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Un autre monde


Arkon

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Arkon Membre 202 messages
Baby Forumeur‚ 44ans‚
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Je me suis permis de créer un sondage sur cette nouvelle. En effet, voila plusieurs textes que je poste ici et même si le compteur de visites indique une centaine de lectures potentielles quasi à chaque fois, il n'y a que très peu de personnes qui postent un commentaire. Je ne cherche nullement des congratulations, c'est juste que j'aurais aimé savoir ce que vaut ce que j'écris... pour savoir si je dois m'arrêter le plus rapidement possible ou si je peux continuer encore un peu à écrire :yahoo:

Bref, je me suis dit que le vote demande beaucoup moins d'énergie, j'aurais peut-être plus de chance en faisant comme ça...

Une amie m'a dit qu'elle aimerait bien lire la suite (qui n'était pas prévu), d'où ma 2eme question... est-ce que ça vaut le coup que je continue ou cette histoire se suffit d'elle-même?

Bonne lecture, aux courageux qui n'ont pas peur de la longueur du texte!

Arkon

Un autre monde

Un bruit de rixe lui fit tourner la tête mais rapidement il reprit sa marche d'un pas décidé. A mesure qu'il croisait des lampadaires, la lumière orangée parcourait subrepticement son visage pour laisser place quelques secondes plus tard à l'obscurité.

Le silence était tombé sur la ville. Tous les honnêtes gens étaient depuis longtemps couchés, vu l'heure tardive. Seuls quelques bruits de moteur et de crissement de frein venaient briser ce calme paisible.

Alors qu'il s'engagea dans une ruelle, les semelles de ses rangers qui foulaient le bitume se mirent à résonner bruyamment. Il n'y porta aucune attention et continua son chemin jusqu'à une porte au vernis écaillé.

Il posa sa main contre le bois blanchi par le temps mais hésita avant de rentrer. Finalement, il se détourna et sortit un paquet de tabac à rouler ainsi qu'un paquet de feuille de cigarette. Il jeta un bref coup d'¿il dans la rue tandis que, machinalement, ses doigts roulèrent une cigarette qu'il porta à sa bouche. Ses mains s'égarèrent un instant dans ses poches pour ressortir avec un briquet. Il s'assit sur la marche devant la porte et alluma sa cigarette.

Alors que, tranquillement, il aspirait et recrachait de la fumée, un couple de jeunes personnes entra dans la ruelle. Ils étaient en train de rigoler mais lorsqu'ils le virent, ils se figèrent puis continuèrent leur route dans le silence, sans lever les yeux.

Il faut dire qu'il avait un aspect assez austère. D'une carrure plutôt fine, il portait plusieurs cicatrices sur le visage et sur les avant-bras, sans compter celles qui étaient cachées par ses vêtements. Les nombreuses bagarres auxquelles il avait participé armé d'une barre de fer ou seulement des ses poings l'avaient marqué à vie. Ses yeux étaient foncés, soulignés par des cernes. Bien qu'il puisse être qualifié de maigre, il semblait être étonnamment musclé. Capable d'écarter d'un revers de la main tout ce qui pouvait se trouver sur son passage. Son regard parcourait lentement ce qui était autour de lui mais que ce soit pour un objet ou pour un être humain, toujours il y avait une marque de dédain profondément enfoui au fond de ses yeux.

Il glissa le mégot de sa cigarette entre le pouce et l'index et l'éjecta d'un geste vif dans une bouche d'égout.

Karim était sur le point de s'endormir quand un bruit de pas provenant de la cage d'escaliers le fit sursauter. Il ne fallut pas longtemps avant qu'un poing vienne taper vigoureusement à sa porte. Il espéra pendant quelques minutes que son visiteur le laisse tranquille mais il dut se résoudre à se lever devant l'insistance de la personne. Il repoussa sa couverture et se redressa sur son lit en plissant les yeux à cause de la lumière de sa lampe de chevet. Il esquiva soigneusement divers magazines éparpillés au sol et posa sa main sur la poignée. Un bref instant, il se demanda s'il ne risquait pas de se trouver face à un psychopathe ou un autre dangereux fasciste décidé à passer à tabac tous les maghrébins qu'il croisait. Son hésitation ne dura pas longtemps, il déverrouilla et entrouvrit sa porte.

Karim eut l'air étonné en voyant la personne se trouvant sur le seuil. Un moment de silence se fut tandis que Max et Karim se regardaient dans les yeux. Puis l'expression de surprise du maghrébin se transforma en un large sourire. Max quant à lui retint une grimace en voyant l'état de son ami ; jamais il ne l'avait aussi pâle et affaibli. Cependant, cela ne l'empêcha pas de serrer sa main avec vigueur.

Karim s'approcha un peu de son visiteur et lui tapa sur l'épaule, tout en lui serrant la main.

« - Hé Max ! éa fait un bail !

- Salut Karim. Comment ça va ? » dit Max, un peu mal à l'aise.

Le maghrébin invita d'un geste son ami à rentrer et referma la porte derrière lui. Il ne dit mot et alla s'asseoir sur son lit, visiblement très pensif. Il regarda alors Max dans les yeux et haussa les épaules.

« Bah, ça va¿ Enfin, j'essaye de survivre, quoi ! ». La lueur de fatalisme qu'il avait dans les yeux disparut. Il se releva et se dirigea vers la cuisine. « Je te paye une bière ? »

Sans attendre de réponse, il prit une canette de bière bon marché parmi la vingtaine qui peuplait son frigo et la tendit à Max.

Aussi machinalement qu'il roulait ses cigarettes, Max la décapsula d'un petit coup de poignet, avec l'aide de son briquet. Il leva la canette devant lui.

« Santé ! »

Il but une longue gorgée tout en regardant du coin de l'¿il Karim qui avait l'air épuisé.

Cela rendait malade Max de voir son ami se faire dévorer de l'intérieur par ce virus infâme au nom de marque d'électroménager. Il avait attrapé le sida voila plusieurs années et même s'il avait tenu le coup pendant de longs mois, maintenant sa santé se détériorait au fur à mesure des jours et à chaque fois que Max lui rendait visite, il avait l'impression que l'espérance de vie de son ami avait réduit de quelques années.

