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Mon premier texte^^ ça date. Grève des titres yen a marre j'en veux pas et j'en ai pas


lalibulle

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Ce soir-là, comme chaque soir, une foule dense et compacte se pressait sur la petite place. Tous les genres, tous les styles se confondaient, noyés dans l'habitude, perdus dans le quotidien.Un homme d'affaire speede téléphonait en regardant sa montre, une mamie emmenait pisser son chien, un lycéen au regard morne attendait son bus. Le classique de la ville, soporifique ou émerveillant, c'est selon.

Ce soir-là, comme tous les soirs, un homme, assis sur un vieux banc tagué, observait la cohue sans vraiment la voir.

David était SDF depuis un sacré bail. Il se souvenait vaguement de sa vie d'ouvrier, et puis aussi de son licenciement; cet engrenage infernal s'était emparé de lui. Il y avait l'avant, puis l'après. Les premières dettes, la première nuit dehors, les premiers froids. Il se remémorait rarement son passé et de toute façon il n'aimait pas y penser, car dans sa tête ne régnait qu'une masse brumeuse et dense. Scintillante, jolie. Avec des glouglou et des remous. Atrocement douloureuse et confuse.

Il cligna plusieurs fois des yeux, comme pour sortir de sa transe et enfonça maladroitement sa casquette sur son crâne. David saisit la cannette de bière posée à ses côtés et en bu une longue gorgée en avalant trop vite. Le vieil homme s’essuya les lèvres avec sa manche de manteau sale et balança la cannette vide dans le lointain. Pris d'un énorme bâillement, il s'étira placidement avant de reprendre sa position, courbé sur le banc, les épaules voûtées et le regard absent.

Bruit de métal assourdissant. Pour David c'est le signal. La boutique qui lui faisait face venait de fermer ses portes et de tirer son rideau de fer. Il se leva péniblement et avança machinalement vers une petite rue. Chargé de ses multiples sacs plastiques pleins à craquer, il s'adossa quelques instants contre un poteau. Il ne remarquait même plus, habitué, le périmètre que les passants avaient consciencieusement formé autour de lui. Il voulut prendre une deuxième cannette dans un des sacs, mais le pack acheté la veille avait déjà disparu. David poussa un grognement contrarié avant de reprendre son chemin.

Allongé sur sa bouche de métro favorite, roulé en boule dans son sac de couchage, le vieil homme commençait à sentir le froid qui le mordait jusque dans sa chair. Il se releva brutalement; le corps au supplice et l'humanité détruite. Il fit vaguement les comptes de la recette d'aujourd'hui. David savait que ce n'était pas grand chose, mais cela suffirait.

Un longue queue se dessinait au fond d'une impasse mal éclairée. Toute une armée de SDF, maigres économies en mains, attendait sagement son tour. Cela faisait presque 40 ans que David était dehors, une rareté, une perle. Un débris. Mais il savait où trouver les bonnes combines quand il le fallait. D'ailleurs, je ne sais pas trop si il savait, pensait, y réfléchissait. On pourrait assimiler cela à un instinct surpuissant de survie. Un vieil animal aguerris et couverts de cicatrices.

Après avoir vaguement salué ses semblables, David se mit au bout de la queue. La peau grise, les ongles jaunes et la gueule ravagée, le froid ne semblait même plus l'atteindre.

Quand vint son tour, il leva à peine les yeux sur le jeune qui lui faisait face. David lui tendit machinalement sa monnaie tandis que l'autre l'empochait en lui jetant un regard mauvais, puis le vieil homme alla rejoindre le groupe formé autour des packs d'alcool.

2 heures du matin. Un SDF déambule joyeusement d'une impasse, la démarche zigzagante. Presque en dansant.

Le nez en sang et les côtes meurtries, David ne sentait plus le froid et riait de sa dernière baston avec les petits nouveaux. Il continua de marcher ainsi au hasard dans le noir avant de s'affaler contre un mur, haletant et transpirant dans cette nuit de novembre. Il cria quelque chose que lui seul comprit. Le vieux savait bien que personne ne lui répondrait, pourquoi s'arrêterait-il ? Dans son esprit meurtrie par le froid, endormi par l'alcool et usé par la vie il se parla ainsi des heures durant, tandis que son dos lui faisait plus mal, et que le sang séché formait des croûtes dans sa barbe. Il criait sa colère et chantait son bonheur, imposait à la terre et au ciel ce qui l'illuminait le temps de cette nuit. Il s'imposait héroïquement à la vie de toutes ses forces. Enfin, heureux de lui-même, il finit par s'endormir sur le pavé glacé.

Ce soir-là, comme tous les soirs, une foule pressée circulait sur la petite place. Tous les genres, tous les styles se retrouvaient à ce rendez-vous quotidien, sans pour autant, oh mon dieu non, se parler. Un homme d'affaire speede téléphonait en regardant sa montre, une mamie emmenait pisser son chien, un lycéen au regard morne attendait son bus.

Ce soir-là, un couple d'amoureux se jeta sur un vieux banc tagué et continua à s'embrasser langoureusement. Il était plutôt beau et intelligent, elle moins belle à vrai dire, mais possédait un espèce de charme sauvage et torturé qui avait attiré à elle le jeune garçon comme un aimant. Ils était heureux ? Je ne sais pas. Plutôt aux prises de cette espèce de force surréaliste et trompeuse, qui faisait exploser leurs sens. Ton odeur, tes lèvres, tes bisous. Ta bave. Prends-moi. Mouais. Tes soucis, tes galères. Ton devenir, tout j'te dis ! Respirons la vie, aimons-nous.

J'trouve ça pathétique.

Bref, le banc était libre, et la vie suivait son cours.

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