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Exercice de concision.

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mary.shostakov

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Membre, à crocs? accroc?, Posté(e)
Elfière Membre 548 messages
Forumeur accro‚ à crocs? accroc?,
Posté(e)
il y a 8 minutes, mary.shostakov a dit :


Une photo se construisit lentement sur mon écran. D'abord les boucles de ses cheveux. Puis l'arc de ses sourcils. L'arrondi de ses oreilles. La limpidité de ses yeux. Le galbe de son nez. Le sourire de sa bouche. Un peu de son épaule. Et sa gorge devinée.

Comme une aube, une aurore, un rayonnement, un soleil. 

Une douceur infinie.

Le reste, je ne veux pas savoir...

Je veux juste avoir vécu ça.

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Membre, 84ans Posté(e)
mary.shostakov Membre 718 messages
Forumeur expérimenté‚ 84ans‚
Posté(e)
il y a 1 minute, Elfière a dit :

Le reste, je ne veux pas savoir...

Je veux juste avoir vécu ça.

... ... ...

Petite remarque : J'ai changé son nom, mais pas son prénom. Marie-Madeleine a réellement existé tel que je le dis de A à Z.

... ... ...

 

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Membre, à crocs? accroc?, Posté(e)
Elfière Membre 548 messages
Forumeur accro‚ à crocs? accroc?,
Posté(e)

T'inquiète. Je t'ai cru. D'emblée!

Et j'ai repensé à Gilles! Nous n'avions que 5 ans. C'est sûr que c'est moins profond, mais je crois bien quand-même que c'était mon doux premier amour dans les cours de notre maternelle...

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Membre, 84ans Posté(e)
mary.shostakov Membre 718 messages
Forumeur expérimenté‚ 84ans‚
Posté(e)

… … ...

 

En hommage à Agatha Christie et à Alfred Hitchcock

 

… … ..

PAPIER DE VERRE



 Et Paulette, elle va bien ?

 Paulette, ça y est, j'en suis débarrassé !  …

 Quoi ? Elle est partie ?

 Non ... Enfin, oui ... Elle est morte ...

 Quoi !? … Elle est morte ?

 Oui. Morte.

 Ah ben ça alors! Et comment ça s'est passé ?

 Euh ... Eh bien ... Je l'ai tuée.

 Hein! Tu l'as tuée ? Qu'est-ce que tu m'racontes, là ?

 Oui ... je l'ai tuée.

 Allez! Arrête, va! Tu l'as tuée, tu l'as tuée ... On ne tue pas les gens comme ça. Oh !

 Je t'assure, je l'ai tuée, et si je te le dis sans problème, c'est qu'en la tuant, j'ai réussi le crime parfait.

 Le crime parfait ?

 Ouais, le crime parfait ...

 Alors tu me dis que tu as tué ta femme, comme ça, là, et moi, je pourrais aller le dire à la police, et toi, là, tu me dis que tu as commis le crime parfait ! ... T'es pas maboul, un peu, des fois ?

 Non, je ne suis pas maboul, parce que d'abord tu es mon meilleur copain et alors tu n'iras pas me dénoncer à la police et ensuite parce que même si tu savais comment j'ai fait, tu aurais beau le dire à qui tu voudrais, d'abord personne ne te croirait et ensuite y aurait pas moyen de prouver que Paulette a été assassinée. Alors pour qu'on trouve que je suis l'assassin, hein ...

 C'est dingue, ce que tu me dis, là ... Et comment tu as fait ?

 Rien de plus facile. Tu sais que Paulette est une maniaque de l'ordre ?

 Oui, j'ai déjà remarqué.

 Tu sais que si on déplace un seul objet de place dans la maison, elle pique une crise de nerfs ?

 Oui, tu me l'as déjà dit.

 Mais ce que tu ne sais pas, c'est que si on a déplacé le moindre objet d'un tout petit centième de millimètre, elle s'en aperçoit aussitôt.

 Et alors ?