Repoussant ses réflexions par une longue rasade de bière, Max revint à des considérations plus terre à terre.

« Tu bois pas ? »

Karim sourit en entendant la question. « Non, Je prends pas mal de cachetons en ce moment. La dernière fois j'ai chopé un mal de ventre pendant une semaine ! Alors je préfère éviter de boire maintenant. »

Karim parlait presque sur un ton léger, comme s'il ne souciait que très peu des effets de sa maladie, ce qui rendit perplexe son ami.

« Et sinon, ça marche le boulot ? »

Max, qui était resté impassible jusqu'à présent ne put retenir un petit soupir tandis qu'un sourire se formait sur son visage. Il but une nouvelle gorgée pour reprendre contenance.

« Me suis fait virer¿ C'est dingue comme les gens peuvent être intolérants envers le cannabis ! »

Il adressa un clin d'oeil à son ami et tous deux se mirent à rigoler. Il n'y avait pas vraiment de quoi rire mais visiblement, ils en avaient besoin. Un silence suivit cet instant de bonne humeur, il fut coupé par Karim, qui venait de penser à quelque chose :

« Au fait, Soph' m'a appelé. Elle m'a demandé de tes nouvelles¿»

Le sourire qui avait orné les lèvres de Max s'effaça presque instantanément lorsqu'il entendit ce prénom, comme si le monde réel venait de reprendre le dessus. D'un coup il semblait avoir repris la vie en pleine face, avec tous ses soucis et sa tristesse. Il leva les yeux vers son ami, mais ne dit rien. Celui-ci voyant qu'il n'obtenait pas plus de réaction ajouta :

« éa fait un bail qu'elle t'a pas vu, non ? »

Max fixa la canette, la mine renfrognée. Les mots qui suivirent semblèrent lui écorcher la bouche.

« Je crois que c'est mieux que je ne la vois plus. » Il marqua une pause, les yeux dans le vide, puis but une grande rasade de houblon avant de continuer.

« C'est mieux pour elle que je ne la côtoie plus¿ »

Il fit quelques pas dans la pièce avant de plonger une main dans sa poche et en ressortir un petit paquet enveloppé dans du papier alu.

« Tiens, tu pourras lui donner ça ? »

Les yeux de Karim se posèrent une fraction de seconde sur la boule de papier brillant qui venait d'être posée sur la table. Il resta pensif un long moment avant de se tourner vers Max, la mine légèrement grimaçante.

« - Pourquoi tu lui donnes ça ? Tu crois que c'est avec ça que tu vas la sauver ?

- Même si je ne lui en donne pas, elle en trouvera quand même¿ Et je n'aime pas ce qu'elle fait pour en trouver.

- Y a des fois où je ne te comprends pas Max, tu veux plus la voir et tu lui fais passer sa came, pour prendre soin d'elle¿ Tu veux devenir une sorte de héros masqué, c'est ça ? »

Malgré la remarque, aucune trace d'humour n'était visible dans le regard de Karim. Max ne préféra pas répondre, il eut sans doute peur qu'il s'emporte et dise des choses qu'il ne voulait pas dire à son ami.

Il sortit de sa poche son tabac et se roula de nouveau une cigarette, qu'il commença à fumer accoudé au rebord de la fenêtre.

Lorsqu'il se retourna, il vit Karim assis en tailleur sur son lit, adossé au mur. Il avait les yeux clos. Il les rouvrit quand il entendit le bruit des rangers sur le carrelage.

« - Désolé, je suis vanné. Je ne tiens pas bien la distance avec mon traitement.

- C'est pas grave, je vais y aller. éa m'a fait plaisir de te voir. »

Karim lui adressa un franc sourire et lui tendit une main.

« - Moi aussi Max, ça m'a fait plaisir. »

Les deux amis se serrèrent longtemps la main et Max tourna le dos en lâchant un petit « Ciao ». Il passa la porte et n'eut que le temps d'entendre « Prends soin de toi » avant de la refermer.

De nouveau, il se roula une cigarette en descendant les escaliers. Il se l'alluma juste avant de sortir dans la rue. Il marcha pendant une centaine de mètres dans la ruelle sombre, en repensant à son ami malade, luttant contre cette maladie absurde et fumant machinalement sa cigarette. Mais arrivé au bout de la rue, il ne put contenir la haine qu'il ressentait plus longtemps. C'en était trop, il n'en pouvait plus de voir son ami se faire dévorer par ce virus infâme. Il balança rageusement sa cigarette à moitié fumée et se prit la tête dans les mains. De loin on aurait pu croire qu'il pleurait mais il n'en était rien. Son visage était crispé et ses mains essayaient de retenir cette fureur. Son pied tapa violemment dans une poubelle en fer qui s'envola et finit sa course en roulant sur elle-même. Un sac poubelle qui traînait par là subit le même sort et se déchira à l'atterrissage, déversant divers détritus sur le bitume.

Mais cela ne le calma pas, son poing partit contre la seule chose qu'il y avait à proximité : un mur. Max sentit la douleur monter le long de son bras. Il ouvrit sa main et regarda subjugué son sang s'infiltrer à travers sa peau déchirée sur plusieurs centimètres. Mais rapidement il oublia la douleur et ses phalanges ensanglantées et reprit sa route.

Sa démarche était déterminée même s'il ne savait pas vraiment où il allait. Il erra en ville durant un long moment, jusqu'à ce que ses pas l'amènent à un bistrot un peu délabré mais que de nombreuses personnes appréciaient pour le prix réduit de ses boissons.

Il poussa brutalement la porte du bar, bousculant un vieux clochard saoul qui attendait seulement de trouver un compagnon pour boire jusqu'à la fin de la nuit. Le choc faillit le faire tomber mais il ne se rendit pas compte d'où pouvait venir son déséquilibre.

Quant à Max, il était déjà en train de jouer des coudes, sans ménagement, afin de se faire une place au comptoir.

