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Les morts-vivants de la dette et le méga krach à venir


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La dynamique de la dette privée joue un rôle central dans le déclenchement des crises économiques majeures, le crédit agissant comme un «zombificateur» de certaines économies. La situation actuelle laisse craindre un krach au cours des douze à trente-six mois à venir.

 

Le capitalisme est un système instable, avec une tendance naturelle aux cycles et aux crises. C’est le message central de l’économiste américain Hyman Minsky (1919-1996), souvent acclamé par les banquiers centraux et la presse depuis 2008 pour son analyse lucide des causes des crises et cycles. De fait, avec la financiarisation de l’économie au cours des trois dernières décennies, les crises violentes d’origine financière se sont multipliées et leur fréquence ne fait que s’accélérer.

Dès 1969, Minsky considérait que la force majeure du système capitaliste est aussi sa principale faiblesse : il encourage la prise de risque, qui permet l’innovation et la croissance. Ces dernières contribuent à accroître l’incertitude fondamentale : tous les projets économiques étant nouveaux, les entrepreneurs doivent prendre leurs décisions sans pouvoir affecter de probabilités aux événements futurs. Ainsi, ils ne peuvent que supposer que les tendances actuelles se poursuivront. Hyman Minsky soutient que ceci engendre des comportements d’investissement moutonniers : les agents ont tendance à agir conformément aux croyances du «reste du monde, qui est peut-être mieux informé». Tout cela a amené Minsky (1986) à formuler le «paradoxe de la tranquillité» : c’est durant les périodes de croissance, lorsque le souvenir des récessions passées s’estompe, que les capitalistes deviennent trop optimistes et investissent trop. Cette instabilité à la hausse conduit à des fluctuations cycliques récurrentes. Les dépressions majeures se produisent à cause de l’accumulation des dettes privées. La partie de l’investissement désiré supérieure à l’épargne privée étant nécessairement financée par l’emprunt bancaire, le crédit contribue à la création monétaire et à la demande globale. Pendant les périodes d’optimisme, les entreprises utilisent davantage l’endettement pour augmenter leur capacité d’investissement : c’est l’effet de levier. Cela contribue à la prospérité de l’économie, mais c’est là que la crise commence à couver.

Les banques partagent cet optimisme et commencent donc à accepter des structures d’endettement qu’elles n’auraient pas acceptées auparavant. De nombreuses entreprises s’endettent alors plus pour profiter de l’effet de levier accru et financer des projets nettement plus incertains en termes de rentabilité future. Et ce jusqu’au jour où beaucoup d’entre elles se retrouvent dans l’impossibilité de rembourser leurs dettes et font faillite. L’expansion fait aussi grimper le taux d’intérêt sur le marché monétaire, réduisant ainsi la viabilité des investissements. Hyman Minsky s’attendait aussi à ce que les participants au marché boursier vendent des titres en réaction à des évaluations d’actifs perçues comme excessives, déclenchant ainsi l’effondrement du marché.

A ces facteurs, il faut ajouter la dynamique de la répartition des revenus (omise par Minsky). Pendant les périodes d’expansion, le chômage baisse et la production de matières premières et d’énergie augmente, exerçant une pression à la hausse sur les prix des facteurs de production. Ces hausses, combinées au service de la dette, font qu’à un certain stade les profits ne sont plus conformes aux attentes. L’investissement chute et l’expansion devient contraction. Les taux d’intérêt réels (qui correspondent au taux bancaire moins le taux d’inflation) peuvent alors augmenter, même si les taux nominaux baissent ; la demande globale chute, entraînant une stagnation des salaires et une diminution des coûts des matières premières ; et une partie de la dette accumulée pendant la phase d’expansion est remboursée ou fait l’objet d’un défaut.

Le taux de profit revient alors à son niveau d’avant l’expansion et le même processus peut se répéter, mais ce cycle redémarre avec un résidu de dette privée impayée et une part des salaires plus faible. Un autre cycle s’amorce donc, et ainsi de suite, jusqu’au jour où les créances financières sur l’économie dépassent les dépenses. Le crédit, qui était positif et stimulait la demande, devient alors négatif : c’est ce qu’on appelle aujourd’hui un «moment Minsky». Une crise majeure s’ensuit.

