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L'âme de Jupiter

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Maxence22

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Membre, 46ans Posté(e)
Maxence22 Membre 8 797 messages
Forumeur accro‚ 46ans‚
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L’obscurité était presque totale dans la baie d'observation de l’Artemis VII, station de recherche orbitale en mission autour de Callisto, l’une des lunes glacées de Jupiter. Seules quelques LEDs bleutées soulignaient les contours des baies vitrées renforcées. Le silence, lui, était oppressant.

À 03:17, un signal s’est déclenché dans le laboratoire de biochimie : mouvement détecté dans le vide, au-delà du champ gravitationnel stabilisé. Eno Vass, en poste cette nuit-là, se frotta les yeux et s’approcha de la vitre. Ce qu’il vit n’avait rien d’un débris ni d’un artefact technique.

Flottant lentement à travers l’espace, une créature translucide ondulait avec une grâce inquiétante. Elle mesurait près de quatre mètres de diamètre, ses filaments luminescents s’étendaient en spirales mouvantes, vibrant à chaque micro-impulsion électromagnétique captée par les capteurs.

C’était une méduse. Mais pas une méduse d’eau. Celle-ci semblait naviguer dans le vide intersidéral comme dans un océan invisible. Son ombrelle palpitait doucement, et à l’intérieur, des structures internes pulsantes évoquaient un organe central, peut-être un cerveau, ou un cœur… ou autre chose.

Elle s’arrêta. Ou plutôt, elle s’orienta. Face à la station. Et pendant quelques secondes, les lumières de l’Artemis vacillèrent. Un choc minime fut ressenti. Pas physique, non. Mentale. Comme un vertige ou un rêve fulgurant. Eno Vass vit des formes, des océans d’ammoniac, des cieux de gaz, des tourbillons d’atomes pensants. Puis tout s’effaça.

Quand il reprit ses esprits, la créature avait disparu dans les ténèbres jupitériennes. Les systèmes n’enregistrèrent aucune trace. Mais dans les relevés du champ électromagnétique, une signature répétitive demeura.

Trois impulsions. Pause. Deux impulsions. Pause. Cinq impulsions. Pause. Quatre impulsions. Pause. Une impulsion. Pause. Trois impulsions.

Eno ne pouvait dire s'il avait halluciné. Debout depuis des heures et il se savait très fatigué.

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* * *

Quelque heures plus tard, la nuit artificielle régnait de nouveau. L’éclairage automatique s'était tamisé, projetant des halos bleutés sur les parois métalliques du couloir. Seuls les bips réguliers des systèmes de survie venaient troubler le silence absolu.

Dans le module de sommeil, Eno Vass se réveilla en sursaut. Une sueur froide collait sa combinaison de repos à sa peau. Son cœur battait à tout rompre. Il regarda autour de lui, confus. Il avait rêvé… ou cru entendre… un bruit.

Un bruit qui ne venait pas de ses rêves.

Un grattement. Faible. Comme des ongles sur du métal. Juste derrière la cloison. Il se leva lentement. Le bruit avait cessé, mais une odeur étrange flottait dans l’air. Quelque chose de minéral, humide. Inexplicable ici, dans une station hermétique. Il activa discrètement le scanner atmosphérique de la pièce.

Taux d’oxygène normal. Aucune trace de substance toxique. Aucun changement. Et pourtant… son instinct hurlait que quelque chose clochait.

Pendant ce temps, dans la serre hydroponique, les plantes mouraient.

Pas toutes. Juste celles le plus proches du conduit de ventilation sud. Leurs feuilles devenaient noires, craquelées, comme brûlées de l’intérieur. Le système automatique notait la dégradation, mais n’émettait aucun signal d’alerte. C’était trop lent, trop subtil.

Le lendemain, l’astronome de bord, Yuri Sandoval, s’isolait dans l’observatoire. Il passait ses nuits à pointer les senseurs vers la surface de Jupiter . Depuis trois jours, il captait des modulations dans les échos radars, comme si quelque chose répondait aux ondes envoyées.

Pas un objet. Un rythme. Trois pulsations. Silence. Une pulsation. Comme un appel. Chaque cycle générait un nombre de pulsations différents.

Quand il en parla à Eno, Il pâlit. C’était le même rythme qu’il avait entendu dans son rêve.

* * *

La sirène retentit dans toute la station. Les couloirs s’illuminèrent d’un rouge d’urgence. Les membres de l’équipage furent brutalement tirés du sommeil. Une voix féminine ne cessait de répéter:

"Alerte !

Alerte !

Section 7 — Laboratoire de biologie atmosphérique.
Verrouillage automatique.

Isolement de sécurité déclenché.

Anomalie thermique détectée"

Elen courut, suivie de Eno et du technicien Loris Tenka. La porte du laboratoire était fermée par le protocole Delta-Virome. C'était un système conçu pour contenir des fuites biologiques mortelles. Il ne s’était jamais déclenché en conditions réelles.

— « Qui est à l’intérieur ?! » demanda Elen en frappant le hublot.

Pas de réponse. L’éclairage d’urgence à l’intérieur était vacillant. Ils aperçurent vaguement une silhouette, debout, dos tourné vers eux. C’était Ayla Serrin, la spécialiste en exobiologie.

Elle ne bougeait pas. Son corps tremblait par à-coups, comme si elle luttait contre quelque chose d’invisible. Soudain, ses bras se raidirent, puis se mirent à convulser violemment.

La lumière clignota. Un bruit strident, un cri déformé par la radio interne, jaillit des haut-parleurs.

Puis le silence.

Quand la lumière revint, Ayla n’était plus debout. Elle gisait au sol. Ses yeux grands ouverts, sa bouche figée dans un rictus d’effroi. Une fine couche de givre s’étendait autour d’elle, comme si la température ambiante avait chuté de dizaines de degrés en quelques secondes.

Mais ce qui glaça le sang de l’équipage, ce ne fut pas son cadavre.

C’était ce que la caméra thermique détectait dans la pièce :
un second point de chaleur, immobile, collé au plafond.
Quelque chose… ou quelqu’un… était là. Suspendu. Et il ne respirait pas.

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Membre, 58ans Posté(e)
G6K972 Membre 1 170 messages
Mentor‚ 58ans‚
Posté(e)

Ah c'est beau la science fiction, on s’y croirait, presque aussi précis que la science elle même. 

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