Ce n'est pas qu'il y avait beaucoup de monde dans ce bar mais tous les clients étaient massés autour des deux barmen, gênant l'accès aux consommations. Max allait commander sa deuxième bière de la soirée lorsque un homme au crâne rasé arborant de nombreux tatouages, lassé des bousculades l'interrompit.

« - Un problème Gamin ? »

Max scruta de la tête au pied son adversaire, le jaugeant quelques instants. Il lui jeta ensuite un regard plein de mépris, puis finit par se tourner vers le serveur en lui adressant un petit geste de la main.

« Une bière ! »

Le rasé, visiblement insulté par son attitude, ne le lâcha pas.

« Tu te crois fort ? »

Il poussa une première fois Max juste pour le provoquer, puis une deuxième, un peu plus fort. Max fit mine d'être déséquilibré et pivota sur lui-même rapidement. Au passage, il s'empara de la bouteille en verre de coca encore pleine qui était sur le comptoir. Il finit son mouvement circulaire en l'écrasant avec force sur le crâne chauve.

Dans un film, la bouteille se serait brisée et l'homme aurait été assommé. Dans le monde réel, la bouteille était couverte d'éclaboussures de sang et l'homme était à terre se tenant l'arcade sourcilière éclatée par la violence du choc.

C'est à ce moment que Max se rendit compte que son adversaire n'était pas seul dans ce bar, il était avec au moins cinq de ses amis, appartenant, visiblement tous, de près ou de loin, à la mouvance skinhead. Il n'eut pas le temps de se redresser que déjà on le bousculait. Il reçut un coup de poing sur le visage, puis un autre dans le ventre et encore un dans la mâchoire¿

Puis soudain, une douleur atroce. La sensation immonde d'un lame qui tranche les chairs et qui s'enfonce profondément, inexorablement.

Max porta sa main sur l'abdomen, puis la regarda, hébété.

Elle était entièrement couverte de sang frais qui coulait doucement le long de l'avant-bras. Max eut l'envie irrépressible de partir loin, quitter ce troquet minable, les abandonner à leur bagarre et rejoindre un endroit tranquille et isolé de tous¿ peut-être même aller voir Soph'.

Il posa une main au sol et fit un énorme effort pour se relever, mais une fois debout sa tête se mit à tourner, sa vision se troubla.

Il avait déjà perdu connaissance lorsqu'il s'effondra au sol et que sa tête heurta lourdement le parquet gorgé de bière.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il crut tout d'abord qu'il venait de se prendre une énorme cuite, mais il dut rapidement se rendre à l'évidence, ce lieu était beaucoup trop aseptisé pour être un des endroits où il aurait pu s'effondrer, ivre mort. Ses sens étaient embrumés et son esprit avait du mal à se concentrer sur ce qui l'entourait. Ce qu'il ressentit en premier, fut une contraction impressionnante de son abdomen, comme si une plaque de plomb était posée sur son ventre.

Le lit dans lequel il était couché lui semblait extraordinairement propre. Sa vision brouillée lui empêchait de voir les murs de sa chambre mais il savait qu'il était à l'hôpital. Il y avait fait plusieurs séjours et l'odeur de ce lieu désinfecté était caractéristique.

D'habitude, il quittait l'hôpital le plus rapidement possible mais là, la contraction qu'il avait à l'estomac laissa place à une douleur aiguë et même si Max s'était accoutumé à ressentir de la souffrance physique, elle lui arracha une grimace.

Lentement, il se redressa sur ses coudes et se concentra pour stabiliser sa vue. Lorsqu'elle fut moins floue, il scruta les alentours. Sa table de nuit était dépouillée de décoration, seule une boite de gélules cylindrique était posée dessus ainsi qu'un gobelet en plastique transparent à moitié rempli d'eau. Le nom était trop long pour que Max y accorde une quelconque importance.

Son regard continua sur les murs d'un blanc immaculé pour se poser sur une chaise de métal. Elle semblait comme neuve, tout juste sortie de l'emballage. Ses yeux parcoururent le reste de la pièce sans y accorder de l'intérêt, jusqu'à ce qu'ils arrivent sur la personne étendue sur le lit voisin, à quelques mètres de lui. Il était en train de rassembler ses esprits et commençait à se dire que quelque chose n'allait pas quand il entendit une voix douce et accueillante.

« Bonjour¿ »

Max sursauta. Tant de gentillesse dans la voix était plus qu'il ne pouvait supporter. Sentant une agression proche, son esprit se remit rapidement en place. Il voulut dire quelque chose mais aucun son ne sortit de sa gorge asséchée. Il s'empara de son gobelet et le vida d'un seul trait ; et les mots purent enfin sortir de sa bouche, sèchement :

« Qu'est-ce que tu fais là ??? »

Pris au dépourvu son interlocuteur marmonna quelques mots avant qu'un silence gêné ne s'installe.

Max regarda avec plus d'attention son compagnon de chambre.

Sandrine avait été admise aux urgences deux jours plus tôt. Une brève dispute avec son petit ami l'avait menée, par accident, en bas de l'escalier en bois de la maison de ses parents. Souffrant d'un traumatisme crânien et d'une côté fêlée, les médecins avaient préféré la faire interner à l'hôpital.

Elle portait un imposant bandage sur la tête et plusieurs ecchymoses étaient parsemées sur son corps. De profondes cernes foncées contrastaient avec ses cheveux blonds et lui donnait un léger aspect cadavérique. Max se dit que sans cette allure de mort-vivant, elle devait paraître mignonne à la majorité des hommes qui la croisait dans la rue. Mais Max, lui, ne faisait pas partie de cette majorité. La douceur qui rayonnait de cette jeune femme blessée ne semblait nullement l'affecter. Par contre, il accordait beaucoup plus d'importance au fait qu'une présence féminine partage sa chambre.

