Donne moi des ailes

De retour au lac, alors qu’il se restaure, Thomas est alerté par Mars « Kiou-ooop ! », les oies tendent le cou, inquiètes. Quand Akka se met à produire une série de petits cris sonores pareils aux jappements d’un chiot, Thomas sent son sang se glacer. Quelque chose approche. Des chasseurs ! Les oies détalent sur l’eau, bien décidées à s’envoler, poursuivies par Thomas ralentit par son sac, quand…

« Thomas ! Thomas wait.. »

Les appels ravivent son affolement. Il jette un œil derrière lui et croit reconnaître Johansen. Les oies sont déjà haut dans le ciel quand il parvient à décoller. Il n’a pas réfléchi à la trajectoire il a juste mis la gomme. Où sont les oies ? Il tourne la tête dans tous les sens, terrifié à l’idée de les avoir perdues. Ca y est, elles sont là, il crie « Apéapé ». Les oies bifurquent et viennent droit vers lui. Peu après, il se pose sur un nouveau lac, près d’une île en son centre.

L’assaut des chasseurs l’a salement secoué. Il faut qu’il s’organise s’il veut sauver les oies.

« Le test de la grippe aviaire est négatif. Le procureur a signé la fin de la procédure, nous levons la garde à vue. Vous êtes libre. »

La tirade du gendarme est claire et le trio se retrouve debout, arraché à son engourdissement. Bjorn hausse les épaules : « On y va. » Dans la cour, une blonde à dreadlocks accoure vers eux, c’est Diane. « Alors, quelles nouvelles ?

- Pour mon fils toujours rien. Johansen, le mec qui dirige le parc, continue à traquer les oies !

- Ok, donnez moi votre portable »

Christian le lui tend, interloqué.

« Dès que votre fils rallumera son téléphone, vous pourrez le localiser. Vous voyez ? Le dernier contact le situe dans une zone pas très loin de Bergen.

- Vous rigolez ?

- Non, une appli d’un ami. Allez-y, moi je m’occupe de ralentir Johansen. »

Bjorn, Christian et Paola partent en voiture en direction de Bergen. Le téléphone de Paola vibre, un texto de Thomas ! « Ne vous inquiétez pas, tout va bien, je retourne au parc, chez Bjorn. »

Les deux hommes se regardent, Paola interroge : « Quoi ? En France ? Arrêtez de me faire peur, il y a un problème ?

- Thomas va traverser la mer du Nord.

- Non non non.. Non c’est une blague !

- Il peut..Il va y arriver. Ne panique pas. »

Paola éclate en sanglots. Christian n’avouerait pour rien au monde son inquiétude. Si Thomas se déroute de quelques kilomètres de sa trajectoire, il s’abîmera au large. Et là, même en imaginant qu’il parvienne à se poser sur les flots, combien de temps l’ULM tiendra contre l’assaut des vagues de pleine mer ? Une heure ? Moins ?

C'est terrible.... va falloir patienter avant d'être rassuré  

Pendant ce temps-là, Diane a réussi à monter in-extremis dans l’hélico où se trouve Johansen et son équipe de chasseurs. Quand l’appareil est en vol depuis un petit moment, elle simule un malaise. Ca marche, le pilote fait demi-tour.

Thomas survole des bateaux, entourés de filets ronds. Devant lui, il n’y a plus rien de solide, seuls les bleus grisés du ciel et de l’eau colorent l’espace, à perte de vue. Le GPS est-il fiable ? Et s’il ne trouvait pas le Danemark ? Les nuages noircissent, le vent se fait plus dangereux. Thomas angoisse, la jauge d’essence baisse, il sait qu’il ne pourra pas amerrir. Les oies ont du sentir son angoisse, elles se désorganisent, poussent de petits cris, Akka les laisse faire, elle est épuisée.

- Allez Akka, allez !

La voix de Thomas se perd dans le vent, les oies protestent, elles ont peur. Elles ont raison, c’est trop haut, trop nuageux, et beaucoup trop violent pour des juvéniles inexpérimentées.

Passé trois mille pieds, l’air qui portait l’ULM n’est plus qu’une immense trame hachée de trous par lesquels le vent s’engouffre, cogne, secoue l’engin dans tous les sens. Akka lutte à mort pour se maintenir mais elle dérive inexorablement vers la queue de la voilure. Elle lance un cri, puis disparaît.

La pluie se met à tambouriner rageusement sur la voilure, par intermittence, Thomas aperçoit le profil effilé d’une naine à travers le rideau de pluie.