 Et alors, c'est invivable. Ou plutôt, c'était invivable, parce que maintenant qu'elle est morte et enterrée, moi, je revis. Plus d'engueulades à cause d'un vase déplacé, plus de scène à cause d'un tableau un peu de travers, ou d'un livre pas tout à fait vertical dans la bibliothèque. Le calme, mon vieux. Le calme divin.

 Ça ne me dit pas comment tu as fait pour la tuer ... Comment tu as fait ?

 Eh bien, un jour, j'ai pris un morceau de papier de verre et je l'ai légèrement
frotté sous l'un des pieds de sa chaise, dans la salle à manger.

 ???

 Et alors le soir, quand elle s'est assise pour souper, elle a eu une sorte de crise d'angoisse, à cause de ça.

 ??? ???

 Ouais, tu comprends, elle sentait que quelque chose avait changé dans la
pièce, mais elle ne savait pas quoi. Le pied de la chaise était assez raccourci pour qu'elle sente qu'il y avait quelque chose de changé et qu'elle en ressente de l'inconfort, mais pas assez pour qu'elle puisse se rendre compte de quoi ça venait ...

 Et après ?

 Eh bien après, le lendemain, j'ai passé encore une fois le papier de verre sous le pied de sa chaise, très légèrement, comme ça, pffuit, et le soir, elle a eu une crise d'anxiété épouvantable. Elle n'en a pas dormi de la nuit. Pour te dire ! ...

 Quoi, c'est comme ça que tu l'as eu, en raccourcissant les pieds de sa chaise ? Tu veux rire, non ?

 Pas du tout, mon vieux! Tu ne sais pas à quel point ça l'a perturbée ! Au bout d'une seule semaine de ce traitement à coup de tout petits coups de papier de verre sous les pieds de sa chaise, elle a eu une crise d'asthme, puis de l'urticaire aggravée d'une allergie éruptive. La deuxième semaine, elle a eu la première crise cardiaque de sa vie. J'ai dû appeler l'ambulance pour qu'on l'amène à l’hôpital, où ils ont tenté de la sauver avec des tas et des tas de machins et de machines à ranimer les gens dans le coma et tout le tralala. Et elle morte quand même. Ouf !...

 T'es léger, quand même, de dire « ouf », comme ça, toi !

 N'y fais pas attention. Paulette est morte et c'est ça qui compte.

 Tu me laisses vraiment rêveur, avec ta Paulette...

 Je vois bien, oui. Qu'est-ce que t'as à me regarder comme ça ?

 Je te regarde comme ça parce que tu me fais penser à quelque chose, tout à coup.

 Je te fais penser à quoi ?

 Je voulais te demander ...

 Quoi ?

 Du papier de verre, y t'en reste ?…


.

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Membre, à crocs? accroc?, Posté(e)
Elfière Membre 548 messages
Forumeur accro‚ à crocs? accroc?,
Posté(e)
il y a 23 minutes, mary.shostakov a dit :

En hommage à Agatha Christie et à Alfred Hitchcock
 

Ok pour Alfred. Agatha, c'était moins dans le détail pointilleux renouvelé, non?

Sinon, oui, ça me rappelle bien quelques épisodes de "A.H. raconte..."

Ce qui me chiffonne le plus, c'est que ma maman s'appelait Paulette et que, bêtement, ça me coince l"empathie pour le tueur... Mais bon, je ne boude pas mon plaisir, je remplace par Ginette (en espérant que ce ne soit pas le prénom de la tienne!) et ça marche bien. J'en redemande!

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Membre, 84ans Posté(e)
mary.shostakov Membre 718 messages
Forumeur expérimenté‚ 84ans‚
Posté(e)
Il y a 1 heure, Elfière a dit :

 

je remplace par Ginette

 

... ... ...

PAPIER DE VERRE



– Et Ginette, elle va bien ?

– Ginette, ça y est, j'en suis débarrassé !  …

– Quoi ? Elle est partie ?

– Non ... Enfin, oui ... Elle est morte ...

– Quoi !? … Elle est morte ?

– Oui. Morte.

