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Je M'appelle Mustapha (version moins rebutante)


Ozy Mandias

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Son sac d'affaires sur le dos. Le regard fixant le trottoir d'en face. Le ventre noué. Abraham attendait avec d'autres appelés, affichant le même air tourmenté, l'autocar affrété par l'armée pour amener les futurs conscrits au camp d'entrainement de l'infanterie de fort Boucher.

Il était avant tout très anxieux des moments à venir, son avenir resté sombre. Il s'imaginait déjà être sous les ordres d'un sergent despotique hurlant à tout bout de champs, apprenant avec souffrance les rudiments de la guerre et tout ça pour mourir lors de son premier déploiement.

Il n'arrivait pas à imaginer pouvoir survivre. Il était plus que défaitiste. Son regard témoin de ses sombres pensées¿ regard qu'il partageait avec bon nombres d'autres jeunes gens attendant à l'arrêt d'autobus.

Un bus vert arriva. Les portes s'ouvrirent pour laisser sortir un caporal, la liste des appelé dans la main.

Son nom crié il répondit présent, fourra son sac dans la malle de l'autobus et s'engouffra dans le car.

Il s'installa dans le milieu du bus, une place contre la vitre.

Un jeune homme vint s'assoir a coté de lui.

Il était brun, les cheveux courts, les yeux marrons, un visage plutôt long et fin, les joues taillées à la serpe.

Son visage respirait la joie de vivre, même si en ces circonstances cela se sentait peu, et c'était plus que compréhensible.

Mais néanmoins on décelait chez lui une propension au rire, un air souriant, la bouche légèrement ouverte pour laissant entrevoir de belles dents blanches.

Il n'était pas particulièrement beau, mais pas repoussant pour autant.

Son regard furetait un peu partout, il était surement d'un naturel curieux, ou peut-être était-ce une angoisse qui se ressentait dans cette attitude.

En tout cas il était le contraire d'Abraham. Notre ami d'infortune avait le regard perdu, fixant vaguement le même trottoir gris de tout a l'heure.

Son voisin regardait un peu toutes les personnes présentes dans le bus, avec ce même air de curiosité mêlé à une sorte d'étonnement perpétuel. Il se risqua à regarder son voisin.

Abraham sentait son regard, ça le mettait mal a l'aise, il était plutôt introverti comme garçon et n'aimait pas être l'objet des regards. Le jeune homme lui tendit sa main droite et tout souriant lui dit :

« Salut. Je m'appelle Mustapha. »

Abraham lui sera la main sans entrain « Abraham.

-Abraham¿ enchanté, tu viens du quartier sud ? Moi je suis du quartier Sud.

-de L'étoile. » Le quartier de l'étoile était un quartier prolétaire ou vivait la masse salariale.

Un endroit lugubre ou poussait dans l'ordre de l'urbanisme moderne les immeubles ou logeait des générations de travailleurs sans espoir d'évolution de carrière.

Un endroit quelconque pour des gens quelconque. Le quartier Sud jouissait d'une meilleure population. Endroit un peu plus huppé ou vivait les cadres moyens, les mères de familles schizophrènes, et les adolescents encore insouciants dilapidant l'argent de poche dans des fêtes fortement alcoolisé ; « par ce que le monde est pourri », parait-il.

« L'étoile ? Un travailleur hein ? Ca va être plus facile pour toi que pour moi, je pense. » Mustapha ne disait pas ça de façon ironique.

« Plus facile, s'étonna Abraham. Pourquoi ?

-et bien, sans vouloir être vexant hein ? A mon avis les conscrits vont être plus facile pour un homme qui a l'habitude de trimer dur pour se nourrir, que pour un fils de riche comme moi.

-Si tu le dit. »

Abraham retourna à sa contemplation du trottoir d'en face, sous le regard perplexe de Mustapha. Un fils à papa. Curieux qu'il soit là. Habituellement ce sont les enfants d'ouvriers qui sont chargé de l'infanterie.

L'ÿtat s'arrange pour placer les enfants de milieux plus aisés dans des postes à responsabilité, comme sous-officier, ou dans le génie ou la recherche. Rarement dans la piétaille.

Le voyage dura trois heures. Fort Boucher était loin de la ville. Trois heures ou les amitiés au fils du hasard des places prises, se créèrent.

Malgré la nonchalance d'Abraham, dûe avant tout à une très grande anxiété, la discussion s'entama.

Mustapha parlait beaucoup, il nourrissait la discussion face au naturel réservé d'Abraham.

Ils n'avaient pas grand chose en commun : l'un était pauvre, l'autre était riche ; l'un comme déjà résigné par la vie, l'autre encore ignorant du monde.

L'un s'était arrêté à l'école inférieure, l'autre avait suivit un cursus en médecine qu'il avait dû mettre de coté à cause de sa mobilisation.

Leurs vies étaient tout fait différentes, mais peu importe, ils allaient suivre le même entrainement, ils allaient passer des mois assez douloureux. Les différences seraient mises de coté sans doute. L'armée sait y faire pour ranger les hommes dans un seul moule.

En traversant le portail d'entré de la base militaire, la plus par comprirent qu'ici ils abandonneraient toute cette innocence ¿par cela il faut comprendre, passé de l'autre coté de la scène- dont se justifie souvent le peuple.

