Une légende

L’annonce du dépôt de candidature de la star avait électrisé les journalistes du monde entier. L’engouement atteignit son point de saturation le soir de l’élection : deux mille journalistes se rassemblèrent pour rapporter les résultats. Clint l’emporta et il fut félicité par le président au téléphone, en disant qu’il était envieux de ses 72%.

Sept jours plus tard le nouveau maire prêta serment et fut acclamé de bout en bout pendant son discours. Avant Clint Eastwood, personne n’avait déboursé plus de quelques centaines de dollars pour une campagne électorale à Carmel. Clint lui, avait déboursé 40 000 dollars. Le poste était rémunéré 200 dollars pas mois, alors pour que ce soit rentable, il aurait fallu que Clint reste à l’hôtel de ville environ 20 ans…

En raison de la campagne, Clint fit peu d’apparitions sur le tournage de Ratboy, où Sondra Locke, réalisatrice en herbe, était tendue et sous pression. Elle apprit que Manes l’avait calomniée dans son dos et en resta bouche bée. Ils réglèrent le malentendu tous les deux mais Manes se détacha de Locke à partir de ce moment-là. Tout à coup, Sondra Locke semblait être tombée en disgrâce. Ca pouvait devenir contagieux.

Mais Manes devint lui aussi de plus en plus vulnérable, chacun ayant plus ou moins eut des mots avec lui, beaucoup en profitèrent pour le laisser s’enfoncer et murmurer à l’oreille de Clint de méchantes choses sur le producteur.

Comme si tout ça ne suffisait pas, ce fut vers cette époque que Clint commença à recevoir à Malpaso une série d’étranges lettres anonymes, envoyées de diverses villes de Californie. Les menaces, rédigées dans un langage cru, traitaient souvent de Sondra Locke. « Débarrasse-toi de cette salope ! » Ce genre de choses.

Clint avait déjà reçu des menaces de mort. Mais ces nouvelles lettres étaient particulièrement odieuses et semblaient avoir été écrites par quelqu’un de bien informé sur la vie de Clint et le fonctionnement interne de Malpaso. Il appela l’un de ses amis, détective institutionnel à Los Angeles.

Le problème était que la liste des ennemis potentiels de Clint était longue comme le bras et qu’aucun indice réel ne permettrait de désigner le coupable. A Malpaso, les employés se dénonçaient les uns les autres. Quand tout allait bien, Malpaso était une entreprise où régnait une certaine paranoïa. Mais avec ces lettres odieuses, l’atmosphère de méfiance et de suspicion ne fit que s’épaissir.

vraiment charmant comme condition de vie et de mentalité !!!!!

j'espére que c'est plus zen pour d'autres comédiens , équipes de tournages etc !!

« Le Maître de Guerre » était arrivé à Malpaso via la Warner en 1984, quand Clint avait dit qu’il aimerait faire un nouveau film de guerre. Le scénario original avait été écrit par James Carabatsos, un vétéran du Vietnam. Clint Eastwood pensait qu’il n’avait jamais eu de rôle aussi profond, il décrit le personnage de Highway comme « un vrai dur à cuire, mais un homme qui est également à la recherche des aspects sensibles de son âme ».

Clint et Manes avait passé du temps à courtiser l’Armée pour obtenir l’accord d’accéder à de véritables bases militaires. Ils visitèrent le pentagone et des bases aériennes et discutèrent le bout de gras. Jamais Clint n’aurait pensé essuyer un refus.  C’est pourquoi il devint fou de rage quand il apprit que l’Armée avait catégoriquement rejeté « Le Maître de Guerre » en arguant que Highway n’était qu’un stéréotype désuet.

Manes trouva une idée pour sauver la production, il approcha le Marine Corps, plus « libéral » que l’Armée. Le lieutenant-colonel Fred Peck, personne chargée de la com avec l’industrie du cinéma, marine « à vie », jeta un coup d’œil au script et déclara qu’il n’y avait aucun problème pour que Le Maître de Guerre soit resitué dans le contexte des marines.

La seule contradiction du film était l’âge de Clint. Il était improbable qu’un homme de son âge, vétéran de la guerre de Corée, soit encore dans les marines et se voit confier le commandement d’une unité de reconnaissance. Tant pis, c’est du cinéma !

Tous les préparatifs étaient en cours, le casting bouclé, les postes attribués quand tous, ils furent coupés dans leur élan : le département de la défense s’opposa au projet au projet.

Le 02/04/2019 à 20:25, January a dit :

Clint Eastwood était particulièrement doué pour l’équitation, avait peu de talent pour le chant mais une voix agréable, et s’intéressait aux cours de danse (ballet), qui pouvaient dans une scène de combat armé par exemple, aider à améliorer l’équilibre et l’apparence. Il accepta de jouer le rôle d’un épouvantail et d’exécuter quelques pas de danse à l’occasion du spectacle de Noël de Universal.