– Ah ben ça alors! Et comment ça s'est passé ?

– Euh ... Eh bien ... Je l'ai tuée.

– Hein! Tu l'as tuée ? Qu'est-ce que tu m'racontes, là ?

– Oui ... je l'ai tuée.

– Allez! Arrête, va! Tu l'as tuée, tu l'as tuée ... On ne tue pas les gens comme ça. Oh !

– Je t'assure, je l'ai tuée, et si je te le dis sans problème, c'est qu'en la tuant, j'ai réussi le crime parfait.

– Le crime parfait ?

– Ouais, le crime parfait ...

– Alors tu me dis que tu as tué ta femme, comme ça, là, et moi, je pourrais aller le dire à la police, et toi, là, tu me dis que tu as commis le crime parfait ! ... T'es pas maboul, un peu, des fois ?

– Non, je ne suis pas maboul, parce que d'abord tu es mon meilleur copain et alors tu n'iras pas me dénoncer à la police et ensuite parce que même si tu savais comment j'ai fait, tu aurais beau le dire à qui tu voudrais, d'abord personne ne te croirait et ensuite y aurait pas moyen de prouver que Ginette a été assassinée. Alors pour qu'on trouve que je suis l'assassin, hein ...

– C'est dingue, ce que tu me dis, là ... Et comment tu as fait ?

– Rien de plus facile. Tu sais que Ginette est une maniaque de l'ordre ?

– Oui, j'ai déjà remarqué.

– Tu sais que si on déplace un seul objet de place dans la maison, elle pique une crise de nerfs ?

– Oui, tu me l'as déjà dit.

– Mais ce que tu ne sais pas, c'est que si on a déplacé le moindre objet d'un tout petit centième de millimètre, elle s'en aperçoit aussitôt.

– Et alors ?

– Et alors, c'est invivable. Ou plutôt, c'était invivable, parce que maintenant qu'elle est morte et enterrée, moi, je revis. Plus d'engueulades à cause d'un vase déplacé, plus de scène à cause d'un tableau un peu de travers, ou d'un livre pas tout à fait vertical dans la bibliothèque. Le calme, mon vieux. Le calme divin.

– Ça ne me dit pas comment tu as fait pour la tuer ... Comment tu as fait ?

– Eh bien, un jour, j'ai pris un morceau de papier de verre et je l'ai légèrement
frotté sous l'un des pieds de sa chaise, dans la salle à manger.

– ???

– Et alors le soir, quand elle s'est assise pour souper, elle a eu une sorte de crise d'angoisse, à cause de ça.

– ??? ???

– Ouais, tu comprends, elle sentait que quelque chose avait changé dans la
pièce, mais elle ne savait pas quoi. Le pied de la chaise était assez raccourci pour qu'elle sente qu'il y avait quelque chose de changé et qu'elle en ressente de l'inconfort, mais pas assez pour qu'elle puisse se rendre compte de quoi ça venait ...

– Et après ?

– Eh bien après, le lendemain, j'ai passé encore une fois le papier de verre sous le pied de sa chaise, très légèrement, comme ça, pffuit, et le soir, elle a eu une crise d'anxiété épouvantable. Elle n'en a pas dormi de la nuit. Pour te dire ! ...

– Quoi, c'est comme ça que tu l'as eu, en raccourcissant les pieds de sa chaise ? Tu veux rire, non ?

– Pas du tout, mon vieux! Tu ne sais pas à quel point ça l'a perturbée ! Au bout d'une seule semaine de ce traitement à coup de tout petits coups de papier de verre sous les pieds de sa chaise, elle a eu une crise d'asthme, puis de l'urticaire aggravée d'une allergie éruptive. La deuxième semaine, elle a eu la première crise cardiaque de sa vie. J'ai dû appeler l'ambulance pour qu'on l'amène à l’hôpital, où ils ont tenté de la sauver avec des tas et des tas de machins et de machines à ranimer les gens dans le coma et tout le tralala. Et elle morte quand même. Ouf !...

– T'es léger, quand même, de dire « ouf », comme ça, toi !