Il renchérit, cette fois un peu plus calme, mais sans vrai ménagement :

« Pourquoi je suis avec une fille ? »

Elle fit une petite moue en entendant la question, persuadée d'être tombée sur un misogyne. Elle s'éclaircit la voix et répondit, presque en murmurant, comme si elle avait peur de se faire de nouveau rabrouer :

« En fait, il y a une carence de places à l'hôpital actuellement. Là on est dans une chambre dite temporaire vu qu'on ne doit rester que quelques jours¿ Moi je suis arrivée lors d'un gros coup de bourre et toi, tu n'as visiblement pas les assurances qu'il faut pour avoir accès à une chambre normale. Quand les médecins t'ont emmené ici, on m'a demandé si je voulais changer ou si ça ne me dérangeait pas de cohabiter avec un homme¿ ». Elle détourna le regard et baissa encore d'un ton en ajoutant « J'ai peut-être pas fait le bon choix. ».

Max soupira en entendant l'explication mais préféra ne rien dire. Comprenant qu'il ne pouvait rien faire d'autre que de partager sa chambre avec Sandrine, il se résigna et porta son attention sur autre chose. Précautionneusement, pour éviter autant que possible de souffrir, il se redressa en s'appuyant sur ses bras. Une fois calé sur son oreiller, il repoussa le drap pour voir ce qui se cachait dessous et qui semblait lui paralyser tout le ventre. Il découvrit un large pansement carré qui lui recouvrait intégralement l'abdomen. Une petite tache rouge imprégnait la gaze à l'endroit où il s'était pris le coup de couteau. Il voulut soupirer mais l'inspiration fut tellement douloureuse qu'il dut la bloquer. Il se mit à respirer par petites bouffées pour éviter que ses poumons ne se gonflent trop et distendent son ventre et, par là même, sa blessure.

Il jeta alors un coup d'¿il à sa voisine de chambre, qui était en train de le regarder avec une grimace sur le visage, comme si elle ressentait une partie de sa douleur.

Max, exaspéré, se réinstalla précautionneusement dans son lit sans dire un mot puis se mit à fixer le mur en face de lui, rassemblant ses souvenirs pour reconstituer la scène qui l'avait amené dans cet hôpital.

Les heures qui suivirent furent très silencieuses, l'un n'osait pas parler tandis que l'autre ne semblait pas vouloir le faire. Le grincement de la porte brisa le calme qui régnait dans la pièce. Une infirmière au teint rayonnant entra, en poussant un petit chariot métallique sur lequel étaient posés plusieurs accessoires de médecine. Son attention se porta immédiatement sur Max ; elle fit quelques pas dans sa direction tandis qu'il la suivait des yeux, immobile.

« Bonjour Maxime. Je m'appelle Nathalie. Je suis là pour changer votre pansement. »

Devant le manque de réaction du patient, elle souleva le drap et se mit à défaire le bandage qui ornait le ventre de Max. Les poings de celui-ci se crispèrent et les muscles de son cou se tendirent sous la douleur.

D'une voix très professionnelle, l'infirmière demanda s'il voulait un calmant. Max hésita une seconde, se disant qu'il pouvait très bien supporter la douleur mais que d'un autre côté, il n'aurait pas accès à de la drogue pendant tout son séjour et que cela pourrait lui permettre de planer un peu et d'oublier le lieu dans lequel il se trouvait. A cette réflexion, il fit un petit hochement de la tête à l'intention de l'infirmière. Celle-ci arrêta ce qu'elle était en train de faire et lui tendit deux cachets rosés ainsi qu'un verre d'eau. Une fois ceux-ci avalés, elle reprit son travail et défit d'un geste adroit les morceaux de sparadraps.

Max put voir / vit enfin sa blessure. Elle lui semblait étonnamment petite. Plusieurs fils noirs entremêlés fermaient la plaie mais un peu de sang s'en écoulait. Quand elle vit que Max regardait, elle lui adressa un sourire rassurant. « C'est normal, ça s'arrêtera de saigner dans peu de temps. ». Il ne répondit toujours pas et attendit que l'infirmière finisse. Une fois que celle-ci eu remballé toutes ses affaires, il lui adressa un petit signe de la tête en guise de remerciement.

L'infirmière changea alors la bande de gaze qui enserrait la tête de Sandrine. Les deux femmes échangèrent quelques paroles qui semblèrent être des banalités inutiles à Max.

Finalement, au bout d'un long moment, la curiosité eut raison de l'aversion que Max avait à discuter avec des gens qui n'étaient pas de son monde.

« Qu'est-ce qui t'est arrivé?

Sandrine, surprise d'entendre une voix un peu après un silence long et pesant, sursauta. Elle fit une petite moue en repensant à l'accident.

« Je suis tombée dans l'escalier chez mes parents... Traumatisme crânien et côte cassée. »

Max la regarda en hochant légèrement la tête, examinant de plus près ses blessures.

« Pas mal... T'as glissée sur l'éponge que la femme de ménage avait oubliée? »

Elle ne sut pas trop comment prendre cette remarque, n'arrivant pas à détecter une pointe d'humour dans la voix de son voisin. Elle préféra raconter ce qu'il s'était passé.

« On s'est disputé avec mon petit copain. J'ai voulu le quitter et partir mais il m'a retenue par les poignets en haut des escaliers. Je me suis débattue comme j'ai pu et mon pied a glissé sur la première marche et j'ai dévalé tout l'escalier jusqu'au rez-de-chaussée. Je suis plutôt contente de m'en sortir juste avec ça, même si c'est douloureux, ça aurait pu beaucoup plus mal se finir! »

Se rendant compte qu'elle avait livré beaucoup de choses à une personne dont il lui était complètement impossible de déterminer les réactions, son visage s'empourpra. Elle lui fit un sourire un peu gêné puis garda le silence.

Max prit de nouveau la parole :

« T'es étudiante?

- Oui... je suis en licence de droit. »

Il haussa légèrement les sourcils comme s'il mimait le fait qu'il était impressionné.

« Qu'est ce que tu veux faire plus tard? Avocate?

- Hum... je ne sais pas trop

- Tu ne sais pas trop? T'as déjà fait au moins trois ans d'étude et tu ne sais pas trop ce que tu vas faire après? »

Sandrine hésita un instant, ne sachant que répondre. Max reprit :

« Ce sont tes parents qui payent tes études, c'est bien ça? »

Elle hocha doucement la tête, en signe d'acquiescement.

