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Votre poème préféré


walky

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Membre, 36ans Posté(e)
walky Membre 24 messages
Baby Forumeur‚ 36ans‚
Posté(e)

Voilà, alors tout est dans le titre, j'aimerais connaître votre poème préféré (qu'il soit d'un auteur connu ou non).

Pour ma part c'est l'Héautontimorouménos de Baudelaire : :coeur:

Je te frapperai sans colère

Et sans haine, comme un boucher,

Comme Moïse le rocher !

Et je ferai de ta paupière,

Pour abreuver mon Sahara,

Jaillir les eaux de la souffrance.

Mon désir gonflé d'espérance

Sur tes pleurs salés nagera

Comme un vaisseau qui prend le large,

Et dans mon cœur qu'ils soûleront

Tes chers sanglots retentiront

Comme un tambour qui bat la charge !

Ne suis-je pas un faux accord

Dans la divine symphonie,

Grâce à la vorace Ironie

Qui me secoue et qui me mord ?

Elle est dans ma voix, la criarde !

C'est tout mon sang, ce poison noir !

Je suis le sinistre miroir

Où la mégère se regarde.

Je suis la plaie et le couteau !

Je suis le soufflet et la joue !

Je suis les membres et la roue,

Et la victime et le bourreau !

Je suis de mon cœur le vampire,

- Un de ces grands abandonnés

Au rire éternel condamnés,

Et qui ne peuvent plus sourire !

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Membre, 36ans Posté(e)
Metempsychosis Membre 247 messages
Baby Forumeur‚ 36ans‚
Posté(e)

Delphine et Hippolyte

C.Baudelaire - Les Fleurs du mal, Femmes damnées (1861)

À la pâle clarté des lampes languissantes,

Sur de profonds coussins tout imprégnés d'odeur,

Hippolyte rêvait aux caresses puissantes

Qui levaient le rideau de sa jeune candeur.

Elle cherchait, d'un oeil troublé par la tempête,

De sa naïveté le ciel déjà lointain,

Ainsi qu'un voyageur qui retourne la tête

Vers les horizons bleus dépassés le matin.

De ses yeux amortis les paresseuses larmes,

L'air brisé, la stupeur, la morne volupté,

Ses bras vaincus, jetés comme de vaines armes,

Tout servait, tout parait sa fragile beauté.

Étendue à ses pieds, calme et pleine de joie,

Delphine la couvait avec des yeux ardents,

Comme un animal fort qui surveille une proie,

Après l'avoir d'abord marquée avec les dents.

Beauté forte à genoux devant la beauté frêle,

Superbe, elle humait voluptueusement

Le vin de son triomphe, et s'allongeait vers elle,

Comme pour recueillir un doux remercîment.

Elle cherchait dans l'oeil de sa pâle victime

Le cantique muet que chante le plaisir,

Et cette gratitude infinie et sublime

Qui sort de la paupière ainsi qu'un long soupir.

- "Hippolyte, cher coeur, que dis-tu de ces choses?

Comprends-tu maintenant qu'il ne faut pas offrir

L'holocauste sacré de tes premières roses

Aux souffles violents qui pourraient les flétrir?

"Mes baisers sont légers comme ces éphémères

Qui caressent le soir les grands lacs transparents,

Et ceux de ton amant creuseront leurs ornières

Comme des chariots ou des socs déchirants;

"Ils passeront sur toi comme un lourd attelage

De chevaux et de boeufs aux sabots sans pitié...

Hippolyte, ô ma soeur! tourne donc ton visage,

Toi, mon âme et mon coeur, mon tout et ma moitié,

"Tourne vers moi tes yeux pleins d'azur et d'étoiles!

Pour un de ces regards charmants, baume divin,

Des plaisirs plus obscurs je lèverai les voiles

Et je t'endormirai dans un rêve sans fin!"

Mais Hippolyte alors, levant sa jeune tête:

- "Je ne suis point ingrate et ne me repens pas,

Ma Delphine, je souffre et je suis inquiète,

Comme après un nocturne et terrible repas.

"Je sens fondre sur moi de lourdes épouvantes

Et de noirs bataillons de fantômes épars,

Qui veulent me conduire en des routes mouvantes

Qu'un horizon sanglant ferme de toutes parts.

"Avons-nous donc commis une action étrange?

Explique, si tu peux, mon trouble et mon effroi:

Je frissonne de peur quand tu me dis: 'Mon ange!'

Et cependant je sens ma bouche aller vers toi.

"Ne me regarde pas ainsi, toi, ma pensée!

Toi que j'aime à jamais, ma soeur d'élection,

Quand même tu serais une embûche dressée

Et le commencement de ma perdition!"

Delphine secouant sa crinière tragique,

Et comme trépignant sur le trépied de fer,

L'oeil fatal, répondit d'une voix despotique:

- "Qui donc devant l'amour ose parler d'enfer?

"Maudit soit à jamais le rêveur inutile

Qui voulut le premier, dans sa stupidité,

S'éprenant d'un problème insoluble et stérile,

Aux choses de l'amour mêler l'honnêteté!