La dynamique de la dette privée est donc la cause majeure des expansions et des récessions. C’est la raison pour laquelle la plupart des économistes mainstream, qui négligent le rôle joué par la dette privée, n’ont pu prédire la crise de 2008. Et pourquoi ils n’anticiperont pas plus la suivante.

Une fois qu’une économie atteint un niveau élevé d’endettement privé par rapport au PIB et que ce ratio croît plus vite que le PIB, même une stabilisation de ce ratio peut provoquer une grave récession. Le crédit est un «zombificateur» en série des économies : il les transforme en morts-vivants de la dette. Ces zombies ont trois caractéristiques principales : a) des niveaux de dette privée avant crise supérieurs à 150 % du PIB ; b) avant la crise, des niveaux élevés de demande alimentée par le crédit ; et c) un taux d’endettement encore élevé après la crise, mais une demande fondée sur le crédit faible ou négative.

Les économies déjà zombifiées (Japon, Danemark, Irlande, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Portugal, Espagne, Etats-Unis, Royaume-Uni) ne présentent aucun danger. Ce sont celles sur le point d’être zombifiées que nous devrions craindre. La croissance y est encore soutenue par le crédit et la dette privée y progresse plus vite que le PIB nominal. Il s’agit de l’Irlande (encore !), Hongkong et la Chine, l’Australie, la Belgique, le Canada, la Corée du Sud, la Norvège et la Suède. Les pays limites, c’est-à-dire ceux présentant l’une des deux caractéristiques, sont les Pays-Bas, la Suisse, la Finlande, la France, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande. Tous les zombies de la dette en devenir sont confrontés à un atroce dilemme : la seule façon d’éviter une chute de la demande globale et une récession en comptant uniquement sur le secteur privé est de laisser la dette privée continuer de croître plus vite que le PIB. Mais à un moment ou à un autre, le coût total du service de la dette dépassera le revenu disponible pour en assurer le paiement, ce qui entraînera un effondrement majeur.

Selon nous, la prochaine crise ne viendra ni des Etats-Unis ni de Chine. Aux Etats-Unis, le niveau de la dette privée est encore de 150 % du PIB. Mais le crédit, à 6 % du PIB, est faible par rapport aux niveaux d’avant la crise. On peut donc s’attendre à des périodes de stagnation récurrentes, à la japonaise après 1990. En Chine, en 2010, le gouvernement a ordonné aux banques de prêter massivement aux promoteurs immobiliers locaux, ce qui a engendré la plus grosse bulle de crédit de l’histoire. Elle ne peut qu’éclater, car l’endettement, qui représente plus de 200 % du PIB, est devenu insoutenable. Mais dans cette économie dirigée, le gouvernement sera en mesure d’intervenir et de dépenser.

Pouvons-nous prédire quand la prochaine crise majeure surviendra ? Pas vraiment, car les économies sont des systèmes complexes où, comme en météorologie, il est impossible de prévoir l’évolution très en amont. Néanmoins, étant donné le nombre élevé de zombies de la dette en l’état ou en devenir et l’aveuglement des gouvernements et de leurs conseillers économiques mainstream, l’inévitable krach qui se profile est susceptible de se produire au cours des douze à trente-six mois à venir. Il ne fait aucun doute que nous sommes dans une impasse au bout de laquelle se trouve un mur et qu’avec leurs politiques d’austérité, et leur libéralisation de produits financiers dangereux, la plupart des gouvernements s’obstinent à appuyer sur l’accélérateur.

