Me Randall Schwerdorffer, défense de Jonathan Daval
La perpétuité c’est une peine qu’on prononce pour les criminels les plus dangereux de la société. Ceux qui ont fait le pire. Francis Heaulme, tueur d'enfants. Fourniret. Marc Dutroux; Guy Georges. Nous nous défendons Jonathann Daval . Quel est le point commun ? Aucun. Si : la médiatisation.
On n'est pas sur ce type de crime ni de criminel - car Jonathann Daval est un criminel, il ne le conteste pas. Ce qu'on vous réclame sur les bancs des parties civiles c'est de venger Alexia !
Le mensonge n'est pas puni par la loi. Il est désagréable. Mais il n'entre pas dans un jugement. Vous êtes ici au nom de la loi. Vous allez juger, comme c’est écrit derrière vous sur ce serment, ‘sans haine et sans crainte’. Je n'ai pas vu Guy Georges derrière la glace de cette cour d'assises.
C'est avec votre vécu, votre expérience, vos défauts aussi que vous devez analyser ce dossier. Vous n'oublierez jamais cette décision que vous allez prendre. Ce qu'on vous demande aujourd'hui c'est de juger, pas d'avoir des préjugés.
Twitter, Facebook, où un ramassis d'imbéciles commentent cette affaire, demandent une peine, réclament une peine, je ne les fréquente pas. On est entre nous là !
La matière criminelle elle est difficile. C'est ahurissant ce qui s'est passé dans cette cour d'assises. On a eu des réquisitions à mille lieues des témoignages qui ont été apportés à cette cour. On doit accepter dans un dossier criminel qu'on ne sache pas tout. Quand on ne sait pas tout, on ne devine pas. On n’a pas toutes les réponses, et il faut l’accepter.
Vous devrez vous dire : "moi j'ai jugé, j'ai pas préjugé". Faites votre travail de juré. On n'est pas sur les réseaux sociaux. Vous allez juger l’affaire. Mais que l’affaire, rien d’autre. Vous n’allez pas être le bras armé de certaines associations féministes. On ne juge pas un féminicide ici. C'est un meurtre, ça suffit.
Pourquoi on vous parle de viol post-mortem ? Pourquoi on vous parle de camisole chimique ? Et maintenant de rupture ?!! Parce que cet homme a l'air tellement trop normal qu'il faut le diaboliser, le rendre machiavélique pour les médias ! Acceptez que ce soit juste Jonathann Daval, celui que l’on appelle un garçon, ‘un enfant’ comme l’a dit la mère d’Alexia, elle le connaît bien.
Aujourd'hui, on est dans une société tellement moraliste, qu’oser dire qu’elle lui faisait des reproches serait un outrage à Alexia. On doit le dire : le couple n’allait pas bien. Alexia était excédée par ce garçon. Ça, c’est la réalité ! Ce n’est pas salir l’image d’Alexia que de dire que c’était une femme comme vous, et Jonathann Daval un homme, comme vous. Ce qu'on sait d'Alexia Daval, c'est qu'à certains moment elle était agressive. ça n'est pas salir sa mémoire de dire ça. C'est une femme normale, comme vous comme moi. On a le droit de le dire. Quand on voit les sms, on constate que ça ne va pas du tout.
Il peut prendre soin d’elle mais il ne pourra jamais la combler. Il a trouvé en Alexia tout ce qu’il n’avait pas chez lui. Un niveau social. Cette femme qu’il n’avait même pas osé remarquer. ‘Moi qui me sens tout petit’. C’est énorme.
Elle regarde Jonathann, et elle lui dit "tu n'es pas un homme". TU N'ES PAS UN HOMME ! (il s'est rapproché des jurés, ne parle que pour eux) Tu n'es rien, tu es transparent...