"Celui qui veut unir dans un accord mystique

L'ombre avec la chaleur, la nuit avec le jour,

Ne chauffera jamais son corps paralytique

À ce rouge soleil que l'on nomme l'amour!

"Va, si tu veux, chercher un fiancé stupide;

Cours offrir un coeur vierge à ses cruels baisers;

Et, pleine de remords et d'horreur, et livide,

Tu me rapporteras tes seins stigmatisés...

"On ne peut ici-bas contenter qu'un seul maître!"

Mais l'enfant, épanchant une immense douleur,

Cria soudain: "Je sens s'élargir dans mon être

Un abîme béant; cet abîme est mon coeur!

"Brûlant comme un volcan, profond comme le vide!

Rien ne rassasiera ce monstre gémissant

Et ne rafraîchira la soif de l'Euménide

Qui, la torche à la main, le brûle jusqu'au sang.

"Que nos rideaux fermés nous séparent du monde,

Et que la lassitude amène le repos!

Je veux m'anéantir dans ta gorge profonde

Et trouver sur ton sein la fraîcheur des tombeaux!"

- Descendez, descendez, lamentables victimes,

Descendez le chemin de l'enfer éternel!

Plongez au plus profond du gouffre, où tous les crimes,

Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel,

Bouillonnent pêle-mêle avec un bruit d'orage.

Ombres folles, courez au but de vos désirs;

Jamais vous ne pourrez assouvir votre rage,

Et votre châtiment naîtra de vos plaisirs.

Jamais un rayon frais n'éclaira vos cavernes;

Par les fentes des murs des miasmes fiévreux

Filtrent en s'enflammant ainsi que des lanternes

Et pénètrent vos corps de leurs parfums affreux.

L'âpre stérilité de votre jouissance

Altère votre soif et roidit votre peau,

Et le vent furibond de la concupiscence

Fait claquer votre chair ainsi qu'un vieux drapeau.

Loin des peuples vivants, errantes, condamnées,

À travers les déserts courez comme les loups;

Faites votre destin, âmes désordonnées,

Et fuyez l'infini que vous portez en vous!

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Invité nicolette94
Invités, Posté(e)
Invité nicolette94
Invité nicolette94 Invités 0 message
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Paul Verlaine : il pleure dans mon coeur

Il pleure dans mon coeur

Comme il pleut sur la ville ;

Quelle est cette langueur

Qui pénètre mon coeur ?

Ô bruit doux de la pluie

Par terre et sur les toits !

Pour un coeur qui s'ennuie,

Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison

Dans ce coeur qui s'écoeure.

Quoi ! nulle trahison ?...

Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine

De ne savoir pourquoi

Sans amour et sans haine

Mon coeur a tant de peine !

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Membre, 31ans Posté(e)
Karateka. Membre 423 messages
Baby Forumeur‚ 31ans‚
Posté(e)

Mon poème préféré :

L’AN NEUF DE L’HEGIRE

Comme s’il pressentait que son heure était proche,

Grave, il ne faisait plus à personne une reproche ;

Il marchait en rendant aux passants leur salut ;

On le voyait vieillir chaque jour, quoiqu’il eût

A peine vingt poils blancs à sa barbe encore noire ;

Il s'arrêtait parfois pour voir les chameaux boire,

Se souvenant du temps qu’il était chamelier.

Il semblait avoir vu l’Eden, l’âge de d’amour,

Les temps antérieurs, l’ère immémoriale.

Il avait le front haut, la joue impériale,

Le sourcil chauve, l’œil profond et diligent,

Le cou pareil au col d’une amphore d’argent,

L’air d’un Noé qui sait le secret du déluge.

Si des hommes venaient le consulter, ce juge

Laissait l’un affirmer, l’autre rire et nier,

Ecoutait en silence et parlait le dernier.

Sa bouche était toujours en train d’une prière ;

Il mangeait peu, serrant sur son ventre une pierre ;

Il s’occupait de lui-même à traire ses brebis ;

Il s’asseyait à terre et cousait ses habits.

Il jeûnait plus longtemps qu’autrui les jours de jeûne,

Quoiqu’il perdît sa force et qu’il ne fût plus jeune.

A soixante-trois ans une fièvre le prit.

Il relut le Coran de sa main même écrit,

Puis il remit au fils de Séid la bannière,

En lui disant : ' Je touche à mon aube dernière.

Il n’est pas d’autre Dieu que Dieu. Combats pour lui. '

Et son œil, voilé d’ombre, avait ce morne ennui

D’un vieux aigle forcé d’abandonner son aire.

Il vint à la mosquée à son heure ordinaire,

Appuyé sur Ali le peuple le suivant ;

Et l’étendard sacré se déployait au vent.

Là, pâle, il s’écria, se tournant vers la foule ;

' Peuple, le jour s’éteint, l’homme passe et s’écroule ;

La poussière et la nuit, c’est nous. Dieu seul est grand.

Peuple je suis l’aveugle et suis l’ignorant.