« Du coup, tu fais plus des études pour leur faire plaisir que par réelle motivation de préparer ton futur...

- ...

- Faut pas avoir honte, y a beaucoup de personnes dans ton cas. Pis normalement ton diplôme devrait te permettre de dégotter un travail bien payé.

- Je ne vois pas où tu veux en venir

- Nul part, je vérifiai le sentiment que j'ai eu quand j'ai ouvert les yeux dans cette pièce ; on ne fait pas partie du même monde. »

Sandrine médita cette pensée puis regarda avec plus d'attention son voisin de chambrée. Elle se rendit compte qu'elle ne savait pas ce qui se cachait sous son bandage. Au début elle avait cru à une opération, comme l'appendicite mais elle soupçonnait qu'il s'agisse quelque chose de pire. Elle mit quelques instants avant d'oser questionner :

« Et toi? Qu'est ce qui t'a amené ici? »

Pour la première fois, Sandrine put voir un sourire amusé se former au coin de la bouche de Max.

« Je me suis pris un coup de couteau »

Ce fut comme si elle prenait un choc électrique, elle se figea en attendant la réponse tandis que son visage pâlissait légèrement. Max, manifestement peu surpris par cette réaction lui fit un petit clin d'oeil.

« Quand je te dis qu'on fait pas partie du même monde »

L'imagination de Sandrine galopa pendant un long moment, supputant le pire et le meilleur au sujet du balafré qui occupait un lit juste à côté du sien. Elle se dit qu'elle ne risquait pas grand chose à questionner.

« Tu fais partie de la mafia, c'est ça? »

Max ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire.

« Non, pas vraiment... Les gens de la mafia se prennent que rarement une seule balle!

- T'es quoi alors? Un bandit? »

Max secoua la tête lentement. Voyant le trouble dans les yeux de sa compagne de chambre, il se décida à se livrer un peu à elle.

« Je suis ce que certains appellent un « rebus de la société ». Je vis de petits jobs, je gagne juste de quoi survivre. Je n'ai pas vraiment de logement, je dors là où je peux¿

- T'as l'air intelligent pourtant. Qu'est ce qui t'amené dans cette situation ? T'es orphelin ? Alcoolique ?

- Non, du tout. Mes parents vont bien aux dernières nouvelles¿ remarque, ça fait un moment que je les ai pas vu, ça a peut être changé depuis. Sinon je bois occasionnellement. Souvent en grande quantité, mais occasionnellement ! Je ne suis pas non plus trop drogué, vu que tu vas sans doute me poser la question. »

Devant l'incompréhension de Sandrine, il s'expliqua.

« Tu sais, les gens sont souvent mécontents de la société actuelle mais la plupart sont trop lâches pour essayer de sortir du troupeau. Moi je suis sorti. Je vis dans la misère mais au moins je ne participe pas à ce monde où les riches ne cherchent qu'à récupérer le plus d'or sur le cadavre des pauvres. Ce monde qui a déjà oublié les massacres qui ont eu lieu les siècles derniers et qui commet le pire à chaque instant, ce monde où les gens des pays civilisés se goinfrent et prennent des bains tandis que des enfants de pays défavorisés n'ont même pas de quoi boire. Et moi, j'ai choisi de dire non à cette abomination créée de toutes pièces par l'être humain.»

Sandrine resta sans voix. Tout ce qu'elle entendait lui semblait terriblement réel. Elle savait que la société n'était pas parfaite mais jamais elle n'aurait cru que des gens choisiraient de la quitter et d'essayer de survivre à côté, de leur propre gré.

Le silence se fit dans la pièce. Max semblait lui aussi méditer sur sa propre situation. Il reprit la parole au bout de plusieurs minutes de réflexion :

« Tu crois que t'as besoin d'avoir un petit copain et de tout faire pour vivre en couple pour être normale? La vie en couple, en famille sont des choses que l'on t'inculque durant toute ta jeunesse mais sache que tu n'es pas obligée de vivre comme les gens le veulent.

Les personnes qui ont choisi de vivre différemment dérangent. Elles sont difficiles à contrôler. Du coup, les gens qui dirigent ce pays font tout pour que les jeunes suivent le chemin de leurs parents et restent dans les rangs. »

Max reprit sa respiration puis continua, d'une voix calme et posée.

« Mes parents tiennent tous deux une boulangerie. Comme je te disais, je ne les ai pas revus d'un petit moment, Ce sont des travailleurs, ils ne comprennent pas que leur fils n'ait pas encore trouvé une usine dans laquelle il passera ses quarante prochaines années. Pour eux, la vie sans travail est impensable »

Sandrine ne dit mot, elle attendait la suite avec curiosité. Elle écoutait avec attention ces paroles non conformistes, qui était le contraire de tout ce qu'on avait pu lui enseigner.

Max reprit son raisonnement, il n'en avait visiblement pas encore fini. Il la regarda droit dans les yeux et lui posa une question dont il ne semblait pas avoir la réponse.

A ton avis, la vie rime à quoi ? Je veux dire, c'est quoi le but de la vie ? Est-ce que c'est de vivre le plus longtemps possible ? Est-ce que le but est de ne pas perdre son patrimoine génétique en le transmettant à des générations futures?

Des fois je me dis que la vie d'un être humain est très semblable à celle d'un animal. Il faut tenter de survivre le plus longtemps possible tandis que les hormones nous incitent à procréer. Le seul souci à ça, c'est que d'une manière ou d'une autre, les hommes ont été dotés d'une intelligence « supérieure » mais du coup ils sont en discordance avec le monde qui les entoure. On dirait que quelque chose cloche¿ T'as l'impression que tout va bien toi ? T'as envie de vivre dans ce monde ? »

Les yeux de Sandrine s'écarquillèrent. Elle était sous le choc de ce discours. Mais ce qui la perturbait le plus était sans doute le regard que Max portait sur elle. Lui qui lui avait paru tellement solide, insensible et distant, avait une lueur de douleur au fond des yeux, comme s'il souffrait pour toutes les horreurs de la Terre.

