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juste une Histoire société ; de l'entre-soi plaisante

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bilgium

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Membre, Posté(e)
bilgium Membre 62 messages
Forumeur Débutant‚
Posté(e)

Hier, c'était le premier Décembre, entre autre originalité, c'était la fête, la célébration de la Saint Éloi. Une journée comme une autre au calendrier. Mais pas pour moi. Il ne s'agit pas de son côté chrétien, on était tout hors cela dans la famille. On respectait la religion mais pas question d'église. Non, non, c'était et c'est toujours dans mon souvenir personnel, le prénom de mon père. Mon cher père. 🤩
En même temps pour des questions d'économie, sûrement, on préparait cette réunion familiale, commune,  voisine, celle de la fête des ouvriers qui utilisaient le marteau en tant qu'outil quotidien. En gros. Ça allait de l'orfèvre aux tailleurs de pierres en passant par les chaudronniers, les métallurgistes. Etc. En l'occurence, mon paternel travaillait la pierre et sculptait. En Belgique, et principalement en province de Hainaut, cette fête des métiers est appelée ‘’les Couronnés’’ car elle a fini par englober les sculpteurs, ardoisiers, charrons, dont les Saint-Patrons portent une couronne et se nomment Sévère, Séverin, Carpophore et Victorin. Admirez les prénoms...😄
Impossible de passer au travers du plaisir que procurait, à nous, les gamins et gamines même pas pubères, ce plaisir de côtoyers les ''vieux de la vieille'', oncles, tantes, arrière-cousins, etc., tous plus ou moins affiliés au syndicats des cailloteux,  ceuw qui tapaient dans la pierre bleue, à être des « compagnons ».
Un métier ô combien noble, endurant, dur, contraignant.
Ce jour-là, mes frères internautes, je vous prie de croire que ça marquait la semaine. On la préparait, en ce premier jour,  en particulier.
J'ai toujours considéré que le prénom de mon père avait quelque chose de succint, de court, mais de marquant : É-lwa. deux syllabes minuscules, mais aussi de celles qui faisaient référence à trois personnages de l'Histoire euro-chrétienne : en Belgique, et principalement en province de Hainaut, cette fête de métiers est appelée ‘’les Couronnés’’ car elle a fini par englober les sculpteurs, ardoisiers, charrons, dont les Saint-Patrons portent une couronne et se nomment Sévère, Séverin, Carpophore et Victorin. Mais ce n'est pas cela qui marquait les esprits à outrance, les ouvriers de la taille ont toujours été plutôt de gauche, grondants et revendicateurs. Dans l'intimité de la fête ça ne se manifestait pas de cette manière. Ce n'était pas l'heure.
Notre appartement n'était pas très vaste, donc on se serrait. Untel apportait des chaises, l'autre des couverts, un troisième une nappe ou deux, table et rallonge, et on s'installait en se tapant les cuisses d'anecdotes, de blagues, de confidences à propos des anciens qui marquèrent les esprits. On buvait des fines, sans doure du genièvre, on fumait (hm, hm), en attendant que ma mère, et ma tante si elle était de la fête, préparaient,en cuisine  les
COUILLES DE SUISSE.🤣
Ne cherchez pas dans vos archives, ni sur Google, nulle part, c'est une expression populaire totalement inventée dans la région.
Maman préparait pour l’occasion — pour le plus grand bonheur de l'assemblée qui se régalait par avance —, ses fameuses ‘’couilles de suisse’’. Il ne s’agit pas d’une faute de frappe en lieu et place de « couques » qui désignent en Belgique ce qui ressemble à des biscuits (comme des sablés ou des langues de chat). Non, Si ça fait trivial, limite vulgaire, personne parmi nos chastes oreilles n'était dupe quand les adultes prononcaient ces mots [à voix basse en notre présence] nous saisissions bien l'allusion scabreuse, sans toutefois en faire une montagne parce qu’on savait faire l’innocent, et rire sous cape. Cette veillée, favorisait les occasions de se distraire et comme elles étaient comptées on ne ratait pas de celles-là. Et puis, pour nous, c'était un double plaisir puisque nous récoltions quelques francs de l’un ou l’autre, on disait merci pour la dringueille (en belge, des sous récoltés), ensuite on s'en mettait plein la petite panse comme les autres ventrus. On s’en mettait aussi plein les oreilles d'anecdotes, de plaisanteries, de rires, de confidences, d’histoires. C'est un moment où nous nous découvrions quelque menue importance (quel oxymore que cela !). Enfin, avec les cousins et cousines on faisait les foufous puisque c'était toléré jusqu’à un point plus étendu qu’à l’habitude. Mais soyons concret.
À l'origine, je crois que c'est ma tante qui parla de cette recette à ma mère et lui indiqua comment procéder pour que la pâte soit juste comme il faut. D’ailleurs lorsqu’elle était présente elle intervenait volontiers. La recette ? La voici venir, sans tenir compte du nombre de convives gloutons, faudra vous adapter, démerdez-vous ! Et puisque vous insistez,…dites que vous insistez…
Que diable pourrais-je faire de plus, à part les manger à votre place ?