Sans Dieu je serais vil plus que la bête immonde. '

Un cheikh lui dit : ' o chef des vrais croyants ! le monde,

Sitôt qu’il t’entendit, en ta parole crut ;

Le jour où tu naquit une étoile apparut,

Et trois tours du palais de Chosroès tombèrent. '

Lui, reprit : ' Sur ma mort les Anges délibèrent ;

L’heure arrive. Ecoutez. Si j’ai de l’un de vous

Mal parlé, qu’il se lève, ô peuple, et devant tous

Qu’il m’insulte et m’outrage avant que je m’échappe ;

Si j’ai frappé quelqu’un, que celui-là me frappe. '

Et, tranquille, il tendit aux passants son bâton.

Une vieille, tondant la laine d’un mouton,

Assise sur un seuil, lui cria : ' Dieu t’assiste ! '

Il semblait regarder quelque vision triste,

Et songeait ; tout à coup, pensif, il dit : ' voilà,

Vous tous, je suis un mot dans la bouche d’Allah ;

Je suis cendre comme homme et feu comme prophète.

J’ai complété d’Issa la lumière imparfaite.

Je suis la force, enfants ; Jésus fut la douceur.

Le soleil a toujours l’aube pour précurseur.

Jésus m’a précédé, mais il n’est pas la Cause.

Il est né d’une Vierge aspirant une rose.

Moi, comme être vivant, retenez bien ceci,

Je ne suis qu’un limon par les vices noirci ;

J’ai de tous les péchés subi l’approche étrange ;

Ma chair a plus d’affront qu’un chemin n’a de fange,

Et mon corps par le mal est tout déshonoré ;

O vous tous, je serais bien vite dévoré

Si dans l’obscurité du cercueil solitaire

Chaque faute engendre un ver de terre.

Fils, le damné renaît au fond du froid caveau

Pour être par les vers dévoré de nouveau ;

Toujours sa chair revit, jusqu’à ce que la peine,

Finie ouvre à son vol l’immensité sereine.

Fils, je suis le champ vil des sublimes combats,

Tantôt l’homme d’en haut, tantôt l’homme d’en bas,

Et le mal dans ma bouche avec le bien alterne

Comme dans le désert le sable et la citerne ;

Ce qui n’empêche pas que je n’aie, ô croyants !

Tenu tête dans l’ombre au x Anges effrayants

Qui voudraient replonger l’homme dans les ténèbres ;

J’ai parfois dans mes poings tordu leurs bras funèbres ;

Souvent, comme Jacob, j’ai la nuit, pas à pas,

Lutté contre quelqu’un que je ne voyais pas ;

Mais les hommes surtout on fait saigner ma vie ;

Ils ont jeté sur moi leur haine et leur envie,

Et, comme je sentais en moi la vérité,

Je les ai combattus, mais sans être irrité,

Et, pendant le combat je criais : ' laissez faire !

Je suis le seul, nu, sanglant, blessé ; je le préfère.

Qu’ils frappent sur moi tous ! Que tout leur soit permis !

Quand même, se ruant sur moi, mes ennemis

Auraient, pour m’attaquer dans cette voie étroite,

Le soleil à leur gauche et la lune à leur droite,

Ils ne me feraient point reculer ! ' C’est ainsi

Qu’après avoir lutté quarante ans, me voici

Arrivé sur le bord de la tombe profonde,

Et j’ai devant moi Allah, derrière moi le monde.

Quant à vous qui m’avez dans l’épreuve suivi,

Comme les grecs Hermès et les hébreux Lévi,

Vous avez bien souffert, mais vous verrez l’aurore.

Après la froide nuit, vous verrez l’aube éclore ;

Peuple, n’en doutez pas ; celui qui prodigua

Les lions aux ravins du Jebbel-Kronnega,

Les perles à la mer et les astres à l’ombre,

Peut bien donner un peu de joie à l’homme sombre. '

Il ajouta ; ' Croyez, veillez ; courbez le front.

Ceux qui ne sont ni bons ni mauvais resteront

Sur le mur qui sépare Eden d’avec l’abîme,

Etant trop noirs pour Dieu, mais trop blancs pour le crime ;

Presque personne n’est assez pur de péchés

Pour ne pas mériter un châtiment ; tâchez,

En priant, que vos corps touchent partout la terre ;

L’enfer ne brûlera dans son fatal mystère

Que ce qui n’aura point touché la cendre, et Dieu

A qui baise la terre obscure, ouvre un ciel bleu ;

Soyez hospitaliers ; soyez saints ; soyez justes ;

Là-haut sont les fruits purs dans les arbres augustes,

Les chevaux sellés d’or, et, pour fuir aux sept dieux,

Les chars vivants ayant des foudres pour essieux ;

Chaque houri, sereine, incorruptible, heureuse,

Habite un pavillon fait d’une perle creuse ;

Le Gehennam attend les réprouvés ; malheur !

Ils auront des souliers de feu dont la chaleur

Fera bouillir leur tête ainsi qu’une chaudière.

La face des élus sera charmante et fière. '

Il s’arrêta donnant audience à l’espoir.

