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Le Gendarme Gris


Blaquière

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Membre, 77ans Posté(e)
Blaquière Membre 19 162 messages
Maitre des forums‚ 77ans‚
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Le Gendarme Gris

 

Mi-loup mi-chat parmi les chiens, le Gendarme Gris s’habillait de gris pour être difficilement discernable. Il se postait par temps de nuit en plein virage, au beau milieu de la route grise. Son but, louable s’il en fut, était de démontrer au péril de son corps à tous les automobilistes (quels qu’ils fussent ni autres), qu’ils n’étaient jamais parfaitement et en toute occasion, maîtres absolus de leur véhicule... et donc, de les inciter à la prudence.

Mais le brave gendarme se faisait écraser souvent...

Du fond de son coma, allongé gris, comme un caméléon sur goudron gris aussi, il murmurait alors sa satis-fac-ti-on :

Je vous le dis toujours, il faut rouler plus lentement et rester maître ABSOLU de son véhicule !

Puis, il replongeait dans son coma avec la satisfaction du devoir accompli.

Après quelques jours, quelques semaines, voire dans le pire des cas quelques mois d’hôpital, il reprenait vêtu de gris, son poste dans le même virage gris sans visibilité.

Le Gendarme Gris était un saint gendarme.

Or, Je Humble, qui depuis le port tranquille (ou coranique), avait pris quasiment une vie de retard, dévalait à Solex, la pente de la Calade. Tressautant sur chaque arrête de chaque marches et pédalant à perdre haleine à cause de ce maudit moteur qui ne voulait pas démarrer... Lorsqu’en bas de la pente, un toussotement pistonique lui ayant redonné bon espoir, voilà qu’il redoublait de pédalage...

Et c’est dans cet effort, arc-bouté sur son guidon, qu’il aborda le virage du Gendarme Gris...

Lequel il percuta de plein fouet.

Pensez s’il en fut sot ! penaud ! catastrophé ! d’autant que le guidon, par le choc déboîté, restait fiché incrustamment au poitrail du gendarme ! Comme les pinces d’un homard...

Mais ne nous abusons point outrement de suspense et rassurons-nous vite : qu’est-ce donc qu’un Solex pour qui est coutumier de prendre en son thorax, d’aucuns semi-remorques ?

Passons : le gendarme allait bien.

Détendu, souriant, bref, il se releva, arracha le guidon de son plexus solaire et le rajusta vite, attentionellement sur le bicycle à Je... qui titubait encore du choc, suite à la collusion. Mais titubage, au fait ! qui parut louche au fin regard professionnel du gendarme gris : il fit souffler Je Humble dans le ballon !

Le test fut négatif, s’excusa le gendarme :

— Il y a, vous savez, tellement d’accidents d’inconscients sur les routes aujourd’hui !...

Sourdant de part et d’autre de son képi carré, deux touffes volumineuses de cheveux blancs, frisés, auréolaient par en dessous, à contre jour du soleil mourant, son bon visage de gendarme gris...

Je lui fit ses adieux :

Adieu ! adieu ! Gendarme Gris !

 

La nuit était tombée.

Derrière le moulin dans le grand pré humide, le long du ruisseau de Saint Jean, s’ébattaient les grenouilles perverses.

Je dépassa la Gare et s’engagea, solitaire, sur la petite route qui traversait la plaine éteinte. Le Solex pétaradait ferme.

« Tant qu’il y aurait des gendarmes gris, le monde ne serait pas une jungle, pensa Je Humble, la vie vaudra d’être vécue ! »

 

C’est dire combien allait lui paraître absurde le suicide de X...

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Membre, Posté(e)
le merle Membre 21 605 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)
Il y a 4 heures, Blaquière a dit :

Le Gendarme Gris

 

Mi-loup mi-chat parmi les chiens, le Gendarme Gris s’habillait de gris pour être difficilement discernable. Il se postait par temps de nuit en plein virage, au beau milieu de la route grise. Son but, louable s’il en fut, était de démontrer au péril de son corps à tous les automobilistes (quels qu’ils fussent ni autres), qu’ils n’étaient jamais parfaitement et en toute occasion, maîtres absolus de leur véhicule... et donc, de les inciter à la prudence.

Mais le brave gendarme se faisait écraser souvent...

Du fond de son coma, allongé gris, comme un caméléon sur goudron gris aussi, il murmurait alors sa satis-fac-ti-on :

Je vous le dis toujours, il faut rouler plus lentement et rester maître ABSOLU de son véhicule !

Puis, il replongeait dans son coma avec la satisfaction du devoir accompli.

Après quelques jours, quelques semaines, voire dans le pire des cas quelques mois d’hôpital, il reprenait vêtu de gris, son poste dans le même virage gris sans visibilité.

Le Gendarme Gris était un saint gendarme.

Or, Je Humble, qui depuis le port tranquille (ou coranique), avait pris quasiment une vie de retard, dévalait à Solex, la pente de la Calade. Tressautant sur chaque arrête de chaque marches et pédalant à perdre haleine à cause de ce maudit moteur qui ne voulait pas démarrer... Lorsqu’en bas de la pente, un toussotement pistonique lui ayant redonné bon espoir, voilà qu’il redoublait de pédalage...

Et c’est dans cet effort, arc-bouté sur son guidon, qu’il aborda le virage du Gendarme Gris...

Lequel il percuta de plein fouet.

Pensez s’il en fut sot ! penaud ! catastrophé ! d’autant que le guidon, par le choc déboîté, restait fiché incrustamment au poitrail du gendarme ! Comme les pinces d’un homard...

Mais ne nous abusons point outrement de suspense et rassurons-nous vite : qu’est-ce donc qu’un Solex pour qui est coutumier de prendre en son thorax, d’aucuns semi-remorques ?

Passons : le gendarme allait bien.

Détendu, souriant, bref, il se releva, arracha le guidon de son plexus solaire et le rajusta vite, attentionellement sur le bicycle à Je... qui titubait encore du choc, suite à la collusion. Mais titubage, au fait ! qui parut louche au fin regard professionnel du gendarme gris : il fit souffler Je Humble dans le ballon !

Le test fut négatif, s’excusa le gendarme :

— Il y a, vous savez, tellement d’accidents d’inconscients sur les routes aujourd’hui !...

Sourdant de part et d’autre de son képi carré, deux touffes volumineuses de cheveux blancs, frisés, auréolaient par en dessous, à contre jour du soleil mourant, son bon visage de gendarme gris...

Je lui fit ses adieux :

Adieu ! adieu ! Gendarme Gris !

 

La nuit était tombée.

Derrière le moulin dans le grand pré humide, le long du ruisseau de Saint Jean, s’ébattaient les grenouilles perverses.

Je dépassa la Gare et s’engagea, solitaire, sur la petite route qui traversait la plaine éteinte. Le Solex pétaradait ferme.

« Tant qu’il y aurait des gendarmes gris, le monde ne serait pas une jungle, pensa Je Humble, la vie vaudra d’être vécue ! »

 

C’est dire combien allait lui paraître absurde le suicide de X...

 

bonsoir

il est vrai que la nuit , tout les chats sont gris , mais les chiens ? lol . que les grenouilles soit perverse c'est vrai aussi car à l'époque des amours c'est carrément une partie à plusieurs lol .

ce pauvre gendarme , habillé en gris , cherchait peut-être à se suicider car , ces collègues de la police de la route avaient des moto et lui un solex ? pas facile de poursuivre une ferrari lol .:D

bonne soirée

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