Les français de la belle époque #4

Familles, femmes et enfants.

A la Belle Epoque, l'opposition entre mariage d'amour et mariage de raison a perdu de sa pertinence. Le temps n'est plus où le père pouvait imposer une union à sa fille : ce n'était déjà guère le cas une génération plus tôt, sauf dans les familles bourgeoises, aux dots respectables, et encore.

Désormais, si le grand amour romantique n'est pas requis, le refus est possible. Dans le peuple, où le ménage constitue avant tout une équipe au travail, l'amour réciproque, en partie prédéterminé par la proximité sociale et les convenances coutumières, préside souvent au mariage et l'accompagne au moins un certain temps. 

A défaut, on s'en passe, pourvu que chacun tienne son rôle et fasse son travail. Ce qui n'exclut ni tendresse, ni affection, ni attentions mutuelles, mais exige une estime réciproque et un échange aussi de services rendus.

Le Pire ennemi de la famille était l'alcool. L'ivrognerie du mari comme celle, moins courante, de la femme rendaient insupportable la vie commune. Non seulement elle débouchait sur la violence - injures, cris, coups -, mais surtout elle compromettait la vie matérielle.

Le mari qui buvait ne rapportait pas à la maison sa quinzaine, ou le produit de ses ventes ou de ses fabriques et les dettes s'accumulaient. En général, ces violences d'ivrognes étaient connues des voisins qui les considéraient avec une certaine tolérance. 

Le partage des tâches entre homme et femme laissait la place à une inégalité radicale, physique et brutale. Quatre divorces sur cinq étaient demandés par une femme dont le mari buvait ce qu'il gagnait, rentrait ivre à la maison et la battait. 

L'inégalité légale s'accommodait dans le peuple de pratiques égalitaires. Le mari détenait l'autorité ; la loi en faisait le chef de la famille ; à lui la puissance paternelle et la puissance maritale. Sa femme était légalement une mineure dont il avait la tutelle ; elle ne pouvait contracter aucun engagement, exercer un métier, ouvrir un compte en banque sans son autorisation.

Cependant, si les lois sont toujours instructives, écrire l'histoire à partir d'elles est hasardeux : quand la loi Ferry rend l'école obligatoire, tous les enfants de 8 à 10 ans la fréquentent déjà, et 80 % des entreprises pratiquent le repos hebdomadaire quand la loi de 1906 l'impose. 

On ne demandait pas à une ouvrière pour l'embaucher l'autorisation de son mari. Lui seul avait le droit de contracter pour le ménage, mais les tribunaux "ont tourné la difficulté, en déclarant que la "maitresse de maison" reçoit de son mari mandat tacite de faire toutes les opérations nécessaires à la direction du ménage". Et ses décisions obligeaient son mari.

Dans le peuple, c'était elle qui négociait avec le propriétaire le bail généralement verbal du ménage. Que le mari administre les biens de sa femme était vide de sens quand elle n'en avait pas, sauf peut être un livret de caisse d'épargne que, justement, une loi de 1895 lui permettait d'ouvrir et de gérer sans son autorisation.

Une loi de 1907 donnait en outre aux femmes la libre disposition de leur salaire. L'interdiction d'ouvrir un compte en banque sans l'autorisation de leur mari ne les gênait pas, toutes les transactions, y compris le paiement du loyer, se réglant en espèce. 

L'autorité maritale était un joug dur et contraignant pour la bourgeoisie, non pour le peuple, pour les femmes qui possédaient, non pour celles qui travaillaient.

A.Prost. 

A 100 ans , nostalgie quand tu me tiens 

Les français de la belle époque. #3

Les français de la belle époque. #2

Il y a 3 heures, Exo7 a dit :

L'autorité maritale était un joug

Qui a fait le terme conjugal.