 Composition :
•    1kg de farine de blé
•    4 œufs
•    +/-100gr de beurre (plutôt plus !)
•    75 gr levure de boulanger
•    de la cassonade (dans un potiquet sur la table)
•    du beurre fondu (dans un autre potiquet sur la table)
Préparation :
Mettez la levure à dissoudre dans un peu d’eau tiède, légèrement salée. Faites fondre le beurre à part. Mélangez la farine avec les œufs entiers ; ça c’est le plus ardu, faut que l’ensemble reste homogène, le ‘tour de main’ est indispensable. Ajoutez-y la levure délayée et puis le beurre. Travaillez à la main comme pour une pâte à pain, il faut jusqu’à lisser la pâte. Laissez-la ‘lever’ au chaud à l’abri des courants d’air. Lorsque la pâte est formée à point, faites des boules à la cuiller, pas trop grosses car elles vont grossir dans l’eau bouillante dans laquelle on les plonge, au fur et à mesure du service. ET, si je fais mention des courants d’air ce n’est pas fortuit, c’est tout au contraire pleinement justifié, il n'était pas question de passer trop souvent ni surtout trop rapidement devant le stuuf (le poêle) où « montait » la pâte. Bien au chaud elle gonflait doucement comme une Montgolfière dans un moule, un volume joufflu recouvert d'un linge de coton. Par contre ce qui n'est pas un un détail, c'est que si je transgressais à plus d'une reprise le calme imposé par l’action ‘montante’ de la levure, berdouf ! ça pouvait me tomber comme poivre & sel sur la trombine et si ce n’est qu’une de des expressions de ma mère, l‘action, elle, était bien réelle ! Je goûtait fort peu cette action et la rançon à payer, dès lors autant dire que j’allais plutôt jouer ailleurs, me contentant d’une lichette de pâte crue (merci M’an) en attendant le moment où, enfin, on allait enfin pouvoir s'attabler. Bon sang c’est vrai ça, qu’est-ce que c’est long à venir à maturité c’te damnée pâte ! Cette recette comporte bien des choses que j'aimais et que j'aimerai toujours en souvenir. En tout premier lieu du beurre (salé) servi en accompagnement et d’abondance. Fondu et encore chaud, on en verse généreusement sur chaque boule dans l'assiette, étant entendu que d'elle-même la pâte n'a qu'un goût plutôt neutre...de pâte. Ensuite vient s’ajouter un aussi généreux saupoudrage de cassonade qui bonifie et complète l’ensemble. Il n’existe personne dans la famille qui soit à ce point allergique à ces deux ingrédients pour s’en priver ! Beurre chaud et cassonade se mélangent gentiment et lorsqu’il n’y a plus que cela dans l’assiette (la boule de pâte étant mâchée prestement), il ne me reste qu’à lécher le fond ! Vous ne croyez tout de même pas qu’on le gaspillerait, ce fond sucré-salé ?
Hélas, trois fois hélas, personne ne reprit le flambeau depuis la disparition de maman tant il est vrai que, quoique simple, ça demande de la préparation, un espace dégagé, sans parler que la personne qui cuisine est contrainte de rester près de la casserole à constamment plonger et sortir les boules de pâte. Faut pas les laisser mariner trop long dans l’eau sinon ça devient caoutchouteux, non plus trop peu sinon ça goûte plus la levure que la pâte. Le ‘coup d’œil’ est indispensable et d’autre part comme il n'est pas seyant de tâter la cuisson avec les doigts, tout le succès est dans l’expérience. Avec les ogres attablés que nous étions, pas besoin d'un dessin, maman n’en mangeait qu’un bout entre deux services.
La recette c'est bien mais je sens venir la question : d'où diable provient cette appellation comique ? Je vais en donner la raison. Enfin, une raison car là encore les recettes d'antan sont rebaptisées plus par les fantaisistes que les gourmands. La voici.
Dans les églises, richement pavoisées jadis, lors de grandes cérémonies, un (ou deux) ‘’gardes suisses’’ portant une hallebarde, un costume chamarré, un chapeau emplumé ou un casque luisant, veillait à maintenir calme et concentration devant le porche. Après tout c'était un sanctuaire et il avait à rappeler à l'ordre tout éventuel trublion envers le Saint Silence. Dans les faits, les gens étant respectueux du cérémonial, de l’endroit, il n’avait donc guère à s’activer et au-delà, ce gaillard n'avait de guerrier impitoyable que l'apparence, de rutilant, de Suisse, que la prétention, et de l’habit que la fantaisie. Par conséquent, en petit comité, entre fidèles moqueurs et après la messe il était évidemment raillé quant à ses compétences militaires pour le moins imaginaires. Un quidam plus taquint que les autres aurait dit un jour lors d’un repas pas assez relevé à son goût : « ce plat à autant de saveur que les couilles du Suisse », faisant allusion à notre homme d'armes qui faisait le pied de grue et n’impressionnait personne.
Pour ce qui est de la politesse et pour ce qui est des très rares pète-sec de la famille que cette appellation rebutait, ils la transformèrent en couques suisses mais ça prêtait à confusion puisqu’une viennoiserie tout à fait honorable portait et porte encore ce nom (c'est une viennoiserie ronde avec raisins et sucre qu'on achète le w-e). Enfin, pour ne point entrer en conflit diplomatique avec la nation Helvète, la recette, elle, est typiquement wallonne. J'ignore à quand elle remonte, mais je gage qu’elle doit dater d'un temps où on n’avait pas grand-chose à se mettre sous la dent ; ça remplit l'estomac, c’est sucré, et c’est peu onéreux.