– N'y fais pas attention. Ginette est morte et c'est ça qui compte.

– Tu me laisses vraiment rêveur, avec ta Ginette...

– Je vois bien, oui. Qu'est-ce que t'as à me regarder comme ça ?

– Je te regarde comme ça parce que tu me fais penser à quelque chose, tout à coup.

– Je te fais penser à quoi ?

– Je voulais te demander ...

– Quoi ?

– Du papier de verre, y t'en reste ?…


.

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Membre, 84ans Posté(e)
mary.shostakov Membre 718 messages
Forumeur expérimenté‚ 84ans‚
Posté(e)

… … … 

LA FÊLURE


Mon train roulait doucement vers la grande ville. À l'approche d'une gare, il a ralenti puis s'est immobilisé en grinçant. Les portes se sont ouvertes. Des gens ont envahi le wagon, à la recherche d'une place assise. Une bonne minute après, chacun avait trouvé place, lorsqu'une dame vêtue à l'ancienne, robe longue, collet monté haut le cou, coiffée d'un chapeau noir à voilette, est entrée dans le wagon, visiblement essoufflée par un pas trop pressé. Elle avait toute l'apparence des dames de la haute société de la fin du 19e siècle. Face à moi, le siège était inoccupé. Elle s'y est installée pendant que le train démarrait, puis, d'une voix vive, mais curieusement douce et rauque à la fois,

-  J'ai failli le rater !

Et moi, un peu surpris,

-  Ah! …

-  Mais je l'ai attrapé quand même, ce train! De toute manière, je ne pouvais pas le rater, c'est mon jour de chance aujourd'hui! Hi Hi!

-  Ah bon…

-  Oui, parce que j'ai eu les résultats de mon analyse et tout va bien.

-  De votre analyse ?

-  Oui, de mon analyse médicale… J'ai une tumeur au cerveau et on m'a fait une ponction pour l'analyser. J'avais peur que ce soit un cancer, mais les résultats disent que c'est une tumeur pas dangereuse. Une tumeur bé..., euh..., bé-quelque-chose.

-  Bénigne ?

-  Oui! C'est ça! Une tumeur bénigne! Alors je suis contente comme tout. Et je vais m'inscrire à l'université. Je vais m'y réinscrire, en fait, parce que j'ai arrêté mes cours il y a longtemps, et aujourd'hui je suis tellement contente d'être en bonne santé que je vais les reprendre là où je les avais laissés. Ah que la vie est belle, parfois, n'est-ce pas ?

-  Oui, la vie est belle, c'est vrai…

-  Mais je n'ai pas toujours eu de la chance, vous savez! Ce n'est pas comme mon père…  Lui, il a trouvé une nouvelle femme seulement deux ans après la mort de maman. Vous vous rendez compte ? Moi, mon mari est mort depuis plus de dix ans, et je n'ai pas encore trouvé de remplaçant. Et pourtant je suis jeune, je suis bien. Je suis loin d'être repoussante, non? Je ne comprends pas. Il y en a qui ont de la chance et d'autres non, que voulez-vous. Moi, mon père il a de la chance… Mais moi aussi aujourd'hui, parce que j'ai eu les résultats de mon analyse et tout va bien!

-  Ah oui…

-  Alors je vais me réinscrire à l'université. 

-  Ah! c'est bien ça…

-  J'ai arrêté les cours il y a longtemps, mais je vais les reprendre là où je les avais laissés… Il y a longtemps… À l'époque, j'ai quitté l'université pour aller travailler. Et pour travailler, ça, j'ai travaillé. Ah ça oui… J'ai travaillé vingt ans. Oui! vingt ans, j'ai travaillé… Toujours dans la même compagnie, toujours, comme une abeille j'ai travaillé… Et maintenant, je retourne à l'université! J'ai le temps, maintenant… Vous savez pourquoi j'ai le temps? Parce que je viens de me faire mettre à la porte, dites! Eh oui, je suis au chômage… Vingt ans dans la même compagnie, et vous voyez, à la porte, sans tambour ni trompette, comme ça, sans raison, rien. Ah, je ne peux pas dire que j'ai de la chance, vous savez!

