniers instants où j'ai encore le courage et la force de garder la tête haute. Mais je sais que cela ne durera pas très longtemps. Même si l'attente me semble interminable. Ils arrivent enfin. Ils ont tous un air sévère et solennel. Lui se trouve au centre et prend la parole. Il a une voix forte et il articule chacun de ses mots lentement. Malgré cela, je ne l'entends plus. Je le vois mais je ne l'écoute pas. Je sais déjà ce qu'il va dire et mon esprit s'est évadé ailleurs. Je pense à elle. Comme toujours et depuis si longtemps, je pense à elle...

_ Accusé, levez-vous!

Je ne bouge pas, je n'ai pas entendu. Il réitère sa demande. Je ne bronche pas. Je suis ailleurs. Il s'énerve, il commence à taper avec son petit marteau et répète son injonction. Il s'adresse maintenant aux deux gendarmes qui m'encadrent.

_ Faites lever l'accusé!

Ils me prennent sous les bras et me soulèvent en me tirant de mon monde imaginaire. Je sors enfin de mon rêve et je reviens à la dure réalité. Un cauchemar. Je suis maintenant debout devant eux et devant tout le reste de la salle. Je sens mes jambes qui flageolent aussitôt. De caractère extrêmement réservé, je ne me suis jamais senti à l'aise devant un public. Alors je m'agrippe des deux mains à la barre qui se trouve devant moi. Je les serre, les doigts croisés. J'ai des menottes aux poignés que je ne peux plus cachées. Je suis très mal à l'aise. Les yeux dans le vague, ma vision se trouble. Je sens que je tremble et que des larmes emplissent mes yeux. Je suis dans un tel état que je serais incapable de sortir le moindre mot. Mais aujourd'hui, je n'aurais rien à dire, juste à écouter...

_ ...

_ Coupable!!!

_ ...

Coupable, est la seule chose que j'ai retenu dans tout ce qu'il a dit. Il l'a dit si fort que j'ai l'impression que cela raisonne dans tous les recoins de la salle. Cela raisonne surtout dans ma boîte crânienne. Coupable!!!

Même si je le savais et que je m'attendais à un tel verdict, je crois rêver. C'est plutôt un véritable cauchemar qui continu...

_ Condamné à perpétuité!!!

Voilà, le verdict est tombé. Il tombe si brutalement. Comme le bruit sec de la lame d'une guillotine qui atteint son socle de bois. Ce bruit sec est toujours identique qu'il y ait eu ou pas une tête à trancher. Une tête, elle, qui tomberait dans un bruit beaucoup plus sourd et que l'on entendrait ensuite roulant un peu sur le parquet. Mais moi, j'ai toujours ma tête sur les épaules. Elle est baissée désormais. Je baisse la tête pour cacher mes larmes qui coulent sur mes joues. Je suis effondré. Je tombe des nues. Je ne comprends plus. Car le sort s'acharne sur moi. Etait-ce donc là ma destinée? Après avoir frôler et tutoyer le bonheur, le destin m'emmène tout droit dans cette terrible descente aux enfers. Condamné à perpétuité...

Coupable et condamné à perpétuité avec le sentiment de ne pas avoir été seulement jugé. J'ai l'impression de n'avoir jamais eu l'occasion de me défendre lors de ce procés. C'est totalement injuste. Les dés étaient pipés dès le départ. La partie était perdue dès le début. C'est une parodie de procès. A sens unique, la parole n'a été donnée qu'à l'accusation. Aucun moyen de se défendre ne m'a été offert. Aucun témoignage en ma faveur. Pas même elle. Surtout pas elle. Elle a préféré se taire. Je ne peux pas lui en vouloir. Je peux la comprendre. Car moi, je connais son secret. Mais elle était la seule à pouvoir me sauver. Elle ne l'a pas fait. Coupable. De quoi suis-je coupable? Le savent-ils seulement? S'ils avaient seulement pris le temps de m'écouter. Mais non, ils m'ont d'emblé jugé et condamné à perpétuité. Le verdict est sans appel...

Je suis accablé mais paradoxalement je me sens soulagé et libéré maintenant. Car tout ça est enfin terminé, fini. Ils vont enfin me laisser tranquille. Ils vont m'oublier. Je vais moisir dans une de leur cellule. Mais j'aurais la paix. Prisonnier à vie, mais libre dans la tête. Libre de rêver. Avec elle ... "

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Membre, Dingotte à plein temps !, 95ans Posté(e)
Evasive Membre 19 608 messages
95ans‚ Dingotte à plein temps !,
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Excellent et je ne fais jamais de compliments. Corrigez les conjugaisons. Ecrivez, voyez un éditeur.