Puis poursuivant sa marche à pas lents, il reprit :

' O vivants ! Je répète à tous que voici l’heure

Où je vais me cacher dans une autre demeure ;

Donc, hâtez-vous. Il faut, le moment est venu,

Que je sois dénoncé par ceux qui m’ont connu,

Et que, si j’ai des torts, on me crache aux visages. '

La foule s’écartait muette à son passage.

Il se lava la barbe au puits d’Aboufléia.

Un homme réclama trois drachmes, qu’il paya,

Disant : ' Mieux vaut payer ici que dans la tombe. '

L’œil du peuple était doux comme un œil de colombe

En le regardant cet homme auguste, son appui ;

Tous pleuraient ; quand, plus tard, il fut rentré chez lui,

Beaucoup restèrent là sans fermer la paupière,

Et passèrent la nuit couchés sur une pierre

Le lendemain matin, voyant l’aube arriver ;

' Aboubékre, dit-il, je ne puis me lever,

Tu vas prendre le livre et faire la prière. '

Et sa femme Aïscha se tenait en arrière ;

Il écoutait pendant qu’Aboubékre lisait,

Et souvent à voix basse achevait le verset ;

Et l’on pleurait pendant qu’il priait de la sorte.

Et l’Ange de la mort vers le soir à la porte

Apparut, demandant qu’on lui permît d’entrer.

' Qu’il entre. ' On vit alors son regard s’éclairer

De la même clarté qu’au jour de sa naissance ;

Et l’Ange lui dit : ' Dieu désire ta présence.

- Bien ', dit-il. Un frisson sur les tempes courut,

Un souffle ouvrit sa lèvre, et Mahomet mourut.

Victor Hugo.

Le 15 janvier 1858.

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Invité nicolette94
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Invité nicolette94
Invité nicolette94 Invités 0 message
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Jacques Prévert : le cancre

Il dit non avec la tête

Mais il dit oui avec le coeur

Il dit oui à ce qu'il aime

Il dit non au professeur

Il est debout

On le questionne

Et tous les problèmes sont posés

Soudain le fou rire le prend

Et il efface tout

Les chiffres et les mots

Les dates et les noms

Les phrases et les pièges

Et malgré les menaces du maître

Sous les huées des enfants prodiges

Avec des craies de toutes les couleurs

Sur le tableau noir du malheur

Il dessine le visage du bonheur.

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Invité Cosette 2
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Invité Cosette 2
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Posté(e)

Ballade de celui qui chante dans les supplices Louis ARAGON

Et s'il était à refaire

Je referais ce chemin

Une voix monte des fers

Et parle des lendemains

On dit que dans sa cellule

Deux hommes cette nuit-là

Lui murmurait "Capitule

De cette vie es-tu las

Tu peux vivre tu peux vivre

Tu peux vivre comme nous

Dis le mot qui te délivre

Et tu peux vivre à genoux"

Et s'il était à refaire

Je referais ce chemin

La voix qui monte des fers

Parle pour les lendemains

Rien qu'un mot la porte cède

S'ouvre et tu sors. Rien qu'un mot

Le bourreau se dépossède

Sésame finis les maux

Rien qu'un mot rien qu'un mensonge

Pour transformer ton destin

Songe songe songe songe

A la douceur des matins

Et si c'était à refaire

Je referais ce chemin

La voix qui monte des fers

Parle aux hommes de demain

J'ai tout dit ce qu'on peut dire

L'exemple du roi Henri

Un cheval pour mon empire

Une messe pour Paris

Rien à faire.Alors qu'ils partent

Sur lui retombe son sang

C'était son unique carte

Périsse cet innocent

Et si c'était à refaire

Referait-il ce chemin

La voix qui monte des fers

Dit je le ferai demain

Je meurs et France demeure

Mon amour et mon refus

O mes amis si je meurs

Vous saurez pour quoi ce fut

Ils sont venus pour le prendre

Ils parlent en allemand

L'un traduit Veux-tu te rendre

Il répète calmement

Et si c'était à refaire

Je referais ce chemin

Sous vos coups chargés de fers

Que chantent les lendemains

Il chantait lui sous les balles

Des mots sanglant est levé

D'une seconde rafale

Il a fallu l'achever

Une autre chanson française

A ses lèvres est montée

Finissant la Marseillaise

Pour toute l'humanité

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Membre, Maman brioche, 35ans Posté(e)
Melie- Membre 4 255 messages
35ans‚ Maman brioche,
Posté(e)

moi aussi c'est un poème de Baudelaire : Un hémisphère dans une chevelure

Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l'odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l'eau d'une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l'air.

Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j'entends dans tes cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l'âme des autres hommes sur la musique.

Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures ; ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, où l'espace est plus bleu et plus profond, où l'atmosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine.

Dans l'océan de ta chevelure, j'entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d'hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l'éternelle chaleur.

Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un divan, dans la chambre d'un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes.

Dans l'ardent foyer de ta chevelure, je respire l'odeur du tabac mêlé à l'opium et au sucre ; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l'infini de l'azur tropical ; sur les rivages duvetés de ta chevelure je m'enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l'huile de coco.

Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs.

Baudelaire, Le Spleen de Paris

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Invité bizar
Invités, Posté(e)
Invité bizar
Invité bizar Invités 0 message
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Edgar Allan PoeLe CorbeauTraduction de Charles Baudelaire

« Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais, faible et fatigué, sur maint précieux et curieux volume d’une doctrine oubliée, pendant que je donnais de la tête, presque assoupi, soudain il se fit un tapotement, comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre. « C’est quelque visiteur, — murmurai-je, — qui frappe à la porte de ma chambre ; ce n’est que cela, et rien de plus. »

Ah ! distinctement je me souviens que c’était dans le glacial décembre, et chaque tison brodait à son tour le plancher du reflet de son agonie. Ardemment je désirais le matin ; en vain m’étais-je efforcé de tirer de mes livres un sursis à ma tristesse, ma tristesse pour ma Lénore perdue, pour la précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore, — et qu’ici on ne nommera jamais plus.

Et le soyeux, triste et vague bruissement des rideaux pourprés me pénétrait, me remplissait de terreurs fantastiques, inconnues pour moi jusqu’à ce jour ; si bien qu’enfin, pour apaiser le battement de mon cœur, je me dressai, répétant : « C’est quelque visiteur qui sollicite l’entrée à la porte de ma chambre, quelque visiteur attardé sollicitant l’entrée à la porte de ma chambre ; — c’est cela même, et rien de plus. »

Mon âme en ce moment se sentit plus forte. N’hésitant donc pas plus longtemps : « Monsieur, — dis-je, — ou madame, en vérité j’implore votre pardon ; mais le fait est que je sommeillais, et vous êtes venu frapper si doucement, si faiblement vous êtes venu taper à la porte de ma chambre, qu’à peine étais-je certain de vous avoir entendu. » Et alors j’ouvris la porte toute grande ; — les ténèbres, et rien de plus !

Scrutant profondément ces ténèbres, je me tins longtemps plein d’étonnement, de crainte, de doute, rêvant des rêves qu’aucun mortel n’a jamais osé rêver ; mais le silence ne fut pas troublé, et l’immobilité ne donna aucun signe, et le seul mot proféré fut un nom chuchoté : « Lénore ! » — C’était moi qui le chuchotais, et un écho à son tour murmura ce mot : « Lénore ! » — Purement cela, et rien de plus.

Rentrant dans ma chambre, et sentant en moi toute mon âme incendiée, j’entendis bientôt un coup un peu plus fort que le premier. « Sûrement, — dis-je, — sûrement, il y a quelque chose aux jalousies de ma fenêtre ; voyons donc ce que c’est, et explorons ce mystère. Laissons mon cœur se calmer un instant, et explorons ce mystère ; — c’est le vent, et rien de plus. »

Je poussai alors le volet, et, avec un tumultueux battement d’ailes, entra un majestueux corbeau digne des anciens jours. Il ne fit pas la moindre révérence, il ne s’arrêta pas, il n’hésita pas une minute ; mais, avec la mine d’un lord ou d’une lady, il se percha au-dessus de la porte de ma chambre ; il se percha sur un buste de Pallas juste au-dessus de la porte de ma chambre ; — il se percha, s’installa, et rien de plus.

Alors cet oiseau d’ébène, par la gravité de son maintien et la sévérité de sa physionomie, induisant ma triste imagination à sourire : « Bien que ta tête, — lui dis-je, — soit sans huppe et sans cimier, tu n’es certes pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur parti des rivages de la nuit. Dis-moi quel est ton nom seigneurial aux rivages de la Nuit plutonienne ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

Je fus émerveillé que ce disgracieux volatile entendît si facilement la parole, bien que sa réponse n’eût pas un bien grand sens et ne me fût pas d’un grand secours ; car nous devons convenir que jamais il ne fut donné à un homme vivant de voir un oiseau au-dessus de la porte de sa chambre, un oiseau ou une bête sur un buste sculpté au-dessus de la porte de sa chambre, se nommant d’un nom tel que Jamais plus !

Mais le corbeau, perché solitairement sur le buste placide, ne proféra que ce mot unique, comme si dans ce mot unique il répandait toute son âme. Il ne prononça rien de plus ; il ne remua pas une plume, — jusqu’à ce que je me prisse à murmurer faiblement : « D’autres amis se sont déjà envolés loin de moi ; vers le matin, lui aussi, il me quittera comme mes anciennes espérances déjà envolées. » L’oiseau dit alors : « Jamais plus ! »

Tressaillant au bruit de cette réponse jetée avec tant d’à-propos : « Sans doute, — dis-je, — ce qu’il prononce est tout son bagage de savoir, qu’il a pris chez quelque maître infortuné que le Malheur impitoyable a poursuivi ardemment, sans répit, jusqu’à ce que ses chansons n’eussent plus qu’un seul refrain, jusqu’à ce que le De profundis de son Espérance eût pris ce mélancolique refrain : Jamais, jamais plus !