Un énorme portail en métal lourd garni sur ses coté, des tours parsemées de mitrailleuses lourdes, comme la bouche d'un diable avec deux cornes se dressant fièrement en direction du ciel.

Et la viande rentra dans la boucherie. Parcours habituel, comme des têtes de cochon sur un tapis d'usine : appel, signature ; pose des affaires civiles, signature ; dépose des affaires militaires, signature ; passage à l'infirmerie, signature ; appel et mise en place dans les sections. Plus de signature, vous n'êtes plus qu'un matricule.

Le hasard voulu qu'Abraham et Mustapha se retrouvent dans la même section : section trois, deuxième peloton, douzième division du quatre-vingt neuvième régiment de l'infanterie régulière.

Un régiment basic sans haut fait d'arme. Dirigé par des officiers sans charisme et des sous officier détestant avoir des responsabilités.

Mustapha avait parié avec Abraham qu'il deviendrait sergent au bout d'un an. Abraham lui s'en fichait. Un an ! C'était déjà trop pour Abraham.

Ces deux là étaient devenus de très bon acolyte. On peut même dire qu'il se complétaient. Mustapha était un débrouillard, il faisait d'abord marcher ses méninges. Il compensait en cela ses difficultés physiques. Lui qui avait toujours fait en sorte de se faire dispenser pour le sport à l'école, il était servi.

Mustapha avait du charisme, il était apprécié de ses camarades, et imposait sa vision tout naturellement. Bon parleur, il monopolisait l'assistance. Il fallait dire que son éducation ne pouvait que le faire consentir supérieur face à la plèbe bien moins instruite. Pauvreté ne s'attache pas aux outils du savoir. Sauf en de rare cas.

Abraham ne se laissait pas avoir par la poudre magique que lançait Mustapha pour éberluer ses spectateurs. Il était intelligent, une intelligence naturelle, une intelligence de l'autre et de soi qui sommeillait jusqu'alors.

Mustapha avait éveillé en lui un appétit d'apprendre, par ses tirades accumulant les exemples historiques issues d'une culture générale édifiante. C'est justement a force de longue conversation où l'un jouait le rôle de mentor et l'autre de disciple qu'ils se sont appréciés.

Ainsi le caractère d'Abraham s'affirmait. Il n'avait pas le charisme de son ami, ni son pareil pour caresser dans le sens du poil mais une aura l'entourait. Une aura qui grandissait avec le temps, l'enseignement succin de Mustapha puis, plus conséquent, des livres ; et l'entrainement militaire harassant censé former de vrais soldats. Il commençait à être soit craint soit aimé, mais il ne laissait en aucun cas indifférent.

Les deux s'épanouissaient plus qu'ils ne l'auraient crus. Mustapha montrait tout son intelligence en cour théorique et stratégique, un tacticien hors pair qui donné du fil à retordre aux simulations mais il avait toujours autant de mal face aux activités physiques mais les troisièmes sections devenaient solidaires. On n'abandonne jamais un frère d'arme.

Abraham n'avait jamais besoin d'aide, il était même un des meilleurs combattant du groupe, si ce n'était le meilleurs en abandonnant sa mauvaise habitude de trop réfléchir lors des combat au corps à corps. En revanche pour les armes il excellait, un tireur froid, calme et d'une précision redoutable. Il préférait savoir l'ennemi loin de lui. L'ennemi¿ finalement il se faisait de plus en plus à cette nouvelle vie. La résignation devenait totale. Et puisqu'il était « bon », pourquoi allez contre ?

Donc deux esprit fort et devenus indissociables sortaient maintenait du lot dans la section trois. Deux meneurs d'homme possible, d'après l'adjudant Bogaba. Lequel nommer chef de classe ? L'académique ou l'instinctif ? Il demanda l'avis du sergent chargé de la section : « Tu m'as fait appelé ? Lui demanda le sergent Al-Hasan, en entrant dans le bureau de son supérieur.

-Ouai, je suis en train de faire les promos, en particulier la tienne. A ton avis, qui de Christo ou de Piedmont fera un bon chef de classe ?

-Je dirais Mustafa, même si Abraham est un guerrier né, Mustafa lui est un meneur d'homme né. Et faut pas oublié que Mouss sait obéir aux ordres. Abraham peut pas s'empêcher de cogiter sur le pourquoi du comment, il ne s'est pas gêner pour me rembarrer quant l'ordre lui paraissait pas logique.

-Esprit rebelle?

-Non, non¿ il réfléchit trop. Mais relax, encore quelque mois de pompes forcées et de jours au frigo lui apprendront à fermer sa gueule. Ironisa Al-Hasan. »

Bogaba pris note, les arguments tenaient. Ainsi Mustafa devint le chef de classe, assurément il deviendrait réellement sergent si il continuait ainsi. Abraham était content pour son ami.

Tout le monde savaient que cela ce jouait entre les deux, beaucoup purent croire que l'un aurait été jaloux de l'autre, mais c'était bien mal connaitre Abraham pour qui, moins il y avait de responsabilité mieux c'était.

Ainsi allait débuter, après l'apprentissage des bases, la deuxième phase de l'entrainement des jeunes aspirants.

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