Vloilà pour le côté désinvolte. 🥰

 

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Membre, 69ans Posté(e)
Phylou Membre 12 082 messages
Maitre des forums‚ 69ans‚
Posté(e)

Ça ne ressemblait pas aux chouquettes, tes couilles du suisse ? 

R.22cec5874636115b730d98cdd0eaa66f?rik=t

Un truc que quand tu en mange un tu ne peux pas t'arrêter tant qu'il en reste.

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Membre, Conteuse aux fils d'argent, 94ans Posté(e)
Ludwige Membre 803 messages
Forumeur alchimiste ‚ 94ans‚ Conteuse aux fils d'argent,
Posté(e)
Le 01/12/2023 à 21:42, bilgium a dit :

Hier, c'était le premier Décembre, entre autre originalité, c'était la fête, la célébration de la Saint Éloi. Une journée comme une autre au calendrier. Mais pas pour moi. Il ne s'agit pas de son côté chrétien, on était tout hors cela dans la famille. On respectait la religion mais pas question d'église. Non, non, c'était et c'est toujours dans mon souvenir personnel, le prénom de mon père. Mon cher père. 🤩
En même temps pour des questions d'économie, sûrement, on préparait cette réunion familiale, commune,  voisine, celle de la fête des ouvriers qui utilisaient le marteau en tant qu'outil quotidien. En gros. Ça allait de l'orfèvre aux tailleurs de pierres en passant par les chaudronniers, les métallurgistes. Etc. En l'occurence, mon paternel travaillait la pierre et sculptait. En Belgique, et principalement en province de Hainaut, cette fête des métiers est appelée ‘’les Couronnés’’ car elle a fini par englober les sculpteurs, ardoisiers, charrons, dont les Saint-Patrons portent une couronne et se nomment Sévère, Séverin, Carpophore et Victorin. Admirez les prénoms...😄
Impossible de passer au travers du plaisir que procurait, à nous, les gamins et gamines même pas pubères, ce plaisir de côtoyers les ''vieux de la vieille'', oncles, tantes, arrière-cousins, etc., tous plus ou moins affiliés au syndicats des cailloteux,  ceuw qui tapaient dans la pierre bleue, à être des « compagnons ».
Un métier ô combien noble, endurant, dur, contraignant.
Ce jour-là, mes frères internautes, je vous prie de croire que ça marquait la semaine. On la préparait, en ce premier jour,  en particulier.
J'ai toujours considéré que le prénom de mon père avait quelque chose de succint, de court, mais de marquant : É-lwa. deux syllabes minuscules, mais aussi de celles qui faisaient référence à trois personnages de l'Histoire euro-chrétienne : en Belgique, et principalement en province de Hainaut, cette fête de métiers est appelée ‘’les Couronnés’’ car elle a fini par englober les sculpteurs, ardoisiers, charrons, dont les Saint-Patrons portent une couronne et se nomment Sévère, Séverin, Carpophore et Victorin. Mais ce n'est pas cela qui marquait les esprits à outrance, les ouvriers de la taille ont toujours été plutôt de gauche, grondants et revendicateurs. Dans l'intimité de la fête ça ne se manifestait pas de cette manière. Ce n'était pas l'heure.
Notre appartement n'était pas très vaste, donc on se serrait. Untel apportait des chaises, l'autre des couverts, un troisième une nappe ou deux, table et rallonge, et on s'installait en se tapant les cuisses d'anecdotes, de blagues, de confidences à propos des anciens qui marquèrent les esprits. On buvait des fines, sans doure du genièvre, on fumait (hm, hm), en attendant que ma mère, et ma tante si elle était de la fête, préparaient,en cuisine  les
COUILLES DE SUISSE.🤣
Ne cherchez pas dans vos archives, ni sur Google, nulle part, c'est une expression populaire totalement inventée dans la région.
Maman préparait pour l’occasion — pour le plus grand bonheur de l'assemblée qui se régalait par avance —, ses fameuses ‘’couilles de suisse’’. Il ne s’agit pas d’une faute de frappe en lieu et place de « couques » qui désignent en Belgique ce qui ressemble à des biscuits (comme des sablés ou des langues de chat). Non, Si ça fait trivial, limite vulgaire, personne parmi nos chastes oreilles n'était dupe quand les adultes prononcaient ces mots [à voix basse en notre présence] nous saisissions bien l'allusion scabreuse, sans toutefois en faire une montagne parce qu’on savait faire l’innocent, et rire sous cape. Cette veillée, favorisait les occasions de se distraire et comme elles étaient comptées on ne ratait pas de celles-là. Et puis, pour nous, c'était un double plaisir puisque nous récoltions quelques francs de l’un ou l’autre, on disait merci pour la dringueille (en belge, des sous récoltés), ensuite on s'en mettait plein la petite panse comme les autres ventrus. On s’en mettait aussi plein les oreilles d'anecdotes, de plaisanteries, de rires, de confidences, d’histoires. C'est un moment où nous nous découvrions quelque menue importance (quel oxymore que cela !). Enfin, avec les cousins et cousines on faisait les foufous puisque c'était toléré jusqu’à un point plus étendu qu’à l’habitude. Mais soyons concret.
À l'origine, je crois que c'est ma tante qui parla de cette recette à ma mère et lui indiqua comment procéder pour que la pâte soit juste comme il faut. D’ailleurs lorsqu’elle était présente elle intervenait volontiers. La recette ? La voici venir, sans tenir compte du nombre de convives gloutons, faudra vous adapter, démerdez-vous ! Et puisque vous insistez,…dites que vous insistez…
Que diable pourrais-je faire de plus, à part les manger à votre place ?