Leur discussion fut coupée par quelqu'un qui tapa à la porte. Max se doutant que ce n'était pas pour lui se recoucha, tandis que Sandrine les invitait à entrer.

Ses parents ainsi que sa s¿ur firent éruption dans la pièce. Sa mère s'empressa d'aller la serrer dans ses bras.

Max eut une brève moue de dégoût devant tant de démonstration d'affection. Il préféra se tourner vers la fenêtre et laisser ses pensées voguer au gré de ses réflexions.

La visite se prolongea pendant un long moment, mais malgré le bruit ambiant, Max s'endormit sans difficulté.

Quelques heures plus tard, la porte s'ouvrit dans un grincement qui sortit les deux occupants de la chambre de leur torpeur. Le visiteur était un jeune homme d'une vingtaine d'années aux cheveux châtain clair, un peu le genre jeune cadre dynamique. Il portait un bouquet de magnifiques roses rouges. Max éprouva quasi instantanément de l'antipathie en voyant l'air supérieur qu'il se donnait. Ce sentiment fut amplifié lorsqu'il vit du coin de l'oeil Sandrine se raidir.

« Bonjour ma chérie! »

Sandrine fut plutôt troublée par cette remarque. Elle tenta de s'éloigner de lui lorsque le visiteur s'assit sur le lit mais fut rapidement limitée dans ses mouvements. Elle dit d'une voix hésitante :

« Euh... Olivier... je crois que c'est pas le moment »

Il sembla surpris par sa réaction mais n'eut aucun mouvement de recul. Sa main tenta de caresser la joue de Sandrine mais celle-ci détourna le visage.

« Voyons Sandrine... »

Son expression changea radicalement. Elle fixa Olivier dans les yeux, une expression de colère dans le regard, et essaya de le repousser.

« Ecoute, après ce qu'il s'est passé, je préférai qu'on fasse une pause... »

Il insista, imperturbable. Sa main trouva la joue de Sandrine mais celle-ci secoua la tête.

« - Arrête Olivier!

- Mais voyons chérie, il ne faut pas que... »

Olivier n'eut pas le temps de finir sa phrase. Il sentit quelque chose le soulever par les épaules et ne put résister. Sa main s'ouvrit, libérant les fleurs sur le lit. Une fois debout, ne comprenant pas ce qu'il se passait, il se retourna. Ses yeux s'écarquillèrent lors qu'ils virent le jeune homme balafré lui faisant face. Ses lèvres bougèrent mais aucun son ne sortit de sa gorge serrée par la surprise. Avant qu'il ait pu faire un mouvement, Max d'un geste rapide et précis le saisit par le col et leva son poing de quelques centimètres. Sa chemise bordeaux d'Olivier émit un léger bruit de craquement sous la force qui la tirait. Son propriétaire, quant à lui, essaya tant bien que mal de se dégager en donnant des coups dans le bras musclé qui le tenait, mais la poigne ne se desserra pas.

Une voix grave se fit entendre :

« Je crois que t'es pas le bienvenu ici. »

La main de Max s'ouvrit, libérant le jeune homme qui commençait à rougir à cause du col trop serré. Avec l'élan, il parcourut quelques mètres en arrière avant de trébucher contre la chaise. Sa tête heurta avec force le mur ; toute la pièce trembla.

Olivier mit plusieurs secondes à reprendre ses esprits. Il se releva avec peine et garda, tout le long, un regard craintif posé sur Max. Dès qu'il vit que la porte d'entrée était à portée, il s'élança et quitta la chambre sans demander son reste.

Sandrine, à moitié terrorisée par cette violence mais quand même soulagée d'avoir été débarrassée du gêneur adressa un sourire à son compagnon de chambre. Celui-ci, qui était resté étonnamment stoïque durant les derniers instants de la scène, n'y prêta pas attention. Il se dirigea vers les roses posées sur le lit et les saisit d'un geste brusque. Il traversa la pièce d'un pas un peu traînant.

« Elles sont trop belles pour être naturelles »

La fenêtre s'ouvrit sans difficulté, et les fleurs eurent droit à un vol plané, avec élan, du quatrième étage de l'hôpital jusqu'à la terrasse de la cafeteria. Plusieurs patients assis là se demandèrent quel maladroit avait bien pu laisser tomber son bouquet.

Un silence remplit la chambre. Max se recoucha et couvrit son pansement avec son drap, sans même remarquer la tache rouge qui s'y répandait doucement. Encore assommé par les calmants, il ne tarda pas à sombrer de nouveau dans un sommeil profond.

Il se réveilla en sursaut. Le soleil commençait juste à s'élever de derrière les montagnes et sa lumière remplissait petit à petit la chambre.

Une infirmière entra dans la pièce pour amener le petit déjeuner une vingtaine de minutes plus tard. Une fois celui-ci englouti, Sandrine tenta de nouveau de dialoguer.

« - T'as une petite copine ?

- Non¿ pas vraiment¿

- Comment ça ? Tu n'as personne du tout ? »

Max poussa un soupir, comme si parler de ça lui coûtait beaucoup d'énergie.

« - Je suis plus ou moins encore attaché à une fille¿ Sophie.

- Je ne comprends pas trop ce que tu veux me dire.

- Je t'ai déjà dit, qu'on n'était pas du même monde. Les relations ne sont jamais simples. Dans mon cas, c'est encore pire que ça. Si tu veux, on s'apprécie énormément, mais on se rend malheureux. On n'arrive pas à être bien ensemble, mais on ne peut pas vivre l'un sans l'autre¿ enfin ça c'est ce que je pensais avant. Là, ça fait deux mois que je l'ai pas vue, et ça va, je survis.

- Je ne te comprends pas¿ Plutôt qu'essayer de lutter pour être heureux avec elle, tu préfères fuir ?

- Mmm¿ Peut-être¿

- Max, t'as pas l'impression de faire une connerie ? Tu crois que t'arriveras à retrouver une fille comme elle ? Avec qui t'as autant d'affinité?