Plus encore que le chant ou la danse, la diction était sans doute la principale difficulté de Clint. Il parlait toujours dans un murmure presque sibilant et manifestait en même temps un léger bégaiement nerveux. Ce problème de voix allait faire partie des faiblesses que Clint, avec le temps, se montrerait apte à transformer en force.

Les attachés de presse apprenaient aux étudiants comment gérer les interviews, la publicité faisait partie de la profession. Vendre son image et sa personnalité est une des déceptions qu’il faut accepter quand on veut devenir comédien. Clint avait un don pour la publicité : il était photogénique et toujours à l’aise. Grâce à sa beauté, son physique et son amabilité, les liens se créaient instantanément avec la presse.

Tantôt on disait qu’il faisait penser à Gary Cooper, tantôt à James Dean. James Dean, que Clint Eastwood rencontra d’ailleurs, chez Lili Kardell…

James Dean était vautré sur le canapé et quand Lili fit les présentations, il ne se leva pas mais courba le dos et tendit mollement la main vers le haut pour dire bonjour. Clint, étonné, saisit la main de Dean et tira d’un coup sec pour le faire lever « Bon sang lève-toi quand je te parle. » Cette réplique fut suivie de l’un de ces lents sourires que Clint esquissait quand il plaisantait.

 

   Là, je suis époustouflé.

 Ne pas répondre, tant d'érudition joyeuse.   Si tu veux une garantie, achète un réveil.

il y a 7 minutes, Slkpax a dit :

   Là, je suis époustouflé.

 Ne pas répondre, tant d'érudition joyeuse.   Si tu veux une garantie, achète ;n réveil.

 Je veux simplement ajouter  que bon, Clint, réac quand même, mais GEANT .

Bob Simms, assistant du secrétaire à la défense, avait détesté la vulgarité du script et avait trouvé des invraisemblances. Clint était furieux, il avait fait changer toute l’histoire pour la resituer dans le contexte des marines et le script était de nouveau rejeté pour la Défense. Peck prit le parti de Clint, une réunion de crise dut être organisée. La star était indignée, mais promit de travailler sur les points soulevés par le département de la Défense et de modifier les choses, autant que possible.

Le tournage put commencer dans les temps. Peck dirait plus tard : « Il faut 20 ans pour créer des liens d’amitié avec Clint, et vingt secondes pour les détruire. Tout le monde à Hollywood l’appelle « Clint ». Mais quand il s’agit de lui, ils marchent tous sur des œufs et ils se demandent : « Qu’est ce qu’il veut ? Qu’est ce qu’il veut vraiment ? » Et ils ont peur de lui demander. Et surtout, ils ont peur de lui dire non. »

Clint eut des problèmes avec différents membres du Marine Corps et de l’Armée pendant le tournage. Il se raconte qu’il aurait carrément appelé le président, Ronald Reagan, pour faire cesser les gêneurs.

Autre chose se jouait. Clint avait été dans l’Armée, on s’en souvient. Manes lui, avait servi dans les marines. Et les deux hommes entrèrent en compétition, bêtement. Clint ne remercia jamais Manes de lui avoir sauvé la mise avec l’idée des marines, mais pire, finit par lui dire qu’il lui faisait honte, vu son comportement en compagnie d'autres marines sur le tournage.

Toute cette hostilité conduisit la Warner à repousser la sortie du Maître de Guerre à Noël 1986.

Manes amena le film à Washington où il fut visionné par le département de la Défense. Bob Simms qualifia le film de pornographie blasphématoire. Tout ce qui se produisait à Grenade fut jugé imprécis ou inexact. Simms déclara que le Marine Corps devait rédiger un communiqué de presse pour rejeter Le Maître de Guerre et se désolidariser totalement du film.

Peck estima que le département de la Défense avait surréagi. Quand on lui demanda plus tard : « Alors, il est comment Clint ? » Il répondrait : « C’est un personnage étrange. Il ressemble probablement plus à l’inspecteur Harry qu’il ne le pense lui-même. Il peut avoir un flingue dans sa boîte à gants et écraser la pédale de frein pour ne pas rouler sur un écureuil qui traverse la route. C’est un homme très intéressant qui se comporte parfois comme un gosse pourri gâté de 59 ans. »

Le Maître de Guerre fut lancé dans 1470 cinémas et finit par rapporter beaucoup d’argent. La Warner, optimiste, organisa une immense campagne en vue de faire obtenir à Clint une nomination à l’Oscar du meilleur acteur. Mais ce fut insuffisant : dans l’ensemble, Le Maître de Guerre avançait péniblement jusqu’à la fin de ses longues 130 minutes, avec peu « d’ombres » dans le personnage de Clint, ni où que ce soit d’ailleurs.