-  Euh, oui en effet…

-  Mais d'un autre côté, je vais vous dire, j'ai quand même pas mal de chance, parce que j'ai reçu le résultat de mes analyses!

-  Ah oui, vos analyses, et tout va bien…

-  Eh bien je croyais que j'avais un cancer au cerveau et ce n'est pas ça. C'est une tumeur. Mais une tumeur pas dangereuse. Une tumeur bé..., euh..., bé-quelque-chose. Le nom m'échappe…

-  Une tumeur bénigne ?

-  Oui! C'est ça! Une tumeur bénigne! Et je vais m'inscrire à l'université. Je vais m'y réinscrire, en fait, parce que j'avais arrêté mes cours il y a longtemps. Je suis tellement contente d'être en bonne santé que je vais les reprendre là où je les avais arrêtés. Pour moi, la vie est belle, je vous assure! Ce n'est pas comme le mois dernier. J'ai eu un accident de voiture au carrefour de derrière chez moi parce que je suis passée au rouge et qu'un camion de livraison de lait m'a heurtée de plein fouet. Il a complètement démoli ma voiture. Je ne sais pas comment je m'en suis sortie, je vous jure! Aujourd'hui, je devrais être morte. Oui, je devrais être morte. Mais j'ai de la chance, vous voyez, puisque je suis là, bien vivante. Mon père aussi, il a de la chance. Comme moi. Vous ne savez pas que seulement deux ans après la mort de maman, il a trouvé une autre femme pour la remplacer? Mais moi, je n'ai pas de chance, ça fait dix ans que mon mari est mort et je n'ai pas encore trouvé de remplaçant… Pourtant, j'ai tout pour plaire. Je ne comprends pas. 

-  La vie est bien étrange parfois…

-  Oui, bien étrange… Moi, regardez, il y a trois semaines, je me mets à avoir mal à la tête comme si on me gonflait un ballon dans le crâne. Je vais chez le médecin. Il me dit ça c'est une tumeur, il faut faire une ponction et des analyses. Alors moi j'ai eu peur, parce que maman est morte d'un cancer au cerveau. Et mon père a trouvé une femme seulement deux ans après pour la remplacer. Je ne sais pas comment il a fait. Moi je n'y arrive pas. Et pourtant, j'ai tout pour me remarier facilement, vous savez. Je me suis dit, ça y est, le cancer c'est pour moi cette fois-ci. Alors je suis allée à la clinique de derrière chez moi, de l'autre côté du carrefour où j'ai eu un accident terrible, l'autre jour. J'ai traversé au rouge et un camion de lait m'a heurté tellement fort que je me demande comment j'ai eu la chance de m'en sortir. Je devrais être morte aujourd'hui. Mais je suis là, bien vivante, et comme j'ai le temps, je vais m'inscrire à l'université. En fait, je vais m'y réinscrire parce que j'ai déjà été étudiante à une époque où je n'étais pas obligée de travailler. Je suis bien contente. Si je n'avais pas autant de temps que maintenant, peut-être que je n'aurais jamais repris mes cours. Mais heureusement, j'ai été mise à la porte et j'ai le temps. Vingt ans j'ai travaillé dans la même compagnie, vous savez. Vingt ans, tous les jours ou presque. Ah les salauds quel malheur! Et en plus, aucun homme ne cherche à m'épouser. Et ça fait dix ans que ça dure. Mon père lui il a trouvé à se remarier au bout de deux ans seulement après la mort de maman. D'un cancer au cerveau. Alors moi j'ai eu peur et je suis allée voir le médecin qui m'a dit des analyses, il faut des analyses, et je suis allé à la clinique de derrière mon accident de voiture il m'ont fait des analyses je viens de recevoir les résultats et je n'ai pas de cancer c'est une tumeur, mais une tumeur bé… Euh, comment vous dites, déjà ?

-  Une tumeur bénigne.

