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Sous-sol XII


Circeenne

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Nous arrivâmes à Tchernobyl autour de 7 h 00. Une sombre végétation avait complètement recouvert la ville. Tout semblait si abandonné, si apocalyptique mais tellement paisible. Je devinais le fleuve Pripiat sous cette épaisse brume qui masquait aussi un sol gluant. Mes bottes s’empêtraient dans une boue épaisse et le froid mordait tendrement mes os. Petrov avait l’habitude, il soupira une longue condensation tout en se montrant résistant au froid. Il était comme taillé pour ça. Ses hommes l’imitaient mal. Sarah m’avait rejoint en faisant une moue qui exprimait le râle français en se recroquevillant dans une démarche hâtive. Les ordres étaient les suivants. Personne ne se séparerait du groupe. Il y eut deux groupes. Et comme je m’y attendais, Sarah n'était pas avec moi. Le premier groupe explorerait le flanc est de la ville quand le second irait à l’ouest. Petrov se montrait très pédagogue en même temps que directif. Il détaillait chacune de ses explications avec un geste mécanique sur la carte qu’il pointait du doigt. Nous prîmes alors les équipements, fîmes les quelques tests radio et démarrâmes l’opération. Je n’aimais pas ce silence glacial. L’ambiance rappelait la sobriété qu’ont les morts après avoir été apprêtés. Nous nous enfonçâmes au point de ne plus distinguer ce qu’il y avait derrière nous et devant nous. Notre repère dans cette vaste opacité était les colonnes de cheminées industrielles que l’on voyait au loin.

Nous sentîmes bientôt le bitume sous nos pieds et c’est là que nous nous divisâmes. Petrov pris la route vers l’est où la forêt était plus dense. Nous continuâmes en ville. La route était cabossée, perforée par endroits. De ces imperfections sortait la vie. Il n’y a pas de mot pour décrire pareil endroit. Afin de bien nous distinguer dans ce brouillard nous avions des signaux clignotant sur nos sacs. Les nôtres étaient rouges. Les leurs bleus. On les remarquait qui s’éloignaient progressivement.

Arrivés à Kirova Street nous fûmes rassurés, la brume s’était dissipée à cause des bâtiments. Nous la longeâmes pendant un temps qui me paraissait être trop long. Je prenais parfois des libertés en m’attardant sur des objets, des magazines, des choses en tout genre éparpillés ici et là, de part et d’autre de la rue. Je fus même pressée par Mikhaïl qui me reprochait de trop m’attarder sur ces détails. À un moment, il décida de prendre un raccourci par une petite rue adjacente où la végétation se montrait assez menaçante, jalonnée de maisons abandonnées. Il m’expliquait qu’après une vingtaine de minutes de marche on arriverait au « Monument of the third Angel » un endroit très prisé des adeptes de l’urbex car il y avait des souterrains construits pendant le milieu de la guerre froide afin de faire face à une invasion du camp occidental.

Cet endroit me donnait le frisson. C’était désert. Une chaussure très ancienne trônait au milieu d’une ruine éventrée. Il y avait un immense trou donnant sur un tunnel. Mikhail m’expliquait que c’est ici que les touristes entraient et s’immergeaient dans l’aventure. Nous y entrâmes avec l’agilité qui me faisait défaut. Igor est entré en premier suivi de Fiodor qui examinait derrière lui les quelques outils assez récents de son point de vue. Il me l’indiqua après qu’Alexander m’a aidé à descendre. Mikhail testait la radio mais en vain. Des tags dans toutes les langues arpentaient le béton fracassé. Je les étudiais avec attention sans veiller où je mettais le pied. Fiodor qui veillait sur moi m’a ainsi empêché d’écraser un rat mort et en décomposition. Les vers s’agitaient tellement que j’en fus prise de panique.

On continuait sous terre. L’écho des gouttes laissait paraître l’atmosphère tel qu’il était. Glauque. On arrivait à une intersection. Un sac à dos était par terre. Comme si quelqu’un l’avait fraîchement déposé là. Il me fut remis. Il n’y avait rien d’autre qu’un paquet de cigarette avec une clé un peu vieille. Je secouais le sac pour m’assurer que rien ne m’avait échappé. Un ruban noir en était tombé. Il était mentionné le prénom Romain avec des pentacles et autres gribouillis que personne ne comprenait.

Nous débattions sur la signification quand nous entendîmes des coups de feu lointains. Assez saccadés. L’échange a été rapide mais intense. Nous revînmes sur nos pas précipitamment. La radio grésillait. On entendait des paroles entrecoupées et mêlées de cris comme si la peur s'était exprimée à travers elles. J’étais très inquiète. Nous remontâmes à la surface. Le silence surplombait l’atmosphère et la radio restait insensible malgré les appels incessants de Mikhaïl.

_Alpha, ici bravo, on a entendu des tirs. Tout va bien ?

Long crépitement

_Alpha, vous me recevez ? Répondez !

Silence permanent

_Alpha ici bravo ! Je réitère ! Si vous me recevez, utilisez le code morse.

_… Fort râle d’animaux. Bruits inaudibles. Paroles ou incantations inaudibles. Langue étrangère ? Latin ? puis soudain :

_ Fate is blood…

 J’étais avec les autres très perplexes sur la situation. Mikhail en fut tourmenté. Il ne savait pas trop comment réagir. Il réitéra la communication, cherchant à savoir qui, quoi, comment et pourquoi… mais sans succès.

 

 

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