Nous pourrions pourtant éviter la catastrophe. Une solution serait de mettre en place un «jubilé moderne de la dette», consistant à injecter directement de la monnaie créée par la Banque centrale sur les comptes bancaires des entreprises et des ménages et à exiger que ces injections soient utilisées prioritairement pour rembourser les dettes. Nous devrions aussi procéder à des réformes plus radicales du système financier afin d’éviter que les prêts bancaires ne provoquent des bulles d’actifs et de faire en sorte qu’il soit plus rentable pour les banques de se concentrer sur le prêt aux entrepreneurs. Cela implique d’imposer une séparation des banques d’investissement des banques de dépôt, similaire à la loi bancaire française de 1945.

Enfin, l’Etat devrait intervenir dans l’économie en augmentant les dépenses publiques ou en baissant les impôts payés par les classes pauvres et moyennes. Hélas ! Hormis leur idéologie néolibérale, les gouvernements européens doivent faire face à de multiples entraves enchâssées dans les traités, tels que le Semestre européen ou le Pacte budgétaire, qui les contraignent à rechercher l’équilibre budgétaire et donc à baisser les dépenses et augmenter les impôts de manière procyclique. Ceci est absurde, car pour éviter les fluctuations violentes, le déficit budgétaire devrait au contraire être contracyclique. Malheureusement, toutes ces solutions nécessiteraient des changements draconiens de politiques, fort improbables avant le prochain krach. Il reste à espérer que la prochaine catastrophe économique ramènera les décideurs européens à plus de pragmatisme.

Steve Keen est l'auteur de : Pouvons-nous éviter une autre crise financière ? éditions Les liens qui libèrent (LLL), 2017. 

Steve Keen professeur d’économie à la Kingston University, , Dany Lang enseignant-chercheur à Paris-XIII et économiste atterré

 

http://www.liberation.fr/debats/2018/05/20/les-morts-vivants-de-la-dette-et-le-mega-krach-a-venir_1651464

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Invité Ink 82
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Bonjour, seules les politiques publiques peuvent prévenir les crises, comme le démontrait Rober Boyer en 2005 dans ses études sur les mécanismes des crises financières.

Heureusement pour nous que l'Etat est bien plus fort face aux banques et à la spéculation en 2018...

 

Oh wait...

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Le krach financier et son spectre

 

Le vendredi 16 juin 2017, le quotidien économique Les Echos titrait «La prochaine crise financière, inévitable et imprévisible». Le tangage récent à Wall Street et sur les bourses mondiales a laissé penser à certains que «cela» arrivait. Parti des États-Unis, le recul s’est propagé avec rapidité sur les bourses européennes et asiatiques. Près de 7500 milliards de dollars de capitalisation boursière se sont envolés en une semaine. La situation est encore potentiellement instable, mais il semble qu’un vrai krach ne soit pas encore à l’ordre du jour. Ces événements sont toutefois le signe de l’incertitude qui ronge le capitalisme mondial, malgré la reprise limitée de la croissance aux États-Unis et en Europe.

 

Au-delà des soubresauts du marché boursier pèse en effet la perpétuation d’un phénomène qui ne cadre pas avec la débauche d’investissements dans les nouvelles technologies: la faiblesse des gains de productivité. Cette dernière, mise en exergue dès 1987 par Robert Solow («on voit des ordinateurs partout, sauf dans les indicateurs de productivité»), provoque bien des interrogations, mais est incontestable. Elle est un signe du manque d’efficacité du capital. Manque d’efficacité veut dire risque sur la rentabilité du capital investi [1]. D’où l’offensive continue contre les salaires et pour intensifier le travail qui limite les débouchés mais a permis le redressement limité du taux de profit ces dernières années, celui-ci étant aussi soutenu par les cadeaux fiscaux. D’où enfin, l’appétence pour toutes les formes de spéculation [2].

Le recul de la bourse états-unienne s’est enclenché après la publication, vendredi 2 février, de statistiques sur les salaires états-uniens, qui montrent une augmentation de 2,9% sur un an, le rythme le plus rapide depuis 2009. Ces hausses de salaire menacent de venir grignoter les profits des sociétés cotées en bourse et pourraient entraîner des augmentations de prix. Or quand les prix augmentent, la Réserve fédérale (banque centrale) états-unienne remonte, traditionnellement, ses taux d’intérêt: une telle hausse était programmée, mais la crainte s’est répandue qu’elle soit plus rapide que prévu. Les boursicoteurs aiment la stagnation des salaires, les faibles impôts, les taux d’intérêt bas et le crédit facile: ils ont commencé à craindre que cette conjonction des astres soit quelque peu remise en cause.