-  C'est ça, une tumeur bénigne. Pas un cancer. Pas comme maman. Elle a eu un cancer au cerveau et elle en est morte. Mon mari aussi, il est mort d'un cancer. Mais lui, c'était la gorge, pas le cerveau. Il buvait beaucoup d'alcool et les médecins ont dit que ça lui avait comme arraché le larynx ou quelque chose comme ça. Mon mari il buvait, mais il ne me battait pas. C'est pas comme la voisine. Elle son mari ne buvait pas, mais il la battait sans arrêt. Tous les jours ça hurlait chez eux. Ah là là. Mais elle est encore mariée, elle, et elle ne se fait pas de soucis quand elle passe à la caisse de l'épicerie. Elle ne travaille pas, mais son mari lui donne l'argent et ça va, elle s'achète des robes, au moins. Moi, mon mari ne me battait pas, mais il buvait, et il a attrapé un cancer de la gorge à cause de ça. En attendant, ça fait dix ans qu'il est mort et pas un homme ne m'a proposé de me marier avec lui. Pourtant je ne suis pas mal. Non ? Je ne comprends pas. Mon père, lui, deux ans, pas plus, et hop, il a trouvé une femme pour remplacer maman. Morte d'un cancer à la tête, ma mère. Alors quand j'ai su que j'avais une tumeur au cerveau, je me suis dit c'est mon tour, tellement que je suis malchanceuse. Et puis non. Je suis allé à a clinique de derrière mon accident de voiture. Un camion de lait qui m'a tamponnée. Rien que d'y penser j'ai mal à la tête. Ils m'ont fait une ponction. Des analyses. Et puis vous voyez. Je n'ai rien. Ma santé est impeccable. Alors je vais m'inscrire à l'université. J'ai le temps pour ça. Je suis au chômage à cause de ces salauds qui m'ont jetée de leur compagnie après vingt ans que j'y ai travaillé comme une abeille tous les jours ou presque. Ah! je n'ai pas de chance. Et pourtant je suis encore vivante malgré mon accident. C'est de la chance, ça. Je croyais que j'avais un cancer au cerveau et puis non, c'est une tumeur bénigne, c'est comme ça que vous dites n'est-ce pas?

-  Oui, une tumeur bé… 

-  Ah! Je vais rater la gare de l'université. Excusez-moi, monsieur, j'éprouve beaucoup de plaisir à vous parler et à vous écouter, mais il faut que je vous quitte. Ah là là, excusez-moi de vous laisser en plan si vite. Et à bientôt alors!

La dame s'est levée précipitamment. Son sac s'est ouvert et une enveloppe s'en est échappée. 
Elle est tombée sous le siège où elle était assise un instant avant. Je me suis baissé pour la ramasser, la lui rendre. Mais quand je me suis redressé, elle avait déjà franchi la porte de sortie du wagon pour disparaître au milieu des gens pressés de la foule du quai de la gare.

Le train a redémarré. Il s'est mis à accélérer. Je tenais distraitement l'enveloppe. Je l'ai regardée. Elle était blanche, sans aucune inscription. Elle n'était pas cachetée. Dedans, il y avait des fils de safran, quelques pétales de fleurs séchés sur du papier et des timbres de France et d'Italie.

Depuis, chaque jour, à la même heure, je prends le même train. 

Je reverrai peut-être la dame du 19e siècle, robe longue et chapeau noir à voilette. 

L'enveloppe est toujours dans ma poche, un peu froissée.

Je la lui rendrai avec une gentillesse mesurée dans le geste et la voix. 

Je l'écouterai attentivement, en me taisant beaucoup.
 


.

Modifié par mary.shostakov
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Membre, à crocs? accroc?, Posté(e)
Elfière Membre 548 messages
Forumeur accro‚ à crocs? accroc?,
Posté(e)
Il y a 10 heures, mary.shostakov a dit :

Je l'écouterai attentivement, en me taisant beaucoup. 
 

Portrait proustien...

Toi non plus, tu n'es pas de ce siècle...