 Composition :
•    1kg de farine de blé
•    4 œufs
•    +/-100gr de beurre (plutôt plus !)
•    75 gr levure de boulanger
•    de la cassonade (dans un potiquet sur la table)
•    du beurre fondu (dans un autre potiquet sur la table)
Préparation :
Mettez la levure à dissoudre dans un peu d’eau tiède, légèrement salée. Faites fondre le beurre à part. Mélangez la farine avec les œufs entiers ; ça c’est le plus ardu, faut que l’ensemble reste homogène, le ‘tour de main’ est indispensable. Ajoutez-y la levure délayée et puis le beurre. Travaillez à la main comme pour une pâte à pain, il faut jusqu’à lisser la pâte. Laissez-la ‘lever’ au chaud à l’abri des courants d’air. Lorsque la pâte est formée à point, faites des boules à la cuiller, pas trop grosses car elles vont grossir dans l’eau bouillante dans laquelle on les plonge, au fur et à mesure du service. ET, si je fais mention des courants d’air ce n’est pas fortuit, c’est tout au contraire pleinement justifié, il n'était pas question de passer trop souvent ni surtout trop rapidement devant le stuuf (le poêle) où « montait » la pâte. Bien au chaud elle gonflait doucement comme une Montgolfière dans un moule, un volume joufflu recouvert d'un linge de coton. Par contre ce qui n'est pas un un détail, c'est que si je transgressais à plus d'une reprise le calme imposé par l’action ‘montante’ de la levure, berdouf ! ça pouvait me tomber comme poivre & sel sur la trombine et si ce n’est qu’une de des expressions de ma mère, l‘action, elle, était bien réelle ! Je goûtait fort peu cette action et la rançon à payer, dès lors autant dire que j’allais plutôt jouer ailleurs, me contentant d’une lichette de pâte crue (merci M’an) en attendant le moment où, enfin, on allait enfin pouvoir s'attabler. Bon sang c’est vrai ça, qu’est-ce que c’est long à venir à maturité c’te damnée pâte ! Cette recette comporte bien des choses que j'aimais et que j'aimerai toujours en souvenir. En tout premier lieu du beurre (salé) servi en accompagnement et d’abondance. Fondu et encore chaud, on en verse généreusement sur chaque boule dans l'assiette, étant entendu que d'elle-même la pâte n'a qu'un goût plutôt neutre...de pâte. Ensuite vient s’ajouter un aussi généreux saupoudrage de cassonade qui bonifie et complète l’ensemble. Il n’existe personne dans la famille qui soit à ce point allergique à ces deux ingrédients pour s’en priver ! Beurre chaud et cassonade se mélangent gentiment et lorsqu’il n’y a plus que cela dans l’assiette (la boule de pâte étant mâchée prestement), il ne me reste qu’à lécher le fond ! Vous ne croyez tout de même pas qu’on le gaspillerait, ce fond sucré-salé ?