L’expérience dans son ensemble devint un sujet sensible pour Clint.

j'ai trouvé que c'était un bon film , pour la psychologie , faut pas réver !!!!!

mais la psychologie des véritables militaires , n'est pas meilleur !!!!!!!!!

Plus tôt dans l’année Ratboy était sorti dans un petit nombre de cinémas. Les amis communs de Sondra et Clint conseillèrent à ce dernier de laisser son nom hors du film. Que se passerait-il si le film faisait un flop ? Ou un carton ?  Il laissa donc apparaître uniquement Malpaso.

Le film eut du succès et les critiques de Sondra Locke, réalisatrice en herbe, furent élogieuses.

Pendant ce temps-là, Manes allait faire les frais de son « opposition » à Clint pour Le Maître de Guerre. Clint recueillait l’opinion de tous les gens qui l’entouraient. Et tous étaient ravis de l’aider, ils lui disaient ce qu’il voulait entendre et beaucoup avaient des couteaux à planter dans le dos de Manes. On lui reprochait d’abuser de son pouvoir, de jeter l’argent de la société par les fenêtres, etc.

Aucune nouvelle production ne semblait pointer le nez à Malpaso. Clint faisait comprendre à Manes qu’il allait se passer un peu de temps avant un nouveau film. La tension augmenta jour après jour, jusqu’à ce qu’ils finissent par se hurler à la figure tout ce qu’ils se reprochaient l’un l’autre. Manes fut « remercié » dans de très mauvaises conditions et la guerre dura encore bien après qu’il soit parti.

Manes dut repartir à zéro. Il dut se battre contre l’impression générale qui régnait à Hollywood : c’était Clint lui-même qui produisait ses films et Manes n’était que le sous-fifre de ce grand personnage. Le producteur dut lutter contre le mépris avec lequel on le regardait.

« Clint détruit toutes les personnes qui quittent la société, dit-il. Mais il  est impossible de le prendre sur le fait. »

Depuis 1986, Manes essaie de produire ses propres films. Depuis 1986…

Les ombres de Clint

Durant l’année 1987 Clint s’éloigna du cinéma. Il était maire et trouvait l’expérience enrichissante. Il sauva le Mission Ranch, il accéléra la construction de toilettes publiques, d’un nouvel escalier qui menait à la plage, le défrichement le long des falaises et il engagea le projet de construction d’une annexe à la bibliothèque municipale.

Mais certaines personnes commencèrent à se plaindre. Lorsqu’on n’était pas d’accord avec Clint, il devenait arrogant et grossier. Et derrière les changements rapides se cachaient des décisions que beaucoup d’habitants considéraient comme favorables aux promoteurs immobiliers, et des actions qui à long terme risquaient de changer définitivement le caractère de Carmel. Avec Eastwood, le « business » était devenu la priorité numéro un.

Le Los Angeles Times mit en évidence des conflits d’intérêts…

Le nombre de touristes augmentaient, le pape lui-même vint serrer la main de Clint Eastwood à Carmel, et le roi Juan Carlos 1er d’Espagne aussi. Les ventes de souvenirs à l’effigie du maire augmentaient.

Clint avait sans doute besoin de s’éloigner un peu de Hollywood. Sondra Locke ne venait pas souvent à Carmel mais quand elle le faisait, c’était pour constater les traces de l’infidélité de son compagnon. Pourtant, devant les dénégations de Clint, elle finit par le croire. Parce-qu’elle voulait croire Clint.

Les journalistes ne cessaient de s’extasier sur le charme et la simplicité du maire de Carmel. Aucun d’entre eux ne releva le fait qu’un deuxième enfant lui était né de Jacelyn Reeves.

Le scénario de Bird avait déjà une longue histoire lorsqu’il se retrouva dans les mains de Clint. A Hollywood depuis plus d’un an  on parlait beaucoup du script sur la vie de Charlie Parker, mais le scénariste n’y croyait plus. Qui pourrait avoir le cran de s’attaquer à un sujet aussi sérieux et aussi triste ? Clint Eastwood ? Il n’y eut aucune annonce officielle ni publicité. Au casting, Forest Whitaker, Diane Verona et Michael Zelniker.

Clint se montra bien plus consciencieux sur ce tournage, il se mit à faire sept, huit, neuf prises et parfois plus, jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il voulait.