Modifié par Elfière
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Membre, 84ans Posté(e)
mary.shostakov Membre 718 messages
Forumeur expérimenté‚ 84ans‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, Elfière a dit :

Portrait proustien...

Toi non plus, tu n'es pas de ce siècle...

... ... ...

Il est certain que je marche comme un nain des plus minuscules sur les pas du géant des plus gigantesques qu'est Marcel Proust.

Cela dit, mon intérêt pour la science m'a même fait voir chez lui des réflexions sur la mémoire automatique étudiée chez les neuroscientifiques.

 

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Membre, 84ans Posté(e)
mary.shostakov Membre 718 messages
Forumeur expérimenté‚ 84ans‚
Posté(e)

... ... ...

 

LE PAYSAN



Il avait faim. Il avait très faim. Ça faisait longtemps qu'il n'avait rien avalé. 

Sa carcasse s'était affaiblie. Il avait maigri. 

Il n'avait survécu qu'en puisant dans les graines de ses prochaines semailles. Il ne lui en restait que quelques-unes au fond d'un sac. S'il les mangeait, il ne pourrait plus rien semer.

Il lui fallait trouver très vite une terre cultivable. Un endroit où planter ses graines. 

Il avait exploré tous les endroits possibles et imaginables. Il n'avait rien trouvé qui puisse lui assurer une bonne récolte. 

Il lui fallait absolument de la chance, maintenant. C'était urgent. Il lui fallait trouver. Il ne lui restait plus que le hasard pour l'aider. 

Et pour l'instant, il errait. Il s'égarait. Il désespérait.



***


Ils étaient des nuées d'hommes et de femmes s'affairant autour de structures métalliques dressées vers le ciel, de citernes de carburant, de tuyaux courant sur des poteaux, de casemates à moitié enfouies dans le sol, d'énormes hangars en acier, de gigantesques tours en béton armé. 

À Kodiak, en Alaska, à Woomera, en Australie, à Jiuquan, en Chine, à Baïkonour, au Kazakhstan, des avions-cargos atterrissaient, des camions arrivaient, chargés d'ordinateurs, de tables traçantes, de boîtiers électroniques, de robots à souder, de bouteilles de gaz, de poutrelles, de vannes, de câbles, de transformateurs, de circuits imprimés, de pompes hydrauliques, de feuilles de métal, de lingots d'aluminium, etc. 

C'était pareil à Ushnura, au Japon, à Cap Kenedy, en Floride, à Plamachin, en Israël, à Dombarovski, en Russie. 

En plein océan aussi, ils étaient des milliers et des milliers à travailler comme des fourmis sur des plateformes flottantes d'où partaient des nuages de condensation sortis d'une multitude de clapets et de cheminées d'acier. 



***


Il errait. Il s'égarait. Il désespérait. C'était urgent. Il lui fallait trouver. 

Il ne lui restait plus que le hasard pour l'aider. 

Les semences commençaient à sécher au fond du sac. S'il ne trouvait pas vite une terre arable, c'en était fait de lui. 

Et puis tout à coup, au bout d'un chemin sombre comme la plus noire des nuits, il vit une boule de feu éclairant le paysage d'une lumière blanc-jaune. 

Il en avait vues déjà beaucoup de ces boules de feu, mais celle-là était particulière, car elle éclairait à faible distance un rocher aride où rien ne pousserait jamais, certes, et aussi un rocher brûlant où rien ne pousserait jamais non plus, certes, mais elle éclairait également un troisième rocher d'une extraordinaire beauté. 

Un joyau teinté de bleu-vert. De ce bleu-vert qu'il recherchait depuis longtemps.

Il y planta ses semences. Puis il se retira à quelque distance. 

Et il se mit à attendre. 



***


Chacun travaillait au plus grand programme d'exploration spatiale qu'on avait connu de mémoire d'humain. Chaque homme, chaque femme, chaque enfant semblait avoir oublié tous ses soucis et ne se passionnait plus maintenant que pour ce programme, à l'image de l'humanité du temps de la traversée de l'Atlantique par Lindberg, de la conquête de l'espace par Gagarine et du premier pas sur la Lune par Armstrong.