Hélas, trois fois hélas, personne ne reprit le flambeau depuis la disparition de maman tant il est vrai que, quoique simple, ça demande de la préparation, un espace dégagé, sans parler que la personne qui cuisine est contrainte de rester près de la casserole à constamment plonger et sortir les boules de pâte. Faut pas les laisser mariner trop long dans l’eau sinon ça devient caoutchouteux, non plus trop peu sinon ça goûte plus la levure que la pâte. Le ‘coup d’œil’ est indispensable et d’autre part comme il n'est pas seyant de tâter la cuisson avec les doigts, tout le succès est dans l’expérience. Avec les ogres attablés que nous étions, pas besoin d'un dessin, maman n’en mangeait qu’un bout entre deux services.
La recette c'est bien mais je sens venir la question : d'où diable provient cette appellation comique ? Je vais en donner la raison. Enfin, une raison car là encore les recettes d'antan sont rebaptisées plus par les fantaisistes que les gourmands. La voici.
Dans les églises, richement pavoisées jadis, lors de grandes cérémonies, un (ou deux) ‘’gardes suisses’’ portant une hallebarde, un costume chamarré, un chapeau emplumé ou un casque luisant, veillait à maintenir calme et concentration devant le porche. Après tout c'était un sanctuaire et il avait à rappeler à l'ordre tout éventuel trublion envers le Saint Silence. Dans les faits, les gens étant respectueux du cérémonial, de l’endroit, il n’avait donc guère à s’activer et au-delà, ce gaillard n'avait de guerrier impitoyable que l'apparence, de rutilant, de Suisse, que la prétention, et de l’habit que la fantaisie. Par conséquent, en petit comité, entre fidèles moqueurs et après la messe il était évidemment raillé quant à ses compétences militaires pour le moins imaginaires. Un quidam plus taquint que les autres aurait dit un jour lors d’un repas pas assez relevé à son goût : « ce plat à autant de saveur que les couilles du Suisse », faisant allusion à notre homme d'armes qui faisait le pied de grue et n’impressionnait personne.
Pour ce qui est de la politesse et pour ce qui est des très rares pète-sec de la famille que cette appellation rebutait, ils la transformèrent en couques suisses mais ça prêtait à confusion puisqu’une viennoiserie tout à fait honorable portait et porte encore ce nom (c'est une viennoiserie ronde avec raisins et sucre qu'on achète le w-e). Enfin, pour ne point entrer en conflit diplomatique avec la nation Helvète, la recette, elle, est typiquement wallonne. J'ignore à quand elle remonte, mais je gage qu’elle doit dater d'un temps où on n’avait pas grand-chose à se mettre sous la dent ; ça remplit l'estomac, c’est sucré, et c’est peu onéreux.

Vloilà pour le côté désinvolte. 🥰

 

Merci beaucoup Bilgium pour ce "savoureux" récit!

Ce n'est pas seulement une recette, mais on y retrouve tout l'humour Belge que j'apprécie beaucoup! :bo:

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