Littératures de la révolte - Jean Prévost, le maquis d’un poète

Jean Prévost, jusqu’ici, n’avait écrit que très peu de poèmes. Il était réputé grand prosateur et critique non moins éminent, davantage reconnu par ses pairs que par le public, si ce n’est pour son roman le plus célèbre, passé à un battement d’aile du Goncourt en 1930, Les frères Bouquinquant. Normalien et socialiste révolutionnaire, le jeune Prévost ne fut jamais trahi par le plus vieilli, non seulement pour ce qui est des Lettres, mais aussi pour ce qui fut du cœur. En littérature, la sculpture contemporaine qui l’envoutait intrépide n’était autre que Paul Valéry. Une fidélité à l’accident musical, sûrement, un amour pour le vers érotisé par l’ouverture des voyelles, une appétence pour la clarté proverbiale qui croisait le fer avec une inclinaison vers les adagio consumés, voilà que Jean Prévost avait trouvé une étoile pour ses demi-sommeils en la présence de l’auteur de Monsieur Teste. Reste que la postérité de la mandragore Valéry s’est étalée quand celle de Prévost demeure quiète, ou liée, trop liée, à ses travaux techniques sur Stendhal, son oeuvre de traduction minutieuse, au point que même sa grâce la plus incontestable, son œuvre de résistant par les armes dans le Vercors, qui devrait trouver le souvenir partout où la mémoire passe, s’est dérobée sous les bavardages irrespirables des époques. Car au jeune Prévost qui dessinait sur la Révolution l’espoir d’un monde nu de nations, le Prévost vieilli répondit par la continuité, lui qui dès 38 écrivait “Je n’aime mon pays qu’en esprit ; je ne souhaite être utilisé pour aucune cause”. Au jeune Prévost antinationaliste succéda donc un Prévost vieilli tout aussi liturgique sur la mère patrie.

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