- Sans doute.

- T'es sûr de toi ?

- Non, je n'en sais rien¿

- Il ne faut pas que tu lâches l'affaire Max. Je suis convaincue que c'est une fille bien, il faut que tu t'accroches à elle et que tu te battes pour que vous régliez tous vos problèmes¿ ensemble ! »

Il resta les yeux fixés dans le vide, pensif. Sandrine continua à parler, persuadée d'arriver à le convaincre.

« Crois moi, il ne doit pas exister des milliards de personnes comme elle.

- T'as peut être raison.

- Faut vraiment que tu la revois¿ surtout après ce que t'as vécu. Tu veux que je l'appelle ?

- Non, c'est bon... J'irais la voir quand je sortirai de l'hôpital. »

Sandrine sourit, contente d'elle.

La journée se passa tranquillement, ponctuée par les allers et venues des infirmières. Les calmants aidant, Max commença sa nuit très tôt, tandis que Sandrine essayait vainement de trouver quelque chose d'intéressant à la télévision.

La chambre était plongée dans la pénombre quand Sandrine eut l'impression d'entendre des bruits de pas feutrés proches d'elle. Elle pensa tout d'abord qu'il s'agissait d'une infirmière, mais rapidement elle se dit qu'une infirmière aurait déjà allumé la pièce, au mépris des yeux habitués au noir de ses occupants et qu'en plus elle n'aurait eu aucune raison de venir en plein milieu de la nuit.

Sandrine bougea lentement pour voir qui se déplaçait dans le noir, en essayant de faire son possible pour ne pas montrer qu'elle était réveillée. Elle vit une silhouette un peu trapue qui faisait le tour de son lit en direction de celui de Max, tenant un objet cylindrique d'une cinquantaine de centimètres de long dans la main droite. Elle dût plisser les yeux pour la reconnaître.

« - Olivier ? »

Le visiteur entendant la voix se pressa de traverser la pièce et d'arriver au pied du deuxième lit. Il leva haut l'objet qu'il tenait en main, qui s'avérait être un nerf de b¿uf, et l'abattit avec force. Max était toujours endormi lorsqu'il reçut le premier coup sur l'abdomen. Il se plia en deux sous la douleur, le souffle coupé. Il n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il se passait qu'un deuxième coup vint le clouer au lit. Olivier porta quatre coups frénétiques avant que Sandrine ne se jette sur lui. Emportée par son élan, elle chuta en même temps que lui et se cogna la tête contre le rebord du lit. Les quelques secondes qu'il lui fallut pour reprendre ses esprits permirent à Olivier de partir en courant.

Sandrine eut envie de le poursuivre mais lorsqu'elle vit le corps complètement inerte de Max, elle cria, pour appeler de l'aide.

Les secours déboulèrent en allumant la pièce. Il y eut beaucoup d'agitation, des phrases volèrent dans tous les sens : « vérifiez son pouls, il est en train de lâcher !», « préparez une salle d'intervention, il faut arrêter son hémorragie ! », « une seringue d'adrénaline, vite ! » ; mais Sandrine était dans un état second. Elle en pouvait décrocher ses yeux de la tache écarlate grandissante sur le ventre de Max, en repensant à toute cette violence inutile.

En état de choc, ce qui suivit fut tout aussi confus pour Sandrine. De nombreuses personnes vinrent la voir pour lui poser des questions et rapidement elle fut mise hors de cause.

Ce n'est que plusieurs heures plus tard qu'elle apprit la nouvelle par son docteur : Max était dans le coma, actuellement aux services des soins intensifs.

Max mit longtemps à comprendre où il était lorsqu'il ouvrit les yeux. Sa chambre était très sombre, seuls étaient visibles des halos de dizaines de voyants de machines complexes.

Ce qui le perturba le plus, ce fut de voir, la tête appuyée sur le matelas ; Sandrine qui dormait à poings fermés. Troublé par cette vision, Max ne put retenir sa main, qui caressa doucement la chevelure soyeuse de son amie. Celle-ci se réveilla, au bout de quelques instants. Il enleva sa main rapidement, ayant visiblement peur qu'elle imagine des choses.

Une voix extrêmement faible sortit de sa gorge :

« - Qu'est ce que tu fais là ? Qu'est ce qu'il s'est passé ? »

Un large sourire se forma sur son visage lorsqu'elle entendit Max parler. Elle le regarda un long moment avant de prendre la parole.

« - Je suis contente que tu te réveilles enfin ! Olivier est revenu dans la nuit et t'as frappé sauvagement. Je ne sais pas ce qu'il lui a prit, je ne le croyais vraiment pas capable de ça¿ Tu as passé plus d'une journée dans le coma. Tu m'as fait terriblement peur ! »

Max se redressa tant bien que mal dans son lit. Il remarqua qu'elle ne portait plus la tenue des patients mais qu'elle avait un jean serré ainsi qu'un débardeur qui la mettaient en valeur.

« - Ben alors, t'as plus le droit à la blouse ? »

- Non, je suis sortie hier¿ mais je suis revenue voir comment tu allais.

- Il est quelle heure ?

- Minuit moins quart. Je vais te laisser te reposer. Je repasserai demain.

- Comme tu veux¿ »

Lendemain, Sandrine se rendit de nouveau à l'hôpital.

« - Max, tu sais, pour ce qu'Olivier t'as fait¿ Il faut que tu ailles porter plainte. Avec mon témoignage, il devrait être inculpé. En plus t'auras peut être des dommages et intérêts ! »

Max scruta longuement le vide puis regarda Sandrine en secouant la tête.

« - Je te l'ai déjà dit¿On ne vit pas dans le même monde¿ dans le mien, ça ne se passe pas comme ça. D'ailleurs, je ne peux pas porter plainte, je ne connais même pas son nom !

- Jacquemin¿ Max, c'est sérieux là, tu peux vraiment te faire du blé sur son dos. Je t'accompagne au commissariat même si tu veux !

- Laisse tomber. Rien que le mot commissariat, ça me donne envie de gerber¿ »

Sandrine essaya de le convaincre pendant de longues minutes mais il refusa farouchement.