Il n’a plus de repère, et au moment où il est certain que c’est fini, qu’il va chuter et s’abîmer en mer, le calme revient. On dirait que le ciel entier retient sa respiration face au déchaînement de l’orage qui continue plus bas. Les oies ont suivi, elles ont traversé la tempête avec lui. Il voudrait se réjouir mais il parvient juste à réprimer ses larmes. Akka n’est pas là…

Soudain, dans un mouvement erratique, jailli de la masse nuageuse, un volatile  progresse vers eux en zigzag. C’est elle, c’est Akka ! Thomas l’appelle et tend le bras vers elle. Alors, l’oiseau cesse de dériver au hasard et lutte pour le rejoindre. A voir ses efforts, Thomas se dit que son cœur va lâcher. Mais au moment où elle parvient juste au dessus de lui, en tirant sur ses rémiges, il la fait dégringoler sur ses genoux. Il la met à l’abri contre lui sous la cape, seule la petite tête dépasse, les yeux clos d’épuisement.

Alors que Thomas ne sait absolument plus où il est et quelle direction prendre, des bruissements et des caquetages enfle soudain de toute parts. Il fixe sans comprendre l’incroyable scène qui se déroule sous ses yeux. Partout autour d’eux des oies cendrées, des migratrices !  Il n’a plus qu’à les suivre !

P***** j'ai cru que j'allais faire une attaque. Tout va bien maintenant 

Tandis que Bjorn pousse le vieux Combi aux limites de ses capacités sur les routes de Norvège, Christian regarde avec anxiété son portable qui lui indiquera où se trouve Thomas. Et un point rouge apparaît enfin : « Il a traversé !! Il a réussi ! » Euphorique, Christian a levé le poing. Paola répète, absourdie : « Il a traversé… »

A l’approche des côtes danoises, Thomas s’écrie : « On a réussi ! Le Danemark ! » Quittant la troupe des migratrices, il se dirige vers un modeste port de pêche alors que la jauge de carburant atteint un niveau critique. Il se pose sur la mer, bien plus agitée que les eaux calmes d’un lac. Les oies pédalent énergiquement pour ne pas se laisser distancer. Les pêcheurs qui sont là sont frappés de confusion.

Après une discussion difficile en anglais, en français, Thomas réussit à troquer son téléphone portable contre du carburant et de la nourriture, une carte. Avant de laisser son i-phone, il envoie un dernier message : « Echange essence contre mon portable. Injoignable. Suis au top. RV demain au parc, chez Bjorn. »

Thomas prend le chemin d’un marais repéré sur la carte. Demain, il sera en France.

Après s’être relayé toute la nuit au volant du Combi, Bjorn, Christian et Paola sont sur le point d’arriver à destination. Le dernier message de Thomas laisse planer une anxiété palpable.

Quand à midi le Combi arrive à destination, dans les airs se profile le fragile pendulaire, Thomas ! Thomas et les oies sont là ! L’ULM atteint l’étang. Christian est le premier sur la rive. Il note que les oies ont l’air en parfaite santé. Son fils s’approche, titubant. Il comprend que c’est la faiblesse et se précipite vers lui avant qu’il ne chute sur le talus. Thomas s’évanouit, le sourire encore au coin des lèvres.

Vingt heures plus tard, Thomas se réveille. « Je suis où ?

- A l’hôpital. Tout va bien, tu as dormi longtemps.

- Elles sont où les oies ? Comment va Akka ?

- Bien, les oies vont bien. Elles sont au parc.

- Génial ! Alors on les accompagne sur leur terre d’hivernage ? »

Christian bredouille : « Non mon grand, ça s’arrête là.

- Tu me fais marcher là ? C’est quoi ce truc pourri ? Tu les emmènes où alors ?

- Elles n’iront nulle part.

- Genre ?? Elles restent ici ? Et l’année prochaine elles font comment pour retrouver leur chemin ?

- Elles ne migreront pas. On va leur couper les rémiges.

- Tu déconnes ? Non ! C’est à cause de moi c’est ça ?

- Non, ça n’a rien à voir avec toi, c’est la loi. Il est interdit de garder des oiseaux sauvages.

- Mais tu ne peux pas leur faire ça !

- C’est ma faute, j’ai merdé. Elles n’auront pas mal tu sais, c’est mieux que de les garder en cage non ?

- C’est mieux de leur couper les ailes ?!

- Je suis désolé. »

Thomas se tourne vers sa mère : « Tu te rends compte maman ?! Papa va les abandonner, comme nous !

- Ne dis pas ça Thomas, il ne nous a pas abandonnés, on s’est séparé. Je l’ai vu se démener pendant ces trois jours pour te retrouver, il était terrifié à l’idée de te perdre !

- Et les oies alors ? Comment il peut leur couper les ailes ?!

- Mais ça lui crève le cœur ! Ce projet, il en rêvait déjà quand je l’ai connu. Crois-moi, il s’est battu comme un lion jusqu’au bout.

- Laisse moi maman, je veux être seul, s’il te plaît. »

Paola s’en va et dans le couloir, elle bute littéralement sur Diane qui demande comment va Thomas. « Pas terrible, répond Paola.