On vous annonce une préméditation ? On vous trompe. ça c'est de la manipulation judiciaire. Il n'y a aucune préméditation dans cette affaire. Les mensonges sont TOUS postérieurs à ses actes. On ne juge pas un assassin comme quelqu'un qui a agit à chaud. (il s'est redéplacé face au président)
On vous a parlé d'empoisonnement, de viol post-mortem. Honteux. HONTEUX ! Nécrophile maintenant... Il faut salir celui-là pour le condamner à perpétuité dans une affaire où il n'a pas le profil pour cela ! Ceux qui ont agité le spectre du viol... c'est bien, c'est très bien ça hein.. C'est de la boucherie judiciaire ça. Arrêtez, ARRÊTEZ. Hypocrites ! Il n'y a pas de viol. Traqui l’a dit. Pas d’éléments ! TERMINÉ !
La maison était devenue une prison pour l’un et une prison pour l’autre. On était profondément malheureux des deux côtés. On vous a parlé aussi de séparation. Vous n'êtes pas là pour croire les scénarios des parties civiles ou de l'avocat général. Votre théorie est une théorie monsieur l'avocat général.
Elle prend son traitement le soir parce qu'elle a toujours dans l'optique de faire un enfant avec son compagnon. Est-ce que UNE SEULE FOIS Alexia a parlé de divorce ? Est-ce qu'on a UN sms qui parle de divorce ? Non. Elle est malheureuse, mais il n'y a pas de rupture. Lui, il répond toujours à côté de la plaque parce qu’il ne comprend rien ! ‘Bisous mon cœur, je t’aime’.
Les crises ça arrive dans les couples... Dans n'importe quel couple... A moins que je ne sois entouré ici que de gens parfaitement mariés, sans aucune aspérité. Non ça n'est pas un féminicide, non ça n'est pas un crime de possession... ça vous arrangerait tellement. C'est le crime de Jonathann Daval. Il ne se débat pas dans cette histoire conjugale. Il ne part pas. Il ne peut pas.
On a disséqué la vie de Jonathann Daval. Disséqué. Il n'y a rien qui ait échappé aux enquêteurs. Si quelqu'un peut nous dire qu'il a eu un seul accès de violence, qu'il se lève ici. Il n’affronte pas l’autre, jamais. Il n’affronte pas la discussion, il n’est pas dans la violence.
Le rapport de la neurologue : Cette patiente au tempérament anxieux se plaint de goût de fer dans la bouche, d’agressivité envers son conjoint. Ce soir-là c'est pas une crise... Il va y avoir une dispute. Jonathann Daval n'est pas un homme qui rentre chez lui et qui bat sa femme. Jonathann Daval ne ressemble tellement pas à l’acte qu’il a commis qu’il faut le déshumaniser au maximum ! pour désaimer celui qu'on aimait tant, il faut le salir, pour l'exécuter socialement.
On n’est pas là pour croire dans une cour. L’intime conviction, ce n’est pas l’intime intuition. C’est tellement plus profond que ça. On n'est pas là pour croire, dans une enceinte judiciaire. Qu'est-ce qui s'est passé ? On ne sait pas. Il s'est passé quelque chose. Sans rentrer dans des scénarios délirants. Il fuit. Comme toujours. Et Alexia lui dit "arrêtes de fuir "! Jonathann Daval, son fonctionnement dans le couple c’est fuir. Il fuit. Ce soir-là malheureusement, il n’a pas pu fuir. Elle le retient ou il la retient, peu importe. Il y a une confrontation. Elle le retient. Il faut parfois accepter la simplicité d'un dossier. On a juste une femme qui est extrêmement malheureuse qui attend beaucoup de lui, lui dit qu’il n’est pas un homme. Mais si c’est un homme, mais un homme fragile, malconstruit, qui a été raillé, moqué, qui a des failles narcissiques immenses. Il ne peut pas avoir une conversation normale, il a une rage narcissique. ça explose. Dans un dossier qui n’est pas médiatisé, qui ne serait pas politisé presque, c’est ce qu’on appelle un coup de sang. Un déferlement de violence qui dure quelques minutes.