Mais, le corbeau induisant encore toute ma triste âme à sourire, je roulai tout de suite un siège à coussins en face de l’oiseau et du buste et de la porte ; alors, m’enfonçant dans le velours, je m’appliquai à enchaîner les idées aux idées, cherchant ce que cet augural oiseau des anciens jours, ce que ce triste, disgracieux, sinistre, maigre et augural oiseau des anciens jours voulait faire entendre en croassant son Jamais plus !

Je me tenais ainsi, rêvant, conjecturant, mais n’adressant plus une syllabe à l’oiseau, dont les yeux ardents me brûlaient maintenant jusqu’au fond du cœur ; je cherchais à deviner cela, et plus encore, ma tête reposant à l’aise sur le velours du coussin que caressait la lumière de la lampe, ce velours violet caressé par la lumière de la lampe que sa tête, à Elle, ne pressera plus, — ah ! jamais plus !

Alors il me sembla que l’air s’épaississait, parfumé par un encensoir invisible que balançaient des séraphins dont les pas frôlaient le tapis de la chambre. « Infortuné ! — m’écriai-je, — ton Dieu t’a donné par ses anges, il t’a envoyé du répit, du répit et du népenthès dans tes ressouvenirs de Lénore ! Bois, oh ! bois ce bon népenthès, et oublie cette Lénore perdue ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Prophète ! — dis-je, — être de malheur ! oiseau ou démon, mais toujours prophète ! que tu sois un envoyé du Tentateur, ou que la tempête t’ait simplement échoué, naufragé, mais encore intrépide, sur cette terre déserte, ensorcelée, dans ce logis par l’Horreur hanté, — dis-moi sincèrement, je t’en supplie, existe-t-il, existe-t-il ici un baume de Judée ? Dis, dis, je t’en supplie ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Prophète ! — dis-je, — être de malheur ! oiseau ou démon ! toujours prophète ! par ce Ciel tendu sur nos têtes, par ce Dieu que tous deux nous adorons, dis à cette âme chargée de douleur si, dans le Paradis lointain, elle pourra embrasser une fille sainte que les anges nomment Lénore, embrasser une précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore. » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Que cette parole soit le signal de notre séparation, oiseau ou démon ! — hurlai-je en me redressant. — Rentre dans la tempête, retourne au rivage de la Nuit plutonienne ; ne laisse pas ici une seule plume noire comme souvenir du mensonge que ton âme a proféré ; laisse ma solitude inviolée ; quitte ce buste au-dessus de ma porte ; arrache ton bec de mon cœur et précipite ton spectre loin de ma porte ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

Et le corbeau, immuable, est toujours installé, toujours installé sur le buste pâle de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre ; et ses yeux ont toute la semblance des yeux d’un démon qui rêve ; et la lumière de la lampe, en ruisselant sur lui, projette son ombre sur le plancher ; et mon âme, hors du cercle de cette ombre qui gît flottante sur le plancher, ne pourra plus s’élever, — jamais plus !

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Membre, 29ans Posté(e)
Co_ Membre 93 messages
Baby Forumeur‚ 29ans‚
Posté(e)

L'Horloge

Horloge! dieu sinistre, effrayant, impassible,

Dont le doigt nous menace et nous dit: "Souviens-toi!

Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi

Se planteront bientôt comme dans une cible;

Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon

Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse;

Chaque instant te dévore un morceau du délice

A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde

Chuchote: Souviens-toi! - Rapide, avec sa voix

D'insecte, Maintenant dit: Je suis Autrefois,

Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde!

Remember! Souviens-toi! prodigue! Esto memor!

(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)

Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues

Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or!

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide

Qui gagne sans tricher, à tout coup! c'est la loi.

Le jour décroît; la nuit augmente; souviens-toi!

Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,

Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,

Où le Repentir même (oh! la dernière auberge!),

Où tout te dira Meurs, vieux lâche! il est trop tard!"

Charles Baudelaire

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Invité Mitsakie
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Invité Mitsakie
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Posté(e)

J'ai cru voir sur mon coeur un essaim de corbeaux

En pleine lande intime avec des vols funèbres,

De grands corbeaux venus de montagnes célèbres

Et qui passaient au clair de lune et de flambeaux.

Lugubrement, comme en cercle sur des tombeaux

Et flairant un régal de carcasses de zèbres,

Ils planaient au frisson glacé de nos ténèbres,

Agitant à leurs becs une chair en lambeaux.

Or, cette proie échue à ces démons des nuits

N'était autre que ma Vie en loque, aux ennuis

Vastes qui tournant sur elle ainsi toujours

Déchirant à larges coups de bec, sans quartier,

Mon âme, une charogne éparse au champ des jours,

Que ces vieux corbeaux dévoreront en entier.

E. NELLIGAN :blush:

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  • 3 semaines après...
Invité Lucy Van Pelt
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Invité Lucy Van Pelt
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Posté(e)

Bukowski la cause et l'effet

les meilleurs meurent souvent de leur propre main

juste pour se libérer

et ceux qui restent

ne comprennent jamais vraiment

pourquoi

on voudrait

se libérer

d'eux

charles_bukowski.jpg?w=200&h=154

Vies de merde.