D'énormes fusées avaient été construites et testées. L'une d'elles avait permis d'envoyer un vaisseau spatial emportant une quinzaine de savants vers un endroit du ciel qui intriguait tout le monde, car normalement, il n'aurait dû y avoir à cet endroit rien d'autre que le vide, mais on ne savait ni pourquoi, ni comment, il y avait là quelque chose, un trou noir, un espace déformé, une masse d'énergie sombre ou de matière noire, on ne savait pas quoi. 

Il avait fallu y envoyer à tout prix une équipe de savants pour voir ce que c'était. 

Malheureusement, la communication avec le vaisseau spatial s'était brusquement interrompue pendant le voyage. 

On avait alors décidé d'envoyer un deuxième vaisseau spatial, habité lui aussi par quinze savants.

Il fallait absolument savoir ce qui se passait, là-haut...



***


Depuis l'instant où le paysan avait planté ses semences sur le joyau bleu-vert, celui-ci avait fait cinq cents millions de fois le tour de la boule de feu. C'était la durée normale avant la récolte, qui avait été particulièrement abondante, cette fois-ci, d'ailleurs. 

Le paysan était bien content de son dernier repas. 

Il avait enfin assouvi sa faim. 

Il avait vraiment bien mangé.



***

 

En hommage à Lovecraft

 

 

.

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Membre, à crocs? accroc?, Posté(e)
Elfière Membre 548 messages
Forumeur accro‚ à crocs? accroc?,
Posté(e)

Bah, au moins, ça rafraîchit son style à l'HP.

(Je trouve que ça vieillit mal sa littérature, comme celle de POE dans le même univers. Je ne suis pas objective, je n'ai accroché ni à l'un ni à l'autre dès mes premières lectures, et ça date...).

Est-ce que tes fragments d'histoires ont déjà des avenirs écrits ou bien c'est "open story" quand ça te plaira de les poursuivre?

ça laisse aussi au lecteur sa porte ouverte sur sa propre imagination. Un semis dans des terres plus ou moins arables

 

J'ai juste un problème de compréhension là :

Il y a 2 heures, mary.shostakov a dit :

Depuis l'instant où le paysan avait planté ses semences sur le joyau bleu-vert, celui-ci avait fait cinq cents millions de fois le tour de la boule de feu. C'était la durée normale avant la récolte, qui avait été particulièrement abondante, cette fois-ci, d'ailleurs. 

C'est le joyau ou bien le paysan qui fait ses millions de tours de la boule de feu. Je sais, le "celui-ci" impliquerait le joyau mais pour mon imagination déjà bien assez anarchique, j'aimerais que tu me précises. Je sais bien que, désormais, la différence entre celui-ci et celui-là sombre dans les placards de l'oubli, mais, j'ai l'intuition qu'elle t'importe.

Merci.

 

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mary.shostakov Membre 718 messages
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il y a 22 minutes, Elfière a dit :

C'est le joyau ou bien le paysan qui fait ses millions de tours de la boule de feu. Je sais, le "celui-ci" impliquerait le joyau

... ... ...

En effet, c'est le joyau qui tourne.

.

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mary.shostakov Membre 718 messages
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Il y a 2 heures, Herver a dit :

C'est moi ou ça devient de moins en moins concis et de plus en plus développer ? 

... ... ...

Oh il se peut que ma concision devienne plutôt relative, à la longue ...

.

  • Merci 1
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mary.shostakov Membre 718 messages
Forumeur expérimenté‚ 84ans‚
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… … …

 

CINQ ANS

Une mère est au volant de sa voiture.

Sa fille de cinq ans est assise à côté d'elle.

Elles arrivent au service à l'auto de Tim Hortons.

La mère - «je voudrais un café, s'il vous plait

La fille - «je voudrais des biscuits au chocolat»

La mère - «non, des biscuits au chocolat, y en a à la maison»

La fille - «du café, y en a à la maison»

.

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