La situation complexifie la tâche des banquiers centraux qui ont pris le pas sur les gouvernements dans la régulation de la conjoncture. Pour lutter contre le risque déflationniste et essayer de contribuer à la redynamisation des économies ont été mises en place, à la suite du choc de 2009-2008, des politiques monétaires d’argent facile (baisse des taux d’intérêt, achats d’obligations par les banques centrales). Elles ont favorisé l’ascension des cours boursiers à des niveaux hors de proportion avec l’évolution de l’économie réelle. Comme le souligne un rapport récent du FMI sur la stabilité financière cité par François Chesnais dans un article éclairant sur le krach et les marchés financiers [3], «il y a trop d’argent».

Avec plus ou moins de prudence, les banques centrales ont annoncé leur volonté de resserrer les vannes. Cela annonce des perturbations sur les marchés financiers. De plus, Etats, entreprises et particuliers (notamment aux Etats-Unis pour ces derniers) sont très endettés. D’après le FMI, la dette mondiale publique et privée représenterait 115’000 milliards d’euros (135’000 milliards de dollars), soit 235 % du PIB (ce ratio était inférieur à 200% du PIB en 2007). Une hausse des taux rendrait plus coûteuses les charges liées à ces dettes. En particulier, pour certains pays émergents qui ont emprunté massivement en «devises fortes» comme l’euro et le dollar américain.

Le mini-krach se reproduira d’une façon ou d’une autre. Il est significatif du caractère ploutocratique de la phase actuelle du capitalisme: elle se traduit par une course déréglée et sans limites pour le profit aux dépens des salarié·e·s, des chômeurs et retraité·e·s ainsi que par des réformes fiscales à la Trump ou à la Macron unilatéralement favorables aux plus riches et aux entreprises. Les actifs financiers mondiaux croissent de manière désordonnée. Tout cela se terminera mal. Les banquiers centraux et analystes financiers ont par intermittence des éclairs de lucidité et Christine Lagarde, la directrice du FMI, propose de nouvelles réglementations, mais ce ne sont que des fondés de pouvoir du capital. Il ne leur reste qu’une feinte assurance: «Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur», cette phrase de Jean Cocteau apparaît dans un livre sur la crise écrit par deux «sommets» de l’administration économique française [4]. (Article écrit 13 février 2018; il constitue une version longue et actualisée d’un article paru dans l’hebdomadaire L’Anticapitaliste du 8 février 2018)

https://www.investigaction.net/fr/le-krach-financier-et-son-spectre/

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Pierrot89 Membre 6 953 messages
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De quelle date parlons nous ? s'il s'agit de la dette des États (environ 96 % du PIB en France), l’État est endetté mais au profit de prêteurs donc potentiellement riches dont une grande partie sont des Français, soit individuellement soit via divers organismes donc les Français sont globalement riches.C'est à somme nulle comme les déficits commerciaux qui sont à 0 au niveau mondial par définition.

S'il s'agit de l’inéquation des revenus et du patrimoine, c'est une vrai question car ces dernières années les inégalités se sont globalement accrues dans le monde , en particulier aux USA, Chine, Inde, Afrique, Asie, Amérique du Sud mais moins en France qu'ailleurs .

La part des bénéfices des entreprises distribuée sous forme de dividende se s'est accrue en France.

 

Les banques sont plus solides que lors de la crise mondiale de 2008 en particulier en augmentant les fonds propres mais c'est encore insuffisant et l'éventualité d'une nouvelle crise mondiale, bien que relativement improbable est plausible car trop d'investissements sont effectués dans le monde irréel (spéculation) et non pour accroitre les investissement réels (industries, immobilier, éducation, santé, solidarité ...).

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