Alors oui, ça explose. Jonathann Daval n’a jamais été violent. Sauf une fois dans sa vie. La réalité du dossier c’est que Jonathann vous devez faire sans lui, parce qu’il a trop menti. D’ailleurs, vous ne devriez jamais croire, les seules gens qui croient ce sont les religieux. Votre responsabilité est beaucoup plus lourde.
Une simple altercation dégénère. En découlent des coups au visage et une strangulation. C’est ça que vous jugez. Vous jugez une chose simple... Et c'est pas assez pour certains ! On en veut une autre de vérité ! Il y a d'autres affaires, en ce moment, tout à fait similaires à celle de Jonathann Daval, où on ne réclamera pas de perpétuité, parce qu'il n'y aura pas assez de caméras.
On a l’expert Canterino qui vient et vous dit : c’est un obsessionnel, il a un mode fonctionnement que nous connaissons en psychiatrie. L'obsesionnel fuit, il efface. Se débarrasser du corps permet de fuir. Dans cet instant où il est passé du monde normal au monde criminel, comment réagir ? On ne sait pas. La dissimulation du corps, la crémation, c'est pour dire "ça n'est pas moi, ça ne peut pas être moi." On peut analyser dans un fauteuil ce qu'aurait du faire Jonathann Daval, mais on n'a pas tous commis de crime. On ne sait pas ce qu'on aurait fait.
N’importe qui peut se retrouver dans une cour d’assises (...) On n’apprend pas à vivre en couple. On devrait peut-être, ça servirait plus que les mathématiques. Un journaliste m'a dit : "c'est glaçant maître ?" Mais c'est quoi ça ? Vous croyez qu'il y a des crimes pas glaçants ? Vous croyez qu'il y a des crimes sympathiques ?! Tous les meurtres sont glaçants !
J'ai vu un jour un type intelligent sur un plateau télé - c'est pas si fréquent - qui disait : "on peut avoir tué quelqu'un, et toujours l'aimer." Vous allez juger sous le seau de votre serment. Dans sa personnalité il y a des choses rationnelles et d'autres irrationnelles. On peut avoir tué un homme ou une femme et le regretter sincèrement, pleurer sincèrement. Il l'aimait profondément. Mais vous niez cela . Pourquoi ? Parce que ce serait plus simple. Tous ceux qui le connaissent l'ont dit. Il aimait Alexia.
Les gendarmes dès le deuxième jour ils ont tout, ils peuvent l'arrêter. Ils se congratulent mais honnêtement ils peuvent le mettre en garde à vue. Et après il y a l'enterrement, et la marche blanche... Pourquoi il a été surfilmé, surmédiatisé ? On guettait sa chute.
(Randall Schwerdorffer explique qu'il est prévenu par un journaliste que les gendarmes vont arrêter Jonathann après l'enterrement. Mais l'arrestation est annulée car trop médiatisée. Ça fait une semaine qu'il est dans le dossier.)
On peut tous jouer les hypocrites, mais on a vu des délires dans cette affaire Daval. C'est vous maintenant les jurés qui devez arrêter cette folie, cette hystérie, c'est votre responsabilité, votre travail.
Le passage à l’acte sur une phrase de trop d’Alexia, on ne l’excuse pas. On est tous d'accord, on ne tue pas une femme pour une remarque. Ce n'est pas le problème. On veut comprendre, car juger c'est comprendre, ce n'est pas excuser. Et on ne va pas vous demander de l'excuser, pas plus qu'on ne s'excuse d'avoir commis un meurtre. Je vous demande de ne pas suivre les réquisitions de l'avocat général.
Vous ferez fi de cette ambiance qui s'est construite autour de ce procès. Vous ne jugez pas un Fourniret ou un Guy Georges. Vous jugez Jonathann Daval, point. La perpétuité n'est pas adaptée dans cette afaire, on en a plein d'exemples dans la jurisprudence. Vous avez une liberté totale dans votre décision. Vous prononcerez la peine que vous estimerez juste. Vous prononcerez une peine en femmes et en hommes libres.