+1.

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Membre, Posté(e)
casper2 Membre 85 messages
Baby Forumeur‚
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" Je ne sais pas si je dois vraiment essayer de vous raconter cette nouvelle histoire. C'est une drôle d'histoire, mais dans le sens de bizarre. En plus, les histoires drôles, je n'ai jamais su les raconter de toutes façons. Mais celle-là ne va pas être facile à raconter. Je risque de me planter. Mais je vais quand même essayer, j'espère que vous ne m'en voudrez pas. Mais je ne sais pas par où commencer...

Il était une fois...

Non, ça n'ira pas, ce n'est pas un conte de fée, loin de là. Pourtant, je crois que c'est une belle histoire d'amour, une merveilleuse histoire d'amour. Mais vous allez me dire que toutes les histoires d'amour sont merveilleuses. C'est un peu vrai, mais celle-là...

C'est une superbe histoire d'amour mais qui pourtant a mal tournée. Comment vous dire? Comment vous expliquer? Ils s'aimaient, ils s'aiment et puis...

Il perd celle qu'il aime, celle qui a illuminé sa vie, celle qui l'a éblouie. Alors immédiatement, il part à sa recherche. Il suit la seule piste qu'il possède. C'est cette étoile qui est là. Elle brille comme elle. Alors il l'a suit. Il marche à sa recherche. Il marche, il marche, tous les jours, il marche sans cesse. Il traverse tout le pays. Il continu, maintenant il traverse des pays inconnus. Mais il n'a pas peur, car son étoile est toujours là pour le guider. Il croise des gens qu'il ne comprend plus, ils ont un autre langage que le sien. Puis il en croise de moins en moins. Il est parti si loin...

Il est si loin, au bout du monde. Il continu pourtant à avancer jusqu'à ce jour où. Enfin, quand je dis ce jour, c'est tout justement le contraire. Ce matin là, il se lève pour reprendre sa route. Il est en forme, il a bien dormi. Il s'est bien reposé, bien à l'abri dans cette étonnante maison. Dehors il fait froid. Il fait même très froid. Jamais il n'avait vu de pays aussi froid. Il neige encore. Quand il était arrivé la veille, il y avait déjà de la neige partout, à perte de vue. Une immense mer de neige et de glace qui s'étend à ses pieds. Pas facile de marcher dans la neige, mais cela ne l'arrêtera pas. Par contre, il a dû se lever un peu trop tôt car il fait encore nuit. A moins que ce soit à cause de la neige qu'il fait encore noir. Enfin, c'est noir et blanc comme dans un vieux film. Mais il ne peut pas reprendre sa route dans ces conditions là. Il se résigne à attendre. En plus, il ne saurait pas par où aller puisqu'il ne voit plus son étoile qui le guide. Il attend, un jour, puis deux, puis trois. La neige s'arrête puis reprend. Il fait si froid. Il fait si noir. Alors il reste bloqué ici. Les jours puis les semaines passent. Il ne sait plus quel jour il est. Ou plutôt quelle nuit il est. Il ne comprend pas. Il se sent perdu car il semble être arrivé sans doute au bout du monde. Il est dans un étrange pays où la nuit n'a pas de fin. Le jour ne se lève plus. Son étoile a disparu. Le soleil ne brille plus. Plus de repère, il est perdu. Seul le noir et le blanc. Seul le froid et cette nuit sans fin...

Désespérant, quand on ne voit pas la fin. Imaginez-vous en train de lire un livre qui vous raconte une magnifique et passionnante histoire et qu'au moment de tourner la page, il n'y en a plus. Comme si on les avait toutes arrachées. Quelle frustration, n'est-ce pas? Vous restez sur votre faim. Vous n'en connaîtrez jamais la fin. Si elle existe seulement...

Une fin, même les histoires drôles en ont une et qui est souvent primordiale. Sans la fin, sans la chute, ça tombe à plat, personne ne rigole. Alors que penser de cette drôle d'histoire qui n'a pas de début et qui n'a surtout pas de fin? Elle n'est pas drôle. Je le sais. C'est pour ça que j'ai hésité à vous la raconter. Il faut être cinglé pour raconter une histoire sans fin.

Une histoire sans fin... "

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