"le vent souffle fort ce soir

un vent glacial

et je pense aux

copains à la rue.

j'espère que quelques-uns ont une bouteille

de rouge.

c'est quand on est à la rue

qu'on remarque que

tout

est propriété de quelqu'un

et qu'il y a des serrures sur

tout.

c'est comme ça qu'une démocratie

fonctionne :

on prend ce qu'on peut,

on essaie de le garder

et d'ajouter d'autres biens

si possible.

c'est comme ça qu'une dictature

aussi fonctionne

seulement elle a soit asservi soit

détuit ses

rebuts.

nous on se contente d'oublier

les nôtres.

dans les deux cas

le vent

est fort

et glacial."

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Invité Tilsim
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Invité Tilsim
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Posté(e)

Bukowski la cause et l'effet

les meilleurs meurent souvent de leur propre main

juste pour se libérer

et ceux qui restent

ne comprennent jamais vraiment

pourquoi

on voudrait

se libérer

d'eux

charles_bukowski.jpg?w=200&h=154

Vies de merde.

"le vent souffle fort ce soir

un vent glacial

et je pense aux

copains à la rue.

j'espère que quelques-uns ont une bouteille

de rouge.

c'est quand on est à la rue

qu'on remarque que

tout

est propriété de quelqu'un

et qu'il y a des serrures sur

tout.

c'est comme ça qu'une démocratie

fonctionne :

on prend ce qu'on peut,

on essaie de le garder

et d'ajouter d'autres biens

si possible.

c'est comme ça qu'une dictature

aussi fonctionne

seulement elle a soit asservi soit

détuit ses

rebuts.

nous on se contente d'oublier

les nôtres.

dans les deux cas

le vent

est fort

et glacial."

Très sentimentale. C'est si triste tout cela.

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Invité Lucy Van Pelt
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Invité Lucy Van Pelt
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Posté(e)

C'est si vivant, une certaine tristesse.

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Wasuremono Membre 68 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

LES HOMMES CREUX

I

Nous sommes les hommes creux

Les hommes empaillés

Cherchant appui ensemble

La caboche pleine de bourre. Hélas !

Nos voix desséchées, quand

Nous chuchotons ensemble

Sont sourdes, sont inanes

Comme le souffle du vent parmi le chaume sec

Comme le trottis des rats sur les tessons brisés

Dans notre cave sèche.

Silhouette sans forme, ombre décolorée,

Geste sans mouvement, force paralysée ;

Ceux qui s’en furent

Le regard droit, vers l’autre royaume de la mort

Gardent mémoire de nous - s’ils en gardent - non pas

Comme de violentes âmes perdues, mais seulement

Comme d’hommes creux

D’hommes empaillés.

II

Les yeux que je n’ose pas rencontrer dans les rêves

Au royaume de rêve de la mort

Eux, n’apparaissent pas:

Là, les yeux sont

Du soleil sur un fût de colonne brisé

Là, un arbre se balance

Et les voix sont

Dans le vent qui chante

Plus lointaines, plus solennelles

Qu’une étoile pâlissante.

Que je ne sois pas plus proche

Au royaume de rêve de la mort

Qu’encore je porte

Pareils francs déguisements: robe de rat,

Peau de corbeau, bâtons en croix

Dans un champ

Me comportant selon le vent

Pas plus proche -

Pas cette rencontre finale

Au royaume crépusculaire.

III

C’est ici la terre morte

Une terre à cactus

Ici les images de pierre

Sont dressées, ici elles reçoivent

La supplication d’une main de mort

Sous le clignotement d’une étoile pâlissante.

Est-ce ainsi

Dans l’autre royaume de la mort:

Veillant seuls

A l’heure où nous sommes

Tremblants de tendresse

Les lèvres qui voudraient baiser

Esquissent des prières à la pierre brisée.

IV

Les yeux ne sont pas ici

Il n’y a pas d’yeux ici

Dans cette vallée d’étoiles mourantes

Dans cette vallée creuse

Cette mâchoire brisée de nos royaumes perdus

En cet ultime lieu de rencontre

Nous tâtonnons ensemble

Evitant de parler

Rassemblés là sur cette plage du fleuve enflé

Sans regard, à moins que

Les yeux ne reparaissent

Telle l’étoile perpétuelle

La rose aux maints pétales

Du royaume crépusculaire de la mort

Le seul espoir

D’hommes vides.

V

Tournons autour du fi-guier

De Barbarie, de Barbarie

Tournons autour du fi-guier

Avant qu’le jour se soit levé.

Entre l’idée

Et la réalité

Entre le mouvement

Et l’acte

Tombe l’Ombre

Car Tien est le Royaume

Entre la conception

Et la création

Entre l’émotion

Et la réponse

Tombe l’Ombre

La vie est très longue

Entre le désir

Et le spasme

Entre la puissance

Et l’existence

Entre l’essence

Et la descente

Tombe l’Ombre

Car Tien est le Royaume

Car Tien est

La vie est

Car Tien est

C’est ainsi que finit le monde

C’est ainsi que finit le monde

C’est ainsi que finit le monde

Pas sur un Boum, sur un murmure.