Max sortit de l'hôpital cinq jours après. Lorsqu'il passa la porte vitrée de l'hôpital, il vit Sandrine qui l'attendait, assise sur une marche. Dès qu'elle le vit, elle s'approcha de lui.

« Je crois que je t'ai pas remercié de m'avoir défendu contre Olivier. »

D'un geste rapide, elle se mit sur la pointe des pieds et déposa un léger baiser sur la joue de Max. Celui-ci resta stoïque. Il la regarda dans les yeux une dizaine de secondes avant de dire à voix basse :

« De rien. »

Il releva la tête et regarda à droite, à gauche.

« - Tu pourrais me dépanner de deux-trois euros, pour que je prenne le bus ? J'ai quelque chose à faire¿ »

- Oui, bien sur ! »

Elle fouilla dans son sac à main et ressortit un billet de dix euros qu'elle donna à Max. Il fit un bref signe de la tête en remerciement. Elle lui tendit ensuite un bout de papier avec un numéro de téléphone. Max le prit sans le regarder, le mit dans sa poche puis dit :

« - Il faut que j'y aille¿ A bientôt.

- Tu m'appelleras ?

- Promis. »

Il descendit deux marches puis se retourna.

« Au fait, le coup de couteau... je ne crois pas l'avoir vraiment mérité... C'était dans une bagarre. Allez, ciao !»

Max offrit un petit sourire à Sandrine puis reprit sa marche d'un pas rapide, sans se retourner.

Devant l'hôpital se trouvaient des cabines téléphoniques. Max s'y arrêta un instant et composa un numéro. La conversation ne dura même pas une minute et Max se dirigea vers la gare routière.

Il dut faire deux changements du bus pour arriver près de l'endroit où il voulait aller. A côté de l'arrêt auquel il descendit, se trouvait un parterre de fleurs dans lequel poussaient de magnifiques rosiers. Max s'approcha lentement, les yeux rivés sur une rose rouge. Il plongea les mains dans le buisson et en sortit ce qu'il était venu chercher.

Il parcourut ensuite les quelques dizaines de mètres qui le séparait de sa destination. Il monta d'un bond les marches d'une maison de village et toqua sans hésiter à la porte. Entendant le parquet grincer, il se dit qu'il valait mieux cacher ce qu'il tenait en main dans son dos, pour la surprise.

La porte s'ouvrit en grand. La personne à l'intérieur recula de surprise. Il entra, un sourire aux lèvres.

« - Salut Olivier¿ »

Max serra un peu plus sa main sur le manche de pioche cassée qui servait de tuteur aux rosiers et referma la porte derrière lui¿

le 24/09/09

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Invité château
Invités, Posté(e)
Invité château
Invité château Invités 0 message
Posté(e)

Bien écrit je trouve comme d'habitude, seulement en plus ce coup-ci j'estime que ça entre en résonnance avec un vieux poème de moi, très vieux le poème et pas de bonne qualité non plus m'enfin si tu permets je le poste quand même :

Sentiers non bitumés

Je cheminais solitaire sous une nuit sans étoiles

Sans un son sans lumière si ce n'étaient les halos orangés

Des lampadaires jalonnant le trottoir tels les idôles

D'un monde immobile, inutile, carré, désensoleillé

Baissant le nez morose vers la surface du sol

Sans pensées joyeuses sans avoir envie d'autres réalités.

Puis revenu chez moi j'ouvris la Toile et vis des choses drôles,

Des « ruelles » grouillantes de personnes en hiver comme en été,

Je m'arrêtai sur une place animée et apprit comme à l'école,

A oublier les contrariétés, à sourire et à sympathiser,

Des nuances et des reliefs sculptèrent dés lors mes paroles,

Tandis que par ces rouages de la vie j'étais enrôlé.

Aujourd'hui je contemple une nouvelle nuit sans étoiles,

Ainsi qu'une bande de bitume inanimée

Mais je souris car je sais que telles des lucioles,

Des personnes semblables à moi sont dispersées

Sur les multiples contrées de cet atoll

Qu'est le monde et éclairent l'obscurité.

Les saisons font la farandolle,

L'automne va succéder à l'été,

Mais grâce à la Toile mon monde agrandi auréole

Mon être à la manière d'une fine buée

Formée par la chaleur du contenu de mon bol

De chocolat brûlant délicatement remué.

Depuis peu j'ai découvert ma boussole,

Ainsi qu'une nouvelle signification du verbe aimer,

S'infiltre en moi comme un air de rock and roll

Me regarde avec des yeux bleutés,

Une fille qui rend les ténèbres frivoles,

Clignotant au bout du couloir comme un feu follet.

Aimer sans fariboles,

Se laisser aller à des caprices endiablés

Qui couvaient comme le feu sous les casseroles,

Revisiter des souvenirs joyeux qu'on croyait occultés

Envisager un avenir sans camisoles

Pour fouler avec une compagne les sentiers non bitumés.

Avec un ptit accompagnement :

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Membre, 44ans Posté(e)
Arkon Membre 202 messages
Baby Forumeur‚ 44ans‚
Posté(e)

100% des personnes qui ont voté veulent une suite, va falloir que je me mette au travail :rtfm:

Sympa ton petit poème! (par contre je peux pas voir la vidéo, je suis filtré au boulot :o° )

C'est marrant mais quand j'ai lu les premières lignes de ton poème, j'avais l'impression de lire ma nouvelle, sous une autre forme :yahoo:

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Invité château
Invités, Posté(e)
Invité château
Invité château Invités 0 message
Posté(e)

Et donc cette suite ? J'hésite entre Sophie et Sandrine, ça me change un peu de Elizabeth et Sylvie tu comprends, ah les femmes.....

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Membre, 44ans Posté(e)
Arkon Membre 202 messages
Baby Forumeur‚ 44ans‚
Posté(e)
Total des votes : 2

Bon, le sondage, c'est pas la bonne solution non plus :rtfm:

Allez, dès que j'ai au moins 4 votes, je me mets à l'écriture de la suite :yahoo:

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