- Je peux l’interviewer ?

- Mon fils ? Certainement pas !

- Attendez, regardez ça ! »

Diane tend à Paola un journal. Un cliché de l’ULM encadré par les oies surmonte le titre en gras : « L’enfant volant à l’hôpital ! »

« On a eu une double page ! Croyez-moi, votre fils est une vedette. Ca fait un buzz de malade !

- Et… Ca pourrait influencer les choses ?

- Bien sûr !

- Ecoutez, je dois parler à Christian en urgence, mais on peut se retrouver ici, on réfléchira à un plan. Ok ?

- Ok pour moi, je vous attendrai à la cafétéria. »

Paola a surgi à temps pour empêcher Christian de se livrer à regret à l’amputation des rémiges des oies. Il se joue quelque chose d’important dans la discussion. Paola reste indulgente avec Christian pendant que lui s’accuse de tout ce malheur. Quand Christian, convaincu, laisse là sa besogne et va se reposer, Paola se rend compte qu’à aucun moment Julien ne lui a manqué. Paola a envie de rire, de pleurer, à la pensée de sa relation avec Christian qui envahit sa tête et son cœur : « Je l’aime encore »…

Le lendemain matin, Bjorn interpelle Christian : « Ton ex est dans la cour. Euh.. L’ULM n’est plus là. »

Christian sort en trombe et fonce sur Paola : « Ne me dis pas que tu l’as laissé se barrer ?! Et les oies ? Il les a emmenées ?

- Oui. Je vais tout t’expliquer. »

Paola apprend à Christian qu’elle a rencontré Diane à l’hôpital et qu’elles ont décidé de laisser Thomas continuer vers la Camargue avec les oies. L’audimat, le plus grand nombre, les images qui montreront les oiseaux menacés, convaincront le museum de revenir sur sa décision.

Christian est en état de choc.

De mieux en mieux, les oies vont garder leurs ailes et Paola va retourner avec Christian

Mieux que les Feux de l'amour  

Tout ça marche à merveille, les médias s’emparent de l’histoire facilement et Bjorn est même obligé de fermer le parc pris d’assaut par les visiteurs. Grâce à Diane, thomas a obtenu une dérogation lui permettant de piloter. Christian lui, réserve une surprise à Diane. Voler avec lui sur un autre ULM.

« Thomas est au courant ??

- Bien sûr ! Il est ravi.

- Tu parles, moi, ficelée dans ce truc ! »

Tandis que Paola et Christian décollent, Bjorn et Diane prennent le Combi pour suivre par la route.

Bientôt, les deux ULM se rejoignent. L’ultime étape avant la ferme sera la plage de Saint-Roman. Au pied de la dune, les gens ont commencé à affluer très tôt. Le village entier a débarqué avec serviettes et paniers, parasols et sièges en toile. Vers dix heures, on voit apparaître les journalistes bardés de matériel. Peu avant midi, Christian apparaît au bras de Paola, suivi par Bjorn et Diane. Leur arrivée cause de l’effervescence, Christian est pressé de questions par les journalistes.

Peu après, Thomas, à bord de l’ULM, encadré par les oies, survole la multitude de visages levés. Il entend les cris « Bravo Thomas !! » C’est trop dingue. Tout le monde attend qu’il se pose, ce qu’il est supposé faire, mais il remet les gaz, il se posera sur le marais, là où tout a commencé, Christian et Paola s’éclipsent dans la pagaille.

Christian et Paola s'éclipsent dans la pagaille... Ah oui, on se demande bien pour quoi faire 

Il y a 17 heures, Kâli a dit :

Christian et Paola s'éclipsent dans la pagaille... Ah oui, on se demande bien pour quoi faire 

..chercher de nouveaux oeufs d'oies, sûrement 

Ce soir-là, les terres camarguaises sont à l’honneur au journal de 20 heures. Une ombre au tableau : Ménard, qui n’a pas digéré l’épisode de falsification.

« Je doute que ces oiseaux retournent jamais nicher en Arctique. Il s’agit peut être d’un exploit, mais du point de vue scientifique, on se gardera de qualifier l’opération de « greffe migratoire », encore moins de réensauvagement. »

En quelque sorte, ce qu’il dit est vrai, si elles ne retournent pas en Arctique, tout ça n’aura servi à rien. Elles devraient repartir fin mars…

Six mois passent. Les oies repartent. Christian, Paola, Bjorn et Thomas sont eux aussi partis, sur les bords du lac … Comment c’est le nom du lac déjà ?

Le nom du lac c'est... "cherche" ah oui c'est... euh non c'est pas ça.... "c'était un nom à coucher dehors et à mourir de froid, tout seul comme une oie"  je sais plus   

il y a 22 minutes, Petit pois a dit :

..chercher de nouveaux oeufs d'oies, sûrement 

On va dire ça  

Guolasjavri !!