Et le film partit pour le 41ème festival de Cannes. Cette fois-ci, Clint séjourna dans un hôtel et se mêla aux journalistes et au public. Il espérait vraiment que Bird reçoive la consécration de Cannes. Mais il fut déçu une fois encore. Forest Whitaker l’emporta, et à partir de là il était inconcevable que le jury donne deux récompenses majeures à un même film.

Bird fut un véritable succès, même s’il ne rapporta pas d’argent. Tous les amoureux du jazz se prirent d’affection pour Clint, de même que la National Association for the Advencement of Colored People qui décerna à Clint un prix spécial, pour le récompenser de ses efforts à attribuer des rôles positifs aux Afro-Américains.

Il resta néanmoins des sceptiques qui remarquèrent la mise en valeur de Clint, la publicité que cela faisait au film, les rôles parfois stéréotypés que Clint attribuait aux noirs dans ses films (criminels et terroristes) ou le manque chronique de personnel afro-américain chez Malpaso.

En février 1988, Clint annonça qu’il ne se représenterait pas aux élections municipales. Après le passage de l’acteur, la ville resterait pour toujours « Clintville ».

Du côté de Malpaso, Clint s’apprêtait à tourner ce qui serait le dernier volet des « Inspecteur Harry ». Le script avait été imaginé par les « médecins » Pearson et Shaw.

Il est devenu quasiment automatique de mentionner la présence de Jim Carrey pour illustrer le talent de Clint pour trouver de géniaux petits nouveaux. Pourtant il suffit de regarder (et attentivement, c’est un tout petit rôle) Jim Carrey en chanteur de rock adorateur du diable pour comprendre que personne derrière les caméras n’avait la moindre idée de son véritable potentiel.

Sondra Locke ne parvenant plus à gérer les comportements excessifs de Clint, s’en ouvrit à Jane Brolin. Brolin se montra compréhensive. Clint passait par des « phases cycliques de dépression ».

Il y eut plus d’un incident violent qui fut caché au public. Clint défonçant un portail au volant de son camion parce-que le portier n’ouvre pas assez vite, Clint qui ouvre violemment la capote d’un véhicule garé sur sa place de parking, puis se met à arracher le tableau de bord, Clint qui pousse avec sa voiture celle qui est garée « à sa place », beaucoup d’accès de fureur  ne furent jamais révélés au public.

La Dernière Cible rapporta près de 60 millions de dollars. Bird n’en avait rapporté que 11. Et à la Warner, on commençait à murmurer que Clint était sur le déclin.

La façon dont Clint Eastwood traita Sondra Locke est abominable. Il arriva pire à Sondra qu’à Maggie. Bien sûr la star s’affichait en compagnie de nombreuses autres conquêtes, même, il arrivait qu’il soit en compagnie de Sondra et d’une maîtresse, dont elle était l’amie… Lorsque le torchon finit par brûler, Clint rappela à Sondra qu’elle vivait dans une maison qui lui appartenait. Sondra fut choquée, elle était sous pression, en plein tournage de Double Jeu et elle se dit immédiatement que Clint avait fait exprès de lui rappeler ce fait à ce moment-là.

Clint lui demanda de quitter les lieux, elle refusa. Il vida lui-même la maison avec un subalterne de Malpaso et changea les serrures. Les camions partirent chez Gordon Anderson. Lorsque Anderson avisa Sondra Locke de ce qu’il se passait, celle-ci tomba dans les pommes sur le plateau de tournage, devant tous les acteurs et les techniciens.

Le lendemain, tous les tabloïds ne parlaient que de ça, de la sensationnelle rupture de Clint et de Sondra Locke…

Pink Cadillac sortit dans les salles le 26 mai. « Médiocre », jugea Variety. « Un film rasoir de 122 minutes », ajouta Newhouse News Service. Bien qu’il eut été lancé par la Warner dans 2000 cinémas, le film, écrasé par le poids de critiques très négatives, quitta rapidement l’affiche et fut l’un de ceux qui rapporta le moins d’argent à Malpaso au cours des années 80.

Chasseur Blanc, Cœur Noir était en pré-production, mais avant de partir pour l’Afrique, Clint avait des problèmes urgents à régler. Sondra Locke menaçait avec son avocat Norman Oberstein de porter l’affaire de son humiliation publique devant les tribunaux. Elle demandait 1,3 millions de dollars et les deux maisons, la sienne et celle de Gordon Anderson. Clint refusa. Alors elle demanda 70 millions de dollars.

La procédure judiciaire fut lancée pour « demande de soutien financier, rupture de contrat, détresse émotionnelle, violation de domicile, possession illégitime d’objets d’autrui et autres réclamations ».

Mais est-ce qu’une femme qui est légalement mariée à un homme peut demander des dédommagements après une séparation d’avec un autre ?