***

Thomas Stearns Eliot, La Terre vaine et autres poèmes [1922; 1976 pour la traduction française], Éditions du Seuil, Collection Points Poésie, 2006. Traduction de Pierre Leyris.

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Invité Tilsim
Invités, Posté(e)
Invité Tilsim
Invité Tilsim Invités 0 message
Posté(e)

« Les Bijoux »

La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,

Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores,

Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur

Qu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.

Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,

Ce monde rayonnant de métal et de pierre

Me ravit en extase, et j’aime à la fureur

Les choses où le son se mêle à la lumière.

Elle était donc couchée et se laissait aimer,

Et du haut du divan elle souriait d’aise

À mon amour profond et doux comme la mer,

Qui vers elle montait comme vers sa falaise.

Les yeux fixés sur moi co mme un tigre dompté,

D’un air vague et rêveur elle essayait des poses,

Et la candeur unie à la lubricité

Donnait un charme neuf à ses métamorphoses ;

Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,

Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne,

Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ;

Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,

S’avançaient, plus câlins que les Anges du mal,

Pour troubler le repos où mon âme était mise,

Et pour la déranger du rocher de cristal

Où, calme et solitaire, elle s’était assise.

Je croyais voir unis par un nouveau dessin

Les hanches de l’Antiope au buste d’un imberbe,

Tant sa taille faisait ressortir son bassin.

Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe !

– Et la lampe s’étant résignée à mourir,

Comme le foyer seul illuminait la chambre,

Chaque fois qu’il poussait un flamboyant soupir,

Il inondait de sang cette peau couleur d’ambre !

Baudelaire, « Les Fleurs du Mal ».

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Invité Tilsim
Invités, Posté(e)
Invité Tilsim
Invité Tilsim Invités 0 message
Posté(e)

Désolée, ceci est un bug...

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Invité Tilsim
Invités, Posté(e)
Invité Tilsim
Invité Tilsim Invités 0 message
Posté(e)

Un Bordeaux sur mon palais

mais le nectar féminin

puisé à l'entrée du palais de la femme

Un Beaujolais entre mes lèvres

mais le jus féminin

goûté aux petites lèvres

Un Cahors entre mes dents

mais la liqueur féminine

au bout de la langue

Un Bourgogne dans ma bouche

mais le vin féminin

à pleine bouche de vulve

Un Champagne pétillant et glacé

mais le suc féminin

léché au bourgeon brûlant

Soif de la femme

Ivresse de vivre

G. Cousin

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  • 2 mois après...
Membre, 29ans Posté(e)
Perfas Nefas Membre 43 messages
Baby Forumeur‚ 29ans‚
Posté(e)

L'étranger de C. Baudelaire.

Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? Ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?

- Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.

- Tes amis ?

- Vous vous servez là d’une parole dont le sens m'est restée jusqu'à ce jour inconnu.

- Ta patrie ?

- J'ignore sous quelle latitude elle est située.

- La beauté ?

- Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.

- L’or ?

- Je le hais comme vous haïssez Dieu.

- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !

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Membre, Posté(e)
Holdr Membre 326 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Que j'aime à faire apprendre ce nombre utile aux sages !

Immortel Archimède, artiste ingénieur,

Qui de ton jugement peut priser la valeur ?

Pour moi, ton problème eut de pareils avantages.

Jadis, mystérieux, un problème bloquait

Tout l'admirable procédé, l'œuvre grandiose

Que Pythagore découvrit aux anciens Grecs.

0 quadrature ! Vieux tourment du philosophe

Insoluble rondeur, trop longtemps vous avez

Défié Pythagore et ses imitateurs.

Comment intégrer l'espace plan circulaire ?

Former un triangle auquel il équivaudra ?

Nouvelle invention : Archimède inscrira

Dedans un hexagone ; appréciera son aire

Fonction du rayon. Pas trop ne s'y tiendra :

Dédoublera chaque élément antérieur ;

Toujours de l'orbe calculée approchera ;

Définira limite ; enfin, l'arc, le limiteur

De cet inquiétant cercle, ennemi trop rebelle

Professeur, enseignez son problème avec zèle

Auteur inconnu,

Pour un poème plus personnel :

Mon rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,

Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur transparent

Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème

Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,

Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l'ignore.

Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore,

Comme ceux des aimés que la vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,

Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a

L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

Paul Verlaine (Poèmes saturniens)

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Invité nicolette94
Invités, Posté(e)
Invité nicolette94
Invité nicolette94 Invités 0 message
Posté(e)

Il pleure dans mon coeur

Il pleure dans mon coeur

Comme il pleut sur la ville ;

Quelle est cette langueur

Qui pénètre mon coeur ?

Ô bruit doux de la pluie

Quoi ! nulle trahison ?...

Par terre et sur les toits !

Pour un coeur qui s'ennuie,

Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison

Dans ce coeur qui s'écoeure.Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine

De ne savoir pourquoi

Sans amour et sans haine

Mon coeur a tant de peine !

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